Quirinus Quirrell, le plus intelligent des partisans de Voldemort ?
Quirinus Quirrell est l’un des premiers personnages liés à Voldemort qu’Harry rencontre lors de sa première année à Poudlard. Alors que la saga n’en est qu’à ses débuts, nous nous penchons aujourd’hui sur cet homme dont on ne sait quasiment rien mais qui nous en dit déjà long.
Quirrell, qui es-tu ?
Quirinus Quirrell apparaît dans le premier opus de la saga. Il a tout, au premier abord, du personnage secondaire de base. Comme l’indique Julien Hirt, auteur du site Le Fictiologue, le personnage secondaire est reconnaissable à ses attributs, ses tics de langage ou encore son nom que l’on retient facilement. Quirrell coche donc toutes ces différentes cases.
Harry le croise pour la première fois au Chaudron Baveur, le jour où il vient acheter ses fournitures scolaires sur le chemin de Traverse. Lorsque le professeur s’adresse à lui, il bégaie de manière significative.
— Harry, je te présente le professeur Quirrell qui sera un de tes maîtres à Poudlard.
— P… P… Potter… balbutia le professeur en saisissant la main de Harry. V… V… Vous ne pou… pouvez pas savoir à… à quel point je suis heu… heureux de vous rencontrer.
Harry Potter à l’école des sorciers, Chapitre 5, Le Chemin de Traverse
Quirrell est cette même année professeur de Défense contre les forces du Mal à Poudlard. Avant cela, il enseignait l’étude des moldus. D’après les dires de Hagrid, il revient enseigner à l’école après une césure et un voyage en Albanie. Loin de tout soupçon, alors même qu’il est adepte de la magie noire, il obtient l’un des postes les plus prestigieux de l’école.
Lorsqu’il était lui-même étudiant à Poudlard, Quirinus Quirrell faisait partie de la maison Serdaigle. Celle-ci, comme nous le savons, est réputée pour accueillir en son sein des élèves érudits et brillants. Cette maison récompense l’apprentissage, la sagesse, l’esprit et l’intellect de ses membres. Le professeur est donc sans aucun doute doté d’une intelligence certaine. Très rapidement, dans le premier tome, Hagrid le présente comme un « esprit remarquable ». Ce pourquoi il se voit attribuer un poste à très haute responsabilité.
Quirinus Quirrell, la double face
Quirinus Quirrell est un nom qui n’a pas non plus été choisi au hasard par l’autrice ; on peut noter l’utilisation de la double initiale Q. Celle-ci dépeint deux facettes bien différentes du personnage. Quirrell est un calembour de la part de J.K Rowling. Rappelons que cette figure du style repose notamment sur l’homophonie. Ce nom ressemble en effet au mot anglais squirrel, qui se traduit en français par écureuil. Ce petit animal est, dans l’inconscient collectif, inoffensif et discret. Mais on l’imagine aussi très rapide et agité. Son nom pourrait aussi être inspiré du verbe anglais quiver qui signifie trembler, ce qui correspond plutôt bien à l’image que renvoie le professeur dans la première partie de Harry Potter à l’école des sorciers. L’homme bégaie, paraît agité, peu sûr de lui. La caractérisation indirecte qui est faite du personnage est déjà très riche, avant même qu’on ne fasse plus ample connaissance avec lui.
Quirinus en revanche n’est pas du tout dans le même registre. En effet, dans l’Antiquité, Quirinus symbolise la guerre. En latin, Quirinus signifie aussi « porteur de la lance ». Ce nom pourrait désigner le personnage de Quirrell dans l’histoire, car il porte sur son propre corps une arme destructrice, Voldemort lui-même.
Blandine Le Callet, dans Le monde antique de Harry Potter, l’assimile aussi directement au dieu Janus, notamment pour cette ressemblance physique évidente : « Comme le dieu Janus, le professeur Quirrell est double. Il est doté de deux visages : celui que tout le monde connaît et, à l’arrière du crâne, dissimulé sous un turban, le visage de Voldemort ». Son nom est donc à l’image de son personnage, il a deux visages, qui regardent dans deux directions opposées.

Quirrell, un Mangemort ?
Le mot Mangemort désigne communément dans Harry Potter un partisan proche de Lord Voldemort. Ce dernier dispose autour de lui de l’allégeance de proches collaborateurs, ayant pour point commun de soutenir son idéologie et de faire usage, sans scrupule, de sortilèges impardonnables et plus généralement de la magie noire. Les Mangemorts, tout comme Voldemort, souhaitent voir disparaître tous sorciers ou formes de magie qui ne seraient pas pures.
