J. K. Rowling répond aux accusations de transphobie
Les propos ouvertement transphobes de J. K. Rowling postés sur Twitter ces derniers jours ont soulevé une vague de réactions vives à travers le monde. De nombreuses personnalités liées à la saga lui ont répondu, à travers des déclarations fortes sur les droits des trans. Parmi elles : Daniel Radcliffe, Emma Watson, Rupert Grint, Eddie Redmayne ou encore Bonnie Wright et Katie Leung.
Warner Bros. s’est également exprimé, dans une déclaration largement qualifiée de vague et creuse.
Les événements de ces dernières semaines ont renforcé notre détermination, en tant qu’entreprise, à faire face à des questions sociétales difficiles. La position de Warner Bros. sur l’inclusivité est bien établie, et la promotion d’une culture diversifiée et inclusive n’a jamais été aussi importante pour notre entreprise et notre public dans le monde entier. Nous apprécions profondément le travail de nos auteurs, qui donnent tellement d’eux-mêmes en partageant avec nous leurs créations. Nous reconnaissons qu’il est de notre responsabilité de favoriser l’empathie et de défendre les droits de toutes les communautés et de tous les individus, en particulier celles avec qui nous travaillons et celles que nous touchons par le biais de notre contenu.
Warner Bros. pour Variety
Face à ces prises de positions, J.K. Rowling a publié, ce 10 juin, un long billet sur son site internet officiel, qu’elle a ensuite relayé sur Twitter. C’est la première fois qu’elle prend la parole pour tenter d’expliquer ses propos, les contextualiser, ou défendre réellement son opinion sur le sujet.
Nous avons traduit le texte en intégralité, afin de le commenter et de donner accès à une version qui ne serait pas uniquement le fruit d’un traducteur automatique, prompt aux erreurs. Il ne reflète pas l’opinion de la rédaction. Le texte ne contient aucune excuse adressées à celleux qui ont été blessé.e.s par les propos de l’autrice ; si vous en espériez ou en cherchiez, sachez simplement que vous n’en trouverez pas.
Mise en garde : Ce texte contient des propos qui peuvent affecter la sensibilité des enfants, des personnes confrontées aux violences conjugales et/ou abus sexuels et celle des personnes trans.
Une série de mot-ancre vous permettront de naviguer entre la traduction et le commentaire de chaque paragraphe. Il est fortement recommandé de lire le décryptage, car Rowling présente des arguments reposant sur des études décriées, aux implications parfois peu évidentes et contradictoires.
Le texte contient en effet de nombreux chiffres non-sourcés, ainsi que des erreurs factuelles ; par exemple, le fait que, selon J.K. Rowling, donner accès aux femmes trans aux toilettes des femmes pourrait mener à davantage d’agressions de la part des hommes, alors que les femmes trans ont légalement accès aux toilettes des femmes depuis 2010 aux Royaume-Uni, et qu’aucune augmentation d’agression n’a été enregistrée. L’idée également que faciliter le changement des documents d’identité va changer les modalités d’accès aux espaces genrés, alors que personne ne vérifie votre acte de naissance lorsque vous allez aux toilettes ou dans une cabine d’essayage. De telles lois sont déjà en place dans de nombreux pays dans le monde, sans que les « prédictions » de Rowling et de ses allié.e.s ne se soient concrétisées.
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- La traduction réalisée par la Gazette du Sorcier ne peut pas être partagée sans le décryptage qui l’accompagne et les crédits adéquats.
Traduction intégrale de la déclaration de J. K. Rowling
« Ce n’est pas une tribune facile à écrire, pour des raisons qui deviendront bientôt évidentes, mais je sais qu’il est temps de m’expliquer sur un sujet entouré de toxicité. J’écris ceci sans aucune volonté d’aviver cette toxicité.
Pour ceux qui ne le savent pas : en décembre dernier, j’ai posté un tweet indiquant mon soutien à Maya Forstater, une experte fiscale qui avait perdu son emploi pour des tweets jugés « transphobes ».[i] Elle a porté son affaire devant un tribunal du travail, et demandé au juge de se prononcer sur la protection juridique de la croyance philosophique selon laquelle le sexe est déterminé par la biologie.[ii] Le juge Tayler a statué que cette croyance n’était pas protégée.
Mon intérêt pour la question de la trans-identité précède le procès de Maya de près de deux ans, pendant lesquels j’ai suivi de près le débat autour du concept d’identité de genre. J’ai rencontré des personnes trans, j’ai lu divers livres, blogs et articles, écrits par des personnes trans, des spécialistes du genre, des personnes intersexes, des psychologues, des experts en protection de l’enfance, des travailleurs sociaux et des médecins, et j’ai suivi les discussions en ligne et dans les médias traditionnels.[iii] D’un côté, mon intérêt pour ce sujet est professionnel, car j’écris une série de romans policiers, qui se déroulent à notre époque, et ma détective fictive est en âge de s’intéresser à ces questions et d’y être confrontée, mais c’est aussi profondément personnel, comme je vais l’expliquer.[iv]
Pendant tout le temps que j’ai passé à faire des recherches, à apprendre, des accusations et des menaces de la part d’activistes trans sont apparues dans mon fil Twitter. Au départ, cela a été déclenché par un « j’aime ». Lorsque j’ai commencé à m’intéresser à l’identité de genre et aux questions relatives à la transidentité, je me suis mise à faire des captures d’écran des commentaires qui m’intéressaient, afin de me rappeler ce sur quoi je pourrais vouloir faire des recherches plus tard.[v] Un jour, sous le coup de la distraction, j’ai « aimé » un tweet au lieu d’en faire une capture d’écran. Ce simple « j’aime » a été considéré comme une preuve de mauvaise pensée, et un harcèlement subtil mais persistant s’est mis en place.[vi]
Des mois plus tard, j’ai aggravé mon crime de « j’aime » accidentel en m’abonnant à Magdalen Burns sur Twitter. Magdalen était une jeune féministe lesbienne immensément courageuse et mourante, atteinte d’une grave tumeur cérébrale.[vii] Je me suis abonnée à son profil parce que je voulais la contacter, ce que j’ai réussi à faire. Cependant, comme Magdalen croyait profondément en l’importance du sexe biologique, et considérait que les lesbiennes ne devraient pas être traitées d’intolérantes parce qu’elles refusaient de sortir avec des femmes trans ayant un pénis.[viii] Les activistes trans sur Twitter en ont tiré des conclusions, et le niveau d’attaque sur les réseaux sociaux a augmenté.
