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J.K. Rowling ouvre un centre pour victimes de violences sexuelles qui exclut les personnes trans

Le lundi 12 décembre, J. K. Rowling annonçait fièrement à la presse britannique l’ouverture de son centre d’accueil pour les femmes victimes de violences sexuelles : Beira’s Place. Situé à Édimbourg, le centre n’est pas un refuge, mais un service de soutien et de conseil. Il propose aux victimes de parler en ligne, par téléphone, en face à face ou dans des sessions de groupe. Mais, surtout, ses fondatrices insistent : le service est « pour les femmes, et uniquement les femmes« . Selon elles, aucun service équivalent n’existe. Et si elles peuvent l’affirmer, c’est parce que les personnes trans seront exclues du service proposé.

S’il est préférable que J. K. Rowling investisse son argent dans un service qui soulagera des personnes dans le besoin, plutôt que dans des procès à l’encontre des principales associations LGBT+ britanniques, l’annonce soulève malgré tout des questions.

Les attaques contre le Rape Crisis Centre de Édimbourg

Tout d’abord, il faut rappeler que des services de soutiens aux victimes de viols et de violences sexuelles, il en existe déjà. Il ne sont sans doute pas assez nombreux, pas assez financés, mais ils existent. Et ils seraient sans doute plus efficaces s’ils n’étaient pas visés par des attaques, notamment transphobes !

En effet, plusieurs centres britanniques ont été ciblés ces dernières années par des militant.e.s TERF (Féministes radicales exclusionnaires des personnes trans), qui partagent le combat de J. K. Rowling. Le Rape Crisis Centre d’Édimbourg a ainsi dû renforcer sa sécurité suite à des menaces formulées par téléphone et sur les réseaux sociaux, sur conseil de la police. Une porte blindée a été ajoutée, alors que la porte était jusqu’à présent toujours ouverte (dans l’idée d’accueillir les victimes sans la moindre barrière).

Le « problème » qui leur a valu ces menaces ? Le Rape Crisis Centre d’Édimbourg, qui accueille toutes les victimes de violences sexuelles, a indiqué que ses toilettes (individuelles) sont mixtes. Le fait que la directrice soit une femme trans a également attisé la colère des TERF, qui estiment que des femmes victimes de violence ne devraient pas avoir à « subir » la présence d’une personne qu’elles considèrent comme un homme.

Mridul Wadhwa, directrice du Edinburgh Rape Crisis Centre

La directrice en question a rappelé que son centre accueille toutes les victimes, « même celles qui ont des préjugés« , et que « ceux qui se présentent avec des principes discriminatoires seront accompagnés dans leur parcours de guérison vis-à-vis de leur trauma, mais doivent aussi s’attendre à voir leurs préjugés remis en question« . Une affirmation souvent déformée en un projet de « rééducation » des victimes de viol.

Un procès pour avoir refusé d’exclure une femme trans

Ce n’est pas le seul cas d’attaque à l’encontre d’un service de soutien de ce type au Royaume-Uni. Au printemps dernier, une victime de viol a lancé un procès contre le Survivor’s Network, une association caritative de Brighton, qui refusait d’exclure les femmes trans de ses sessions de groupe pour femmes victimes de violence.

La plaignante, après avoir participé à une discussion de groupe à laquelle assistait, selon elle, une femme trans (Ndlr : sa description indique que la personne en question « portait des vêtements d’homme et semblait masculine ») a exigé la mise en place d’un groupe exclusif aux femmes cisgenres. Lorsque le Survivor’s Network lui a plutôt proposé des sessions individuelles, refusant d’exclure les femmes trans, elle a porté plainte… pour discrimination !

Une telle procédure oblige bien entendu des institutions bien établies à consacrer des ressources financières précieuses et un temps important à d’autres tâches que leur missions première : aider les victimes.

Une gouvernance remise en doute

J. K. Rowling aurait pu soutenir ces institutions, déjà existantes et dont les bénéfices ont été prouvés ; des institutions pour lesquelles travaillent des équipes expertes qui dédient leur temps depuis des années… Elle aurait pu compenser les dépenses liées à des agressions transphobes. Mais elle a choisit d’ouvrir son propre service, simplement pour pouvoir exclure les personnes trans de celui-ci.

Contrairement à l’établissement déjà existant à Edimbourg, ce nouveau centre de soutien, Beira’s Place, ne semble pas être dirigé par des spécialistes en la matière. Dès le lendemain de l’annonce de l’ouverture, plusieurs alertes ont été lancées :

  • Le centre, qui va collecter des information personnelles de personnes vulnérables et parfois à risque de représailles, n’était pas enregistré auprès de l’Information Commissioner’s Office (ICO), le bureau de régulation chargé de garantir la protection des informations personnelles et de leur confidentialité. Personne n’est donc en mesure de s’assurer que toutes les précautions ont été prises en la matière.
  • Des experts ont indiqué que le site de Beira’s Place et les formulaires de contact sur celui-ci n’étaient pas cryptés. Des messages de nature extrêmement sensible pourraient donc être interceptés relativement facilement, créant un risque pour toutes les victimes qui feraient appel à ce service.
  • L’une des associées de Rowling dans la création de ce centre est une ancienne directrice de prison pour femmes, Rhona Hotchkiss, pointée du doigt pour les conditions de vie problématiques imposées aux détenues sous sa responsabilité ; notamment le fait de devoir attendre plus d’une heure pour accéder aux toilettes.

Suite à ces alertes, certaines démarches ont été lancées. Cependant, une équipe constituée de spécialistes aurait anticipé ces obligations légales et les implications d’une telle collecte d’informations.

Une exclusion en toute légalité ?

