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Série Harry Potter : comment faire un mauvais casting inclusif

Les rumeurs autour du casting de la série Harry Potter enflent, et déchaînent les passions. Entre fan-castings, sources anonymes et quêtes de buzz éhontées, difficile de tirer la moindre information concrète. Cependant, une chose est certaine : les « anti-wokistes » sont déjà en campagne. Dernièrement, le bruit entourant l’acteur Paapa Essiedu, qui se serait vu offrir le rôle de Rogue, a déclenché leur indignation et leurs appels au boycott.

Personnellement, je suis favorable à un casting plus inclusif, ou diversifié. Je n’ai aussi aucun problème à voir la couleur de peau d’un personnage modifiée par rapport aux livres. MAIS. Il y a un grand MAIS. Un tel changement doit être réfléchi, dans son message et ses implications.

C’est pourquoi, si la rumeur venait à être confirmée, je pense que ce casting serait loin d’être « woke« .

Cet article présente l’opinion de son auteur, et n’est pas automatiquement représentatif de l’opinion de de l’ensemble de l’équipe de La Gazette du Sorcier.

Le « wokisme » n’existe pas

Avant de plonger dans le principe même d’un casting qui revisiterait certains personnages, il semble indispensable de reposer les bases. La notion de « woke » (« éveillé » en anglais) désigne une personne consciente des enjeux sociétaux autour des discriminations et des minorités.

Fondamentalement, personne, à moins d’assumer son racisme/sa LGBTphobie/son sexisme, ne peut prétendre que le fait d’être conscient des discriminations est une mauvaise chose. Pour mobiliser le grand public à leurs côtés, des mouvances réactionnaires ont donc inventé la notion de « wokisme« , supposément « trop extrême« , qui ne laisse aucune place à la nuance, pour discréditer la lutte contre les inégalités.

Cependant, par nature, être « woke«  implique une analyse fine et complexe des relations humaines et sociétales. Tout est dans la nuance. Il n’est donc pas question de « changer la race/sexualité/identité de n’importe quel personnage juste pour faire plaisir à une minorité » ; pour la bonne et simple raison que des changements qui n’auraient pas été profondément réfléchis ne seraient pas « woke« .

Les implications du racebending

Revenons donc, maintenant, à la fameuse rumeur de casting polémique. Paapa Essiedu qui incarnerait Severus Rogue. Cette décision serait, en réalité, problématique de mon point de vue. Non pas parce qu’elle changerait la couleur de peau d’un personnage de fiction, mais parce qu’elle aurait des conséquences nombreuses qui doivent être prises en considération.

Par exemple, pour peu que les acteurs incarnant les Maraudeurs soient blancs de peau, le conflit entre eux et Rogue prendrait immédiatement une tonalité raciste, absente du récit original. Le rapport moral entre les protagonistes et les motivations des uns et des autres, seraient complètement remis en question. Bien que James Potter soit loin d’être un ange, ce changement ferait de Rogue bien plus une victime qu’il ne l’est. Il en irait de même pour le rejet de Lily, ou la haine de Pétunia, qui pourraient inconsciemment être rapportés à la couleur de peau du personnage.

maraudeurs jeunes sirius black, peter pettigrow, remus lupin et james potter

Plus largement, associer toute la négativité de Rogue à une personne racisée vient plutôt renforcer les poncifs contre lesquels l’industrie culturelle devrait lutter. Il y a notamment de nombreux préjugés et clichés sur la propreté des cheveux des personnes racisées, et noires spécifiquement. Attribuer le rôle d’un personnage décrit comme ayant des cheveux sales et gras contribuerait à ce stéréotype.

Enfin, historiquement, films et séries ne manquent pas d’antagonistes racisés et diabolisés ; ce casting viendrait ajouter Rogue à une longue liste de personnages problématiques, plutôt que de remettre en question ce trope usé. Un casting vraiment « woke », conscient des enjeux, n’attribuerait donc pas ce rôle à un acteur noir.

Hermione, Hagrid, et les autres

Ce n’est pas un secret, la rédaction de la Gazette a toujours trouvé important de représenter un monde magique inclusif et diversifié. Un James Potter métis, un Norbert Dragonneau racisé… de nombreuses idées mises en avant par le passé rappellent que le blanc n’est pas la couleur de peau par défaut des personnages. Elles permettent notamment de se remettre en question, de se demander “pourquoi est-ce que j’imagine ce personnage ainsi alors que je découvre maintenant qu’on peut l’imaginer autrement ?

