Peter Pettigrow : un sorcier plus puissant qu’il n’y paraît
Lâche, traître, pathétique… Nombreux sont les adjectifs peu flatteurs pour qualifier Peter Pettigrow. Personnage méprisé au plus haut point par les fans, il fait partie de ceux, à l’instar de Dolores Ombrage ou Lavande Brown qui, selon bon nombre d’entre nous, ne méritent pas d’être appréciés. Cependant, Peter est un personnage bien plus subtil qu’il y paraît. Arrêtons-nous un instant pour tenter de mieux le comprendre et de percevoir l’histoire de son point de vue.
Un nom prémonitoire
Peter Pettigrow, en version anglaise Peter Pettigrew, a, comme beaucoup de personnages de la saga, un nom révélateur. Le prénom “Peter” vient du latin petrus, qui signifie “pierre”, et est aujourd’hui l’équivalent anglophone de ce prénom, “Pierre”. Il s’agit d’un prénom très commun, qui révèle la nature a priori ordinaire et passe-partout du personnage. Ce prénom peut aussi évoquer le Peter le plus célèbre du monde, le petit garçon qui ne veut pas grandir créé par J.M. Barrie. On peut alors y voir un parallèle avec le côté enfantin et immature de Pettigrow.
Son nom de famille apporte aussi des indications précieuses. Il peut venir de deux mots anglais : petty, signifiant “mauvais”, “mesquin” ; et grew, prétérit du verbe grow, qui veut dire “grandir”. Le nom Pettigrew peut se traduire littéralement par “devenir mauvais », « mesquinerie grandissante ». L’idée de la croissance et du fait de grandir se retrouve donc aussi dans ce nom, très prémonitoire. Pour sa traduction française, Jean-François Ménard a conservé la base du nom mais l’a légèrement détourné pour obtenir “Pettigrow”. On entend alors “petits gros”, attributs physiques du personnage.
Une enfance mystérieuse
Nous ne connaissons que très peu de choses sur l’enfance de Peter. Seule certitude : sa mère était une sorcière. Son unique évocation concerne le moment où elle récupéra le doigt de son fils et sa décoration à titre posthume de l’Ordre de Merlin, après sa supposée mort. Cette précision est importante : au moment de la “mort” de Peter en 1981, c’est sa mère qui récupère la distinction ; il n’est fait aucune mention du père. Si ce dernier était un sorcier et avait été présent lors de cette remise, il aurait dû être mentionné. Plusieurs interprétations sont alors possibles : le père est un moldu, qui ne mérite donc pas les honneurs d’une mention dans la presse ; il est indifféremment sorcier ou moldu et est parti du foyer ou est décédé.
Il est impossible d’être plus précis, notamment sur une éventuelle date de décès. On peut néanmoins émettre l’hypothèse suivante : avec un père moldu, parti ou décédé, Peter n’aurait pas eu de modèle paternel inspirant sur lequel s’appuyer. Cette absence aurait eu un impact sur son comportement et son besoin de reconnaissance criant. Ce dernier s’exprime tout au long de la saga, tout d’abord auprès de ses amis, puis auprès de Voldemort.
Un besoin maladif de reconnaissance
Une amitié déséquilibrée
L’amitié entre les quatre garçons de Gryffondor est assez étonnante. Si l’on comprend aisément comment James, Sirius et Remus sont devenus amis, il est plus difficile de saisir comment Peter a fait pour s’intégrer à ce petit groupe. James et Sirius sont très rapidement devenus populaires au sein de l’école, appréciés, admirés : pourquoi ont-ils accepté qu’un garçon balourd, moyen et maladroit se joigne à eux ? Était-ce par amitié sincère, ou l’admiration sans faille de Peter leur permettait-elle de se conforter dans leur rôle de garçons populaires ? Sans doute un peu des deux, mais cette ambiguïté crée un déséquilibre profond dans l’amitié et la dynamique du quatuor. Si l’on devine que Remus, d’un naturel solitaire et lucide, accepte volontiers de rester en retrait, cette position est plus difficile à gérer pour Peter face à la relation fraternelle de James et Sirius.
Le jeune garçon doit alors prouver qu’il mérite sa place dans le groupe, qu’il est digne d’être leur ami. Il n’hésite pas à participer au harcèlement de Rogue, certes sans y prendre part mais sans s’y opposer de peur de déplaire à ses amis, contrairement à Remus qui intervient.
