A bord de l’infini Seregenti, le village sorcier de Ngorgongoro
Cet article est extrait du site de Obscurus Presse.
Abigail McConnell est une sorcière brillante, magianthropologue diplômée de Poudlard, puis de l’Université de Sorcellerie de Salem. Après plusieurs années à étudier pour son diplôme la magie spécifique des Inuits, elle a décidé de poursuivre sa plongée culturelle dans les sorcelleries du monde entier et a entamé un long voyage dans les villages sorciers les plus retirés et secrets de la planète afin d’assouvir son éternelle curiosité de nos contemporains sorciers. Pour le plus grand bonheur de la rédaction de Sorcier du Soir et le vôtre, la professeure McConnell a accepté de publier dans nos pages une partie de ses carnets de recherches, écrits au fil de ses pérégrinations. Vous trouverez ci-dessous un extrait de sa fascinante découverte du Village du Ngorgongoro, point de rencontre de nombreuses tribus sorcières du Kenya et de la Tanzanie situé au pied du massif du même nom, au sud-est de la légendaire plaine du Serengeti.
carnetmcconnell-5123f11.jpg?1484673583“10 octobre 2016. Cela fait seize jours maintenant que je suis arrivée au Ngorongoro et j’ai enfin le temps de reprendre ma plume. Mwenye, mon hôte, est toujours aussi charmant. il avait semblé très intrigué par ma requête lors de nos premiers échanges de hiboux mais le voyage s’est très bien déroulé et l’accueil était parfait.
Le dépaysement est grand par rapport à mes dernières semaines passées à Manhattan. Le Ngorongoro est un hameau en comparaison. Il est difficile d’en estimer la population car celle-ci est en mouvement constant : très peu de gens habitent réellement sur place, la plupart ne font que y passer. Dans l’ensemble, j’estimerai néanmoins à une soixantaine les gens y résidant en permanence – Mwenye étant l’un d’entre eux.
Si je jetais un œil à l’extérieur, je pense que je verrai toutefois une dizaine de fois ce nombre de personnes. Uniquement des sorciers, bien entendu, et éventuellement quelques rares moldus membres de la famille d’autres sorciers. Le Ngorongoro est aussi bien caché que n’importe quel bâtiment sorcier anglais ou américain : les moldus qui y passent ne distinguent que la fin des collines et le début de la savane, sans aucun signe de l’ensemble du village ni des nombreuses personnes qui s’y trouvent. »
sscarnet3-5123f27.jpg?1484673802 La première chose qui m’a frappée en examinant la population était la jeunesse de celle-ci. Parmi les habitants restant le plus longtemps sur place, Mwenye, du haut de sa quarantaine, est sûrement l’un des plus âgés. L’immense majorité des gens ont moins de vingt-cinq ans. C’est chose normale, cependant, m’a expliqué mon hôte : les familles, voire tribus, sont souvent en vadrouille. Éduquer les jeunes prend du temps et le Ngorongoro est donc ce que nous appellerions une « école de magie » : la plupart des jeunes y restent et peuvent ainsi apprendre à manier leur magie.
Nulle classe de niveau ou d’âge cependant. Les « leçons » se font en plein air, à l’extérieur, et je reviens d’ailleurs de l’une d’elles, très instructive. Les jeunes sont installés en cercle autour de l’aîné qui leur enseigne – qui peut être de tout âge, de toute tribu : tant qu’il ou elle a quelque chose à enseigner, il ou elle est le bienvenu pour le faire. Et nul besoin de battre le rappel des enfants et des adolescents qui errent dans le camp pour une leçon : un simple claquement de mains et ils se rassemblent, quel que soit leur instructeur du jour.
C’est une autre chose qui m’a surprise ici : il n’y a que très peu de familles au sens occidental du terme. Bien sûr, tout le monde sait qui est son père ou sa mère, mais vous ne verrez jamais un adolescent refuser d’obéir à un autre adulte en lui prétextant qu’il ou elle « n’est pas sa mère ». L’ensemble des adultes veille sur les plus jeunes, s’assurant notamment qu’ils ne quittent pas les parties cachées du village dans être accompagnés et, lorsqu’ils le font, qu’ils ne pratiquent pas de magie devant les touristes moldus qui visitent le cratère du Ngorongoro tout proche ou partent en expédition dans la savane.
Et, à l’inverse, tous les enfants obéissent aux adultes sans distinction et n’essaient même pas de discuter. J’admets qu’il y a quelque chose d’impressionnant à voir une frêle femme semblant à peine tenir debout lever sa main droite, et se retrouver avec une troupe de quarante adolescents autour d’elle en quelques minutes, suspendus à ses lèvres à la seconde même où elle commence à parler.
