Opinion – Avec Harry Potter, David Zaslav fait fausse route
Cet article d’opinion n’engage que son auteur.
Il y a quelques jours, David Zaslav, le nouveau PDG de Warner Bros., déclarait vouloir renouer avec le succès grâce à Harry Potter. Pas avec le Wizarding World, et encore moins grâce aux Animaux fantastiques. Non. Harry. Potter.
Sa déclaration était plus que limpide : « Nous n’avons pas sorti de film Harry Potter en 15 ans« .
De cette simple phrase, il a balayé Les Animaux fantastiques et tous les efforts de construction d’un univers étendu entrepris par se prédécesseurs et J. K. Rowling. Certains affirment d’ailleurs qu’il ne rêve que d’une adaptation au cinéma de L’Enfant maudit. Cela ne veut pas dire que la saga Animaux fantastiques s’arrêtera là, simplement que Zaslav ne la considère pas à la hauteur du phénomène Harry Potter.
Sur ce point, il a raison. Les Animaux fantastiques ne sont pas Harry Potter. Ni dans les chiffres au box office ; ni dans l’accueil de la critique ; et encore moins dans leur résonance culturelle. Pour autant, ils n’ont jamais eu l’opportunité de faire leur preuves. Parce que, plutôt que de développer leur identité propre, ils sont restés dans l’ombre du « Survivant ».
Le Wizarding World n’a jamais vu le jour
Si la saga Animaux fantastiques n’est pas parvenue à égaler Harry Potter, c’est parce que ses scénaristes, réalisateurs et producteurs n’ont eu de cesse de nous rappeler qu’elle n’était qu’un spin off. À force de de tourner en rond autour des mêmes personnages (Dumbledore, McGonagall…) ; des mêmes lieux (Poudlard, Ministère de la Magie..) ; des mêmes familles (Lestrange) et des mêmes thèmes (la tentative de prise de pouvoir d’un autocrate populiste)… difficile de voir ici plus qu’un maigre reflet de l’original.
En tournant le dos au Wizarding World, Zaslav se détourne d’un projet qui ne s’est jamais concrétisé. Il l’enterre avant même de lui avoir véritablement donné sa chance. Cet univers étendu qui nous avait été promis, nous ne l’avons jamais exploré. Les écoles de magies, de Mahoukotokoro à Ilvermorny ; la place cachée du Paris magique ; même Ste Mangouste ou le département des Aurors… ces lieux sont encore inaccessibles aux fans.
Ce n’est pas en refaisant du Harry Potter que les fans reviendront. C’est en créant et en ouvrant véritablement le Wizarding World ! C’est un univers, a priori, riche et plein de potentiel ; il faut l’exploiter ! La seule limite est celle que s’impose la production. Et jamais l’équipe ne pourra s’éloigner de Harry Potter en étant convaincue qu’il n’y a que ça qui marche ; qu’il faut absolument (ou, pire, qu’il suffit de) mettre McGonagall pour séduire le public !
Que demandent les fans ?
Depuis des années, de nombreux fans réclament les aventures des Maraudeurs ; la fondation de Poudlard ; la jeunesse de Voldemort… Ce sont, en tout cas, les sujets qui rencontrent le plus de succès dans les fanfilms. Pourtant, ceux-ci ne sont pas plus ni moins du « Harry Potter » que Les Animaux fantastiques. Les fans ne manquent pas d’idée, et elles n’impliquent pas (toutes) Harry !
C’est bien le Wizarding World qui est réclamé. Les Animaux fantastiques étaient attendus, et suscitaient de l’enthousiasme avant leur sortie, alors que leur lien avec Harry Potter ne semblait que ténu.
Mais il ne suffit pas de situer ses aventures dans un univers populaire, ou d’y intégrer des personnages connus, pour qu’elles rencontrent le succès. Il faut aussi raconter une histoire. Il faut un scénario qui puisse séduire les anciens fans comme les nouveaux. C’est ça, qui a manqué aux Animaux fantastiques ; pas « Harry Potter« . Prenez le même scénario en remplaçant Norbert et sa clique par le trio Harry-Ron-Hermione, vous obtiendrez le même résultat !
Il suffit de voir l’accueil réservé au livre L’Enfant maudit pour se rendre compte que « Harry » n’est pas une solution sur le long terme. Certes, en one-shot, les chiffres sont là… mais imaginez la sortie d’un tome 2 de Harry Potter et l’Enfant maudit aujourd’hui ; les ventes seraient-elles les mêmes ? Sans doute pas, car les déçus du premier tome ne répondraient plus à l’appel. Et s’il y avaient encore 3 tomes derrière, la spirale se poursuivrait en l’absence de scénario solide.
« Harry Potter« , ça fait le buzz, mais ça ne suffit pas à fidéliser.
Celui qui n’apprend pas de ses erreurs ne fera que les répéter
La nostalgie est un outil puissant pour attirer les fans. Mais si le contenu proposé derrière n’est pas à la hauteur, elle ne suffira pas à les faire revenir encore et encore.
En sous-entendant que « le manque de Harry Potter » a freiné Les Animaux fantastiques, David Zaslav montre qu’il n’a pas saisi le fond du problème. Et cette conviction mène cette franchise droit dans le mur. Car, au contraire, le trop plein de Harry Potter a empêché Les Animaux fantastiques de montrer tout leur potentiel. Et tout futur projet mené sans cette donnée en tête sera voué à subir le même sort.
C’est en se distançant de la famille Skywalker que l’univers de Star Wars est parvenu à se renouveler. C’est en proposant des films solides individuellement que Marvel a pu créer un multivers convaincant. Ils n’ont pas misé sur la nostalgie liée à un personnage spécifique pour construire leur succès. Ils ont tablé sur un univers. Un univers est infini ; gorgé de possibilités pour des fans curieux d’en découvrir toujours plus ; contrairement à un personnage.
Cet univers, c’est le monde magique. La clé, c’est le Wizarding World. Pas Harry Potter.