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Les couples queer dans les fanfictions Harry Potter

Parmi les centaines de milliers de fanfictions Harry Potter, un grand nombre de romances queer ont émergé au fil des années. Parfois, elles approfondissent une faille, une ouverture déjà présente dans l’œuvre canonique, comme c’est le cas du « Grindeldore » (Grindelwald/Dumbledore). D’autres fois — et le plus souvent il me semble —, elles réinventent l’histoire, redynamisent autrement les relations et les liens entre les personnages.

À l’occasion du Pride Month (« Mois des Fiertés »), il me tenait à cœur de mettre tous ces amoureux et amoureuses à l’honneur. À travers eux, il s’agira aussi de mettre la fanfiction queer sur le devant de la scène et de revenir sur sa pertinence, son intérêt et même sa nécessité.

Des modèles différents pour se sentir représenté·e·s

La plupart des œuvres qui nous entourent sont encore très hétéronormées. Il peut donc très vite devenir compliqué de se sentir normal·e en étant queer et en ne parvenant pas du tout à se reconnaître dans les modèles proposés. Même si, aujourd’hui, tout cela a déjà beaucoup bougé et bouge encore, dans les années 2000 — et avant —, les fanfictions ont pu constituer une source non négligeable de modèles différents, d’histoires différentes, de schémas de couples et de relations différents.

Si certains des couples queer de fanfiction sont extrêmement célèbres, comme c’est notamment le cas du « Drarry » (Drago/Harry) ou du « Wolfstar » (Lupin/Sirius), très en vogue auprès des fans de l’époque des Maraudeurs, il y en a bien d’autres encore, presque une infinité : le « Fleurmione » (Fleur/Hermione), le « Linny » (Luna/Ginny), le « Ginmione » (Hermione/Ginny), le « Pansmione » (Hermione/Pansy), le Ron/Harry, le Blaise/Drago, le Dean/Seamus… Leur diversité fait écho aux diversités identitaires réelles. Ainsi, elles ont toutes contribué à offrir une bouffée d’air frais aux personnes queer qui pouvaient souffrir de marginalisation, un appui à leur identité, un soutien.

La force des marginalités

J’emploie ici la notion de marginalité au sens strict d’écart par rapport à la norme d’une société. En ce sens, il s’avère que la fanfiction est une pratique littéraire marginale : elle se fait à côté, en marge de la production littéraire dite classique, normalisée.

Drago et Harry s'embrassant. Drago : "Potter, ça n'arrange rien." Harry : "Chut, bien sûr que si."
Fanart du couple « Drarry »
par InCaseYouArt.

Souvent mal vue, mal considérée et même méprisée, elle garde une place à l’écart, un peu plus isolée, qui ne l’empêche toutefois pas d’évoluer, de s’étendre, de se diffuser. Simplement, elle le fait autrement, par d’autres voies, d’autres médias.

Les communautés queer ont cette marginalité en commun avec la fanfiction. Minoritaires, elles sont parfois encore discriminées, maintenues en marge de ce qui est défini comme normal. Attention : il n’est pas question de prétendre qu’un quelconque lien de cause à effet existe entre une identité queer et un intérêt pour les fanfictions ! Ce qui paraît pertinent en revanche, c’est que tout espace marginalisé est un lieu potentiellement sécurisant pour toute personne marginalisée. Se positionner à la marge a souvent cet avantage face à la normalisation : on y est plus libre. À distance des normes, le lieu marginal bénéficie de toute la liberté de « l’à-côté » pour se construire, se créer, s’inventer et surtout s’oser.

La liberté des fanfictions

Si les relations queer sont aussi nombreuses dans l’univers de la fanfiction, c’est que, dans son essence même, dans sa raison d’être, la fanfiction ne pouvait que les accueillir. Espace d’expression libre et fertile, la fanfiction n’a refusé à rien ni à personne le droit d’exister. Par le biais de lectures ou d’écritures de fanfictions, nombreuses doivent être les jeunes (et les moins jeunes d’ailleurs) personnes queer à s’être trouvé une voie, un lieu d’exploration, de partage, d’affirmation, d’acceptation, d’évolution et d’épanouissement.

Tout cela ne signifie pas que les plateformes de fanfictions ne voient jamais en leur sein des personnes discriminantes ou haineuses, hélas, mais j’ai personnellement fait l’expérience d’un fandom bienveillant dans l’ensemble. Surtout, la personne discriminante, dans l’univers de la fanfiction, est celle qui se retrouve bien vite en minorité — ce qui parfois suffit à tout changer !

