J.K. Rowling tient des propos ouvertement transphobes sur Twitter
Cet article a été rédigé par une femme cis-genre. Merci aux personnes concernées qui se sont portées volontaires pour la relecture de cet article avant publication : @alex_at_sea_ @antoninlamontre et tous.tes celleux qui ont souhaité rester anonymes.
En décembre 2019, J.K. Rowling était revenue sur Twitter après de longs mois d’absence pour prendre la défense d’une personne transphobe. Son tweet avait provoqué un véritable tollé dans le fandom, et de nombreux fans, fansites, groupes de wizard rock et créateurs en tous genres avaient condamné les propos de l’autrice. Pour un rappel des faits, vous pouvez relire notre article de l’époque. Depuis, l’autrice poursuit dans son militantisme et tweet régulièrement des affirmations transphobes.
CW : transphobie, intersexophobie
Ce 6 juin, en plein mois des Fiertés, J.K. Rowling a, une nouvelle fois, pris ouvertement position vis-à-vis des personnes trans. Tout a commencé avec le partage d’un article d’opinion de Devex.com « Créer un monde post-Covid19 plus égalitaire pour les personnes réglées« . L’autrice a retweeté l’article avec le commentaire :
« Personnes réglées ». Je suis certaine qu’il y avait un mot pour désigner ces gens. Quelqu’un pour m’aider ? Fâmmes ? Felmes ? Fennes ? »
Twitter de J.K. Rowing
Avec de telles paroles, J.K. Rowling tourne en dérision un véritable problème de santé publique (l’accès aux protections périodiques), en plus de nier la réalité :
- des hommes trans, qui sont des hommes qui peuvent être réglés
- des personnes intersexes, qui peuvent être réglées
- des personnes non-binaires (agenres, genderfluides, …) réglées
- des femmes trans ou cisgenre (dont le genre correspond à celui assigné à a naissance) qui n’ont pas de règles
L’autrice fait donc ici un amalgame et un raccourci erroné, en affirmant que « personne réglée = femme », ce qui est loin d’être toujours le cas. Lorsque certain.e.s lui ont signalé qu’elle était mal informée sur le sujet, l’autrice a répliqué :
« J’ai passé beaucoup de temps ces trois dernières années à lire des livres, blogs, et publications scientifiques écrites par des personnes trans, des médecins, et des spécialistes du genre […] Ne partez pas du principe que, parce que quelqu’un a une opinion différente de la vôtre, cette personne est forcément mal informée.«
Twitter de J.K. Rowling
Bien qu’elle semble avoir raison sur le fait précis qu’il ne faut pas « partir du principe que, parce que quelqu’un a une opinion différente de la vôtre, cette personne est forcément mal informée« , il est également indéniable qu’elle est mal renseignée sur le sujet spécifique de la transidentité. Ce n’est pas parce qu’elle a cherché des informations que ce qu’elle a trouvé est à jour, objectif et adéquat. Il est possible de dire qu’on s’est « renseigné sur le sexisme » en n’ayant lu que de la propagande anti-féministe, on n’en est pas moins mal informé. Elle est, d’ailleurs, associée à Emma Nicholson, membre du parlement britannique à l’origine de la loi visant à interdire de parler d’homosexualité dans les écoles, avec qui elle a fondé son association Lumos.
Des fans l’ont donc invitée à discuter avec des personnes queer. Ce conseil, l’autrice l’a une nouvelle fois balayé en affirmant qu‘une de ses meilleures amies « autodécrite comme lesbienne butch » l’avait appelée pour lui manifester son soutien.
Suite aux nombreux tweets qui lui ont été adressés soulignant sa méconnaissance du sujet, l’autrice a ensuite publié le message suivant :
« Si le sexe n’est pas réel, il ne peut y avoir d’attirance homosexuelle. Si le sexe n’est pas réel, la réalité des femmes du monde entier est effacée. Je connais et j’aime des personnes trans, mais effacer le concept de sexe ôte à beaucoup toute possibilité de discuter de leur quotidien. Ce n’est pas de la haine que de dire la vérité.
Twitter de J.K. Rowling
L’idée que des femmes comme moi, qui se sont montrées empathiques envers les personnes trans depuis des décennies, avec qui nous partageons des affinités parce qu’elles sont vulnérables de la même manière que les femmes – vis à vis des violences exercées par les hommes – « détestent » les personnes trans parce qu’elles pensent que le concept de sexe est bien réel et a des conséquences – n’a aucun sens.