Je mentionne tout cela uniquement pour expliquer que je savais parfaitement ce qui allait se passer lorsque j’ai soutenu Maya. Je devais en être à mon quatrième ou cinquième « boycott » [Ndlr : en référence à la cancel-culture] à ce moment-là.[ix] Je m’attendais aux menaces, à ce qu’on me dise que je tuais littéralement les trans avec ma haine, à me faire traiter de salope, de connasse et, bien sûr, à ce que mes livres soient brûlés, bien qu’un homme particulièrement violent m’ait dit qu’il les avait compostés.[x]
Ce à quoi je ne m’attendais pas à la suite de ce « boycott », c’était l’avalanche de mails et de lettres qui s’est abattue sur moi, dont l’écrasante majorité était positive, reconnaissante et encourageante. Elles provenaient de personnes aimables, empathiques et intelligentes, dont certaines travaillaient dans des domaines traitant de la dysphorie de genre et des personnes trans, et toutes traduisaient une profonde inquiétude sur la façon dont un concept sociopolitique influence la politique, la pratique médicale et la protection de l’enfance. Elles s’inquiétaient des dangers qui menacent les jeunes, les homosexuels, et de l’érosion des droits des femmes et des filles. Par-dessus tout, elles s’inquiétaient d’un climat de peur qui ne sert personne, et encore moins les jeunes transgenres.[xi]
Je m’étais éloignée de Twitter pendant plusieurs mois, avant et après avoir tweeté mon soutien à Maya, parce que je savais que c’était nocif pour ma santé mentale. Je suis seulement revenue parce que je voulais partager gratuitement un livre pour enfants pendant la pandémie [Ndlr : The Ickabog]. Immédiatement, des militants, qui se pensaient manifestement bons, gentils et progressistes, ont afflué dans mon fil Twitter, présupposant un droit de monitorer mon discours, m’ont accusé de haine,[xii] m’ont traité de tous les noms les plus misogynes possibles et, comme le savent toutes les femmes participant à ce débat, de TERF.[xiii]
Si vous ne le saviez pas déjà – et pourquoi le devriez-vous ? – TERF est un acronyme créé par des militants trans, qui signifie Trans-Exclusionary Radical Feminist [Ndlr : Féministes Radicales Excluant les Trans]. Dans la pratique, un large échantillon de femmes sont actuellement appelées « TERF », et la grande majorité d’entre elles n’ont jamais été féministes radicales. Les exemples de ces soi-disant TERF vont de la mère d’un enfant gay qui craignait que son enfant ne veuille transitionner pour échapper à l’homophobie, à la vieille dame, jusqu’ici pas du tout féministe, qui a juré de ne plus jamais se rendre chez Marks & Spencer parce qu’ils autorisent tout homme qui dit s’identifier comme une femme à entrer dans les cabines d’essayage pour femmes.[xiv] Ironiquement, les féministes radicales ne sont même pas exclusionnaires des trans – elles incluent les hommes trans dans leur féminisme, parce qu’ils sont nés femmes.[xv]
Mais les accusations de « TERF » ont été suffisantes pour intimider de nombreuses personnes, institutions, et organisations que j’admirais autrefois, qui se sont recroquevillés devant des méthodes de cour de récréation. « Ils nous traiteront de transphobes ! » ; « Ils diront que je déteste les transgenres ! » Et ensuite, ils diront que vous avez des puces ?[xvi] En tant que femme biologique,[xvii] beaucoup de personnes en position de pouvoir ont vraiment besoin de se faire pousser une paire [de couilles] (ce qui est sans doute littéralement possible, selon les personnes qui soutiennent que les poissons-clowns prouvent que les humains ne sont pas une espèce dimorphe).[xviii]
Alors pourquoi je fais cela ? Pourquoi parler ? Pourquoi ne pas faire mes recherches tranquillement et garder la tête baissée ?
Eh bien, j’ai cinq raisons de m’inquiéter du nouveau militantisme trans et qui m’ont poussé à parler à ce sujet.[xix]
Tout d’abord, j’ai une fondation qui vise à réduire la misère sociale en Écosse, en mettant particulièrement l’accent sur les femmes et les enfants. Entre autres choses, ma fondation soutient des projets pour les femmes détenues et pour les survivantes d’abus domestiques et sexuels.[xx] Je finance également la recherche médicale contre la sclérose en plaques, une maladie qui touche différemment les hommes et les femmes.[xxi] Il est clair pour moi depuis un certain temps que le nouveau militantisme trans a (ou aura probablement, si toutes ses exigences sont satisfaites) un impact significatif sur de nombreuses causes que je soutiens, car il pousse à éroder la définition légale du sexe et à la remplacer par celle du genre.[xxii]
La deuxième raison est que je suis une ancienne professeure et la fondatrice d’une association caritative dédiée aux enfants [NdlR : Lumos], ce qui me confère un intérêt légitime, tant pour l’éducation que la protection de l’enfance. Comme beaucoup d’autres, je suis très préoccupée par les conséquences qu’a ce mouvement pour les droits des trans dans ces deux domaines.[xxiii]
La troisième est qu’en tant qu’autrice censurée à plusieurs reprises, je m’intéresse à la liberté d’expression et l’ai défendue publiquement, y compris celle de Donald Trump.[xxiv]
La quatrième est celle où les choses commencent à devenir vraiment personnelles. Je m’inquiète de l’explosion du nombre de jeunes femmes qui souhaitent transitionner, mais aussi du nombre croissant de celles qui semblent détransitionner (revenir à leur sexe d’origine), parce qu’elles regrettent d’avoir pris des mesures qui ont, dans certains cas, transformé leur corps de manière irréversible et leur ont ôté leur fertilité. Certaines disent avoir décidé de transitionner après avoir réalisé qu’elles étaient homosexuelles, et que cette transition était en partie motivée par l’homophobie, soit de la société, soit de leur famille.[xxv]
La plupart des gens n’ont probablement pas conscience – je ne l’étais certainement pas, jusqu’à ce que je commence à faire de sérieuses recherches sur la question – qu’il y a dix ans, la majorité des personnes souhaitant transitionner étaient des hommes. Ce rapport s’est aujourd’hui inversé. Le Royaume-Uni a connu une augmentation de 4 400 % du nombre de filles envoyées chez un médecin pour un traitement de transition.[xxvi] Les filles atteintes d’autisme sont largement surreprésentées dans leurs statistiques.[xxvii] [xxviii]
Le même phénomène a été observé aux États-Unis. En 2018, Lisa Littman, médecin et chercheuse américaine, a entrepris de l’étudier.[xxix] Dans une interview, elle a déclaré :
Sur Internet, les parents décrivaient un schéma très inhabituel d’identification trans, où plusieurs amis, et même des groupes d’amis entiers, s’identifiaient en même temps comme transgenres. J’aurais été négligente si je n’avais pas considéré la contagion sociale et l’influence des pairs comme des facteurs potentiels. »
Littman a mentionné Tumblr, Reddit, Instagram et YouTube comme facteurs contribuant à la dysphorie de genre à déclenchement rapide, où elle estime que dans le domaine de l’identification des transgenres, “les jeunes ont créé des espaces d’échanges isolés, où ces idées prolifèrent et s’amplifient ».
Son article a provoqué un tollé. Elle a été accusée de partialité et de diffusion d’informations erronées sur les personnes transgenres, victime d’un tsunami d’injures et d’une campagne organisée visant à discréditer à la fois son travail et elle-même. Le journal a retiré l’article et l’a revu avant de le republier.[xxx] Cependant, sa carrière a connu des conséquences similaires à celles subies par Maya Forstater. Lisa Littman avait osé remettre en question l’une des doctrines centrales du militantisme trans, à savoir que l’identité de genre d’une personne est innée, comme l’orientation sexuelle. Personne, insistaient les militants, ne pourrait jamais être forcé à devenir trans.[xxxi]
L’argument de nombreux militants trans actuels est que, si vous ne laissez pas les adolescents dysphoriques transitionner, ils se suicideront. Dans un article expliquant pourquoi il a démissionné de la Tavistock (une clinique de genre du NHS [Ndlr : National Health Service – Service de Soins National] en Angleterre), le psychiatre Marcus Evans a déclaré que les affirmations selon lesquelles les enfants se suicideraient s’ils n’étaient pas autorisés à faire la transition ne « correspondent, de manière substantielle, à aucune donnée ou études solides dans ce domaine. Elles ne correspondent pas non plus aux cas que j’ai rencontrés au cours de mes dizaines d’années d’exercice en tant que psychothérapeute ».[xxxii]
Les écrits des jeunes transgenres montrent qu’ils forment un groupe de personnes particulièrement sensibles et intelligentes. Plus je lisais leurs récits sur la dysphorie, avec leurs descriptions éclairées de l’anxiété, de la dissociation, des troubles alimentaires, de l’automutilation et de la haine de soi, plus je me demandais si, si j’étais née 30 ans plus tard, j’aurais pu, moi aussi, essayer de transitionner. L’idée d’échapper à la féminité aurait été très séduisante. J’ai été confrontée à de graves troubles obsessionnels-compulsifs pendant mon adolescence. Si j’avais trouvé, sur Internet, une communauté et une compassion que je ne pouvais pas trouver dans mon environnement immédiat, je crois que j’aurais pu être persuadée de devenir le fils que mon père avait ouvertement dit qu’il aurait préféré avoir.[xxxiii]
En lisant des articles sur la théorie du genre, je me souviens à quel point j’étais incapable de me voir comme un être sexué dans ma jeunesse. Je me souviens de la description de Colette comme « hermaphrodite mentale » et des mots de Simone de Beauvoir :
Il est parfaitement naturel que la future femme s’indigne des limites que lui impose son sexe. La vraie question n’est pas de savoir pourquoi elle doit les rejeter : le problème est plutôt de comprendre pourquoi elle les accepte.