Un parallèle avec le manga

Les dynamiques relationnelles exploitées en fanfictions n’en sont pas l’exclusivité pour autant : la plupart d’entre elles se retrouvent dans de nombreuses littératures, et notamment dans cette autre forme marginalisée de littérature : le manga. La relation « enemies to lovers » notamment, au centre de nombreux mangas, est également au cœur de la relation Drago/Harry ou même du couple Hermione/Pansy.

Hermione et Fleur s'embrassant.
Fanart du couple « Fleurmione »
par TooDrunkToFindAurl.

De manière plus générale, les relations amoureuses construites sur la base d’une opposition qui devient complémentarité parfaite sont monnaie courante dans les œuvres de manga. Il en est de même en fanfiction : le couple Sirius/Lupin se fonde sur ce principe (Sirius incarnant la force de caractère et Lupin étant perçu comme plus doux ou sensible), de même que le couple Luna/Ginny (pour les mêmes raisons) ou le « Fleurmione » (Fleur incarnant la beauté, Hermione l’intellectualité). Les unions de type Serpentard/Gryffondor (le Drago/Harry, le Ron/Blaise, le Ron/Drago, le Hermione/Pansy, etc.) s’articulent elles-aussi, très souvent, autour de ce principe.

Le traitement des relations queer

Dans certaines fanfictions, le genre et la sexualité font partie intégrante de l’histoire. Le fait que le personnage soit queer revêt une certaine importance dans ce qui lui arrive, dans ce qu’il vit et dans le développement de l’intrigue. Son identité de genre ou sexuelle fait définitivement partie de sa caractérisation. Souvent, cela permet de transposer dans un univers fictif des problématiques rencontrées dans le monde réel et de les traiter autrement, de les transformer, de leur donner d’autres issues. À titre exemple, je pense à une fanfiction mettant en scène le personnage de Luna qui ne se reconnaît pas en tant que femme.

En revanche, d’autres fanfictions n’accordent aucune importance à la sexualité ou au genre de leurs personnages. Bien sûr, dans l’esprit de l’auteur, cela peut avoir été important, consciemment ou inconsciemment d’ailleurs, mais au sein même de la diégèse, l’identité sexuelle ou de genre n’a aucune incidence, ni même aucune réalité. On ne retrouve pas d’éventuel coming out, pas de discrimination ambiante autour du personnage queer, pas non plus de relation cachée à cause de cela, rien de ces doutes ni de ces peurs. Des mots comme « homosexualité », « homophobie », « transgenre », « coming out » et autres ne figurent même pas dans le texte, à aucun moment.

Ce n’est en aucun cas de l’évitement : au contraire, il semble plutôt que l’orientation sexuelle ou le genre a si peu d’importance dans la construction et la justification de la relation qu’il n’est même pas pertinent d’en parler.

La libération des genres et des sexualités

Cette liberté absolue des genres et des sexualités est telle qu’il n’est même plus question de les différencier ou de les étiqueter. Ce qui compte, c’est de voir ces personnages-là ensemble, et de lire ou d’écrire une relation authentique. Qu’elle soit queer ou non est dès lors une considération secondaire.

Dans une grande partie des relations Drago/Harry, par exemple, ce qui prime ou ce qui pose problème n’est aucunement leur orientation sexuelle : c’est davantage l’histoire de deux rivaux qui doivent apprendre à s’aimer malgré toutes leurs différences. De même dans le couple Luna/Ginny : il paraît moins important de dire qu’il s’agit de deux femmes que de s’intéresser à la façon dont la « folie douce » de Luna et la force rationnelle de Ginny pourront s’équilibrer et se compléter, ou comment, a contrario, cette dynamique attendue va se retourner, être bouleversée.

Lupin et Sirius s'embrassant.
Fanart du couple Lupin/Sirius
par Jenn St-Onge.

Citons encore le couple Lupin/Sirius : la relation paraît belle parce qu’il s’agit, dans la majorité des cas, d’une amitié très fusionnelle qui se transforme ou qui demeure ambiguë, et également d’une combinaison de deux personnalités différentes qui doivent apprendre comment s’unir. L’exemple peut également s’appliquer au couple Dean/Seamus.

Dès lors, ce qui prime sur l’identité queer est le rapport, la tension entre les personnages. Elle peut être directement tirée du canon (comme pour le « Drarry ») ou complètement extrapolée (comme pour le « Linny »). Dans les deux cas, l’intérêt est tout entier dans cette dynamique.

