Quand Harry Potter rencontre Sherlock – le Sinistros des Baskerville
L’un s’est illustré au XXème, l’autre au XXIème ; tandis que le premier était adepte du genre policier, la seconde s’est illustrée dans le fantastique… Mais que peuvent donc avoir en commun Sir Arthur Conan Doyle et JK Rowling ?
Qui, de nos jours, ne connait pas Sherlock Holmes ? Que ce soit par le biais des romans ou des nouvelles, de la série Sherlock, des récentes adaptations au cinéma ou à travers l’éternelle réplique « Elémentaire, mon cher Watson », difficile d’être passé à côté de l’une des sagas littéraires les plus célèbres au monde.
Harry Potter n’est pas en reste, puisqu’il est au moins aussi célèbre que le détective anglais.
Mais la popularité n’est pas le seul point commun aux deux sagas, comme nous allons vous le démontrer dans cet article.
La figure du chien noir
En effet, Le Chien des Baskerville, troisième roman mettant en scène le célèbre détective possède de nombreuses similitudes littéraires avec le Prisonnier d’Azkaban.
Les deux auteurs ont su tirer profit du folklore britannique en réutilisant la figure du chien noir, gigantesque créature à la fourrure noire et aux yeux rouges et perçants, censée errer dehors les nuits d’orage. Dans les deux romans, elle est vue comme étant un présage de mort, voire comme étant l’incarnation du mal.
Dans Le Chien des Baskerville, une légende court dans la campagne du Devonshire selon laquelle un chien démoniaque menacerait la famille Baskerville, attaquant chacun de ses membres afin de venger le mauvais comportement de leurs ancêtres, légende qui se voit étrangement réalisée au début du roman lorsque des empreintes de chien sont retrouvées auprès du corps inanimé de Charles de Baskerville. Plus tard dans l’histoire, un gigantesque chien noir à l’allure démoniaque est aperçu et, dès lors, sera inévitablement associé à la figure du mal et de la mort.
Chez Rowling, c’est évidement la figure du sinistros qui prendra la place du mauvais présage. Harry voit pour la première fois un chien errant après s’être enfui de chez les Dursley, puis la couverture d’un livre de chez Fleury et Boot et le professeur Trelawney sèmeront le doute dans son esprit, insinuant en lui une crainte irrationnelle à chaque fois qu’il verra le grand chien noir errant près à Poudlard. Hommage ou coïncidence ?
Par le biais de leurs deux livres, l’auteur de polar et l’auteur fantastique se posent une même question assez rarement évoquée dans la littérature contemporaine et pourtant empreinte d’un grand intérêt : celle de l’influence des croyances superstitieuses dans les choix et les actes de la vie humaine.
Sherlock Holmes étant un personnage pragmatique et sceptique, celui-ci ne croit guère à la légende du chien noir qui hanterait la famille Baskerville et reste persuadé qu’un visage humain existe derrière cette affaire, contrairement à certains protagonistes qui fléchissent devant la légende et semblent, faute d’explication rationnelle, lui donner raison.
Harry, quant à lui, jeune adolescent en plein développement humain, beaucoup moins pétri de certitude que le célèbre détective, doute plus régulièrement. Il semble sans cesse vaciller entre une Trelawney et un meilleur ami qui lui conseillent de se tenir sur ses gardes face à ce sinistros qui apparait étonnement de façon récurrente tout au long du tome, et une Hermione qui lui rappelle le caractère purement superstitieux de ces événements. Au final, la frayeur irrationnelle, ressentie par une partie de lui-même et désavouée par une autre, a bien eu quelques conséquences pour notre jeune héro lors de ce tome : chute de balai lors de son match de Quidditch au chapitre 9 et la découverte des relations entre le chien et Pattenrond au chapitre 15.
Tout comme le chien noir, la figure du prisonnier évadé est présente dans les deux histoires. Chez Conan Doyle, c’est le personnage de Selden, le frère d’Eliza, à moitié fou, qui campe ce rôle. Il est présent tout au long de l’histoire, et rôde à l’abri des regards dans la lande entourant le lieu du crime. Naturellement, il devient immédiatement le suspect numéro un, et par conséquent l’homme à abattre. Sirius, quant à lui, est immédiatement présumé coupable de l’agression de la Grosse Dame et soupçonné de vouloir tuer Harry, dès lors que la rumeur de sa présence aux alentours de Poudlard se répand.
De ce fait, Rowling et Conan Doyle ont chacun voulu dénoncer les préjugés dont sont victimes certaines personnes, et l’injustice dont peuvent parfois faire preuve les hommes (dans la fiction comme dans le monde réel).
La volonté de l’auteur
En dehors du point de vue strictement littéraire, les deux auteurs ont des éléments en commun parmi leur parcourt professionnel et sont passés par le même chemin. Tous deux à l’origine de sagas très populaires et lues par des millions de personnes à travers le monde, ils ont tôt ou tard voulu tourner la page, explorer d’autres univers et d’autres personnages.
Ainsi, c’est en 1893 que Conan Doyle, las de tout l’engouement provoqué par Sherlock Holmes et désireux d’être reconnu pour autre chose, annonce la mort de son héros. Il publiera par la suite quelques romans (Sir Negel, entre autres) mais aucun d’eux ne connut le même succès. L’auteur fut même contraint, face aux demandes persistantes du public et les ventes désastreuses de ses derniers romans, de revenir à Holmes. S’en suivirent Les mémoires de Sherlock Holmes, soit 56 nouvelles qui satisfirent le public.
En annonçant la publication de The Casual Vacancy, et comme l’avait fait Conan Doyle 120 ans plus tôt, Rowling annonce par la même occasion sa volonté de se détacher du personnage qui l’a consacrée et de voir son nom associé à une autre œuvre, un nouvel univers, un nouveau public. Naturellement, à l’heure d’aujourd’hui, nous ne savons pas si son roman sera un succès ou si, à l’image de son prédécesseur, elle se verra obligée de revenir au petit sorcier à lunettes.
D’ailleurs, avec ce nouveau roman, l’auteur ajoute une dernière similitude avec Conan Doyle : le genre policier. En effet, si The Casual Vacancy n’est pas un roman d’enquête à proprement parler, il débute néanmoins avec un corps. Rowling entreprend par la suite de placer les lecteurs dans une situation difficilement compréhensible, leur donnant les clés pour situer les personnages petit à petit, comme pour reconstituer un gigantesque puzzle. Le lecteur est alors invité à se glisser lui-même dans la peau de l’enquêteur, à découvrir les motivations de chaque personnage, et à chercher leur mobile pour leurs actes discutables.
Après la sortie du premier roman « post-Potter » de Rowling, Une place à prendre, la Gazette trouvait qu’une comparaison entre notre auteure favorite et le maitre (considéré par certains comme l’inventeur même) du roman policier était assez flatteuse pour être mentionnée.
Si vous voulez en savoir un peu plus sur Sherlock Holmes et son auteur, nous vous invitons à visiter le site de la SSHF (Société Sherlock Holmes de France).