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La série Harry Potter – entre le marteau et l’enclume

L’opinion exprimée dans cet article est celle de son auteur et ne reflète pas l’avis de l’ensemble de la rédaction.

Annoncée il y a maintenant plus d’un an, la série Harry Potter reste encore, à l’heure actuelle, un projet. Malgré des rumeurs de scénaristes supposés et un objectif de diffusion en 2026, il n’y a eu aucune nouvelle annonce depuis son officialisation. Certains diront que J.K. Rowling a été confirmée comme productrice exécutive entretemps, mais cette information avait été communiquée dès le début ; internet a simplement la mémoire courte.

Alors que des pistes alternatives au reboot de la saga seraient potentiellement à l’étude, l’incertitude persistante me conforte paradoxalement dans mes premières impressions : en l’état, cette série ne pourra satisfaire personne. Obligée de ménager la chèvre et le chou, il lui sera impossible de trouver ses publics. Et je parle bien de publics au pluriel, car le fandom Harry Potter est aujourd’hui plus divisé que jamais.

Entre « anti-wokisme« , diffusion en streaming et nostalgie … La série fait face à nombres de dilemmes a priori irréconciliables, et des obstacles importants, sur lesquels je propose de nous pencher.

1. Un fandom vieillissant

Tout d’abord, pour bien comprendre les défis auxquels la série fera face, il faut avoir en tête le paradoxe du fandom vieillissant. En effet, aujourd’hui, les plus gros consommateurs de Harry Potter ne sont plus les enfants : ce sont les fans qui ont grandi avec la saga et qui sont devenus adultes. Je ne dis pas qu’aucun enfant n’aime Harry Potter, ou qu’il n’y a pas d’adolescent fan de la saga… mais ils ne constituent pas le gros du contingent potterhead.

Aujourd’hui, Harry Potter n’est plus une série unique en son genre ; il y a de très nombreuses sagas pour enfants, ados, et jeunes adultes qui rencontrent un grand succès en librairie. Les jeunes lecteurs et lectrices particulièrement fans sont souvent encouragés par un parent ou un proche qui était un fan de la première heure. Mais, dans les faits, le moteur économique du phénomène, ceux qui consomment les nombreux produits dérivés, remplissent les salles de ciné-concerts, ce sont les fans adultes.

Depuis des années, les ayant-droits cherchent à rajeunir leur public. Et c’est là une première difficulté. Warner Bros. veut conquérir « une nouvelle génération de fans » avec cette série (selon leur propre communiqué), mais ce sera, avant tout, les fans de la première heure qui feront son succès. Pour le reste du public, la série Harry Potter n’est pas particulièrement attendue. Et le « vieux » fandom, s’amenuise : il ne suffira donc pas. Il faut séduire de nouveaux fans !

Un précédent moyennement fantastique

Cependant, les attentes de fans adultes, déjà acquis à la franchise, ne sont pas les mêmes que celles de futurs fans. Ces derniers vont avoir besoin d’action, de mystère, de magie… d’un scénario qui va les happer dès les premiers épisodes. Tandis que les fans déjà acquis connaissent l’histoire. Pour eux, les premiers épisodes sont une mise en bouche qui peut se faire lentement, car ils sont déjà en attente de la suite, de telle ou telle scène qu’ils connaissent et dont ils veulent découvrir l’adaptation.

Ce n’est pas l’équilibre le plus difficile à trouver, mais la question reste complexe. Et Warner Bros. s’est déjà cassé les dents dessus avec Les Animaux fantastiques. Une partie des difficultés rencontrées par cette nouvelle saga, c’était de ne pas parvenir à trouver ses publics. Elle a attiré quelques nouveaux fans, mais pas suffisamment, et elle a eu du mal à convaincre de nombreux fans de longue date, qui s’en sont détournés.

Cette fois, il va falloir trouver la bonne recette. Ça devrait être plus facile, car les livres pourront servir de base mais, comme il ne s’agit pas du seul obstacle à surmonter, rien n’est joué.

2. Une diffusion sur (HBO) Max

Le mode de diffusion de la série ne joue pas non plus complètement en sa faveur. Tout d’abord, la multiplication des plateformes de contenu audiovisuel par abonnement commence à lasser de nombreux consommateurs. Pour suivre toutes ses séries préférées, il faut un abonnement à Netflix, Disney +, Prime, Peacock, Apple TV+… et bientôt Max. On en est au point où le piratage repart à la hausse, car la multiplication des plateformes devient trop coûteuse. Dans cette soupe, Max arrive tardivement (en Europe) et représente un abonnement de plus.