Il est par ailleurs prêt à briser les règles pour se montrer légitime, notamment en se promenant dans les couloirs de l’école la nuit et en devenant un Animagus non-déclaré. Cette faculté le rend d’ailleurs véritablement utile au groupe, car lui seul peut appuyer sur les racines du Saule Cogneur, ce qui permet à James, Sirius et lui de se rendre dans la Cabane hurlante et de tenir compagnie à Remus lors de ses transformations en loup-garou.
Si elle n’a pas été confirmée, une autre hypothèse serait que Peter ait exploré des recoins inconnus et inaccessibles de Poudlard sous sa forme d’Animagus, pour contribuer, à son échelle, à l’établissement de la Carte du Maraudeur. Un travail collectif qui a sans doute fait la fierté du jeune homme, d’autant plus que, fait non négligeable, il est cité en second dans la liste des créateurs, une place très significative.
On peut voir que, malgré un relatif sentiment d’appartenance amené par la création de la Carte du Maraudeur, l’amitié dans le quatuor est très déséquilibrée, et Peter est dans une position constante d’infériorité. Ce sentiment, mêlé à une peur de la mort, conduit le jeune homme à faire le pire choix possible, en choisissant de se vouer à un autre personnage qu’il juge plus important : Voldemort.
Une dévotion dangereuse
C’est bel et bien l’une des raisons pour laquelle Peter se rallie au Seigneur des Ténèbres : pour (se) prouver qu’il n’est pas seulement un suiveur mais aussi un individu capable de penser par lui-même. Il rejoint la résistance de l’Ordre du Phénix uniquement car ses camarades y vont. Son premier acte de “résistance” et de réflexion personnelle le pousse à quitter la formation et à rejoindre les rangs ennemis. Mais pourquoi n’a-t-il tout simplement pas fui loin des combats ? Pourquoi avoir pris le risque immense de se rallier à Voldemort, en sachant qu’il serait considéré comme un traître par ses amis ?
Outre le fait de penser que le camp du Seigneur des Ténèbres allait gagner, Peter a choisi de rejoindre Voldemort pour être utile, pour servir à quelque chose. Quand il rapporte le secret de la cachette des Potter, c’est davantage pour être dans les bonnes grâces de Voldemort que pour les dénoncer (se rend-il compte des conséquences de cette dénonciation ?) Il veut prouver à Voldemort, aux autres et à lui-même qu’il peut faire des choix, prendre des décisions, être indépendant. Son besoin de reconnaissance s’exprime également par les actions qu’il est capable de faire pour son Maître : mentir, trahir, se mutiler, tuer…
L’élément le plus criant de cette dévotion est son implication dans le retour de Voldemort. Il est le seul à le rechercher et le retrouver, le seul à avoir pris soin de lui tout au long du processus. Dans le livre, Voldemort déclare :
Ta dévotion n’est rien d’autre que de la couardise. Tu ne serais pas ici si tu avais un autre endroit où aller.
Voldemort à Peter Pettigrow, “Harry Potter et la Coupe de feu”
En vérité, rien n’obligeait Peter à revenir. Il aurait pu tout simplement fuir et se cacher quelque part sans jamais être retrouvé. Ce retour symbolise davantage la dépendance qu’éprouve Peter envers Voldemort, qu’il considère comme un repère. Même si cette mission était très dangereuse, Peter a pris le risque, sans doute motivé par une pensée alléchante : être celui qui a permis la résurrection de Voldemort lui permettrait d’être considéré comme le meilleur des Mangemorts, le plus loyal, le plus courageux, l’intouchable. C’était bien entendu mal connaître le Seigneur des Ténèbres, mais cette action laisse toutefois percevoir un certain courage, exercé en réalité plus d’une fois par le Maraudeur.
Un véritable Gryffondor
Peter est loin d’être le stéréotype du Gryffondor brave et courageux. Par conséquent, il ne semble pas correspondre à cette Maison, et on le répartit par facilité et par défaut à Serpentard. Cependant, ce n’est pas parce que Peter semble très loin de l’image du Gryffondor et qu’il est un Mangemort qu’il est forcément un Serpentard.
