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Harry Potter et les 7 étapes du deuil – une théorie qui n’en n’est pas une

Si vous ne vivez pas complètement reclu hors du fandom et des réseaux sociaux, vous avez inévitablement vu passer cette idée qui lie chaque tome de Harry Potter à une étape du deuil.

En psychologie, la théorie originale des étapes du deuil, de Elisabeth Kübler-Ross, parle de cinq phases (choc et déni ; colère ; marchandage ; dépression ; acceptation). Comme pour toute théorie universitaire, il existe cependant des variantes, dont certaines qui listent 7 étapes.

Elles sont parfois présentées sous des noms ou dans un ordre différents. Certains regroupent par exemple choc et déni, d’autres en font deux étapes distinctes ou positionnent la reconstruction avant l’acceptation ou l’inverse. Et certains y ajoutent la culpabilité. Nous ne nous sommes pas en mesure de juger du bien fondé de l’une ou de l’autre.

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La théorie retenue pour mettre les étapes du deuil en parallèle avec la saga Harry Potter est la suivante. Nous indiquons à chaque fois ce qui justifierait ce lien selon son auteur.

Les sept étapes des livres

Le choc : Harry Potter à l’école des sorciers

Harry est confronté à de nombreux chocs. Il apprend qu’il est un sorcier, qu’il est riche et que ses parents ne sont pas morts comme il le croyait. Il affronte Voldemort (la mort personnifié) dans un lieu qu’il pensait sans danger (Poudlard). Voldemort a l’aspect « choquant » d’une tête à l’arrière d’un crâne.

Le déni : Harry Potter et la Chambre des Secrets

Harry veut retourner à Poudlard (qui représente l’illusion que tout va bien) et Dobby, comme les Dursley, tentent de l’en empêcher. En mettant tout en œuvre pour parvenir à ses fins, Harry veut rester « dans le déni de la réalité ». Il ignore à maintes reprises les avertissements de Dobby, qui insiste sur le danger que représente en réalité Poudlard.
Lors de sa nouvelle confrontation avec Voldemort, Harry le voit sous forme d’une « illusion » : autrement dit, Harry ne voit « la mort » que comme une illusion.

La colère : Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban

Harry se met en colère contre la tante Marge qui dénigre ses parents, et contre Sirius Black qui les aurait trahis. Harry est (supposément) en colère en permanence dans ce tome.

La tristesse : Harry Potter et la Coupe de Feu

Harry est isolé et moqué. Le conflit avec Ron attriste le lecteur et renforce l’isolement de Harry. Ce dernier voit ses sentiments pour Cho Chang éconduits et est abandonné par sa cavalière lors du bal (tristesse). Enfin, il perd l’un de ses meilleurs alliés du tome : la mort de Cédric est un moment tragique.

La résignation : Harry Potter et l’Ordre du Phénix

Harry accepte la vérité de la Mort (retour de Voldemort). Il se résigne à l’idée de ne pas faire le poids face à Voldemort. Il ne parvient pas à maintenir Voldemort (la Mort) à l’écart de son esprit.

L’acceptation : Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé

Harry se défend enfin, alors qu’il ne faisait que subir jusqu’ici (ou lutter inefficacement). Il découvre les Horcruxes et comment vaincre « la Mort ». La présence de cette Mort symbolique est admise par tous, et Voldemort est au sommet de son pouvoir retrouvé. Symboliquement, maintenant que la mort est acceptée, elle est toute puissante et omniprésente.
Harry décide de ne pas revenir à Poudlard, autrement dit, il n’est plus dans le déni (cf. symbolique du 2è tome).

La reconstruction : Harry Potter et les Reliques de la Mort

Harry bat Voldemort et se « reconstruit » : il finit marié, avec des enfants.

Une analyse qui se croyait théorie…

Dans la tête de son auteur, cette idée prétend élucider « le grand secret au cœur de l’intrigue« . Néanmoins, il n’y a plus de grand secret depuis la parution du tome 7 ! Ces prémices sont donc bancals.

Harry et Dumbledore de dos, devant un texte "Théories Harry Potter"

Cependant, l’invalidité de cet objectif ne discrédite pas entièrement l’idée. Celle-ci ne fonctionne plus comme théorie, mais elle fonctionne comme analyse littéraire ; elle permet potentiellement de souligner un mécanisme conscient ou non de l’autrice pour faire passer son message (plus d’explications sur la distinction entre théories et analyses dans notre articles sur « Les théories Harry Potter : la confusion« ).

Faire son deuil des autres, mais aussi de soi (accepter sa mortalité), est un thème que Rowling souligne de nombreuses façons : avec le contes des trois frères et les reliques, avec le quidditch, et par le sacrifice de Harry. Le fait que Rowling ait énormément écrit alors qu’elle-même vivait le deuil de sa mère n’est pas un secret non plus. Structurer la saga autour des étapes du deuil, l’acceptation de la mortalité, ne serait donc pas complètement insensé.