Comme je n’avais pas de vraie possibilité de devenir un homme dans les années 1980, ce sont les livres et la musique qui m’ont permis de surmonter mes problèmes de santé mentale ainsi que la surveillance et la sexualisation constante qui poussent tant de filles à faire la guerre à leur corps à l’adolescence. Heureusement pour moi, j’ai retrouvé ce sentiment d’aliénation, cette ambivalence de ma condition de femme, dans le travail d’écrivaines, de musiciennes, qui m’ont rassuré sur le fait que, malgré tout ce que ce monde sexiste essayait d’imposer au corps féminin, il n’y avait rien de mal à ne pas se retrouver dans le rose, les froufrous, la docilité ; il n’y avait rien de mal à se sentir perdue, ténébreuse, à la fois sexuelle et non-sexuelle, incertaine de ce que l’on est ou de qui l’on est.[xxxiv]
Je tiens à être très claire sur ce point : je sais que la transition sera une solution pour certaines personnes dysphoriques, mais je sais aussi que des études ont démontré que pour 60 à 90 % des adolescents dysphoriques, cette dysphorie passera avec l’âge.[xxxv] On m’a répété de « rencontrer des personnes trans ». C’est ce que j’ai fait : en plus de quelques jeunes gens, qui étaient tous adorables, il se trouve que je connais une femme, merveilleuse et plus âgée que moi, qui se décrit elle-même comme une femme transsexuelle. Bien qu’elle parle ouvertement de son passé comme homme gay, j’ai toujours eu du mal à la considérer autrement que comme une femme, et je crois (et j’espère) qu’elle est heureuse d’avoir transitionné.[xxxvi] Cependant, étant plus âgée, elle a subi un long et rigoureux processus d’évaluation, de psychothérapie et de transformation progressive. L’explosion actuelle du militantisme transgenre demande la suppression de presque tous les systèmes établis par lesquels les candidats au changement de sexe devaient autrefois passer. Un homme, qui n’a pas l’intention de subir une opération ou de prendre des hormones, peut désormais obtenir un certificat de reconnaissance de genre et être considéré une femme aux yeux de la loi.[xxxvii] Beaucoup de gens n’en sont pas conscients.
Nous vivons la période la plus misogyne que j’ai connue.[xxxviii] Dans les années 80, j’imaginais que mes futures filles, si j’en avais un jour, s’en sortiraient bien mieux que moi, mais entre les mouvements anti-féminisme et l’omniprésence de la pornographie en ligne, j’ai l’impression que les choses ont considérablement empiré pour les jeunes filles. Je n’ai jamais vu de femmes dénigrées et déshumanisées à ce point. Du leader du monde libre [Ndlr : Donald Trump] avec son long historique d’accusations d’agressions sexuelles et sa fierté de les « prendre par la chatte« , au mouvement incel (« célibataires involontaires ») qui s’en prend aux femmes qui refusent de coucher avec eux, jusqu’aux activistes trans qui déclarent que les TERF ont besoin d’être punies et rééduquées, les hommes de tout l’éventail politique semblent s’accorder sur un point : les femmes cherchent à s’attirer des ennuis.[xxxix] Partout, on dit aux femmes de se taire et de s’asseoir, sinon, gare à elles.[xl]
J’ai lu tous les arguments sur le fait que la féminité ne réside pas dans le corps sexué, les affirmations selon lesquelles les femmes biologiques n’ont pas une expérience unique, et les trouve, elles aussi, profondément misogynes et régressives. Il est également évident qu’un des objectifs de la négation de l’importance du sexe est d’éroder l’idée selon laquelle les femmes ont leurs propres réalités biologiques, ce que certains semblent considérer férocement ségrégationniste ou – tout aussi menaçant – des réalités communes qui font d’elles une classe politique cohérente.[xli] Les centaines de courriels que j’ai reçues ces derniers jours prouvent que cette érosion inquiète beaucoup d’autres personnes. Ce n’est pas suffisant que les femmes soient des alliées des personnes trans. Les femmes doivent accepter et admettre qu’il n’y a pas de différence physique entre les femmes trans et elles-mêmes.
Mais, comme beaucoup de femmes l’ont dit avant moi, « femme » n’est pas un costume. La « femme » n’est pas un concept dans la tête d’un homme.[xlii] La « femme » n’est pas un cerveau rose, un penchant pour les Jimmy Choos, ou toute autre idée sexiste aujourd’hui présentée comme progressiste.[xliii] En outre, le langage « inclusif » qui qualifie les femmes de « menstruées » et de « vulvaires » est déshumanisant et dégradant pour de nombreuses femmes.[xliv] Je comprends en quoi les militants trans considèrent ce langage comme approprié et respectueux, mais pour celles d’entre nous qui ont été la cible d’insultes dégradantes de la part d’hommes violents, ça n’a rien de neutre, c’est hostile et aliénant.[xlv]
Ce qui m’amène à la cinquième raison pour laquelle je suis profondément préoccupée par les conséquences de l’activisme trans actuel.
Je suis une personnalité publique depuis plus de vingt ans maintenant, et je n’ai jamais parlé publiquement de mon statut de survivante de violence domestique et d’agression sexuelle. Ce n’est pas parce que j’ai honte que ces choses me soient arrivées, mais parce que c’est traumatisant d’y repenser et de s’en souvenir. Je me sens également protectrice envers ma fille née de mon premier mariage. Je ne voulais pas revendiquer la propriété exclusive d’une histoire qui est aussi la sienne. Cependant, il y a peu de temps, je lui ai demandé comment elle se sentirait si je parlais publiquement de cette partie de ma vie, et elle m’a encouragée à le faire.
Je mentionne ces choses maintenant, non pas pour tenter de provoquer la compassion, mais par solidarité avec le grand nombre de femmes qui ont une histoire similaire à la mienne, qui ont été traitées d’intolérante ou de bigote, parce qu’elles émettaient des réserves au sujet des espaces réservés aux personnes du même sexe.
J’ai réussi à échapper, avec difficulté, à mon premier mariage violent, je suis maintenant mariée à un homme vraiment bon et honorable, saine et sauve comme jamais je n’aurais pu imaginer l’être un jour. Cependant, les cicatrices laissées par les violences physiques et agressions sexuelles ne disparaissent pas, peu importe l’amour que l’on vous donne ou l’argent que vous avez gagné. Mon éternelle nervosité est une plaisanterie familiale – et, j’en ris moi-même – mais je prie pour que mes filles n’aient jamais les mêmes raisons que moi de détester les bruits forts et soudains, ou de voir des gens se tenir derrière moi alors que je ne les ai pas entendus approcher.[xlvi]
Si vous pouviez entrer dans ma tête et comprendre ce que je ressens lorsque je lis qu’une femme transgenre est morte entre les mains d’un homme violent, vous y verriez de la solidarité et de l’accointance. Je peux ressentir, viscéralement, la terreur avec laquelle ces femmes trans auront passé leurs derniers instants sur Terre, car j’ai moi aussi connu des moments de peur panique où je savais que la seule chose qui me maintenait en vie était la retenue incertaine de mon agresseur.
Je pense que la majorité des personnes qui s’identifient comme trans, non seulement ne représentent aucune menace pour les autres, mais sont également vulnérables pour toutes les raisons que j’ai exposées. Les personnes trans ont besoin et méritent d’être protégées. Comme les femmes, elles sont plus susceptibles d’être tuées par leurs partenaires. Les femmes trans qui travaillent dans l’industrie du sexe, en particulier les femmes trans de couleur, sont particulièrement menacées. Comme toutes les autres survivantes de violence domestique et d’agression sexuelle que je connais, je ne ressens que de l’empathie et de la solidarité envers les femmes transgenres qui ont été maltraitées par des hommes.[xlvii]
Je veux donc que les femmes trans soient en sécurité. Mais pour autant, je ne veux pas que les femmes et les jeunes filles biologiques soient moins en sécurité.[xlviii] Lorsque vous ouvrez les portes des toilettes et des vestiaires à tout homme qui croit ou pense être une femme – et, comme je l’ai dit, les certificats de genre peuvent désormais être accordés sans qu’il soit nécessaire de recourir à une opération ou à des hormones – alors vous ouvrez la porte à tous les hommes qui souhaitent entrer. C’est la simple vérité.[xlix]
Samedi matin, j’ai lu que le gouvernement écossais poursuivait son projet controversé pour la reconnaissance du genre, ce qui signifierait, en pratique, que tout ce dont un homme a besoin pour « devenir une femme » est de dire qu’il en est une.[l] Pour utiliser une expression très actuelle, ça a ravivé un traumatisme [NdlR : « triggered » dans la version originale,]. Rongée par les attaques incessantes des activistes trans sur les réseaux sociaux, alors que je n’étais là que pour réagir aux dessins que les enfants avaient réalisé pour mon livre pendant le confinement,[li] j’ai passé une grande partie de la journée du samedi à broyer du noir, car les souvenirs d’une grave agression sexuelle que j’ai subie lorsque j’avais une vingtaine d’années tournaient en boucle dans ma tête. Cette agression s’était produite à un moment où j’étais vulnérable, et un homme a profité de cette opportunité. Je ne pouvais pas chasser ces souvenirs et j’avais du mal à contenir ma colère et ma déception face à la façon dont, selon moi, mon gouvernement joue avec la sécurité des femmes et des jeunes filles.