Du courage à l’école…
Tout d’abord, rappelons que la répartition de Peter n’a pas été si simple. Il est en effet l’un des deux seuls Chapeauflous connus. Le Choixpeau a longuement hésité entre Serpentard et Gryffondor avant d’opté pour les lions. Il est possible d’expliquer ce choix par plusieurs raisons : tout d’abord, il faut se souvenir qu’il est possible de demander à aller dans une Maison précise. Si Peter n’a peut-être pas fait cette requête consciemment, le Choixpeau a sans doute décelé cette volonté en lui de faire ses preuves, d’être un héros comme, finalement, beaucoup d’enfants à onze ans. Le Choixpeau a également pu sentir la personnalité fragile et influençable du jeune garçon, et ainsi l’envoyer vers la Maison qui pourrait le faire évoluer au mieux.
Peter fait par ailleurs preuve de courage à plusieurs moments de la saga. Dans sa scolarité tout d’abord, il accepte de devenir un Animagus. Outre le fait que cet acte est interdit et serait durement puni si découvert, devenir un Animagus est un procédé dangereux, qui peut avoir des complications sévères si exécuté de manière incorrecte. De plus, il est capable de faire face entre sa deuxième et sa septième année à un loup-garou, créature a priori plutôt agressive ! Et ce d’autant plus qu’il était un rat, une petite proie dans l’impossibilité de se défendre, contrairement à Sirius en chien.
… et en dehors
Qu’on veuille l’admettre ou non, le fait de retrouver Voldemort est en soi une preuve de courage. Dans les faits, rien n’obligeait Peter à agir. Tout d’abord, après la défaite de Voldemort par bébé Harry, il ose revenir récupérer la baguette de son Maître, malgré le risque de se retrouver nez à nez avec des Aurors. Douze ans plus tard, après sa fuite de Poudlard, il choisit de faire un périple complexe pour rejoindre Voldemort en Albanie. Pourquoi un tel choix, outre qu’il révèle son fameux besoin de reconnaissance ?
Enfin, la dernière action de la vie de Peter est un gage de courage, quand il hésite à tuer Harry dans le manoir des Malefoy. Peter est parfaitement conscient que, si Harry parvient à s’enfuir, il sera puni à la hauteur de cette perte. Néanmoins, cette once d’humanité montre qu’il peut faire preuve de bravoure. La suite ne lui laissera pas le temps de faire son choix, puisqu’il est immédiatement étranglé par sa main en argent.
Ces différentes actions révèlent d’autre part une certaine débrouillardise et intelligence, ainsi que des capacités magiques moins médiocres que l’on ne le présente dans la saga.
Des capacités magiques pas si réduites
Il avait un véritable culte pour Black et Potter. Mais il n’était pas du tout à leur niveau.
Minerva McGonagall à propos de Peter Pettigrow, “Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban”
Alors qu’il nous est présenté comme un personnage aux capacités moyennes, surtout en comparaison avec ses amis, Peter n’est finalement peut-être pas si médiocre.
Au niveau magique tout d’abord, il a donc réussi à devenir un Animagus, ce qui nécessite pourtant un procédé très complexe. Il a été capable de maîtriser la baguette d’un autre, qui s’avère en plus être la baguette de Voldemort, a priori extrêmement puissante. C’est sûrement la baguette de Voldemort qui a permis à Peter de lancer un sortilège d’Explosion d’une grande puissance et surtout un sortilège de la Mort, que l’on sait complexe à lancer (il n’aurait sans doute pas réussi avec une autre baguette). Cependant, Peter a su se faire obéir de cette baguette et la manipuler parfaitement, ce qui démontre une certaine puissance. Il a également su mener à bien le processus de résurrection, que l’on n’imagine pas à la portée du premier venu.
Ce dernier point permet de souligner les capacités intellectuelles de Peter : il a été capable de respecter toutes les instructions de Voldemort sans commettre d’erreurs. Il a su duper Sirius et se jouer de lui et de tous, en se mutilant, et manipuler l’employée du Ministère Bertha Jorkins pour la livrer à Voldemort. Il a réussi à devenir un espion, un agent double, ce qui nécessite une certaine force mentale et intellectuelle. Enfin, il a été capable de vivre sous la forme d’un rat pendant douze ans sans se faire suspecter, ce qui prouve une ingéniosité certaine.
Cet ultime élément met en lumière la peur la plus profonde de Peter : celle de la mort.
