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Dossier – Harry Potter, l’enfance traumatisée : identité marquée, identité fragmentée (3)

Note : cette série d’articles n’a pas été écrite par un⋅e spécialiste de la psychopathologie de l’enfant. Elle survole de manière simplifiée les parallèles qui peuvent être faits entre les aspects psychologiques de la construction de l’enfant en rupture affective et la manière dont est écrit le personnage de Harry. 

Dans nos précédents articles de la série Harry Potter, l’enfance traumatisée, que nous vous conseillons vivement de lire avant d’entamer celui-ci, nous abordions les questions de la construction émotionnelle et de l’apprentissage de la nuance. Dans ce troisième article, nous allons parler d’identité. Comment le traumatisme précoce façonne-t-il l’identité de l’enfant ? Quel impact la mort des parents de Harry a-t-elle eu sur sa construction identitaire ? Nous allons essayer de décrypter cette question dans cet article. 

Être défini par son traumatisme 

Le traumatisme précoce expérimenté par l’enfant laisse des traces. Ces traces influencent la construction de son identité dès son plus jeune âge, avant même que l’enfant lui-même n’en ait conscience. L’enfant doit alors se construire avec ce poids qu’il porte, que tous connaissent et auquel il est contraint de faire face. Dès lors qu’il entre en relation avec un adulte qui connaît son histoire, il est défini à travers le prisme de ce traumatisme. C’est alors dans cette relation à l’autre que l’enfant prend conscience de ce traumatisme qui a été suffisamment précoce pour qu’il ne garde pas de souvenirs. Ce traumatisme le précède, il modèle la manière dont il entre en contact avec le monde et, ainsi, façonne son identité. Et cette identité se façonne dans le regard de l’autre. 

C’est exactement ce qui arrive à Harry tout au long de la saga. Il n’a pas conscience de ce qui est arrivé à ses parents puisqu’il n’en garde pas de souvenir, mais tous les adultes (et même les enfants de son âge) qui l’entourent le savent. Ils ne le regardent qu’à travers ce prisme, ne le considèrent qu’à travers ce qu’il a vécu lorsqu’il avait un peu plus d’un an. Harry est donc défini par cette nuit d’Halloween où il a fait disparaître Voldemort. Cette nuit-là a laissé des traces, elle a marqué son identité sous la forme d’une cicatrice qui incarne parfaitement cette impossibilité à se détacher de son histoire. Cette cicatrice est hautement symbolique : elle reflète la manière dont l’enfant est défini, avant toute chose, par son traumatisme. Et cette cicatrice le précède tout comme le traumatisme précède l’enfant qui le porte. 

Harry Potter
L’identité de Harry est avant tout caractérisée par la nuit de la disparition de Voldemort, dont sa cicatrice est le symbole indéniable. 

En grandissant, l’enfant traumatisé pourra avoir tendance à mettre en “avant” ce traumatisme dans une quête de relation privilégiée avec l’adulte. Il aura constaté que son histoire mobilise affectivement les adultes qui l’entourent et que cela peut lui permettre de renforcer ses liens avec eux. C’est ce qu’a parfois tendance à faire Harry, qui cherche à nouer des liens forts avec Dumbledore, Sirius Black, Remus Lupin… et qui se définit alors volontiers par l’héritage laissé par les parents et le poids que cela représente. Et c’est tout à fait compréhensible quand on considère à quel point Harry a manqué d’affection jusqu’alors. 

La fragmentation de l’identité

La présence des figures d’attachement est nécessaire pour que l’enfant se construise une identité unique, cohérente, à laquelle il pourra se rattacher. Les parents ou les caregivers jouent donc un rôle clé dans la construction identitaire de l’enfant. En l’absence de relation sécurisante et constante avec des figures privilégiées, l’identité se construit de façon plus hiératique, fragmentée, au gré des rencontres de l’enfant. 

L’identité oscille alors, et l’enfant a du mal à identifier les limites de son “moi”, qui est complexe et flou. C’est ce que l’on appelle le phénomène de fragmentation de l’identité. Il est fréquent, alors, que l’adulte (l’objet) devienne une partie de l’identité de l’enfant au même titre que les autres éléments qui la constituent. Comme l’enfant a du mal à concevoir les limites de son identité, il a du mal à voir où se situe véritablement la frontière entre lui et “l’autre”. Alors, si l’objet disparaît, l’enfant peut expérimenter une vraie sensation de dépossession, une impression de disparaître un peu lui aussi. La séparation avec la figure d’attachement n’est alors plus seulement la perte d’un être extérieur, mais bien la perte d’une partie de soi. C’est l’identité elle-même qui est abîmée. 

Lorsque l’on parle d’identité fragmentée, il n’est pas difficile de faire le lien avec les horcruxes qui l’incarnent parfaitement. Nous ne parlons alors plus de Harry, mais de Tom Jedusor qui, à sa manière, a, lui aussi, expérimenté des traumatismes précoces et des ruptures affectives. En effet, le garçon, né d’un amour faux puisque provoqué par un philtre d’amour, a grandi dans un orphelinat dans lequel il ne semble pas avoir reçu beaucoup d’affection. Par la suite, le mage noir fragmente son identité en sept morceaux qu’il dissimule dans ses objets qui lui sont chers, qu’il a particulièrement investis sur le plan affectif. Ces objets sont notamment liés à Poudlard, l’un des seuls lieux où il s’est véritablement senti chez lui : en l’absence de figures d’attachement, de parents, de famille, Tom Jedusor se raccroche à ce qui s’en rapproche le plus, son école. Il lie une partie de son identité à cet “autre”, cet objet qu’il affectionne.

Lorsque Harry détruit ces objets et qu’ils disparaissent, Voldemort disparaît lui aussi, peu à peu. Son identité est fragmentée en de multiples morceaux et les limites de son “moi” sont mal définies : elles ne se cantonnent pas à son corps, à son être, mais s’incarnent dans des objets qui lui sont extérieurs. 

Tom Jedusor jeune, au pensionnat
Voldemort est, lui aussi, un enfant traumatisé qui ne parvient pas à définir clairement les limites de son “moi”, qui s’incarne dans des objets qui lui sont extérieurs. 

Ainsi, Harry n’est pas le seul exemple d’enfant traumatisé. C’est un point commun qu’il partage une nouvelle fois avec Voldemort. Ces deux personnages illustrent bien deux caractéristiques de la construction identitaire de l’enfant en rupture affective : l’identité marquée par le traumatisme, à la manière d’une cicatrice, et l’identité fragmentée par celui-ci, à la manière des horcruxes. Il s’agit donc de deux orphelins qui, à leur manière, s’efforcent de se construire autour de ce manque d’affection précoce.

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Source : analyse inspirée d’un cours de psychopathologie donné par le docteur L.Boissel à l’Université de Picardie Jules Verne (AMIENS) en novembre 2021.

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