La musique de Harry Potter & the Cursed Child : critiques croisées
Cela ne vous a peut-être pas échappé : la bande-originale de la pièce de théâtre Harry Potter et l’enfant maudit est disponible depuis quelques semaines, notamment sur Spotify. L’album est également en vente et plusieurs fans se demandent donc : « est-ce que ça vaut le coup que je me la procure, surtout si je n’ai pas vu la pièce ? »
Plusieurs rédacteurs de la Gazette, ayant vu la pièce ou non, vous en proposent une critique afin de répondre à cette question !
Sans avoir vu la pièce – Kalegula
La première chose qui m’est venue en écoutant le début de cette bande originale c’est : est-ce vraiment une musique d’Harry Potter que j’écoute ? Après vérification : oui c’était bien la bande originale de Cursed Child. Et ça m’a de suite plus intéressé, car ce n’est pas du tout le genre de chose que je m’attendais à entendre !
En effet, si vous vous pensiez vous retrouver avec des remix du thème d’Hedwige sur tous les instruments ou des réorchestrations des célèbres musiques de la saga cinématographique, passez votre chemin. Cette bande-originale est entièrement… eh bien… originale ! J’ai été tellement pris au dépourvu que je l’ai écoutée en entier trois fois avant d’essayer de réfléchir à comment rédiger cet avis. Le contre-pied est complet.
La composition est très moderne, très contemporaine. Elle m’a fait penser à certains moment à ces musiques qu’on utilise pour s’endormir ou pour calmer l’anxiété, avec des sons bien particuliers. Le choix des instruments est assez particulier : si on retrouve quelques grands classiques comme le piano, le violon et la voix humaine, il y a plusieurs sons qui donnent l’impression d’être synthétiques.
Divisée en quatre parties, chacune étant une suite (c’est à dire plusieurs morceaux jouées sans interruptions), cette bande-originale propose des morceaux assez courts (en moyenne 1min30) qui ne peuvent que difficilement, par définition, s’écouter dans le désordre. Je ne pense pas qu’on puisse identifier une scène ou la visualiser à partir de la mélodie.
Comme dit précédemment, les musiques sont très contemporaines, mais néanmoins de grande qualité. En général plutôt enjouée et discrète, elles se font pressantes et angoissantes quand il le faut. Je pense que l’ensemble forme une très bonne suite d’ambiance ou de musique pour travailler, voire pour s’endormir si on sélectionne certains morceaux. On retrouve un ou deux leitmotiv (surtout pour le monde des Ténèbres).
Cette bande originale me fait furieusement penser à celle du jeu-vidéo Silent Hill 3. [[Pour faire une parenthèse là dessus et expliquer le fond de ma pensée, sachez que le premier jeu avait très peu de vraies musiques, l’essentiel étant plutôt des ambiances (ce qui fait que les cinq ou six vraies mélodies ressortaient bien et étaient très percutantes). Le deuxième est sans conteste celui avec la BO la plus aboutie, avec des musiques très réussies dans de nombreuses scènes mais aussi durant le jeu. Très envoûtante, elle est aussi très « hantée », avec de nombreux thèmes au piano ou avec des voix humaines, et on peut facilement identifier ces musiques comme étant celles d’un jeu psychologique, mélancolique.]] Le troisième opus de cette série a, en effet, pris le contre-pied de ses prédécesseurs : en écoutant la bande-originale, très peu de musiques semblent être tirées d’un jeu d’horreur. Et pourtant ! Une fois dans le jeu, elle s’incrustent parfaitement et collent à l’ambiance du jeu. J’ai exactement cette impression là en écoutant la BO de Cursed Child : elles collent probablement parfaitement à l’ambiance de la pièce lors des représentations, mais n’évoquent pas la magie d’Harry Potter prisent indépendamment.
Je suis en partie déçu de cette bande originale : j’espérais replonger dans l’univers Harry Potter, pas écouter une vidéo Youtube pour que mon chat arrête de faire ses griffes sur le canapé. Je regrette également le côté synthétique : à l’oreille je n’ai vraiment pas l’impression que ces suites ont été enregistrées uniquement avec de vrais instruments. Enfin, j’aurais aimé que plus de musiques soient représentatives des scènes où elles sont jouée. Il y a bien plusieurs morceaux qui le sont, mais pour beaucoup je trouve qu’il n’y a pas un sentiment qui se détache vraiment de la mélodie. Dommage.
Cependant, Imogen Heap a dû faire face à un énorme défi et l’a relevé avec brio ! Je pense que la musique est un atout indéniable de la pièce (je serais plus catégorique si je l’avais vue). Il fallait oser un tel contre-pied, et c’est un pari réussi. Nul doute que ceux qui ont vu la pièce chérissent encore plus les morceaux de ces suites.