Tard le samedi soir, en faisant défiler les dessins des enfants avant d’aller me coucher, j’ai oublié la première règle de Twitter – ne jamais, jamais, s’attendre à une conversation nuancée – et j’ai réagi à ce que j’ai ressenti comme un langage dégradant vis-à-vis des femmes. J’ai parlé de l’importance du sexe et j’en ai payé le prix depuis. J’étais transphobe, j’étais une connasse, une salope, une TERF, je méritais d’être boycottée, frappée et tuée.[lii] « Vous êtes Voldemort » a dit une personne, sentant clairement que c’était la seule langue que je comprendrais.
Il serait tellement plus facile de tweeter les hashtags convenus – car, évidemment, les droits des trans sont des droits de l’Homme, et évidemment que la vie des trans compte – de collecter les bons points et se complaire dans un sentiment de bien-pensance fort satisfaisant. La conformité est vectrice de joie, de soulagement et de sécurité. Comme l’a également écrit Simone de Beauvoir :
(…) sans aucun doute, il est plus confortable de subir un esclavage aveugle que de travailler à sa libération ; les morts aussi sont mieux adaptés à la terre que les vivants.
Un grand nombre de femmes sont à juste titre terrifiées par les activistes trans ; je le sais parce que beaucoup d’entre elles m’ont contactée pour me raconter leur histoire.[liii] Elles ont peur de subir du doxing [Ndlr : qu’on diffuse des informations à caractère privé sur une personne dans le seul but de lui nuire], de perdre leur emploi ou leurs moyens de subsistance, et de la violence.[liv]
Mais aussi désagréable que soit le fait qu’on me prenne constamment pour cible, je refuse de m’incliner devant un mouvement qui, à mon avis, cause un tort indubitable en cherchant à éroder la « femme » en tant que classe politique et biologique, et en offrant une protection à des prédateurs comme peu d’autres l’ont fait avant lui.[lv] Je me tiens aux côtés des femmes et des hommes courageux, gays, hétéros et trans, qui défendent la liberté d’expression et de pensée, ainsi que les droits et le bien-être de certaines des personnes les plus vulnérables de notre société : les jeunes gays, les adolescents fragiles et les femmes qui dépendent des lieux accessibles uniquement aux femmes et souhaitent les conserver.[lvi] Les sondages montrent que ces dernières représentent une majorité des femmes et n’excluent que les privilégiées ou les personnes qui ont eu la chance de ne jamais avoir été confrontées à la violence ou aux agressions sexuelles masculines et qui n’ont jamais fait l’effort de s’informer sur leur omniprésence.[lvii]
La seule chose qui me donne de l’espoir est que les femmes qui peuvent protester et s’organiser le font, et qu’elles ont à leurs côtés des hommes et des personnes transgenres décentes. Les partis politiques qui cherchent à minimiser les voix les plus fortes dans ce débat ignorent les préoccupations des femmes à leurs risques et périls. Au Royaume-Uni, les femmes se rapprochent les unes des autres par-delà des lignes de parti, préoccupées par l’érosion de leurs droits durement acquis et par l’intimidation généralisée. Aucune des femmes opposées au concept de genre à qui j’ai parlé ne déteste les personnes transgenres ; au contraire. Beaucoup d’entre elles se sont intéressées à cette question en premier lieu parce qu’elles s’inquiétaient pour les jeunes personnes trans, et sont extrêmement compréhensives envers les adultes trans qui veulent simplement vivre leur vie, mais qui font face à des réactions très virulentes à cause d’un activisme qu’ils n’approuvent pas.[lviii] L’ironie suprême est que la tentative de faire taire les femmes avec le mot « TERF » semblerait avoir poussé encore plus de jeunes femmes vers un féminisme radical que le mouvement n’en a connu depuis des décennies.[lix]
La dernière chose que je souhaite dire est la suivante. Je n’ai pas écrit cet essai dans l’espoir que quiconque sorte les violons pour moi, même pas un tout petit. Je suis extraordinairement chanceuse ; je suis une survivante, certainement pas une victime. Je n’ai mentionné mon passé que parce que, comme tout autre être humain sur cette planète, j’ai une histoire complexe, qui façonne mes peurs, mes intérêts et mes opinions. Je n’oublie jamais cette complexité intérieure lorsque je crée un personnage de fiction et je ne l’oublie certainement pas lorsqu’il s’agit de personnes trans.
Tout ce que je demande – tout ce que je veux – c’est que la même empathie, la même compréhension, soit étendue aux millions de femmes dont le seul crime est de vouloir que leurs inquiétudes soient entendues, sans recevoir menaces et injures en retour.[lx] «
Commentaire
Cet article est rédigé par plusieurs hommes et femmes cis-genres.
Merci aux personnes concernées qui ont accepté de le relire.
J.K. Rowling soulève dans son texte de nombreux sujets importants autour de la question du genre, bien sûr, mais aussi des violences faites aux femmes, du patriarcat et de nombreuses autres luttes. Il est donc nécessaire de rappeler que les luttes contre l’excision, les violences conjugales ou la culture du viol, l’accès aux produits périodiques et bien d’autres, sont légitimes et aucunement remises en question. Malheureusement, ces luttes servent ici à noyer les propos transphobes réaffirmés par l’autrice sous couvert de bienveillance et de recherches personnelles.
Quelques notions importantes :
- Il est possible de tenir un propos transphobe/raciste/sexiste sans activement appeler à la discrimination. Une personne devient transphobe/raciste/sexiste lorsqu’elle décide de maintenir son propos problématique sans le remettre en question.
- Être qualifié de transphobe/raciste/sexiste n’est pas une insulte. Dès lors qu’on nous explique le pourquoi le propos est problématique et qu’on cherche à se remettre en question.
- On peut tenir des propos transphobes/racistes/sexistes sans mauvaise intention derrière, d’où l’importance de s’éduquer, d’écouter les personnes concernées et de se remettre en question.
- L’égalité et les luttes ne sont pas un jeu à somme nulle. Accorder des droits à une minorité (ex : les personnes trans), ou lutter contre les discriminations à son encontre, n’est pas incompatible avec les droits d’autres minorités opprimées (ex : les femmes cisgenres).
- Cisgenre n’est pas une insulte. « Cisgenre », ou « cis », veut dire « dont l’identité de genre correspond à celle présumée à la naissance« , par opposition à « trans ». Dérivé du latin : « aligné / du même côté », l’adjectif n’efface aucunement les discriminations vécues par les femmes. Toutes les femmes cis sont des femmes ; toutes les femmes trans sont des femmes ; « les femmes », sans précision, comprend à la fois les femmes cis et les femmes trans… De la même manière que être « un être humain » n’empêche personne d’être une femme, un homme, une personne agenre… (et inversement).
Ce commentaire a été rédigé en s’appuyant notamment sur ces textes en anglais
- La lettre ouverte de Mermaids UK, association LGBTQ+ britannique active depuis 1995
- Ce fil Twitter de Andrew Carter
- Une longue déconstruction du texte de J.K. Rowling publiée sur Medium, contenant de nombreuses sources et ressources.
- Ajout : vidéo explicative de Jammidodger (homme trans) et de sa partenaire Shaaba (femme cisgenre)
Autres liens utiles (en français)
- Allié·e·s cis vs transphobes : quand et comment intervenir ?
