Un cas de dragoncelle parmi le corps enseignant de Poudlard !
Dans une époque tournée vers le progrès magique et la modernisation de la société sorcière, la résurgence de cette maladie d’un autre âge doit profondément questionner notre organisation. Comment un professeur de la prestigieuse école de magie, en charge de l’éducation de la nouvelle génération de sorciers, a-t-il pu s’exposer à pareil risque ?
Doit-on s’alarmer d’une précarisation du corps enseignant, qui aurait contraint Mme Mortebise à chercher dans l’élevage de dragons un complément de revenus ? Ou bien faut-il attribuer cette bizarrerie au retour d’un temps que nous espérions révolu : celui de l’opacité dumbledorienne, où la personnalité des enseignants, loups-garous instables, suprémacistes hybrides ou haruspices éthérés, empiétait sur la sécurité de nos enfants ? Notre enquête, d’après un dossier de Sorcière Hebdo.
Le conte des trois flammes
Il est particulièrement ironique que le retour de ce fléau du XIXe siècle s’opère entre les quatre murs d’une institution dont la devise demeure « Draco Nunquam Dormiens Titillandus ». Car la dragoncelle – hautement contagieuse, faut-il le rappeler – ne peut exister que s’il vient à l’esprit malade d’un sorcier dangereux l’impulsion folle de manipuler un dragonceau sans porter de gants. C’est donc ce qu’a dû faire le nouveau professeur de potions de Poudlard, Radha Mortebise, malgré le regard sévère que lui adresse quotidiennement la statue de Gunhilda de Goorsemor campée face à l’entrée de son bureau.
Transportée en urgence à l’infirmerie mardi dernier et immédiatement prise en charge par l’éternelle Mme Pomfresh, Mme Mortebise a dû laisser ouverte la porte de cette pièce dont elle interdisait l’accès à tous depuis son arrivée dans l’académie. C’est alors que ses collègues ont découvert le pot aux roses : dans le renfoncement du mur ouest, dissimulée par une tapisserie, se trouvait la cage de trois jeunes dragonceaux.
Des économies de bouts de chandelles ?
On reste interdits à l’idée qu’un aussi brillant élément de la société sorcière ait pu s’abaisser à pareille absurdité. Il s’agit, selon les impressions que nous avons pu recueillir auprès des élèves, d’une personne assez discrète, et qui porte sur elle les stigmates d’une enfance passée dans la pauvreté.
Indissociable d’un vieux pull mangé-aux-mites aux couleurs de sa maison, coiffée d’une simple queue de cheval faite à la va-vite, l’intéressée est loin d’honorer par son allure ses illustres prédécesseurs. Le contexte économique est donc à prendre au sérieux : est-il imaginable qu’un professeur de Poudlard ne parvienne plus à vivre décemment de son activité ?
« Nous peinons de plus en plus à trouver des acheteurs, déclare M. Basileus, apothicaire sur le chemin de Traverse, à propos des produits dérivés de dragons. Avec les nouvelles normes de protection de ces créatures, il devient très difficile de se procurer langues, écailles et foies. Nous travaillons à l’élaboration de recettes alternatives… »
Avant de présenter le filtre de courage abordé en quatrième année à ses élèves, la maîtresse des potions doit donc passer à la caisse : pas moins de trois galions l’indispensable griffe de dragon, deux fois plus qu’en début d’année dernière. L’affaire est plus rude encore pour les ventricules et cœurs, également prisés des concepteurs de baguettes. De quoi inciter les plus hardis à tenter de se procurer lesdits produits par leurs propres moyens…
Interrogé sur les hypothétiques pratiques illégales de son successeur, le distingué professeur retraité Horace Slughorn s’agite sur son fauteuil, et balaie d’un puissant revers du bras de telles allégations.
« Je connais personnellement Radha. Elle a toujours été une excellente élève, et si vous insinuez que j’aurais pu lui transmettre de pareilles pratiques, vous vous enfoncez le doigt dans l’œil jusqu’au coude ! »
Les cendres d’une institution
Une fois encore, c’est la question de l’opacité de fonctionnement de l’école, et plus spécifiquement de la sélection de ses professeurs, qui est soulevée : la co-optation par un pair gâteux et à moitié délirant suffit-elle à faire de Mme Mortebise un personnel qualifié ? Nous n’avons rien trouvé après vérification de ses antécédents judiciaires, et ses collègues au sein de l’établissement se sont, comme à l’accoutumée, emparés de cette affaire pour brandir leurs sempiternelles revendications salariales.
Connaîtrons-nous jamais la vérité ? Le Ministre aura-t-il le courage de prendre les mesures qui s’imposent ? Poudlard constituait déjà une antichambre idéologique extrêmement controversée ; sa mutation récente en foyer d’épidémies dangereuses* est autrement plus problématique.
* Correctif ajouté suite à une saisine du tribunal médiatique magique : une semaine après parution de cet article, il a été confirmé que Mme Mortebise est sortie de l’infirmerie guérie, sans que la maladie ait été transmise à quiconque.