Je respecte le droit des personnes trans d’être bien dans leur peau et de vivre leur vie comme ils l’entendent. Je marcherais avec vous si vous étiez victimes de discrimination parce que vous êtes trans. Mais en même temps, le fait d’être une femme a façonné ma vie. Je ne pense pas que ce soit haineux de l’affirmer. «
Un discours discriminatoire
Avec ces messages, l’autrice montre d’une part qu’elle ne comprend pas la différence entre sexe et genre ; tente d’utiliser les personnes LBGTQIA pour défendre son propos : et semble nier le fait que les personnes trans sont victimes de discrimination.
En effet :
- Même si le sexe n’existe pas de façon binaire, l’homosexualité demeure une réalité. Une lesbienne reste attirée par une femme, un gay reste attiré par un homme. Il est ici question de genre, et non de sexe.
- Une personne lesbienne qui ne serait pas attirée par une femme trans en particulier n’en reste pas moins lesbienne. De la même manière qu’une personne hétérosexuelle qui ne serait pas attirée par une personne de l’autre genre n’en reste pas moins hétérosexuelle, et que le genre d’aucun des deux partis n’est remis en question.
- Parler de violences faites aux femmes, en incluant les femmes trans comme les femmes cis-genres, n’efface pas les violences spécifiques envers les unes ou les autres.
- Le problème n’est pas de penser que « le sexe est une réalité » ; c’est de le concevoir selon une vision simpliste, datée, discriminante, et de s’en servir dans un débat dans lequel il n’a pas sa place.
Les parties génitales d’une personne ne regarde qu’iel, leur partenaire et leur médecin. En société, seul le genre peut être perçu. L’usage de l’argument du sexe dans le débat public actuel ne sert qu’à appuyer des politiques discriminatoires, telles que les fameuses « bathroom bills » aux Etats-Unis, qui fragilisent et mettent en danger les personnes trans mais aussi les femmes cisgenres.
Un timing qui n’a rien d’anodin
C’est d’ailleurs dans un contexte où le gouvernement britannique réfléchit à ses propres lois fondées sur le sexe (et non le genre) que les tweets de Rowling interviennent. En plein Mois des Fiertés, alors que le mouvement #BlackLivesMatter bat son plein et que les personnes trans noires sont particulièrement vulnérables, la prise de position est politique.
Rowling indique clairement que, selon elle, les femmes trans ne peuvent pas être reconnues comme des femmes. Qu’importe la raison, il s’agit de transphobie. Il s’agit de refuser aux femmes trans le droit de se sentir en sécurité et d’être reconnues pour qui elles sont. Mais, comme nous l’indiquions, les nouveaux tweets vont plus loin puisqu’ils ramènent les hommes trans et personne non-binaires à leur genre assigné à la naissance, simplement sous prétexte qu’iels pourraient être réglé.e.s.
Les nombreux fans qui étaient venus à la rescousse de l’autrice, affirmant que son tweet de soutien à Maya Forstater « n’était pas transphobe » ; que « défendre une transphobe n’est pas être transphobe » ou encore que l’autrice ne « maîtrisait sans doute pas le sujet, et que cette prise de position de sa part s’expliquait par son ignorance » ; ont maintenant les preuves :
- Rowling partage les convictions de Maya Forstater
- Elle discrimine les femmes trans, les personnes intersexes et estime normal de ramener les homme trans, de même que les personnes non-binaires, à leur genre assigné à la naissance
- Elle affirme elle-même se renseigner sur le sujet et ne peut donc pas être excusée par une prétendue « ignorance ».
Plutôt que de soutenir les plus vulnérables, Rowling a préféré nier leur identité et apporter sa voix à une rhétorique qui renforce la discrimination à leur encontre. Mégenrer des personnes trans ; leur refuser le droit d’utiliser les toilettes qui correspondent à leur genre ; nier l’existence des personnes intersexes… ce sont des combats qui ne servent qu’à préserver l’oppression d’une population fragile.
Avec ces messages, Rowling s’inscrit donc dans l’idéologie et le mouvement TERF (trans-exclusionary radical feminist : féministe radicale exclusionnaire des personnes trans) ou « Gender Critical » (GC), qui considèrent notamment que les femmes trans invisibilisent les luttes pour les droits des femmes et les rejettent en les assimilant à de potentiels prédateurs sexuels.
Un militantisme persistant (Maj)
Ce tweet a souvent été repris et présenté comme un unique incident, qui aurait prendrait des proportions démesurées. Malheureusement, Rowling a poursuivit dans son militantisme. Elle est intervenue dans le débat à de nombreuses reprises, et y consacre le plus gros de son activité sur Twitter. Allant jusqu’à instrumentaliser la tentative d’assassinat à l’encontre de Salman Rushdie tout en soutenant des personnes au discours violent ou incendiaire.