- “Le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être”
Et maintenant, on plonge
[i] Rowling déforme la vérité concernant Maya Forstater. Cette dernière n’a pas « perdu son emploi » à cause de ses propos ; son contrat est arrivé à terme et elle n’a pas été reconduite dans ses fonctions. Elle n’a pas voulu « affirmer que le sexe est déterminé par la biologique » mais bien qu’elle avait le droit de se montrer irrespectueuse envers des personnes trans en les mégenrant (faire référence à des femmes trans au masculin, par exemple). Par ailleurs, on note que Rowling n’a jamais exprimé son désaccord avec le contenu de ce tweet transphobe. [Retour au texte]
[ii] Personne ne nie la biologie. En revanche, la biologie est plus complexe que « femme = vagin = chromosomes XX et homme = pénis = chromosomes XY« . Les organes génitaux ne font ni le sexe (qui est déterminé par d’autres facteurs biologiques), ni le genre. Prétendre que certains « nient que le sexe est déterminé par la biologie » est une déformation de l’argument. [Retour au texte]
[iii] Rowling justifie son analyse par des échanges avec des experts sans pour autant citer ses sources. Il est donc impossible de vérifier s’iels sont reconnu.e.s par leurs pairs, de vérifier leurs biais, etc… [Retour au texte]
[iv] Dans « Le Ver à Soie », Rowling présente un personnage trans. Au vu de ses déclarations, la présence de ce personnage a été écrite comme hautement problématique. Cormoran Strike, le personnage principal, utilise, entre autres, la menace d’un viol pour faire pression sur le personnage, Pippa Midgley, qui est décrite comme hyper-agressive : « Je serai ravi de témoigner contre vous quand ils vous arrêteront pour tentative de meurtre. Vous n’allez pas vous marrer en prison, Pippa, ajouta-t-il. Avant l’opération » (p.411 traduit par Florianne Vidal). Il apparaît aujourd’hui que cette description correspond à la perception qu’à J.K. Rowling des femmes trans. A noter que Robin, l’assistante de Cormoran, proteste face à la menace du détective, bien qu’elle décrive Pippa, elle aussi, comme agressive. [Retour au texte]
[v] Rowling explique avoir « liké » un tweet transphobe par erreur (le tweet qualifiait une femme trans d’ « homme en jupe« ) alors qu’elle souhaitait simplement en faire une capture d’écran pour se documenter. A l’époque, son agence de presse avait indiqué qu’il s’agissait « d’une fausse manipulation de personne d’âge mûr« . Une communication honnête, indiquant exactement ce que Rowling explique aujourd’hui, aurait pu éviter bien des ennuis. Les abus qui ont été adressés à Rowling par la suite n’étaient pas justifiés, mais cette demi-vérité a empêché l’ouverture d’un dialogue sain. [Retour au texte]
[vi] Rowling commence à se placer en victime. Oui, des personnes l’ont injustement agressée à l’époque, et ces attaques sont fortement problématiques, mais en aucun cas ceci ne justifie les idées transphobes qui suivent (et ont suivi). [Retour au texte]
[vii] Contexte : Magdalen Burns a notamment affirmé que « les femmes trans sont des hommes qui ont pour fétiche d’être traités comme des femmes » et « les femmes trans sont des hommes« . Des propos ouvertement transphobes. Elle était donc traitée d’intolérante, non pas parce qu’elle refusait de sortir avec des femmes trans ayant un pénis, mais parce qu’elle refusait de reconnaître les femmes trans comme des femmes. [Retour au texte]
[viii] L’argument de l’attirance sexuelle est complexe et a énormément d’implications. Pourtant, si un homme homosexuel n’est pas attiré par un autre homme, on ne remettrait pas le genre de l’autre homme en question. De la même manière, il n’y a aucune raison pour une lesbienne de remettre en question le genre d’une femme trans qui ne l’attire pas. [Retour au texte]
[ix] Une nouvelle fois, Rowling revendique des soutiens sans indiquer leur biais. Elle dépeint un côté de l’argument comme « gentil, raisonnable, positif » et l’autre comme agressif et insultant. Elle ne mentionne pas les nombreuses associations de luttes pour les droits des personnes trans ou LGBT qui lui ont écrit pour l’inviter à discuter du sujet, sans l’insulter ni l’agresser, en indiquant simplement que ses déclarations étaient problématiques. [Retour au texte]
[x] Rowling minimise les conséquences de ses déclarations. L’idée que des propos transphobes peuvent tuer n’est pas ridicule. Surtout quand ils viennent d’une personnalité admirée. Au Royaume-Uni, 1 personne trans sur 4 a déjà fait une tentative de suicide, et 84% y aurait songé selon certaines études. Quelque jours à peine après sa publication, son texte a déjà été cité par un opposant aux droits LGBT aux USA, qui s’en est servit dans son plaidoyer pour empêcher le vote d’une loi contre la discrimination. [Retour au texte]
[xi] Rowling introduit l’idée que c’est par inquiétude, pour le bien des personnes trans, qu’elle dit ce qu’elle dit. Mais aussi que les droits des personnes trans menaceraient les droits des femmes et des filles. L’égalité n’est pas un jeu à somme nulle. [Retour au texte]
[xii] Rowling se place à nouveau en victime. Bien entendu, les tweets agressifs qui lui ont été adressés ne pouvaient pas avoir de résultat positif, mais ils n’étaient pas sans provocation. Rowling n’était pas active uniquement pour partager les créations d’enfants autour de son conte ; elle continuait, en parallèle, à échanger avec des personnes transphobes et à liker des tweets transphobes. Qui peut reprocher à certains de pointer du doigt lorsqu’une personnalité avec des millions de followers like (et donc partage) des tweets transphobes ? Certains l’ont fait de manière respectueuse, mais l’autrice se focalise sur les réactions agressives pour les effacer. [Retour au texte]
[xiii] TERF n’est pas une insulte misogyne. C’est la désignation d’un mouvement de pensée qui exclut des personnes trans du féminisme, en se fondant sur l’argument du « sexe biologique ». Il est appliqué à des personnes qui revendiquent que les droits et la sécurité des femmes cisgenres sont menacés par les femmes trans. De nombreuses femmes ne sont pas des TERF. [Retour au texte]
[xiv] Deux exemples de personnes transphobes. La première a peur que son enfant ne « devienne trans », comme d’autres craignaient à une époque que leur enfant ne « devienne homo ». Par ailleurs, elle implique que des personnes qui ne sont pas trans se font opérer pour changer de sexe, ce qui n’est pas le cas ; il y a un encadrement médical et psychologique important pour ça, et toutes les personnes trans ne se font pas opérer. La deuxième refuse aux femmes trans le droit d’accéder à une cabine d’essayage individuelle correspondant à leur genre, comme le demande la législation britannique depuis maintenant 10 ans. Ces comportements transphobes ne font qu’essentialiser ce à quoi « doit ressembler » une femme, non seulement au mépris des femmes trans mais aussi de toutes les femmes qui pourraient ne pas correspondre à leur vision. [Retour au texte]
[xv] L’idée que des hommes trans ne sont pas exclus par les TERF est rejetée par de nombreux hommes trans eux-mêmes. C’est tout simplement transphobe de leur dire « en fait vous êtes des femmes » contre leur volonté. Leur corps est (ou a été) la source d’un profond mal-être, les y ramener est tout simplement irrespectueux. Et le fait que ça ne pose pas de problème à certains d’entre eux ne change pas la nature transphobe de cette déclaration. D’autant plus qu’on ne peut pas être sélectif dans sa discrimination : si on exige que l’accès aux toilettes ou cabines d’essayage se fasse sur base des organes génitaux, la discrimination s’appliquera à toutes les personnes trans. [Retour au texte]
[xvi] Rowling et ses alliés sont à nouveau dépeints comme des victimes. Les personne trans sont victimes de discriminations, d’agressions, d’injures, également. Ceci ne justifie pas les abus, dans un sens ni dans l’autre. [Retour au texte]
[xvii] Rowling se présente comme « une femme biologique » plutôt que d’utiliser le terme « femme cisgenre ». « Cisgenre », ou « cis », veut dire « dont l’identité de genre correspond à celle présumée à la naissance« , par opposition à « trans ». Le rejet du terme « cis » et l’insistance sur les organes génitaux sont des marqueurs du mouvement TERF. Il n’y a rien d’insultant dans le terme « cis » (dérivé du latin : « aligné / du même côté ») qui n’efface aucunement les discriminations vécues par les femmes cisgenres. [Retour au texte]
