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Harry Potter à l’université : 1 – le rôle de la nourriture dans la série

Chaque chronique présente un.e universitaire qui analyse Harry Potter sous l’angle de sa spécialité (anthropologie, histoire, littérature, médecine, etc.)

Ce mois-ci, coup de projecteur sur l’anthropologue américaine Margarett-Ann Simonetta, qui analyse dans ses essais comment la nourriture est un élément clé de l’histoire et du monde d’Harry Potter.

Margaret Ann-Simonetta, une anthropologue passionnée de Harry Potter

Margaret-Ann Simonetta est chargée de cours au département d’anthropologie d’Harvard. Sa passion pour Harry Potter (c’est une Gryffondor) l’a conduite à écrire une dizaine de papiers universitaires sur la saga depuis 2017. Elle analyse les structures anthropologiques de la société des sorciers (les classes sociales, l’éducation, le travail) et ses clivages comme le rapport au sang ou la vision de la mort. Elle étudie également le fandom, par exemple dans un article consacré au tourisme issu de la saga. Vous pouvez retrouver une interview (en anglais) de Simonetta dans le podcast Alohomora.

Les food studies ou l’étude du monde (des sorciers) sous l’angle de la nourriture

Un repas dans la Grande Salle dans Harry Potter

Qui n’a pas rêvé de goûter (voire de fabriquer) les pires Dragées surprise de Bertie Crochue ? Ou de s’asseoir dans la Grande Salle pour déguster un festin de fin d’année ? La fascination qu’exerce la nourriture dans la saga est très forte chez les fans. Elle fait partie de ces petites choses pour lesquelles on s’attache autant à l’univers.

Écoutez ce numéro de notre podcast Salut les Sorciers ! où nous discutons la place de la nourriture dans la saga. Un excellent complément à la Chronique des Potterscholars.

Au-delà du plaisir qu’on ressent à lire les passages sur la nourriture, Margaret-Ann Simonetta met en avant trois rôles sérieux qu’elle joue dans le récit. Son analyse relève des food studies, jeune champ universitaire qui étudie la nourriture et sa place dans la science, l’art (et donc la littérature), l’histoire, la société et d’autres domaines.

La nourriture est un moteur de la narration

La nourriture ne fait pas seulement partie du folklore des sorciers créé par Rowling. Loin d’être anecdotique, elle est utilisée par l’autrice pour faire progresser l’intrigue. Simonetta prend pour exemple cette scène de La Chambre des Secrets, où Harry et Ron piègent Crabbe et Goyle grâce à deux gâteaux contenant de la Potion de Sommeil. Les deux sbires de Malefoy se laissent tenter et se retrouvent profondément endormis puis enfermés dans un placard. Ron et Harry prennent leurs traits grâce au Polynectar et se servent de ce déguisement pour interroger Malefoy et lui soutirer des informations sur l’héritier de Serpentard. La nourriture, la gourmandise sont utilisées comme des leviers qui font avancer le récit.

Crabbe et Goyle mangent des gâteaux dans Harry Potter et la Chambre des Secrets
Goyle et Crabbe, dans Harry Potter et la Chambre des secrets

Par ailleurs, cette scène permet de positionner les personnages les uns par rapport aux autres dans l’histoire. Elle scelle encore plus fortement le rôle d’antagonistes de Malefoy, Crabbe et Goyle. Comme l’écrit Simonetta, « la nourriture joue dans cette scène un mauvais tour aux trois personnages qui, rejetés, poussent le lecteur à les considérer négativement à l’inverse d’Harry, Ron et Hermione« .

La chercheuse s’appuie sur la thèse universitaire de Leisa Anne Clark, Butterbeer, Cauldron Cakes, and Fizzing Whizzbees: Food in J.K. Rowling’s Harry Potter series (2012, non traduite). Celle-ci démontre comment la nourriture sert de pont entre les lecteurs et les personnages. Elle met en scène l’opposition entre le bien et le mal incarnés par les personnages.

La nourriture joue également un rôle de marqueur social dans la saga

Elle indique au lecteur la plus ou moins forte intégration des individus dans la communauté sorcière. Simonetta applique à la société magique les travaux de Sidney Mintz et Christine Du Bois (The Anthropology of Food and Eating, 2002) sur la façon dont « la nourriture sert à la fois à consolider les membres d’un groupe et à distinguer les groupes les uns des autres« . Deux exemples l’illustrent.

Quand Harry et Ron font connaissance dans le Poudlard express, le chariot à friandises passe devant leur compartiment. Ron n’a pas les moyens d’en acheter et doit se contenter de son sandwich au corned-beef (dont il a horreur). Harry, dont la bourse est remplie de gallions, prend un peu de tout, Chocogrenouilles, Patacitrouilles, et partage avec son compagnon. Cette scène reflète la volonté d’intégration d’Harry au monde qu’il découvre. « Harry [était] ravi de pouvoir partager quelque chose avec quelqu’un pour la première fois de sa vie« , est-il écrit. La nourriture matérialise le lien d’amitié qu’il noue à cet instant précis avec Ron.

Harry Potter et Ron Weasley dans le Poudlard express
Ron et Harry, dans Harry Potter à l’école des sorciers

A l’inverse, la nourriture reflète aussi les divergences voire les inégalités sociales. Simonetta écrit un article consacré à la discrimination et l’esclavage dont sont victimes les elfes de maison. La visite d’Harry, Ron et Hermione dans les cuisines de Poudlard dans le quatrième tome montre l’ampleur de l’aliénation des elfes. Les elfes s’empressent de leur servir une foule de mets de toute sorte avec soumission. La nourriture distingue une caste sociale d’une autre.

On peut citer d’autres exemples de ce double rôle de la nourriture. Les Dursley mettent en œuvre l’exclusion d’Harry de leur famille par la privation de nourriture. A l’inverse, l’adoption d’Harry dans la famille Weasley passe par la cuisine de Molly et les joyeux repas au Terrier.

Enfin, la nourriture est un point de contact avec le fandom

« Harry était trop habitué à leurs disputes pour se soucier de les réconcilier. Il jugea préférable de se consacrer à la dégustation […] d’une grande assiettée de tarte à la mélasse, son dessert favori »

Harry Potter et l’Ordre du Phénix , Chapitre 11

Margaret-Ann Simonetta consacre un court essai à « l’analyse culinaire culturelle de la tarte à la mélasse dans la saga Harry Potter« . Pourquoi Rowling l’a choisie ? Ce « plat de base de la cuisine anglaise depuis le 19e siècle » encore vierge de toute référence dans la culture pop ou fantasy. Elle revient à intervalles réguliers dans le récit, aux moments « les plus heureux et les plus durs » pour Harry selon Simonetta.

Ces éléments font de la tarte à la mélasse un plat culte qui suscite la créativité des fans. Ces derniers proposent leur recette de la tarte à la mélasse un peu partout en ligne, aux côtés des biscuits rochers de Hagrid et des sorbets citron de Dumbledore. Retrouvez d’ailleurs quelques unes de ces recettes dans notre rubrique Cuisine.

Retrouvez bientôt les prochaines chroniques de Harry Potter à l’université pour découvrir les travaux d’un.e nouvelle universitaire sur Harry Potter !

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