Exclusif : interview de Matthew Fitt, traducteur de Harry Potter en écossais
C’est ce mois-ci que sort ‘Harry Potter and the Philosopher’s stane’, la traduction écossaise de ‘Harry Potter à l’école des sorciers’, et la 80è langue dans laquelle la saga est traduite.
Nous avons pu poser quelques questions à Matthew Fitt, son traducteur, à propos de son travail sur le premier tome de la saga.
La Gazette du Sorcier : Comment est venue l’idée de traduire Harry Potter en écossais ?
Matthew Fitt : C’était mon idée. Je traduis des classiques de la littérature jeunesse en écossais depuis des années. Je me suis simplement dit qu’il était temps de traduire le premier tome de Harry Potter et de voir ce que ça donnerait. C’est un livre bien plus imposant que ceux que j’ai traduit jusqu’alors, mais ça n’a fait que rendre ce défi encore plus excitant ! Le plus gratifiant pour moi avec ce travail, c’est que des jeunes locuteurs d’écossais en Ecosse – un tiers de la population de la région – auront un nouveau livre extraordinaire à lire dans leur langue maternelle. Notre pays a tendance à oublier les enfants et les jeunes adultes qui parlent écossais – mais maintenant, Harry Potter est de leur côté.
GdS : Un des aspects les plus complexes en traduction est souvent la référence culturelle ; mais dans votre cas, l’histoire de Harry Potter se déroule en Ecosse, l’écart culturel est donc moins important. Y a-t-il pour autant des éléments dont la résonnance change entre l’anglais et l’écossais, qu’il vous a fallu adapter ?
M. F: Pas vraiment. Le roman original se déroule certes en Ecosse, mais je tenais à rester au plus près du texte anglais. Donc on parle toujours de l’ambition de jouer au Quidditch pour l’équipe d’Angleterre, et non d’Ecosse, par exemple.
J’ai quand même joué avec certaines références. Par exemple, quand Hagrid frappe à la porte de la cabane sur le rocher, et que Dudley demande si « c’était un coup de canon ? », j’ai utilisé le nom du plus célèbre canon écossais, Mons Meg, qui se trouve au château d’Édimbourg. Comme l’écossais est une langue proche de l’anglais, l’écart culturel n’est pas aussi important qu’avec d’autres langues.
GdS : Une des particularités de Rowling et de Potter, c’est la profusion de néologismes ; pourriez-vous nous donner un exemple de néologisme que vous avez créé pour l’écossais et le processus de création qui a précédé ?
M. F: Je vais vous donner deux exemples « Quidditch » et « Chemin de Traverse ». « Bizzumbaw« , pour traduire « quidditch », m’est venu très vite, je pensais que ce serait plus long. Le terme écossais pour dire balai est « bizzum« . Sachant que le quidditch se joue sur des balais avec différentes balles, et que le mot écossais pour balles est « baw« , « bizzumbaw » m’est venu avec plus de facilité qu’il n’en faut que pour attraper le vif d’or ! (qui en écossais se dit « Gowden Sneckie » ; une inspiration du poète écossais Thomas Clark).
Pour le chemin de Traverse, j’ai essayé sept ou huit solutions différentes. Je voulais être au plus près du jeu de mot [[En anglais, « chemin de Traverse » se dit Diagon Alley, qui se prononce comme « diagonally » soit « diagonalement », « de travers »]], ou en tout cas, garder un maximum de l’étrangeté de la version originale. Je me suis inspiré d’un pont, le Clyde Arc, à Glasgow, qu’on surnomme affectueusement le « Squinty Brig » (le « pont qui louche »), parce qu’il traverse la rivière dans un coude. Le chemin de Traverse est une rue commerçante, et la plupart des rues commerçantes et des centre commerciaux en Ecosse se situent sur des « gates« , qui est le terme écossais pour dire « rue » ou « route ». Et c’est comme ça que je suis arrivé à « The Squinty Gate« .
GdS : Étiez-vous un lecteur, un fan de Harry Potter avant de travailler sur une traduction en Scots, et si oui, dans quelle mesure votre travail a modifié votre perception de l’œuvre ? Qu’est-ce que ca fait de faire partie du grand monde d’Harry Potter en ajoutant cette traduction à toutes les autres ?
M. F: J’étais un grand admirateur de Harry Potter et de la façon dont J.K Rowling a réussi à encourager toute une nouvelle génération de jeunes lecteurs à s’asseoir avec un bon gros bouquin. Et si j’avais lu quelques tomes de la saga auparavant, je ne les avais pas lus avec l’attention que j’ai porté à L’École des sorciers pour cette traduction ; ce qui m’a fait réaliser à quel point son intrigue était solide et captivante.
C’est aussi en recevant des questions à propos de ma traduction des quatre coins de la planète que j’ai pris conscience de toute l’ampleur du phénomène, et du nombre de personnes qui aiment et partagent leur passion pour Harry Potter.
GdS : En tant que traducteur, en quoi le travail sur Harry Potter a différé des autres œuvres que vous avez traduite ?
M. F: J’ai traduit les romans de Roald Dahl, et quelques livres de David Walliams de l’anglais pour Itchy Coo [l’éditeur écossais]. Je suis aussi très fier d’être le traducteur officiel d’Astérix, et nous sommes sur le point de sortir le septième volume chez Dalen Alba, par Toutatis !
J’ai abordé L’École des sorciers de la même façon que les autres livres que j’ai pu traduire, mais je tenais à rester au plus près du texte que possible, et à faire ressortir tant ses aspects dramatiques que comiques.
GdS : Y a-t-il une traduction écossaise prévue pour les tomes suivants ?
M. F: Ce n’est pas prévu actuellement, mais ne jamais dire jamais…
GdS : Pour finir, y a-t-il un livre en particulier que vous aimeriez traduire en écossais ?
M. F: Si j’en ai la force, et si mon jeune fils m’en laisse le temps, j’adorerais traduire Les Misérables, de Victor Hugon en écossais ; ce livre me hante autant qu’il me fascine.
Harry Potter and the philosopher’s stane sort en novembre chez Itchy Coo.
Vous pouvez le précommander ICI.
Un grand merci à Matthew Fitt pour cette interview !