Oublier les catégorisations

Parmi toutes ces fanfictions, nombre d’entre elles abolissent ou tendent vers l’abolition des cloisons symboliques entre les genres et les sexualités. Ce n’est pas que les sexualités et les genres ne peuvent plus exister ni n’avoir aucune réalité dans l’écriture ou dans l’histoire : les personnages ne sont pas forcément asexués, agenrés ou asexualisés ; l’auteur ne gomme pas forcément ces identités. D’ailleurs, ces identités ne s’effacent pas : elles s’assimilent simplement. Cela fait tant partie de la caractérisation du (ou des) personnage(s) qu’il n’est même plus pertinent ou important de le mettre en évidence, de le justifier et de le traiter.

L’identité queer est alors pleinement intégrée au reste de l’identité. C’est, selon moi, l’idéal suprême à viser par notre société : assimiler toute identité de genre ou sexuelle de manière égale, sans que cela ne compte dans le regard posé sur autrui ou dans la construction d’une relation.

Le progressisme du monde sorcier encouragé

Si l’on peut déjà distinguer les fanfictions dont le thème est l’identité queer du (ou des) personnage(s) et les fanfictions mettant en scène des relations queer sans que leur nature n’ait aucune forme d’importance, il semble évident que cette distinction se réalise également sur le plan diégétique. Certaines fanfictions mettent en scène un monde dans lequel il est problématique d’être queer (soit pour le personnage queer lui-même soit pour les autres soit pour les deux). D’autres imaginent un monde où cela ne pose aucun problème (ou presque), où cette liberté de genre et de sexualité s’applique déjà.

Ce qui me paraît intéressant, c’est de s’attarder un instant sur l’interprétation du monde sorcier comme étant tantôt plus conservateur et traditionnel que le monde moldu, tantôt très progressiste et ouvert.

Dans les mondes sorciers plus traditionnels, la relation queer est souvent mal acceptée en raison de l’importance du sang sorcier : puisqu’il faut pérenniser le monde magique, il est primordial de faire un bon mariage et de pouvoir avoir des enfants.

Ginny et Luna s'embrassent.
Fanart du couple « Linny »
par Tonftyhw.

Un monde sorcier plus progressiste offre une totale liberté des genres et des sexualités, ou nuance tout au moins la situation. Par exemple, certaines fanfictions expliquent que les relations queer ne posent absolument aucun problème à personne, mais que cela n’exclut pas l’obligation, pour les familles de sang pur très traditionnelles en tous cas, de se tourner à un moment donné vers le mariage traditionnel et hétérosexuel. Le respect strict de la tradition n’est ici l’affaire que de quelques familles décrites et perçues comme intolérantes, comme c’est déjà le cas dans l’œuvre canonique avec la famille Malefoy, notamment.

Bien sûr, il y a autant de façons de faire que de fanfictions : toutes participent à la représentation que les fans se font du monde sorcier.

Les débats au sein du fandom

Tous les fans de Harry Potter ne lisent pas de fanfictions, comme tous les fans de Harry Potter ne jouent pas au quidditch ou ne collectionnent les objets dérivés. Il y a autant de façons d’être fan qu’il y a de fans, et c’est parfait comme ça.

Toutefois, certains fans s’opposent plus farouchement aux fanfictions et plus particulièrement aux couples qui en jaillissent. Selon eux, il est souvent question d’une altération trop forte de l’œuvre canonique, d’un irrespect à son égard ou à l’égard de ses personnages, de son auteur ou même vis-à-vis des acteurs de la saga cinématographique.

Victor Krum et Ron Weasley.
Fanart du couple Victor/Ron
par Jostafar.

Pour ma part, je continue de penser que la fanfiction ne constitue qu’une valeur ajoutée à un univers fictif canonique dont chaque fan est libre de bénéficier ou non.

Vive les personnages secondaires !

Bien sûr, certaines personnes n’apprécient pas de voir l’histoire canonique modifiée, comme c’est inévitablement le cas lorsque ce sont des personnages principaux qui sont au centre de la fanfiction (Drago/Harry, Harry/Ron, Hermione/Ginny, etc.). Toutefois, il existe tout un pan de fanfictions queer qui ne font qu’extrapoler une histoire à un personnage laissé de côté par le canon : il n’y a dès lors pas de points contradictoires vis-à-vis de l’œuvre originale, seulement du plus.

Les fanfictions queer, comme la fanfiction en général, contribuent à mettre en avant tous ces personnages secondaires, voire tertiaires, parfois quasi-inexistants dans l’œuvre canonique. C’est notamment le cas des couples Pansy/Hermione, Victor/Ron, Ron/Blaise, Drago/Blaise, Hermione/Lavande, Fleur/Hermione, ec.

Une propagande queer ?