Par ailleurs, le service de streaming de Warner Bros. a une image plutôt associée à un public adulte (>30% des utilisateurs ont entre 24 et 25 ans). Encore récemment baptisée HBO Max, la plateforme est fortement associée, dans l’imaginaire collectif, aux séries de la chaîne américaine : Game of Thrones, Les Soprano, Westworld, Tchernobyl, Frères d’armes, The Last of Us… Or, la série Harry Potter visera, dans un premier temps en tout cas, un public familial.

Il y a, bien entendu, un public de fans et de non-fans déjà abonnés à Max. Ceux-ci auront accès immédiatement à la série et ils pourront gonfler le nombre de vues… mais pas les revenus. Harry Potter est censé attirer de nouveaux abonnés. La série doit justifier un investissement financier massif. Elle doit être un phénomène culturel incontournable.

Alors, que faire ? Saisir cette occasion pour faire de Harry Potter un univers plus adulte, en embrassant le côté sombre de la saga ? Tenter de convaincre des non-fans que la série en vaut suffisamment la peine pour s’abonner ? Autant des fans de longue date, déjà convaincus, pourraient décider de s’abonner par curiosité pour accéder à ce contenu, autant il en faudra plus pour séduire un nouveau public.

3. La diversité du casting et les « anti-wokes »

Dès la première annonce, la mention d’un casting « fidèle au livres, » a déclenché de nombreux débats. On ne compte plus les réactions qui s’insurgent d’avance à l’idée d’un casting « woke » (comprendre : qui ne serait pas à 98% constitué de personnes blanches et hétérosexuelles). Certains se réjouissent à l’idée que J. K. Rowling (qu’ils imaginent être la reine des « anti-wokistes » de par son militantisme transphobe) s’opposera à ce que plus de diversité soit intégrée à sa galerie de personnages.

Pourtant Rowling a ouvertement soutenu le casting d’une actrice de couleur pour incarner Hermione Granger au théâtre et affirmé que celui-ci était fidèle aux livres. La « fidélité aux livres » n’impliquent donc pas un casting aussi blanc que celui des films. Au contraire, à l’heure actuelle, une série TV si peu diversifiée sera, à raison, critiquée. Le jeune public attend une meilleure représentation à l’écran. Le succès de la série Percy Jackson confirme par ailleurs que choisir une actrice noire aux cheveux bruns (Leah Jeffries) dans le rôle d’un personnage explicitement décrit comme blanc et blond (Annabeth Chase) ne fait pas couler un projet. Et, encore une fois, c’est ce jeune public, ce nouveau public, qu’il faut aussi séduire.

Rowling se présente comme une progressiste, défenseuse des personnes LGBT (oui, même le T, selon elle), et elle aura sans doute à cœur de le prouver. On peut s’attendre, a minima, à une Hermione de couleur, dans la lignée de Harry Potter et l’enfant maudit. (Bien sûr, il n’y aura pas de « Ron homosexuel bouddhiste joué par un acteur philippin… » mais, de toute façon, personne n’attend ça. Ce genre d’idée ne se trouve que dans les commentaires supposément ironiques d’idéologues qui veulent tourner en ridicule la notion de diversité).

« Vous reprendrez bien un peu de polémique ? »

Quoi qu’il en soit, la série Harry Potter se trouve face à un dilemme : pour vivre avec son temps, elle devra intégrer plus de diversité que les films dans son casting. Cependant, certains des soutiens les plus fervents à l’heure actuelle sont des « anti-wokistes » qui crieront au scandale lorsque la série fera le choix de la diversité, avec le soutien de puristes facilement radicalisés.

D’un autre côté, les fans les plus progressistes, qui seraient les premiers en temps normal à célébrer une casting plus inclusif, sont également nombreux à vouloir marquer leur désaccord envers ce que représente aujourd’hui Rowling à leurs yeux. Ils et elles sont, au mieux tiraillés, au pire carrément opposés au projet.

Au final, quel que soit le casting, une communauté dont la série ne peut pas se passer pour réussir sera aliénée. Et n’allons pas croire que ce serait comparable à un « boycott » de Hogwarts Legacy ! On parle ici d’un contenu déjà vu, d’un reboot sorti de nulle part… pas d’un jeu attendu depuis des années et complètement inédit. Un contenu, par ailleurs, plus facile à pirater et confronté à un frein de consommation (énième abonnement) bien plus conséquent.