Il serait donc totalement faux de dire que les enfants sont laissés à l’abandon, comme on pourrait le croire à première vue en les voyant vagabonder aux alentours de quatorze heures : bien au contraire, c’est l’ensemble de la communauté qui veille sur eux. En complément de ces leçons générales, la plupart des jeunes se voient d’ailleurs attribuer un mentor particulier, qui veillera sur leur bon développement. Il est d’ailleurs courant que le jeune soit emmené dans les pérégrinations de son mentor, l’accompagnant dans sa tribu d’origine ou ses voyages dans la région.
J’ai pu faire connaissance au fil des jours passés avec Sefu, d’une tribu de l’est du Serengeti qui m’a confirmé rester jusqu’au passage de la petite saison des pluies, le mois prochain. Nous avons le même âge et le courant est immédiatement passé entre nous. Elle est l’une des enseignantes les plus régulières des jeunes et l’équivalent de ses cours d’Histoire de la Magie sont fascinants. Non pas que je veuille m’attaquer au professeur Binns, mais Sefu raconte les choses d’une manière fort différente : ce sont des contes, accompagnés de merveilleuses illusions de chaleur, d’incroyables mirages qui renforcent ses propos.
Beaucoup de sorciers de la région n’utilisent que très peu leur baguette. Pour eux, il s’agit d’une forme de magie très différente et ils ont d’ailleurs été surpris de certains des sorts que je pouvais réaliser avec la mienne. Leur magie est bien plus subtile : leur vecteur sera en général une marque gravée dans l’écorce d’un tronc d’arbre, un dessin dans le sol traçant l’équivalent d’un cercle runique, ou même des cailloux semblant ordinaires d’apparence et dégageant pourtant une incroyable puissance, comme les cairns qui cernent le village pour le protéger des moldus.
Une autre particularité de leur magie est qu’elle est, au final, très peu personnelle. Vous savez tous à quel point cela peut être difficile de lancer un sortilège avec la baguette d’un autre. Au Ngorongoro, pas de soucis : tous savent se servir des marques laissées par les autres dans la savane, réactiver les sorts qui y sont gravés depuis des centaines d’années, renforcés par chaque passage d’un sorcier sur le même chemin. De nombreuses pistes parcourent la savane, inconnues des moldus et seulement suivie par les sorciers ou certains animaux plus sensibles à la magie.
Les sorciers sont d’ailleurs très présents dans la politique locale, bien que toujours soigneusement sous le sceau du secret. Hier, j’ai accompagné Sefu et plusieurs autres sorciers, dont son apprenti, dans une expédition et c’est ce qui m’a poussée à reprendre la plume pour la conter aujourd’hui, me sortant difficilement de mes innombrables découvertes.
Comme certains d’entre vous le savent peut-être, le braconnage est très présent dans cette région du monde. Le Serengeti est en partie considéré comme un parc naturel et protégé par les moldus, mais il est tellement immense qu’ils ne peuvent couvrir la totalité du terrain. Les sorciers contribuent donc également à la défense de leur lieu de vie, parcourant leurs pistes cachées et traquant les braconniers, souvent bien plus efficacement que les forces de l’ordre moldues. Les pisteurs sont aussi essentiels aux tribus du Ngorgongoro que les Aurors le sont à notre bonne vieille Angleterre : ils maintiennent l’ordre, empêchent les débordements, effacent les mémoires quand nécessaire et traquent les criminels, qu’ils soient moldus ou sorciers.
Sefu me l’a fait remarquer hier, lorsque notre groupe est tombé par surprise sur une bande de braconniers. Ceux-ci ne sont presque jamais kenyans ou tanzaniens. Les gens originaires des pays concernés n’osent pas braconner des espèces protégées. Les légendes des terrifiantes malédictions lancées sur ces criminels sont extrêmement vivaces et, si elles sont moquées par les étrangers qui parcourent la savane, elles suffisent à empêcher la population locale de verser dans le crime dans son immense majorité.
Ils ont raison, par ailleurs. Les sorciers ne font pas dans le détail et, s’ils ne tuent jamais les criminels rencontrés, leurs malédictions passeraient aisément pour de la magie noire en Europe. Ne sont cependant ciblés que ceux surpris dans la savane en pleine activité illégale : autrement, il y a bien entendu procès et jugement, comme chez nous. Cela a comme résultat une diminution du nombre de braconniers et des rumeurs au sujet de la dangerosité de la chasse dans le Serengeti et ce, sans qu’un sorcier ne se soit fait voir par quiconque en dehors de quelques lions paressant au soleil.
Sefu m’appelle – décidément, la vie est bien active ici, et passionnante du début à la fin. Je reprendrai la plume ce soit pour continuer le journal. […]”
Vous retrouverez la suite du journal de Abigail McConnell, magianthropologue, ICI sur le site de Obscurus Presse.
Écrit par Khimaera ; illustré par Elle-Etait-Une-Fois pour Obscurus Presse