[xviii] Les poissons clown et leur hermaphrodisme successif sont utilisés comme argument pour indiquer que, dans la nature, la biologie est loin d’être aussi simpliste que « chromosome = organe génitaux = sexe« . La science évolue, et nous permet de découvrir, depuis des années, que l’équation est plus complexe. Rowling déforme l’argument pour le tourner en dérision. [Retour au texte]
[xix] Rowling parle d’un « nouveau » militantisme. L’implication est que les revendications des personnes trans ont changé (ce n’est pas le cas). Elle permet ainsi aux lecteur.ice.s neutres de se rassurer : « ah, ça ne vient pas de moi qui ait toujours été progressiste, c’est simplement l’évolution absurde du mouvement« . Le mouvement pour les droits des trans demande toujours la même chose : le droit de chacun de disposer de son corps (revendication fondamentale commune au féminisme), le droit d’être reconnu pour son identité et des protections contre la discrimination sur base de celle-ci, le droit de ne pas être agressé… [Retour au texte]
Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme Rowling, ce mouvement n’a rien de récent. Les personnes trans sont au coeur du mouvement LGBT depuis longtemps (émeutes de Stonewall) et ont participé au développement des revendications de toute la communauté LGBT. [Retour au texte]
[xx] Rowing présente les droits des personnes trans comme une menace pour ses activités caritatives. Reconnaître les femmes trans comme des femmes n’empêche pas les femmes cis d’accéder à des soutiens caritatifs. Les personnes trans, quel que soit leur genre, font d’ailleurs parties des populations les plus fragiles en matière de violences. C’est le manque de moyens qui empêche toustes celleux qui en ont besoin d’accéder aux aides dont iels ont besoin. [Retour au texte]
[xxi] En matière de recherche médicale, personne n’exige que les femmes trans soient traitées comme des femmes cis (ou inversément). D’où l’idée « les organes génitaux ne concernent qu’une personne, leur.s partenaire.s, et leur médecin« , souvent répétée par les militants pour les droits des personnes transgenres. Si la sclérose en plaque affecte différemment les hommes cis et les femmes trans d’un côté, les femmes cis et les hommes trans de l’autre, elle n’implique toujours pas de discriminer à l’encontre des personnes trans ou de renier leur genre. Traiter une personne trans comme une personne cis serait d’ailleurs parfois une erreur, puisque les hormones qu’iels prennent parfois peuvent altérer leur réaction aux traitements ; les personnes trans en sont conscientes et ne demandent pas qu’on prétende le contraire. [Retour au texte]
[xxii] Il est à noter que Rowling n’explique pas quel serait cet impact qui est « clair » pour elle. En quoi reconnaître les droits des personnes trans impacterait la recherche sur la sclérose en plaques ? Nous n’en avons aucune idée. [Retour au texte]
[xxiii] Rowling ne fournit aucune indication sur comment les droits des personnes trans impacteraient négativement la vie des enfants. C’est le même « argument » utilisé il y a quelques années pour restreindre les droits de la communauté homosexuelle : « si vous normalisez ça, pensez aux conséquences pour les enfants« . L’argument se prolonge par la suite, avec l’idée qu’on peut « influencer » des personnes pour qu’elles « deviennent trans ». [Retour au texte]
[xxiv] La liberté d’expression n’immunise pas contre la critique. La liberté d’expression a également des limites. Rowling a fait entendre sa voix, et c’est aussi la liberté d’expression de ses critiques que de faire entendre leur désaccord, leur colère, leur peine, et leurs craintes de voir ce discours mener à des conséquences dramatiques bien réelles. Par ailleurs, Rowling semble oublier ici qu’elle est une personnalité publique, ses propos ont bien plus d’impact que ceux d’une personne lambda. [Retour au texte]
En parlant de Donald Trump, il a d’ailleurs révoqué les protections mises en place empêchant le système de santé et les compagnies d’assurances de discriminer à l’encontre des personnes trans quelques jours après la publication de Rowling. L’argument est le même que celui de Rowling : c’est le « sexe biologique » qui compte, pas le genre. La Cour Suprême des USA a statué quelques jours plus tard à l’encontre de cette décision.
[xxv] Les études sur le nombre de « détransition » sont peu nombreuses et indiquent que les regrets sont extrêmement rares (moins de 1% d’après une étude de 2019 en Grande-Bretagne). Ces retours en arrières ne sont d’ailleurs pas automatiquement des indicateurs de regrets ; ils peuvent être le fruit d’une pression sociale ou familiale, qui oblige les personnes trans à faire machine arrière pour ne plus subir le harcèlement. Certaines de ces études comptabilisent également les personnes trans qui, pour arrêter de subir un parcours officiel psychiatrisant et médicalisé, quittent celui-ci sans pour autant détransitionner. [Retour au texte]
[xxvi] Rowling cite un chiffre sans le sourcer. L’augmentation du nombre de personnes qui a bien été constatée est attribuée simplement à un meilleur diagnostic et à une plus grande tolérance. Des personnes trans peuvent faire leur coming out aujourd’hui plus facilement qu’avant. Quoi qu’il en soit, aucun traitement n’est possible avant la puberté. Les personnes trans ne cherchent pas à « convertir » qui que ce soit, pas plus que les homosexuels ne cherchent à convertir les hétérosexuels. [Retour au texte]
[xxvii] Les personnes atteintes d’autisme sont autant capables que d’autre de disposer de leur corps. Des études doivent être menées pour approfondir la compréhension du lien entre autisme et perception du genre, mais cette phrase ne sert une nouvelle fois qu’à propager l’idée que des personnes « fragiles » sont « manipulées » pour « devenir trans ». [Retour au texte]
[xxviii] Comme d’autres l’ont rappelé, les personnes trans sont les dernières à vouloir voir quelqu’un se trouver dans « le mauvais corps », un corps qui ne correspondrait pas à leur identité. Les personnes trans en souffrent profondément pendant des années, le but n’est pas d’imposer cette même souffrance à d’autres. Suggérer le contraire est transphobe. [Retour au texte]
[xxix] L’étude de Lisa Littman, publiée en 2019, a été remise en question par de nombreux.ses universitaires. Elle est décriée pour deux raisons principalement : avoir interrogé uniquement les parents, et pas les personnes trans, et avoir dans un premier temps présenté son étude comme une démonstration de fait plutôt que la formulation d’une hypothèse. Aucune étude n’a encore pu démontrer la véracité de ses hypothèses, étant donné qu’elle est extrêmement récente. [Retour au texte]
[xxx] L’article a été republié avec des fortes modifications pour clarifier sa nature hypothétique. [Retour au texte]
[xxxi] L’idée que le genre est « acquis » rappelle l’argument il y a quelques années de « l’homosexualité acquise ». Elle implique que le genre peut être une phase et si on peut « forcer quelqu’un à devenir trans », on peut aussi les « guérir ». C’est une idée particulièrement transphobe. [Retour au texte]
[xxxii] Comme évoqué plus tôt, de nombreuses études confirment le fort risque de suicide des personnes trans. [Retour au texte]
[xxxiii] Rowling présente la transition comme un processus simple, qui peut être entrepris sur un coup de tête. Ce n’est pas le cas. Il y a un suivi médical et psychologique important. Elle réitère l’idée qu’on peut « devenir trans », que ça peut être une identité « acquise ». On ne le répètera pas suffisamment, c’est une idée transphobe. [Retour au texte]
[xxxiv] Rowling explique avoir peur des jeunes qui se font opérer pour échapper à leur genre… cependant, en insistant sur le fait que (selon elle) jamais une femme trans ne sera « une vraie femme » à moins de se faire opérer (et encore…), son raisonnement pousse la transition médicale comme seule solution pour être accepté.e. Son insistance sur l’importance des organes génitaux ainsi que les tweets qu’elle like affirmant qu’il ne peut pas y avoir de femmes avec un pénis et qui mégenrent des personnes trans parce qu’elles ne se sont pas fait opérer, vont exactement à l’encontre de ce qu’elle prétend vouloir éviter. C’est en respectant les gens comme ils sont, en leur disant qu’on peut être une femme avec un pénis ou un homme avec un vagin, qu’on permet à la transition médicale de ne pas être perçue comme la seule option (elle reste une nécessité pour certain.e.s).
