Rencontre avec Hanna Särekanno, l’illustratrice estonienne de Harry Potter
Nous vous présentions dans un article récent les couvertures de la nouvelle édition estonienne d’Harry Potter. La créatrice Hanna Särekanno, qui se présente comme une graphiste plus qu’une illustratice, a répondu à nos questions sur leur conception.
La Gazette du Sorcier : Comment s’est déroulé le travail avec l’éditeur ? Comment avez-vous été choisie et quelles étaient leurs directives ?
Hanna Särekanno : La maison d’édition Varrak a lancé un concours pour choisir le nouveau design des couvertures de la saga. Je suis tombée sur ce concours sur un site d’actualités estonien en août 2020. J’étais curieuse et j’ai mis l’article dans mes favoris mais je n’ai rien envoyé avant la date limite qui était en novembre. On demandait aux candidats de soumettre une proposition pour la nouvelle couverture de Harry Potter à l’école des sorciers, et d’expliquer son projet pour les tomes suivants. Varrak cherchait un style de couverture spécifique à l’Estonie, qui plairait aux enfants comme aux adultes. Il n’y avait pas d’autre directive ou restriction.
En décembre j’ai appris que j’étais parmi les trois derniers en lice, et en janvier, Varrak et The Blair Partnership [ndlr : agence créative qui s’occupe des œuvres de J.K. Rowling] m’ont désignée comme lauréate du concours. Après cela, il a fallu apporter quelques changements, comme mettre le nom de J.K. Rowling plus en avant, re-designer Poudlard, affiner les couleurs et quelques autres détails, avant la publication.
Avez-vous regardé d’autres couvertures de Harry Potter à l’international ? Si c’est le cas, vous-êtes vous inspirée d’une couverture en particulier ? Qu’avez-vous aimé et qu’avez-vous souhaité faire différemment ?
J’ai en effet regardé certaines couvertures créées dans d’autres pays. Deux d’entre elles ont particulièrement retenu mon attention. Je trouve les illustrations des nouvelles couvertures indonésiennes par Nicholas Filbert Chandrawienata absolument époustouflantes. Avoir chaque livre centré sur une créature spéciale, tout en donnant des illustrations très détaillées des personnages, est une excellente idée.
Mais mes couvertures préférées sont celles de Olly Moss, qui ont été dessinées à l’origine pour Pottermore. C’est un illustrateur incroyable, chaque fois que je regarde ses créations je suis bouleversée. Elles sont assez simples et comprennent peu d’éléments. Pourtant il y a de multiples façons de les regarder et elles transmettent beaucoup de choses. Cela les rend très efficaces de mon point de vue.
Pouvez-vous nous raconter quelle a été votre relation avec The Blair Partnership ? Avaient-ils beaucoup d’exigences ou étiez-vous assez libre ?
Je n’ai jamais été directement en contact avec eux, Varrak assurait toute la communication. Ce que fait The Blair Partnership entre autres c’est de s’assurer qu’il n’y ait pas d’atteinte potentielle aux droits d’auteur. Par exemple dans la version originale de la couverture que j’ai envoyée à Varrak pour le concours, j’avais dessiné Poudlard avec pour modèle les images du film. Cependant Warner Bros détient les droits pour cette représentation de Poudlard, j’ai donc dû retravailler un design sensiblement différent pour éviter tout problème de copyright.
Avez-vous senti une quelconque pression en abordant les couvertures avec un design aussi graphique et minimaliste, alors que la plupart des illustrations du Wizarding World sont des dessins « narratifs », représentant des scènes ou de personnages ?
Je pense que si on m’avait simplement demander de créer telle couverture pour les livres, la pression aurait été là. Mais comme à la base j’ai pu créer la couverture comme je l’imaginais, sans m’inquiéter du regard de quelqu’un d’autre, je n’avais pas de pression. C’était à Varrak (et à The Blair Partnership) de décider si un design minimaliste comme le mien convenait à la série, qui a traditionnellement utilisé des scènes plus détaillées.
Je suis un peu anxieuse de ce que les gens pensent des couvertures finales, mais pas tellement concernant leur minimalisme. Je pense que toute personne qui crée quelque chose s’inquiète de ce que son public pensera de son travail. La communauté Harry Potter est une grande communauté de passionné.e.s, donc ça peut être un peu intimidant ! J’en sais quelque chose, j’ai grandi avec la saga et suis une grande fan, ce qui, honnêtement, ne fait que rendre cette expérience encore plus incroyable pour moi !
Pourquoi choisir d’utiliser des aplats de couleurs [ndlr : en illustration ce sont des motifs unis, simples, graphiques, sans dégradés] et des contrastes subtils ? Vous parlez sur votre site d’un style « nordique » pour, dites-vous, convenir à votre public ?
Oui, exactement – je crois que les Estoniens apprécient la simplicité du minimalisme dans les arts visuels, c’est pourquoi je voulais qu’il soit au cœur de mon approche. Je voulais que le regard se focalise sur la partie avec les lunettes d’Harry, qui illustrent directement le titre du tome. C’est pour cette raison que les éléments plus petits se fondent davantage dans l’arrière-plan. J’ai choisi d’en faire des flat illustrations [ndlr : tendance en illustration consistant à utiliser 2 ou 3 couleurs dominantes et un design sans détails, en deux dimensions] pour plusieurs raisons. D’abord pour créer une surface style papier peint où une voiture peut être aussi grosse qu’un chat sans que ça semble anormal. Et aussi pour que le lecteur essaye de reconnaître les éléments de la couverture. Son regard va donc rester plus longtemps et cela devient une petite aventure.
Comment avez-vous choisi les objets et personnages que vous avez placés symétriquement en bas de la couverture ? Avez-vous dû choisir entre des éléments que vous aimiez et des éléments plus populaires de la saga ?
J’ai choisi des objets ou des personnages qui jouent un rôle dans le déroulé de l’histoire, ou sont constamment présents. Quelques éléments comme le balai, la chouette ou la baguette apparaissent sur chaque couverture parce qu’ils tiennent un rôle important dans toute la saga. Globalement, mon but était de donner aux lecteurs un aperçu de ce qu’il y a dans l’histoire. Jusqu’ici, j’ai pu mettre presque tous les éléments que je prévoyais. Sauf quand il n’y a pas assez de place, alors je choisis quels éléments sont moins importants. Ou quand le style flat et unicolore de l’illustration rendait un élément impossible à reconnaître. Heureusement ça n’a pas été un souci majeur !
Une idée des objets ou personnages que vous choisirez pour les prochains livres ?
Oui la plupart, mais vous verrez vous-même une fois que j’aurai terminé !
Merci beaucoup à Hanna Särekanno d’avoir répondu à nos questions.