La plupart des Mangemorts ont aussi comme point commun d’avoir la Marque des Ténèbres tatouée sur leur bras. C’est d’ailleurs cet argument qui met en doute l’appartenance de Quirinus Quirrell au groupe. Il n’est fait nulle part mention de sa marque des Ténèbres. Mais on peut aussi relever le fait que Quirrell rencontre Voldemort alors que celui-ci est extrêmement affaibli. Potentiellement réduit à peu de choses, il est fort probable que le mage noir soit à cet instant incapable d’apposer la marque sur l’avant-bras du professeur. De plus, la marque des Ténèbres n’est connue des lecteurs qu’à partir de Harry Potter et la coupe de feu. Sachant que Quirrell est présent au début de la saga, il est aussi envisageable que la marque des Ténèbres n’ait pas encore été imaginée par l’autrice à ce stade du récit.
En dehors de cette marque, Quirinus a tout du Mangemort. C’est un doute qui survient aussi pour Narcissa Malefoy par exemple. Elle adhère à l’idéologie, côtoie le cercle du Seigneur des Ténèbres, sans pour autant en faire totalement partie car elle-même n’a pas cette marque tatouée sur le bras.

Quirinus Quirrell, génie ou fou ?
N’oublions pas que Quirrell a réussi à mener une double vie, sous les yeux de sorciers parmi les plus puissants du monde, et ce pendant plusieurs mois. Et c’est là sans doute une grande preuve d’intelligence. Son bégaiement et ses hésitations lui donnent l’apparence d’un jeune professeur peu sûr de lui, ce qu’il recherche afin d’effacer les soupçons. Or, c’est un mage noir en puissance. Durant tout cette année scolaire, il franchit les étapes une par une (vol à Gringotts, fausse lettre envoyée à Dumbledore, manipulation de Hagrid, etc.), trompe tous ceux qui se placent sur son chemin, sans éveiller le moindre soupçon si ce n’est ceux du professeur Rogue.
Nous découvrons la véritable identité de Quirrell lorsque ce dernier prononce cette phrase fatidique :
Oui, Severus faisait un bon coupable, n’est-ce pas ? Toujours en train de fondre sur tout le monde comme une chauve-souris géante ! À côté de lui, qui donc aurait pu soupçonner le p… p… pauvre et bé… bégayant p… p… professeur Quirrell ?
Harry Potter à l’école des sorciers, chapitre 16 : Sous la trappe
Mais si nous nous permettons cette comparaison quelque peu audacieuse, c’est notamment parce que, tout de même, qu’il soit fou ou prodige, Quirrell a accepté que Voldemort s’invite sur son propre corps. Et ce n’est pas rien. Était-ce le choix le plus judicieux ?
On ne sait pas si le fait que Voldemort se soit retrouvé greffé à Quirrell était un choix délibéré de sa part, ou une forme de soumission extrême. Pour que son maître puisse vivre, Quirrell fut obligé de partager avec lui son corps. Un tel sacrifice, bien que Quirrell ne le considère par de cette façon, ressemble à celui d’un fanatique prêt à tout pour aller au bout de son idéologie. Le fanatisme se définit d’ailleurs de deux façons, d’après le Larousse : « [il se caractérise par] le dévouement absolu et exclusif à une cause qui pousse à l’intolérance religieuse ou politique et conduit à des actes de violence, ou/et d’un attachement passionné, d’un enthousiasme excessif pour quelqu’un, quelque chose ». Le professeur Quirrell et son comportement correspondent à chacune de ces deux définitions.
Il emploie d’ailleurs cette phrase :
Il n’y a pas de bien ni de mal, il n’y a que le pouvoir, et ceux qui sont trop faibles pour le rechercher…
Harry Potter à l’école des sorciers, chapitre 17 : L’homme aux deux visages
Dans cette citation, la vision du monde de Quirrell est très nette. Il est avide de pouvoir et de puissance, méprisant au passage tous ceux qui ne partageraient pas sa vision du monde.
Mais, comme tous les fanatiques, cette sensation de toute puissance n’est qu’illusoire. Très concrètement, lorsque Quirrell dévoile le visage de Voldemort et que ce dernier commence à parler, le professeur est obligé de se mettre de dos. Il ne peut pas se tenir fièrement aux côtés de son maître. Il doit se mettre en retrait. En cela, il n’est qu’un pion.
Quirrell meurt au moment où Voldemort quitte son corps. Cette scène marque les esprits, pour Harry, comme pour les lecteurs, Quirrell est le premier personnage directement lié à Voldemort qui meurt. Nous sommes d’ailleurs ici dans la phase ultime de sa soumission au maître des Ténèbres. Quirrell est un kamikaze, prêt à mourir pour sa cause. Cette scène donne le ton du reste de la saga pour le jeune sorcier dans ses rapports avec Voldemort, où violence et mort seront les maîtres mots.