4. Le militantisme de J. K. Rowling

En parlant de polémique prévisible, la situation avec l’autrice de la saga (et productrice de la série) ne semble pas prête de se résoudre. J.K. Rowling s’enfonce toujours plus dans son militantisme transphobe, qui est déjà de plus en plus difficile à ignorer pour les fans. Plus le temps passe, plus les publications sur le sujet polarisent les opinions.

Ceux qui ne cherchent pas plus d’informations que ça, et qui se sont arrêtés à ses premiers tweets (alors qu’il y en a eu des dizaines depuis) vont forcément être de plus en plus exposés au sujet et confrontés à la réalité. Si certains se rangeront ouvertement du côté de l’autrice, d’autres ouvriront les yeux sur la tournure discriminatoire de son discours (voir notre article « Transphobie : Qu’à réellement dit J. K. Rowling ?« ). Rappelons que une majorité de la population soutient les personnes transgenres et que la proportion est plus importante dans les jeunes tranches de la population : ce fameux nouveau public qu’il faut conquérir.

Les équipes de Warner Bros. vont donc devoir résoudre un casse-tête en matière de communication. Plus la série sera visible, plus le militantisme de J. K. Rowling le sera également. Et plus tout l’univers de Harry Potter sera associé à ce sujet. Tenter de l’occulter, comme cela a été le cas lors de la sortie du film Les Animaux fantastiques : Les secrets de Dumbledore ou avec la réunion 20 ans plus tard, ne fonctionnera pas non plus, et provoquera l’ire des « anti-wokistes« .

5. Ça ne ressemble pas à Poudlard

Enfin, déjà abordée précédemment dans l’un de nos articles, la question des décors représente un véritable défi. Les décors de la saga sont devenus véritablement iconiques ; ils sont fortement identifiables, et de nombreuses attractions touristiques très rentables reposent sur leur image. Parcs d’attractions, Studio Tour… Les fans sont très attachés à la représentation du monde magique, et particulièrement de Poudlard, qu’on trouve dans les films et les jeux vidéo.

La série va devoir renouveler ses décors, afin de justifier son existence, mais elle sera confrontée à la nostalgie des fans. On sait que certains sont tellement attachés aux films qu’ils refusent de voir les personnages représentés autrement, incarnés par d’autres acteurs, et qu’ils n’associent à la saga que les représentations officielles déjà établies. Il va falloir les séduire, autant que le nouveau public… mais sans pour autant « remplacer » dans leur cœur le Poudlard original, qui fait tourner les attractions actuelles.

En revanche, garder une iconographie trop proche de celle des films risque d’amoindrir l’intérêt envers la série. Proposer du déjà-vu ne va pas donner envie aux fans de se plonger dans ce contenu qui se différencierait peu de ce qui est déjà disponible.

Condamnée d’avance ?

Il existe des solutions pour contourner certains des défis majeurs évoqués ici. Pour l’iconographie de Poudlard, la série pourrait, par exemple, s’appuyer sur le château du jeu Hogwarts Legacy, qui rappelle suffisamment celui des films tout en adoptant un style bien à lui. A voir si cela suffirait, cependant, pour conserver l’effet « waouh » des parcs d’attractions.

Séduire les nouveaux fans tout en attirant les anciens peut passer par un scénario solide, qui se permet des entorses à la chronologie des livres et explore des scènes inédites. Imaginez des épisodes entiers consacrés à la fondation de Poudlard pendant la saison consacrée à La Chambre des secrets, ou la scène de l’assassinat (supposé) de Peter Pettigrow dès la saison 1, pour établir le personnage de Sirius Black. Reste à voir quel degré de liberté sera pris, et quels risques au cas où la série n’irait pas au bout.

Il est certain que le projet ne pourra jamais faire l’unanimité. La question qui se pose réellement est : pourra-t-il séduire plus de fans, anciens comme nouveaux, qu’il n’en fera perdre à la saga ? Suffisamment pour justifier d’aller jusqu’au bout, contrairement à de nombreuses séries, où à la dernière tentative du Wizarding World au cinéma ?

L’avenir nous le dira. En attendant, la tâche est beaucoup plus complexe qu’elle ne pourrait en avoir l’air.

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