La loi britannique est très claire : il est interdit de discriminer sur base de la transidentité de quelqu’un sauf si cette exclusion se justifie par un but légitime dans des circonstances exceptionnelles. Selon J.K. Rowling et les autres fondatrices de Beira’s Place, c’est le cas ici : il est légitime d’exclure « les femmes trans (qui sont des hommes) » afin de ne pas risquer d’amplifier le trauma de victimes d’abus sexuels qui sont, le plus souvent, perpétrés par des hommes.

Cette approche soulève cependant plusieurs questions, qui soulignent toute l’hypocrisie d’un tel propos.

Qu’en est-il des femmes victimes de violences sexuelles perpétrées par des femmes ?

Si la simple présence d’un homme (ou de personnes que les TERF perçoivent, à tort, comme des hommes) peut être traumatique pour une femme victime d’abus perpétrés par un homme, comment justifier que la présence de femmes ne soit pas potentiellement traumatique lorsque les abus sont perpétrés par une femme ?

Qu’en est-il des hommes trans (et des personnes non-binaires) ?

Selon les principes à géométries variable des militant.e.s TERF, les hommes trans « seraient, en réalité, des femmes« . Ils devraient donc, dans la pratique, pouvoir être accompagnés par ce service. Cependant, les hommes trans pourraient aussi bien réveiller le trauma d’une femme agressée, puisqu’ils sont généralement perçus comme des hommes.
Par ailleurs, un homme trans qui vient de subir une agression ne serait pas non plus accueilli dans de bonnes conditions par des personnes qui insisteraient pour le désigner comme une femme. Le service exclut donc les hommes trans dans la pratique.

Sur quels critères se basera la discrimination ?

Depuis plusieurs années, de plus en plus de femmes cisgenres sont victimes d’agressions parce qu’elle sont « prises pour des femmes trans » (1, 2, 3…). Sur quoi se basera le personnel de Beira’s Place pour exclure les femmes trans ? Imposeront-ils une inspection génitale à toute personne dont l’identité est remise en question ? Comme l’ont déjà affirmé des proches de J. K Rowling comme Kathleen Stock, peut-être que l’exclusion de certaines femme cisgenre est « le prix à payer » pour pouvoir exclure les femmes trans… Parce que, non, la transidentité ne se voit pas toujours au premier coup d’œil.

Heureusement pour Rowling et sa bande, il est improbable que des personnes trans se tournent vers ce service, sachant l’accueil qui leur sera réservé.

Refuser d’accompagner les femmes trans, même à distance ?

Le site de Beira’s Place indique que leurs locaux ne sont pas accessibles aux personnes à mobilité réduite. Pour pallier à ce problème, l’équipe administrative propose des rendez-vous à domicile ou dans d’autres locaux, voire par téléphone ou en ligne.
Ceci soulève cependant la question : si le refus d’accompagner les femmes trans est lié à la volonté d’éviter que des victimes cisgenres ne croisent pas « un mâle« , qu’est-ce qui empêche d’accompagner les femmes trans par téléphone/à distance/dans d’autres locaux, plutôt que de les renvoyer vers d’autres services déjà surchargés ?

On en revient ainsi aux lois sur la discrimination britannique, et l’exclusion d’une personne trans qui ne peut se justifier que dans un « but légitime« . Quel est le « but légitime » dans le refus d’accompagner une victime de violences sexuelles, même par téléphone, dès lors que l’excuse du trauma est écartée ?

Les faits et les chiffres

Les études montrent que 1 personne trans sur 2 a été victime de violences sexuelles dans sa vie. Les personnes trans sont 4 fois plus victimes d’agressions que les personnes cisgenres. L’association britannique Samaritans a même été dénoncée par des militants TERF à la commission des organismes caritatifs pour le seul « crime » d’avoir rappelé son numéro d’appel détresse suicide lors de la Journée du souvenir trans (pour commémorer les personne trans victimes de crimes transphobes et de suicide).

C’est dans ce contexte que Rowling ouvre un service excluant les personnes trans. Alors que la simple mention d’un service d’aide qui accepte les personne trans est suivie d’accusations aberrantes. Comment encore nier la haine dont sont victimes les personnes trans ? Rowling n’avait-elle pas dit qu’elle marcherait à leur côté et les soutiendrait le jour où leur droits seraient menacés ?

Rape Crisis Scotland, qui gère 17 centres de soutien aux victimes de viol en Écosse, s’est exprimée sur l’ouverture de Beira’s place :

Nos centres sont extrêmement sollicités. La demande élevée, combiné à un manque de financement, génère des périodes d’attente intolérables dans certains de nos centres. Dans ce contexte, nous sommes heureux de voir de nouveaux services ouvrir, dès lors qu’ils appliquent des mesures de confidentialité et de protection rigoureuses en proposant un accompagnement par des professionnels experts dans l’accueil des victimes de violences sexuelles.

Il est crucial que les services d’aides aux victimes de violences sexuelles soient accessibles aux personnes trans et non binaires. Nos 17 centres sont ouvert aux femmes trans depuis 15 ans, sans le moindre abus ou incident.

J.K. Rowling, elle, affirme que, avec un unique centre d’accueil à Édimbourg ouvert aux personnes trans (en plus de toutes les autres victimes), la communauté trans est déjà « largement servie« .

S’il suffisait d’un seul refuge pour être « largement servi« …

On ne peut qu’espérer que, de tout ce mal, sortira quelque chose de positif. Que ce nouveau service permettra effectivement de soulager les centres d’accueil caritatifs existants. Mais on ne peut pas ignorer la volonté de l’autrice de discriminer à l’encontre d’une partie de la population.

Sources : Melissa Anelli, EdinburghLive, OpenDemocracy, PinkNews

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