Une infantilisation certaine
Une scène est d’ailleurs à retenir, lorsque Quirrell se heurte au miroir du Risèd. À la fin du premier tome de la saga, ce dernier se voit remettre la pierre philosophale à Lord Voldemort. Rappelons que ce miroir a pour doctrine : « Je ne montre pas ton visage mais de ton cœur le désir ». Malgré ce désir ardent de fournir à son maître cette « arme » ultime que représenterait la pierre philosophale, Quirrell attend du miroir qu’il lui montre le cheminement. Il se heurte à cet objet magique ancestral, sans parvenir à le tromper. Dans ce passage, Quirrell ne fait pas appel à ses connaissances ou à son esprit logique, ce qui est surprenant à mon sens pour un Serdaigle. Cela a tendance à l’infantiliser car il semble s’énerver de sa propre impuissance.

De même, Quirrell nous livre une phrase à la fin du premier tome :
Le jour où je n’ai pas réussi à voler la Pierre, à Gringotts, il [Voldemort] était très mécontent. Il m’a puni. Et il a décidé de me surveiller de plus près…
Harry Potter à l’école des sorciers, chapitre 17 : L’homme aux deux visages
Quirrell se laisse dicter son comportement par Voldemort. Il est complètement à sa merci. C’est d’ailleurs Voldemort qui nous confirme le statut dont jouit Quirell à ses yeux :
Tu vois ce que je suis devenu ? dit le visage. Ombre et vapeur… Je ne prends forme qu’en partageant le corps de quelqu’un d’autre… Heureusement, il en reste toujours qui sont prêts à m’accueillir dans leur cœur et dans leur tête… Le sang de licorne m’a redonné des forces, ces dernières semaines… Dans la forêt, tu as vu le fidèle Quirrell s’en abreuver pour moi… Et lorsque j’aurai l’élixir de longue vie, je pourrai recréer un corps qui sera bien à moi…
Harry Potter à l’école des sorciers, chapitre 17 : L’homme aux deux visages
Dans cette citation, Voldemort est évoqué grâce à une synecdoque, on parle du « visage » pour évoquer la personne. Cette figure de style nous rappelle à quel point Voldemort est réduit à peu de chose à cet instant. Il n’a même pas de tête, juste un visage. Ainsi, on observe bien qu’il s’est servi de ce jeune homme sensible et suffisamment intelligent pour ne pas se faire attraper du premier coup.
Le cœur évoqué par le mage noir montre qu’il est conscient de la dévotion de ses fidèles à son égard. Quirrell est idéologiquement complètement épris de Lord Voldemort, acceptant même d’être corrigé par lui comme un enfant et de partager sa tête. On se rend compte ici que Voldemort le possède physiquement, mais aussi de manière beaucoup plus profonde. Malgré la peur que Voldemort lui procure, Quirrell lui voue une admiration sans faille… Ce qui révèle sans aucun doute son manque de clairvoyance.
Une pollution par l’esprit
Ce manque de discernement est également intéressant à analyser. En effet, il semblerait que Quirrell n’ait pas toutes ses capacités lorsqu’il se trouve face au miroir du Risèd. Il est intéressant de mettre en parallèle l’impact que peut avoir Voldemort sur Quirrell, et celui qu’ont ses horcruxes sur les personnes qui les approchent. L’âme de Voldemort a cette même capacité de parasitage, très nette dans Harry Potter et les Reliques de la Mort, où Ron change radicalement de comportement à force de trop porter le médaillon de Salazar Serpentard (le sujet est d’ailleurs abordé dans la web-série Ten Years Later). Quirrell est sans aucun doute un grand sorcier, mais il perd lui aussi sa capacité de réflexion, car c’est dans son énergie vitale que Voldemort vient directement puiser.
En résumé, Quirrell est à mes yeux un homme certes intelligent, mais que le désir de pouvoir a aveuglé. Son intelligence a fini par le perdre et n’a, de toute évidence, pas pu résister au puissant parasitage de l’esprit par Voldemort. Ce dernier, bien que réduit à peu lors de ce premier tome, a tout de même su arriver à ses fins. Quirrell, peu présent au sein du récit et à l’existence limitée à l’échelle de la saga (une année), nous donne malgré tout un éclairage certain sur le personnage de Voldemort et sur la suite des événements de la saga. Il est en effet à lui seul un concentré de ce à quoi sont soumis la plupart des personnages proches de Voldemort, la manipulation, la peur, la soumission, et la mort.
Références :
Le monde antique de Harry Potter, Blandine Le Callet