Une peur de la mort au-delà de tout
Vivre dans la peur et simuler sa mort
Au travers des éléments évoqués précédemment, nous avons pu voir que l’une des motivations premières des actions de Peter est sa soif de reconnaissance au mépris de tout honneur. Celle-ci permet d’expliquer bon nombre de ses choix, notamment sa trahison envers ses amis pour rallier Voldemort. Toutefois, cet acte peut également être analysé par le prisme de la peur panique de Peter envers la mort. En effet, lorsqu’il décide de quitter l’Ordre du phénix, outre un acte de “rébellion”, c’est bel et bien parce qu’il se rend compte que rester dans l’Ordre représente un danger de mort certain. Le camp du Mal représente avant tout pour lui un endroit de sécurité, car supposé gagnant.
Peter n’hésite par ailleurs pas à simuler sa mort, non pas une fois mais deux, pour justement y échapper : la première en faisant face à Sirius, la seconde après l’évasion de ce dernier, quand il fait croire que Pattenrond l’a tué en tant que Croûtard.
La confrontation entre Peter, Sirius et Remus dans la Cabane hurlante met en avant cette peur profonde :
— Il… il ralliait tout le monde ! Qu’avait-on à gagner en s’opposant à lui ?
— Qu’avait-on à gagner en combattant le sorcier le plus maléfique qui ait jamais existé ? On avait à gagner des vies innocentes, Peter !
— Tu ne comprends pas ! Il m’aurait tué !
— ALORS, TU AURAIS DÛ MOURIR PLUTÔT QUE TRAHIR TES AMIS, MOURIR COMME NOUS SERIONS MORTS POUR TOI S’IL L’AVAIT FALLU !
Sirius Black et Peter Pettigrow, “Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban”
Cet échange est extrêmement révélateur, puisqu’il illustre que Peter est terrifié par l’idée d’être tué ; une peur qui lui fait donc commettre d’innombrables erreurs.
Vivre sous la forme d’un rat, un choix révélateur
D’autre part, sa vie sous sa forme de rat témoigne bien de cette ambivalence face à la Grande Faucheuse. Son arrivée dans la famille Weasley est mystérieuse, on ignore comment il est devenu l’animal de Percy. À ce moment-là, c’est sans doute par facilité que Peter choisit de demeurer dans une famille de sorciers qui lui offre protection, nourriture et confort.
Impossible pour lui de reprendre sa forme humaine, car il est supposé mort. Prendre le risque de se révéler à visage découvert l’exposerait à un danger mortel car il est un traître partout, aussi bien du côté des “gentils” que de celui des Mangemorts, car Voldemort est “mort” en suivant les indications de Peter. De plus, vivre comme un rat est difficile (complexité de se nourrir, proie facile pour les prédateurs…) : rester chez les Weasley lui permet donc d’être protégé, mais aussi de rester informé de l’actualité sorcière. Le hasard fera d’ailleurs bien les choses pour lui car sa famille d’adoption deviendra aussi celle de Harry, qu’il pourra surveiller et trahir par la suite.
Néanmoins, on peut se poser la question suivante : si Peter s’était retrouvé dans n’importe quelle autre famille sorcière non liée à Harry, aurait-il fait quelque chose ? Ou avait-il prévu de rester un rat et de mourir en tant que rat, avant que son ambition et sa soif de reconnaissance ne ressurgissent ?
L’ambiguïté au service des personnages
On ne peut pas le nier : Peter Pettigrow reste et restera un des personnages les plus méprisables de la saga. Néanmoins, une analyse de ses actions permet de mettre en avant des nuances et des subtilités qui l’éclairent d’une lumière plus touchante : Peter n’est, au final, qu’un petit garçon qui cherchait une appartenance et qui n’a jamais su trouver sa place. Il illustre parfaitement la fameuse citation d’Albus Dumbledore :
Ce sont nos choix, Harry, qui montrent ce que nous sommes vraiment, beaucoup plus que nos aptitudes.
Albus Dumbledore, “Harry Potter et la Chambre des secrets”
Peter a construit sa vie selon des choix qui se sont souvent avérés être les mauvais. Si l’on ne peut lui pardonner ses actions, nous pouvons au moins le comprendre et constater qu’il est un personnage bien plus profond que l’on pourrait le croire.
Librement inspiré d’un article de Mugglenet.