Il est important de prendre conscience de la récurrence du message et de sa nature, ainsi que de ses conséquences, pour prendre la mesure des propos de l’autrice.
Nous référençons ses nombreuses prises de position transphobes ICI.
Le fandom peut rester un refuge
Comme cela avait été le cas en décembre dernier, de nombreuses communautés de fans ont interpellé Rowling, lui ont souligné à quel point ses propos étaient problématiques et allaient à l’encontre des valeurs de respect et d’égalité qu’elle avait pourtant développé dans la saga Harry Potter.
Plusieurs acteurs des films Harry Potter et de la pièce de théâtre Harry Potter et l’enfant maudit ont pris la parole pour défendre les droits des personnes trans et se distancier des propos de J.K. Rowling. On citera notamment Noma Dumezweni (Hermione dans Harry Potter et l’enfant maudit) ; Chris Rankin (Percy Weasley) ; Katie Leung (Cho Chang) ; James Howard (Drago dans Harry Potter et l’enfant maudit) ; Jenet Le Lacheur (Harry Potter et l’enfant maudit) ; Jonathan Case (Scorpius, Harry Potter et l’enfant maudit). Plusieurs d’entre eux ont également partagé des liens pour soutenir spécifiquement les personnes trans noires en cette période particulièrement difficile pour elles.
Les sites HarryLatino, HPANA, Potterish, Mugglenet, The LeakyCauldron ; les associations telles que la Protego Fondation et la Harry Potter Alliance ; les groupes de Wizard Rock comme Harry and the Potters, Whomping Willows, Tonks and the Aurors, des créateurs comme Nick Lang (Team Starkids), The Gayly Prophet Podcast, Wizards Studies, Furious Molecules (créateur de la web-série Harry Potter et les 10 ans plus tard) ; ont également pris position et dénoncé les propos de l’autrice. Tous et toutes ont rappelé que le fandom appartenait à ses fans, que Rowling ne parlait pas en leur nom et qu’iels soutenaient et défendaient les droits des personnes trans.
Iels ont également partagé de nombreuses ressources et créations de fans inclusives, comme ce cahier d’activités Harry Potter proposant de nombreuses représentations queer ; ce trans- Harry Potter fanzine ; ces morceaux engagés de WizardRock ; ou encore les campagnes de la Harry Potter Alliance.
Enfin, nous tenons à rappeler que la saga Harry Potter, comme toute œuvre littéraire, appartient avant tout à ses lecteur.ice.s et à celleux qui la font vivre. Certains nous ont demandé « comment gérer en tant que fan la désillusion et la perte d’un modèle qui nous a aidé à grandir et à devenir qui nous sommes maintenant ? Comment être fan après tout ça ?«
Nous comprenons que de nombreux fans ressentent le besoin de se distancier du Wizarding World, mais les paroles de l’autrice ne retireront jamais ce que le monde magique nous a apporté et ce que le fandom a construit au-delà de son œuvre.
En vingt ans, le fandom a grandi, évolué, créé bien plus de contenu que Rowling ne pourra jamais le faire en toute une vie. Et comme de nombreuses personnes qui réalisent à l’adolescence ou à l’âge adulte que leurs parents ne sont pas juste leurs parents, mais des personnes avec des défauts et des opinions problématiques qui demandent parfois que l’on prenne ses distances pour son propre bien, les fans peuvent se détacher de J.K. Rowling.
Cela n’efface pas les choses positives qu’elle a pu apporter, avec ses livres, son univers, les souvenirs qui y sont associés, les amitiés qui se sont créées, l’impact que l’œuvre a eu sur nos vies. Mais aucun.e lecteur.ice ne doit se sentir redevable envers l’autrice à tout prix. Et si elle nous a déçus, libre à chacun de se créer sa propre famille, de continuer à faire vivre le monde magique sans elle, avec les nombreux artistes qui contribuent au fandom chaque jour, dans le respect de celleux qui le composent. Sans exception.
Ressources :
Pour plus d’informations nous vous renvoyons vers :
– le Wiki Trans pour tout ce qui concerne la transidentité
– la Vie en Queer pour la question des règles des personnes trans, non-binaires et intersexes
– la tribune sur Libération « Le débat sur la place des femmes trans n’a pas lieu d’être »
[…] suite de l’article sur le site de la Gazette du Sorcier, média spécialisé sur la saga Harry Potter et tout son […]