Mais, loin d’être simplistes, ces représentations s’accompagnent d’une réflexion. Par exemple, représenter Hermione comme une personne racisée peut apporter une dimension supplémentaire à sa lutte contre l’esclavage des elfes de maison. Sa discrimination dans le monde magique, en tant que née-moldue, vient également se substituer au racisme systémique du monde moldu. Elle échappe donc à un système d’oppression pour être confrontée à un autre, renforçant le parallèle entre le racisme des Moldus et le « magisme » des sorciers. Pour Hagrid, lui aussi incarné par un acteur noir dans la pièce Harry Potter et l’Enfant maudit, la discrimination vécue par les demi-géants vient se substituer à la discrimination raciale.

De telles décisions de casting peuvent enrichir le message de la saga, l’amplifier et participer à sa construction. En revanche, choisir des acteurs racisés pour incarner les Dursley, par exemple, serait contreproductif et contraire aux valeurs des livres. Vernon est foncièrement réactionnaire et caricatural ; l’associer à une minorité saperait cette dénonciation de la classe moyenne britannique, étroite d’esprit et bien installée dans son confort. De même, faire un tel choix avec les Malefoy, Bellatrix, ou d’autres Mangemorts importants déconstruirait le parallèle avec le monde réel.

Premier avertissement pour la série

Cet épisode médiatique illustre à quel point écouter les fans sera indispensable pour que le projet fonctionne, contrairement à ce que semble penser le directeur de HBO. Coller de la diversité pour cocher une case, sans réfléchir au sens, ne satisfera personne (contrairement à ce que pensent les anti-wokistes, et potentiellement certaines têtes pensantes en coulisses). La série ne peut pas se permettre d’aliéner son public ainsi. On sait depuis le début que la diversité du casting est un des principaux défis de la série, et ces premières rumeurs ne font que renforcer ma conviction en la matière.

Le jeune public attend une meilleure représentation à l’écran. Le succès de la série Percy Jackson confirme que choisir une actrice noire aux cheveux bruns (Leah Jeffries) dans le rôle d’un personnage explicitement décrit comme blanc et blond (Annabeth Chase) ne fait pas couler un projet. Mais l’inclusivité ne peut pas se faire en dépit du bon sens, ni en dépit du sens tout court. Elle doit se faire de façon sincèrement réfléchie et contribuer au message de la saga.

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Bien entendu, il n’est pas question d’avoir besoin d’une raison pour choisir un acteur ou une actrice racisée. Le problème n’est pas l’inclusivité, au fond, mais bien l’exécution, comme l’évoque également Adam Bros. dans une vidéo : Pourquoi il faut arrêter avec le mythe du wokisme ? Confier le rôle de Rogue à un acteur noir poserait un problème, parce que ce serait inévitablement mal exécuté, aux yeux des idéologues réactionnaires comme aux yeux de fans progressistes.

Une réflexion globale à mener

Le casting de Paapa Essiedu dans le rôle de Rogue ne serait ni « woke, » ni fidèle à l’esprit de la saga ; il serait simplement inadéquat. Il y a bien d’autres personnages à réinventer ou valoriser ; d’autres situations et répliques à réécrire. Cette alerte doit pousser l’équipe de production à penser son approche dans sa globalité, et à réfléchir aux implications de chaque décision.

La série peut (et doit) être l’occasion de repenser certains aspects de la saga, en introduisant par exemple Sirius Black et Peter Pettigrow plus tôt dans l’histoire, potentiellement dès la première saison. Il serait regrettable de manquer cette opportunité de véritablement repenser les livres, pour réellement renouveler l’expérience. Une partie de l’équipe de la Gazette s’est d’ailleurs penchée sur le sujet dans l’épisode 55 de Salut Les Sorciers.

Ce reboot permet d’approfondir la saga. C’est son principal, voire son seul intérêt. L’équipe de production semble penser que la valeur ajoutée se situera dans les scènes et les lieux inédits ; mais oublie que les messages aussi méritent d’être retravaillés et que le casting fait partie de ce travail. J’espère que les annonces à venir seront à la hauteur des enjeux.

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