Headcanon – les personnages de Harry Potter imaginés comme LGBTQIA+
Les livres de la saga Harry Potter ne comptent pas un seul personnage ouvertement LGBTQIA+ (Lesbiennes, Gays, Bis, Transgenres, Queer, Intersexes, Asexuels, et d’autres encore). Cependant, ça n’a pas empêché les fans d’identifier des personnages qui pourraient refléter leur identité. Après tout :
- L’autrice ayant indiqué, après les faits, que Albus Dumbledore était homosexuel, la présence d’autres personnages « encore dans le placard » n’a rien d’abracadabrantesque.
- Si la population du livre est représentative de la population mondiale, alors le nombre de personnages LGBTQIA+ doit être plus élevé que ce que les livres indiquent.
Une quête d’identité et d’identification
Lorsqu’on lit un livre, le plus souvent, on s’identifie, ou on cherche à s’identifier, aux personnages. On cherche ceux et celles qui nous ressemblent, qui nous représentent. On se reconnaît en elles et eux ; parfois, on projette également sa propre expérience. Et c’est ainsi qu’on en arrive à imaginer certains personnages comme étant LGBTQIA+, malgré l’absence de référence explicite dans le texte, par la lecture des sous-textes.
Bien que les ships (couples) LGBTQIA+ soient nombreux dans les fanfictions, nous nous concentrerons ici sur les personnages et leur identité, indépendamment de leurs relations amoureuses.
Alors, quels sont les personnages de Harry Potter codés LGBTQIA+ ?
Note : Cet article contient quelques explications basiques de certains concepts, il ne pourra cependant pas revenir en détail sur les notions de genre, d’expression du genre, d’attirance sexuelle… Si un sujet vous intrigue, de nombreuses associations LGBTQIA+ seront mieux placées que nous pour vous éclairer ! L’article a été rédigé par un homme blanc cis-het.
Un arc-en-ciel d’identités
Du genre à l’orientation sexuelle, les interprétations couvrent un large spectre d’identités. Certaines sont plus populaires que d’autres, mais toutes celles présentées ci-dessous reposent sur des éléments glanés dans les livres, les films et les interviews officielles.
Remus Lupin – bisexuel ou pansexuel
Très tôt, les fans ont perçu Remus comme potentiellement homosexuel. Après tout, sa lycanthropie et la manière dont il est traité rappellent l’exclusion et les stigma longtemps attachés au SIDA, une épidémie qui a particulièrement frappé les communautés LGBTQIA+ (comme l’a d’ailleurs reconnu l’autrice). Cette interprétation était partagée par le réalisateur Alfonso Cuarón et l’acteur qui incarne le personnage, David Thewlis.
Alfonso Cuarón, lors d’une répétition et en l’absence de J.K. Rowling, m’a indiqué que Lupin était homosexuel. J’ai donc longtemps joué le personnage comme tel.
David Thewlis pour Entertainment Weekly
Le personnage de Lupin épouse finalement Tonks, ce qui a mis fin à cette interprétation. Les fans ont cependant rapidement souligné que Lupin pouvait être bisexuel, voire pansexuel. Il ne se tourne vers Tonks qu’après le décès de Sirius Black, le personnage dont il aurait été amoureux jusque là.
Sirius Black – gay ou bisexuel
Cette interprétation du personnage se fonde sur l’idée de la relation très forte entre Remus et Sirius. Très populaire auprès des filles, Sirius ne semble pourtant pas s’intéresser à elles, contrairement à James qui cherche volontairement à attirer l’attention sur lui.
Une fille assise derrière [Sirius] l’observait d’un œil plein d’espoir, bien qu’il n’eut aucun regard pour elle.
Harry Potter et l’Ordre du Phénix, chapitre 28
On ne connaît au personnage aucune relation (notez que 13 ans à Azkaban n’ont pas dû aider), même du temps des Maraudeurs. L’autrice a cependant indiqué que « Sirius était trop occupé à se comporter en rebelle pour songer à se marier« . Une rébellion qui pourrait également être dirigée vers l’hétéronormativité ambiante.
La présence de nombreuses images de filles en bikini dans la chambre de Sirius a souvent été pointée du doigt comme un contre-argument. C’est pourquoi certains parlent de bisexualité plutôt que d’homosexualité. D’autres soulignent que le fait de cacher son homosexualité sous une façade d’hétérosexualité exagérée est un stéréotype de fiction récurrent. C’est le cas par exemple du personnage de Deitrich dans V for Vendetta, connu pour ses frasques avec les femmes qui ne sont au final qu’une couverture. On sait que ces images ne sont pas uniquement affichées pour Sirius, elles sont également placardées dans le but que ses parents les voient (c’est pourquoi, il choisit des filles moldues). Il utilise consciemment ces images pour envoyer un message et donc, potentiellement, pour se créer une façade.
Tonks – agenre ou non-binaire
La jeune métamorphomage a longtemps été un modèle pour les personnes agenres (qui ne s’identifient ni homme ni femme). En effet, au-delà de son rejet des stéréotypes féminins dans son apparence, elle refuse catégoriquement l’usage de son prénom genré.*
Bien entendu, l’identité agenre était bien moins connue à l’époque à laquelle la saga a été rédigée (ce qui ne veut pas dire qu’elle n’existait pas). Aujourd’hui encore, le concept d’un genre non-binaire reste obscur pour une grande partie de la population peu sensibilisée à ce sujet. C’est pourquoi l’attitude de Tonks a été une véritable révélation pour de nombreux fans.