… cousue de fils blancs

L’analyse pourrait donc être intéressante, si elle n’était pas fondée sur des arguments aussi superficiels et inégaux.

Pour commencer, l' »émotion » qui correspond à chaque livre livre est, tantôt le ressenti de Harry (1, 5), tantôt le ressenti du lecteur (4), quand ce n’est pas celui de la communauté magique (6), ou, symboliquement, l’action de Harry (2, 7)… Pour que l’idée soit cohérente, il faudrait que le référent soit le même tout du long.

Harry brise un miroir, de rage, das une scène coupée de Harry Potter et l'Ordre du Phénix

En matière d’atmosphère, les livres ne collent pas non plus particulièrement aux étapes qui leur sont associées :

  • Le tome 3, celui de la colère ? Harry a quelques épisodes colériques, mais pas moins que dans d’autres tomes, et certainement moins que dans le tome 5 !
  • Le tome 5, d’ailleurs, celui de la résignation ? Alors que Harry se bat en permanence et lutte contre l’envahissement de Poudlard par des forces externes ? Si on prend l’idée que Poudlard est le symbole du déni, Harry ne se résigne pas du tout à accepter la Mort dans ce tome ; il se bat pour protéger son déni. Même « symboliquement » dans le cadre de l’analyse, le rapprochement ne tient pas la route. Harry est loin d’être résigné dans ce tome, qu’importe le bout par lequel on le prend.
  • Le tome 4 évoque la solitude de Harry, peut-être, mais ce n’est pas la même chose que d’évoquer la tristesse. L’abandon de sa cavalière lors du bal est même plutôt un soulagement et n’est pas vécu comme un épisode triste du tout. Comparons ça au fait qu’il est obligé de se séparer de son parrain nouvellement retrouvé dans le tome 3 par exemple ; ça, c’est triste ! Et la mort de Cédric qui génère de la tristesse pour coller à ce tome… mais pas de choc, de déni, de colère ? Les autres étapes du deuil sont ici bien vite effacées.
  • Le tome 7 serait celui de la reconstruction grâce uniquement à son épilogue, qui efface tout ce qui vient avant dans l’action ? Toujours « symboliquement », Harry bat « la Mort » à Poudlard, donc « dans le déni », et pour protéger les lieux… s’il avait « accepté » la Mort, il ne devrait pas/plus protéger « le déni ».

Dès le moment ou le lien « Poudlard = illusion et déni » ne tient pas, l’argument du tome 2 ne tient pas non plus. De fil en aiguille, il semble clair que cette analyse ne résiste pas à un examen rapproché de ses prémices. L’ajout d’arguments absurdes (l’aspect de Voldemort dans le tome 1 décrit comme « choquant ») montre à quel point son créateur se raccroche à la première branche venue.

Illustration de Harry Potter à l'école des sorciers - illustré par MinaLima - l'arrivée à Poudlard sur le lac

Cependant, libre à ceux qui la trouvent intéressante de la conserver dans un coin de leur tête ; elle ne change rien au contenu des livres, ni à leur message. Tant que le débat ne porte pas sur du « vrai/faux« , ou du « j’y crois/ j’y crois pas« , personne n’a tort.*

Le deuil reste un thème important de Harry Potter

Le principal, si pas l’unique, intérêt de cette analyse, c’est de mettre en avant les étapes du deuil dans le cadre de la saga. Et, en effet, les émotions liées au deuil sont bien présentes. Cependant, plutôt que de servir de base à la structure des livres, elles sont simplement évoquées à plusieurs reprises, au fil de chaque tome.

  • Harry vit de nombreux deuils : celui de ses parents, de sa vie « simple » de moldu anonyme, de ses chances de vivre avec Sirius (et de Sirius lui-même), de Cédric, de Dumbledore (deux fois)…
  • La saga nous montre des deuils différents : suite à un décès (Cho envers Cédric), mais aussi suite à une déception (Harry envers Dumbledore et James) ou à un changement de statut (Winky, même si on ne voit jamais la fin de son deuil).

Vécus par les individus, collectivement, ou par les lecteur.ice.s, le deuil est omniprésent à travers l’ensemble des livres. Le tome 7, étrangement, nous le refuse. A la fin de la Bataille de Poudlard, l’ellipse nous transporte immédiatement dans un monde reconstruit, sans nous laisser accompagner les personnage dans leur deuil, ni nous accompagner dans le nôtre (à l’époque, celui d’une grande partie de notre enfance).

Les élèves lèvent leurs baguettes à la mort de Dumbledore dans le film Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé

On retrouve également le thème du deuil dans Harry Potter et l’Enfant Maudit, qui permet justement de finir ce que le tome 7 avait laissé en suspens.

Vouloir rapprocher Harry Potter et les étapes du deuil n’est donc pas absurde. Simplement, les arguments pour en faire un élément structurant sont faibles. On rangera donc cette « théorie » parmi les analyses trop tirées par les cheveux pour leur propre bien.

*Inutile de demander l’avis de Rowling sur le sujet également, elle n’y changera rien.

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