Par ailleurs, une transition n’est pas une échappatoire facile à sa condition de femme pour un homme trans : c’est un long processus, parfois pénible et douloureux, qui expose également à du harcèlement, de la discrimination… L’autrice ignore ou écarte volontairement cet aspect lorsqu’elle joue avec l’idée de « peut-être j’aurais pu ». [Retour au texte]
[xxxv] Rowling ne présente pas sa source pour le chiffre avancé. A nouveau, l’identité trans est présentée comme « juste une phase » ; mettez cet argument en parallèle avec l’argument homophobe qui dit que l’homosexualité est « juste une phase ». Quoi qu’il en soit, rien ne justifie de laisser ces jeunes sans soutien psychologique face à leur dysphorie « en attendant que ça passe ». [Retour au texte]
[xxxvi] Paragraphe également décrit comme « je ne suis pas transphobe, j’ai une amie trans ». [Retour au texte]
[xxxvii] Rowling qui, jusqu’à présent, disait vouloir éviter les opérations inutiles, bascule ici clairement : sans opération, sans hormones, elle refuse d’accepter les femmes trans comme des femmes. Sauf qu’elle refuse aussi d’accepter les femmes trans opérées et/ou sous hormones comme des femmes… donc, en fait, quoi qu’il arrive, Rowling refusera de reconnaître l’identité d’une personnes trans. Voir aussi commentaire 32
En France, depuis 2016, il n’est pas nécessaire d’attester d’une chirurgie de réassignation et d’une stérilisation pour changer d’État civil, mais qu’il faut encore passer par un tribunal de grande instance à qui il faut « prouver qui l’on est » face à un jury.
Par ailleurs, la réforme à laquelle Rowling fait ici référence (Gender Recognition Act reform), qui vise à implémenter le « self ID » (autodétermination d’identité) ne change pas la donne en la matière. La proposition de loi raccourci simplement le délai d’attente entre la demande d’un certificat (de 2 ans, on passerait à 3 mois) sur laquelle une personne doit prouver qu’elle vit « dans son genre » au quotidien, sans nécessiter un courrier de deux médecins validant cette identité. L’obtention d’un tel certificat, selon le site même du gouvernement britannique, permet simplement de se marier dans le genre de préférence, et de voir ce genre figurer sur le certificat de décès. Il n’est pas nécessaire pour mettre à jour un passeport, un permis de conduire, les seules formes d’identification légales au Royaume-Uni. [Retour au texte]
[xxxviii] La misogynie est un problème important. Aucune personne trans ne le niera. Les personnes trans, et en particulier les femmes trans, sont victimes de misogynies également. [Retour au texte]
[xxxix] Les violences et les abus, quels qu’ils soient, sont condamnables. Les activistes trans qui menacent de viol ne sont pas dans leur droit. Mais ce n’est pas parce qu’une minorité de personnes se montre agressive que tous leurs pairs doivent être traité.e.s injustement et mis.e dans le même panier. C’est précisément de la transphobie de dire que, parce que certaines personnes trans sont violentes, toute la communauté est un danger. [Retour au texte]
[xl] S’éduquer sur la question des genres, sur les discriminations auxquelles sont confrontées les personnes trans, et écouter leurs remarques n’oblige aucune femme cis à se taire concernant la misogynie et les discriminations auxquelles elles sont confrontées. [Retour au texte]
[xli] Les femmes cis partagent certaines réalités biologiques avec les autres femmes cis. Certaines femmes cis ne les partagent pas (infertilité, etc), ce qui n’en fait pas moins des femmes. La « réalité biologique » n’est pas monolithique, et certaines femmes trans, comme certains hommes trans, partagent certaines « réalités biologiques » de femmes cisgenres. [Retour au texte]
[xlii] La définition de « femme », comme la définition d’« homme », est culturelle, subjective et incomplète. Les organes génitaux ne font pas le sexe, ni le genre ; c’est un ensemble extrêmement complexe de facteurs, d’expériences (chromosomes + hormones + organes génitaux + psychologie). [Retour au texte]
[xliii] Une nouvelle fois, Rowling fait appel à un cliché transphobe qui suggère que les personne trans résument leur identité à des clichés. Elle qui like des tweets dénonçant des « fausses femmes qui gardent leur barbe » devrait pourtant savoir que ce n’est pas le cas. [Retour au texte]
[xliv] Pour quelqu’un qui insiste sur le fait que « être une femme, c’est avoir un vagin » et qui établit un lien direct entre les organes génitaux et la féminité, l’argument est plutôt paradoxal. [Retour au texte]
[xlv] Le refus du langage inclusif, et donc du respect basique des personnes trans, a déjà été abordé dans notre article précédent. (Voir aussi note15 ) Prétendre que le vocabulaire inclusif efface les femmes cis est une fausse dichotomie : ce n’est pas parce qu’on parle des « personnes aux yeux bleus » qu’on efface que certaines sont des femmes et d’autres des hommes, par exemple. Rowling revendique ici le droit de nier l’identité des personnes trans, sous prétexte que désigner un groupe de personnes comme des « personnes qui …» serait déshumanisant. [Retour au texte]
[xlvi] L’expérience de J.K. Rowling est terrible et trop commune. Le traitement qui en a été fait dans la presse, suite à ce même billet sur son blog, est affligeant, immoral et révoltant. Il a d’ailleurs été dénoncé par une soixantaine d’associations de lutte pour les droits des personnes trans. Pour autant, la lutte contre ce fléau ne passe pas par la discrimination à l’encontre des personnes trans qui, comme les femmes cis, sont plus souvent victimes des hommes cis que source de danger. [Retour au texte]
[xlvii] Et pourtant, les propos transphobes ont été nombreux jusqu’à présent. L’enfer est pavé de bonnes intentions… surtout quand un tel paragraphe mène à un « mais ». La sécurité, le bien être, d’une communauté ne devrait pas être conditionnée à quoi que ce soit. [Retour au texte]
[xlviii] Rowling demande pour son confort de mettre en danger une population, alors que son inconfort trouve sa source dans ses propres préjugés. Certain.e.s ont fait la comparaison avec des racistes mal à l’aise en présence de personnes noires parce que, selon eux, ces dernières seraient plus violentes. Ce sont leurs préjugés qu’il faut altérer pour leur permettre de se sentir en sécurité, pas les victimes de leurs préjugés. [Retour au texte]
[xlix] Ce que Rowling affirme ici est faux et même dangereux.
- Pour commencer, comme indiqué plus haut, les femmes trans ont, au Royaume-Uni, accès aux toilettes des femmes depuis 2010, et les nombre de pervers et d’agressions par des hommes se faisant passer pour des femmes n’a pas explosé. Cela fait 10 ans que la porte est ouverte.
- Un homme cis qui veut agresser une femme dans les toilettes ne sera pas arrêté par le fait qu’il s’agit des toilettes des femmes. Il s’en fiche de son genre, de ce qui est écrit sur son certificat de naissance, ou de comment la société le perçoit. Tom Jedusor a tué Mimi Geignarde dans les toilettes des filles sans changer son identité.
- Le fait qu’il soit possible de faire changer son genre sur son certificat de naissance ne facilite aucunement l’accès aux toilettes. Personne ne vérifie notre acte de naissance lorsqu’on accède aux sanitaires. Le certificat permet uniquement de mettre à jour certains documents (mariage, décès).
- Une femme comme Jazz Jennings ne sera jamais plus en sécurité dans les toilettes des hommes, et voir un homme comme Loren Cameron débarquer dans les toilettes des femmes ne renforcera le sentiment de sécurité des femmes cis.