C’est aussi la raison pour laquelle son « assagissement » (à travers sa relation avec Lupin, qui l’appelle par son prénom), a fait couler beaucoup d’encre. Certains défendront qu’elle pourrait aussi être genderflux, ou genderfluid, et c’est indéniable. Au final, elle reste un emblème non-binaire pour les communautés LGBTQIA+.
Charlie Weasley – asexuel
Le puîné des frères Weasley est, selon l’autrice « plus intéressé par les dragons que par les femmes« . Cette aveu en a fait un emblème de la communauté asexuelle. Ces personnes ne ressentent simplement pas de désir sexuel physique.
On en sait finalement très peu sur le personnage, mais cette lecture offre un certain réconfort à de nombreux fans qui peuvent ainsi se retrouver dans un personnage de la saga, aussi anecdotique soit-il.
Marietta Edgecombe – lesbienne
L’amie de Cho Chang se rend avec elle aux réunions de l’Armée de Dumbledore alors qu’elle semble loin d’être convaincue par le projet. Selon certains fans, son comportement prend plus de sens si on imagine qu’elle a des sentiments envers Cho. L’A.D. serait un prétexte pour passer plus de temps avec l’attrapeuse de Serdaigle et lui prouver sa loyauté. Sa haine envers Harry, et sa décision de « le punir » en dénonçant l’A.D. juste après qu’il a blessé Cho, peuvent alors être expliquées par sa jalousie et des intentions protectrices.
Elphias Doge – homosexuel
Le grand ami de Dumbledore, avec lequel le directeur devait partir en voyage autour du monde, lui vouait une admiration sans faille. Il parle, dans son éloge funèbre, de « mutual attraction » (« attirance mutuelle », officiellement traduit en français par « sympathie »). Certains se l’imaginent donc potentiellement homosexuel, que son amour pour Albus ait réellement été réciproque ou non.
Archie Aymslowe – queer
Ce personnage extrêmement anecdotique est le président du groupe Air Pur Évite Toute Émanation (APÉTÉ – en anglais Fresh Air Refreshes Totally ou F.A.R.T.), qui milite contre les règles vestimentaires du Code du Secret. Il apparaît lors de la Coupe du Monde de Quidditch, où il refuse d’enfiler un pantalon à la place de sa robe de nuit à fleurs. Ce refus de se soumettre aux normes genrées du monde moldu, au profit des tenues unisexes des sorciers, en fait un symbole de la lutte contre les stéréotypes de genres. Quoi qu’il en soit, il se fiche de savoir ce qu’il « devrait » porter ou non.
Et les autres…
Il existe bien d’autres lectures des personnages comme appartenant à les communautés LGBTQIA+. Il est impossible d’en faire une liste exhaustive, mais on peut citer :
- Horace Slughorn et Colin Crivey, interprétés comme homosexuels par certains fans ;
- Rogue, décrypté comme un personnage transgenre ;
- Drago, dont la bisexualité expliquerait son obsession pour Harry ;
- Harry Potter, qui ne cesse de décrire les autres personnages masculins comme séduisants ;
- Luna, dont la personnalité excentrique lui vaut d’être souvent considérée comme très ouverte en matière de sexualité ; elle se fiche des stéréotypes, des normes, des étiquettes… Si elle n’est pas LGBTQIA+ elle-même, elle serait indéniablement une alliée très impliquée.
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Le verdict de l’archiviste
Au final, ces nombreux headcanons nous rappellent aussi que notre interprétation et vision instinctive d’un personnage dépend fortement de notre vécu. Certains détails, auxquels les uns ne prêtent aucune attention, résonnent fortement chez d’autres comme les indicateurs d’une identité partagée. Que ces indices soient présents dans les livres par la volonté de leur autrice ou non n’a que peu d’importance ; ces interprétations ne contredisent pas le canon et ne sont contraignantes pour personne.
L’imaginaire de chacun nous permet d’apporter à l’univers de Harry Potter une diversité qui en est virtuellement absente. C’est une richesse qu’il ne peut acquérir qu’à travers les headcanons des fans. Nous avons voulu mettre en lumière ces interprétations, qui élargissent le panel d’identités représentées.
La représentation est un sujet important. Elle permet à chacun de se retrouver dans un univers, mais aussi de mieux comprendre ou de découvrir des concepts liées à sa propre identité et à celle des autres. Elle aide à « normaliser » ces identités souvent méconnues et à déconstruire les stéréotypes (dans le cadre de représentations neutres ou positives. En effet, un énième grand méchant efféminé renforce les stéréotypes négatifs et démonise un comportement perçu comme « déviant » dans une société patriarcale hétéronormée). Si cette diversité primordiale n’est pas naturellement présente dans les livres, c’est aux fans et au fandom de l’intégrer.
Et vous, quel est votre headcanon LGBTQIA+ préféré ?