Les musiques ne sont ni trop présentes ni trop « d’ascenseur » : elles sont faites pour ne pas prendre le devant sur les comédiens, tout en restant marquante. C’est un équilibre parfait, de qualité indéniable, si on oublie la mention « Harry Potter« .
Cette BO est-elle un « must-hear » pour quelqu’un qui n’aurait pas vu la pièce ? Pour ma part je suis catégorique : non, pas du tout. Vous ne manquez rien. L’écouter n’est pas une nouvelle immersion dans l’univers Harry Potter.
Si vous n’avez pas vu la pièce, il n’est donc à mon avis pas essentiel d’acheter cette BO, à moins que vous ne soyez un.e grand.e fan du genre ou que vous souhaitiez compléter une collection Harry Potter. Vous pouvez néanmoins l’écouter gratuitement sur Spotify ; l’idéal restant, à mon humble avis, de voir la pièce pour ensuite associer les morceaux aux scènes en question. Personnellement, je ne l’achèterai pas, mais je vous conseille vivement de l’écouter au moins une fois !
En ayant vu la pièce – Pantalaemon
Enfin ! Cette bande originale est disponible ! Après avoir passé des années à chercher les compositions de Imogen Heap s’en approchant le plus (car de nombreux morceaux sont des arrangements de composition existantes [[On peut ainsi reconnaître Hide and Seek, First Train Home ou The Walk]]), voilà enfin l’expérience authentique.
À la première écoute, il est difficile d’associer chaque morceau à une scène de la pièce ou à l’univers d’Harry Potter mais, à force d’écoute, la magie opère, et le génie de cet accompagnement musical refait surface. Les titres de chaque fragment aident à resituer l’action et, une fois le lien rétabli, le monde magique reprend vie dans ma tête.
On entend distinctement le « woush » des capes de sorciers dans Welcome to Hogwarts [Ou est-ce le balancier du gigantesque pendule/horloge de Poudlard, visible dans les films, en lient avec le temps qui passe et le retourneur de temps ?]] ; la fanfare qui évoque inévitablement la première tâche dans [Dragons ; les notes cristallines de Moaning Myrtle (Mimi Geignarde) évoquent à la fois un robinet qui goutte, avec un léger effet d’écho de salle de bain et la fantaisie du personnage ; la douceur et la paix qu’apporte un Patronus dans Expecto Patronum, avec cette vibration lumineuse retranscrite dans la voix… et que dire de la folie pure, erratique et hyperractive de St Oswald, la maison de “repos” pour sorciers.
Plusieurs musiques transitionnent efficacement d’un sentiment à l’autre, et nous font osciller entre la magie de l’univers d’Harry Potter, et ses côtés les plus angoissants. Anything From the Trolley, dears? (Quelque chose à manger les enfants ?), commence dans un univers enfantin (le Poudlard Express, ses bonbons), puis évolue vers une atmosphère plus sombre soulignée par le violoncelle et s’acheve par la transformation de la Dame aux friandises (2:31) avant que les protagonistes ne sautent du train (2:54). Tout au long, la rythmique entraînante évoque le train en route et le danger.
De même, The Owlery (la Volière) commence tout en douceur avant de plonger dans l’obscurité en faisant appel au thème associé à l’univers dystopique dans lequel est projeté Scorpius après avoir indirectement causé la mort de Harry.
Ce leitmotiv dévoile d’ailleurs toute son importance grâce à cette bande-originale. Il apparaît pour la première fois dans Scorpius Alone (scorpius seul), à a toute fin de l’acte II, et revient très brutalement dès le début de l’acte III dans A World of Darkness (Un monde de ténèbres). Lorsque les deux musiques s’enchaînent, la redite semble évidente ; mais, lors des représentations, ce sont plusieurs heures – voire plusieurs jours – qui s’écoulent entre ces deux morceaux ! Le thème des ténèbres fait alors effet de véritable “Précedement, dans Cursed Child”, replongeant pleinement les spectateurs dans l’univers et l’aventure là où ils ont été interrompus.
Si, à première vue, on n’a pas l’impression de retrouver le monde magique, on finit par en percevoir une nouvel aspect, comme avec certains fanarts ou grâce aux illustrations des livres. Cette bande-originale évoque pour moi un univers magique plus absurde, plus euphorique et exubérant, moins ordonné et plus sombre… mais toujours aussi mystique et enchanteur dans ses moments d’émotion.
C’est un voyage qui en vaut la peine et qu’on peut faire d’une simple écoute.