- Aux Etats-Unis, une loi a été mise en place pour imposer l’usage des toilettes sur base du sexe et non du genre. Résultat : augmentation des agressions envers les personnes trans obligée de se rendre dans les toilettes qui ne correspondent pas à leur genre. Inconfort, malaise et de nombreux problèmes pour les personnes trans : des études ont montré que les personnes trans préfèrent ne pas utiliser les sanitaires du genre qui ne leur correspond pas, ce qui cause des problèmes de santé, qui impactent la vie professionnelle et l’éducation. Comme si ça ne suffisait pas, ces lois ont également causé une augmentation des agressions envers les femmes cis perçues comme « trop masculines », qui se sont vues refuser l’accès aux toilettes par ceux qui doutaient de leur identité. Ajoutez l’inconfort et le sentiment d’insécurité des femmes cis qui voient les hommes trans entrer dans les toilettes femmes, et leur en refusent donc parfois l’accès.
- Dès le moment où des hommes trans peuvent entrer dans les toilettes des femmes, à moins de vérifier les parties génitales de chacun, rien n’empêche un homme cis de faire de même. Ce serait théoriquement encore plus facile pour les « prédateurs » masculins d’entrer dans les toilettes des femmes.
- De nombreux pays disposent déjà de lois de « self-ID », sans que les actes de prédateurs sexuels n’en ait été impactés.
Pour résumer, en matière de sécurité, de bien-être et de santé, tout le monde est perdant avec des toilettes séparées sur base des organes génitaux. Rowling se fait donc l’avocate d’une politique qui discrimine à l’encontre des personnes trans, les met en danger, les classifie automatiquement comme prédateurs sexuels sur base d’une peur irrationnelle : une politique transphobe. [Retour au texte]
[l] La loi envisagée par le gouvernement écossais permet, à certaines conditions, de faire modifier son genre sur son acte de naissance, certificat de mariage et certificat de décès. Ce n’est en rien une simplification de l’accès aux sanitaires (qui sont déjà accessibles). Ceci n’a aucun impact sur le quotidien de qui que ce soit d’autre que les personnes concernées. Selon le site même du gouvernement britannique, l’obtention du « Gender recognition certificate » permet simplement de se marier dans le genre de préférence, et de voir ce genre figurer sur le certificat de décès. Il n’est pas nécessaire pour mettre à jour un passeport ou un permis de conduire, les seules formes d’identification légales au Royaume-Uni. Cette démarche est déjà possible à l’heure actuelle, mais nécessite deux courriers de médecins et de prouver qu’un individu a « vécu » dans le genre demandé pendant deux ans. La réforme élimine la nécessité des lettres de médecins et raccourci le délai à 3 mois. De telles lois sont déjà en application en Irlande, au Portugal, en Argentine… sans que la civilisation ne se soit effondrée. [Retour au texte]
[li] Rowling efface une partie de la vérité pour se présenter comme une victime : elle ne faisait pas que partager des dessins d’enfants, elle continuait à amplifier des agressions transphobes. Voir note 12 [Retour au texte]
[lii] Les traumas psychologiques et les abus sont des choses terribles, qui ne justifient pas un discours transphobe. Ils ne justifient pas les agressions, comme l’approbation par like de tweets insultants, ou le soutien à une personne qui n’a pas été reconduite dans son contrat parce qu’elle se montrait irrespectueuse envers des personnes trans et créait un sentiment de malaise au sein de l’entreprise. [Retour au texte]
[liii] Des études indiquent que, contrairement à ce que sous-entend Rowling, la majorité des femmes cisgenres n’est pas opposée à ce que les femmes trans accèdent aux toilettes des femmes (aux USA). [Retour au texte]
[liv] Pour ne pas être étiqueté comme transphobe (ou TERF), il suffit de ne pas émettre des jugements transphobes ou de pousser des idées fausses et dangereuses concernant la communauté trans, qui ont un impact négatif démontrable sur leur bien-être et leur santé. Si quelqu’un perd son emploi pour des propos transphobes, après plusieurs avertissements comme ce fut le cas de Maya Forstater, c’est une conséquence de leur attitude. A nouveau, les menaces d’agressions sont malsaines mais, quand la source d’un malaise est un préjugé, c’est le préjugé qu’il faut éliminer. [Retour au texte]
[lv] Les activistes pro droits des personnes trans n’offrent pas de protection aux prédateurs et n’érodent pas le concept de femme, comme déjà indiqué à plusieurs reprises. [Retour au texte]
[lvi] Rowling se présente encore comme victime, victime de la « bien pensance ». Elle est victime de ses propres préjugés. Les personnes trans sont les victimes de ses propos ; comparées à des prédateurs sexuels (de manière infondée), réduites à des déviances passagères et dont l’identité profonde peut être niée. Rowling diffuse ce message insultant à ses millions d’abonnés, le fondant sur de la désinformation (comme prétendre que les toilettes des femmes ne sont pas déjà accessibles aux femmes trans) et des raisonnements fallacieux (comme prétendre qu’autoriser une personne à changer de genre sur son certificat de naissance ouvre la porte à des chirurgies à n’importe quelle condition sur des mineurs ou que les droits des personnes trans pourraient grignoter ceux d’autres communautés). [Retour au texte]
[lvii] Les personnes trans ont presque toutes été victimes de violences « masculines », de harcèlement, des normes imposées par une société hyper-masculine et patriarcale. Prétendre qu’une femme trans n’est pas victime d’injures ou d’agressions portant sur son comportement ou son apparence, juste parce qu’elle a, ou a eu, un pénis entre les jambes, est une aberration. Les personnes trans, et les associations qui les soutiennent, sont très bien informées sur ces violences ; pourtant, Rowling les rejette. [Retour au texte]
[lviii] Affirmer que « Aucune des femmes opposées au concept de genre à qui j’ai parlé ne déteste les personnes transgenres » est un mensonge évident quand on lit les déclarations des personnes que Rowling a soutenues (Voir note vii) et les tweets qu’elle a liké. L’idée insidieuse ici est que les personnes trans sont ingrates : les TERF veulent juste les aider et sont insultées en retour… il n’y a aucune remise en question sur le fait que, peut-être, elles aident mal. [Retour au texte]
[lix] Rowling appelle ici à poursuivre le mouvement et la rhétorique transphobe. Elle indique clairement qu’elle en fait partie et qu’elle est fière de soutenir cet activisme. Elle se présente à nouveau elle, et celleux qui la soutiennent, comme inquièt.e.s et pleine de bonnes intentions. Elle peut se déclarer comme une alliée des personnes trans, mais ses paroles (qui ressassent de nombreux clichés transphobes), ses revendications (qui ont des conséquences démontrables négatives), vont à l’encontre du bien-être et de la santé des personnes qu’elle clame vouloir protéger. [Retour au texte]
[lx] Rowling lance un appel à l’amour et à l’empathie comme si personne d’autre n’était dans ce cas. Pourtant le discours de l’autrice est empli de propos motivés par la peur. Cette peur l’a poussée à croire, et maintenant à propager, des mensonges, aux conséquences potentiellement dévastatrices.
Nous espérons qu’elle entendra son propre appel ; qu’elle répondra positivement aux nombreuses associations qui lui ont tendu la main en proposant d’évoquer avec elle le contenu problématique de son propos. [Retour au texte]
Les conséquences
A ce jour, la publication du texte de J.K. Rowling continue à faire des remous. Certains employés de la maison d’édition Hachette, qui doit publier le livre The Ickabog en anglais, ont ainsi fait savoir qu’ils refusaient de poursuivre leur travail sur le livre face à la prise de position transphobe de l’autrice. L’éditeur a fait savoir qu’il leur refusait ce droit de retrait.
Le texte de Rowling a également été cité par un opposant aux droits LGBT aux USA, qui s’en est servi dans son plaidoyer pour empêcher le vote d’une loi contre la discrimination.
Enfin, alors que le Wizarding World diffusait Harry Potter à l’école des sorciers lu par des stars au rythme de 1 à 2 chapitres par semaine, aucune nouvelle lecture n’a été postée depuis. Il est possible que certains acteurs, dont les lectures étaient encore à venir, aient souhaités ne pas être associés à l’autrice et à la saga en ce moment. Jonathan Van Ness, dont la lecture a déjà été publiée, a exprimé des regrets et de la colère à l’idée d’avoir contribué.
C’est donc, encore, une affaire à suivre, dont toutes les répercussions ne sont pas encore connues…