Au risque d’une répétition, une identité queer et un intérêt pour les fanfictions ou un type de fanfiction en particulier ne sont absolument pas liés. Ce n’est pas parce qu’on est queer qu’on aime lire ou écrire des fanfictions, queer ou non. Inversement, il n’est évidemment pas nécessaire d’être queer pour en lire ou en écrire non plus !

Hermione et Pansy.
Fanart du couple Pansy/Hermione
par UpTheHill.

Les fanfictions, quelles qu’elles soient, participent toutes à faire vivre une œuvre originale et des personnages que les fans auteurs affectionnent tout particulièrement et veulent développer. Chacun le fait à sa façon, et chacun est donc libre d’aimer ou de ne pas aimer. Toutefois, rendre un personnage queer, qu’il soit présenté comme hétérosexuel dans l’œuvre canonique ou que ce ne soit simplement jamais explicité (comme c’est le cas pour la majorité d’entre eux), ne devrait jamais être considéré comme une marque d’irrespect. D’un point de vue créatif, il s’agit d’une transformation d’un fan auteur comme une autre. Celle-ci, plus que d’autres peut-être, a au moins ce sens et cet avantage de permettre une meilleure représentation littéraire des personnes queer.

Une apologie des déviances ?

Je ne peux me résoudre à ne pas faire mention, ici, des couples « scandaleux » comme le « Snarry » (Rogue/Harry), le Tom/Harry et le Voldemort/Harry qui font également partie des couples queer.

Ces couples de fanfiction sont connus pour souvent impliquer des problématiques et des rapports dérangeants : grande différence d’âge, relation abusive et/ou malsaine, abus de pouvoir, violences, etc.

Parce qu’elle a peu de règles et de limites, parce qu’elle ne s’auto-censure pas, la fanfiction peut être un espace fertile entre autres pour ces développements, mais elle n’est définitivement pas la seule à permettre leur émergence.

À ce sujet, il me semble surtout tristement indispensable de préciser qu’il n’existe aucun lien entre une éventuelle toxicité de la relation et une identité queer.

Pour terminer…

Si certaines communautés au sein de l’univers de la fanfiction se sont bel et bien revendiquées queer friendly, comme pour faire bloc face aux éventuelles personnes discriminantes et haineuses, la fanfiction en tant que telle n’en a, selon moi, aucunement besoin. Elle est une expression fondamentalement libre où tout est possible et permis, où tout a le droit d’exister. Cette liberté et ce droit me semblent si fondamentaux que les curseurs de marginalité et de normalité en perdent immédiatement tout leur sens.

Il n’est en rien inédit de dire que l’écriture a de nombreuses fonctions thérapeutiques, cathartiques et sublimatoires. La fanfiction ne déroge pas au phénomène, bien au contraire. Moi, en tous cas, elle m’a aidée. Adolescente dans les années 2000-2010, j’ai trouvé dans les fanfictions un espace où me sentir comprise, représentée, et normale. Aujourd’hui, même si tout change et évolue, j’en ai encore besoin. Je ne crois pas être la seule.

Je tenais donc à faire honneur aux couples queer des fanfictions Harry Potter, parce qu’ils ont contribué à faire de moi ce que je suis aujourd’hui, autant qu’y a contribué l’œuvre canonique. Plus que cela encore, il me semblait opportun de rappeler que la fanfiction est avant tout, par essence même, un espace libre d’expression libérée, ainsi qu’une pratique ancrée du fandom qui a participé et participe encore à sa synergie, à sa solidarité et à sa tolérance.

Dans l’univers des fanfictions, Harry Potter est depuis toujours une œuvre queer, et c’est fantastique !

Harry et Drago s'embrassant.
Fanart du couple « Drarry »
par Alek.

Pour approfondir le sujet et poursuivre le mois des fiertés, vous pouvez consulter notre article sur les headcanons des personnages queer de Harry Potter.


Note : Dans un souci de lisibilité, le présent article a dû se cantonner aux aspects généraux des différents couples mentionnés. Chacun d’entre eux comporte toutefois ses spécificités, ses gimmicks, ses tropes et ses timelines de prédilection. Un même couple peut dès lors inspirer des histoires très différentes qu’un seul article n’est pas en mesure d’analyser dans le détail.


Pour aller plus loin : la fanfiction sur l’identité de genre de Luna sur Fanfiction.net ; un classement des couples de fanfiction les plus courants sur la plateforme AO3 par The Niche ; les articles de Fanfic Magazine (1) sur les couples gays dans les fanfictions, 2) sur les transfics, 3) l’interview d’un auteur de « Drarry »).

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