Pourquoi vous devriez vous intéresser à la chimie médicinale si vous êtes fans de Potions
Il m’est venu à l’idée qu’il existe vraiment un domaine proche des potions dans la « vraie vie », si vous ne l’avez pas deviné, je parle bien évidemment de la chimie organique, et plus précisément la chimie médicinale (aussi appelée chimie thérapeutique par des puristes). Pour avoir brièvement travaillé dans ce domaine, je me dois d’encourager le plus de personnes possible à se lancer dans cette voie, car nous avons besoin de chimistes, surtout venant du milieu pharmaceutique ou de la biologie !
Alors tous les petits serpentards du monde moldu (et les autres potterheads) qui soupirent en disant que la matière « potions » n’existe pas en vrai : détrompez-vous ! Voici quelques arguments très solides et de bonne foi qui vont vous convaincre de vous lancer dans des études de chimie médicinale !
1. Les deux consistent à mélanger des ingrédients ensemble suivant un protocole
L’idée paraît aller de soi, mais sur le papier c’est la même chose : que vous vous lanciez dans la préparation de la goutte du mort-vivant ou la synthèse du paracétamol, vous aurez besoin de matière première. Inutile de dire que ça ne fonctionnera pas si vous vous contentez de mettre tout dans un chaudron ou un bécher : il faudra suivre des instructions, une recette de cuisine. Non seulement il ne suffit pas de tout mettre et de chauffer, mais en plus il faudra ajouter les ingrédients dans un ordre précis et parfois réaliser des étapes intermédiaires.
Que le protocole soit écrit sur le tableau noir ou dans un cahier de laboratoire, il faudra le suivre à la lettre si c’est la première fois que vous le tentez, sauf si vous êtes sûr de ne pas faire de faux-pas… De même, chaque ingrédient et produit possède des propriétés particulières. Il en est fait très peu question dans la série Harry Potter car ce n’est pas le sujet, mais il semble évident que les potions se basent sur les propriétés des ingrédients.
Ainsi savoir allier des composés pour obtenir un produit final dans un ordre précis et dans des quantités précises est l’apanage aussi bien des potions de Poudlard que de la chimie thérapeutique !
Nul doute que connaître les propriétés réactionnelles des alcools est à peu près équivalent à savoir les propriétés de l’écorce de sorbier !
2. Les deux permettent à des virtuoses de l’éprouvette de s’exprimer
Nous l’avons vu dans le sixième tome de la saga : les recettes des potions inscrites dans les livres scolaires sont imparfaites. Il est tout à fait possible de les améliorer (que ce soit en changeant le sens de mélange ou la façon d’extraire des ingrédients). Ainsi, il existe des génies tels que Severus Rogue qui peuvent, instinctivement ou à force de chercher de nouveau procédés, faciliter et optimiser les recettes des potions.
En chimie organique, c’est à peu près comme ça. Lorsque le procédé de fabrication d’une molécule est découvert, ses créateurs ont mis au point une recette, celle qu’ils pensaient être la plus simple, ou du moins une permettant d’arriver à la molécule d’intérêt. Néanmoins, il y a de très nombreuses voies possibles permettant d’aboutir à la même substance. Ainsi, les créateurs ne peuvent pas nécessairement avoir trouvé la solution parfaite, qui combine le moins d’étapes possibles pour le meilleur rendement, et le moins de dangerosité.
À condition d’avoir des prédispositions (comme le disait Rogue), il est tout à fait possible d’imaginer de tête un meilleur cheminement que celui proposé par le protocole : mettons qu’il demande d’extraire un composé avec l’éthanol, si connaissant le caractère plus lipophile de l’acétone je peux décider de modifier la recette à ma guise (en prenant cependant la responsabilité des conséquences). Parfois les intuitions marchent, d’autres fois non.
C’est pourquoi la chimie médicinale rejoint l’art des potions en ceci qu’elle accepte de modifier les protocoles préétablis pour les améliorer, et aussi permette à des génies du chaudron ou de la pipette de s’épanouir !
3. Les deux permettent de créer des poisons ou des remèdes
Nous n’allons pas nous mentir : en chimie organique et thérapeutique, un grand nombre de composés (produits de départ, intermédiaires, ou finaux) sont potentiellement (ou de façon avérée) toxiques pour l’homme. Que ce soit par un procédé acido-basique, oxydant, irritant voire même cancérigène, il est très facile d’obtenir des poisons.
Néanmoins, par ces mêmes procédés, nous pouvons réaliser la synthèse de molécules thérapeutiques, tout à fait capables de soigner des maladies, en corrigeant une fonction de l’organisme, ou en éliminant des pathogènes.
Pour les cours de potions, c’est pareil : une partie des potions réalisées par les élèves de Poudlard ont des propriétés curatives, d’autres sont des poisons (il est d’ailleurs étrange d’apprendre à des jeunes comment empoisonner leur prochain mais bon passons).
Cette comparaison était un peu facile, mais ça nous fait un point de plus !
4. Les deux nécessitent des manipulations dans de la jolie verrerie
Ce point-ci peut aussi paraître évident mais dans cette déclamation engagée le but n’est pas de vous convaincre de façon rhétorique et scientifiquement mais de vous persuader de vous intéresser de plus prêt à la chimie thérapeutique si vous avez le sentiment que les potions de Poudlard seraient une matière que vous aimeriez étudier !
En effet, si dans le monde des sorciers vous avez un magnifique chaudron en fonte (voire en or, ce qui est à peu près aussi intelligent que des toilettes en émeraude) et dans le monde des moldus un superbe bécher en verre, dans un cas comme dans l’autre vous aurez besoin de réaliser des opérations nécessitant du matériel tel qu’une ampoule à décanter, un dispositif pour chauffer votre solution (un petit feu ou un chauffe-ballon), ou encore de magnifiques fioles dans lesquelles vous disposerez vos créations.
Si votre souhait est d’accumuler des substances solides, liquides, visqueuses ou multi-phasiques dans des flacons, alors il pourrait s’exaucer dans un laboratoire de chimie organique !
Avec un peu d’expérience et de persévérance, vous pourrez, comme Severus Rogue, avoir des étagères entières remplies de flacons et de bocaux contenant des poudres ou des solutions aqueuses, voire de magnifiques cristaux multicolores !
La verrerie pouvant prendre toutes les tailles en chimie (de la petite ampoule de 50mL à la grosse colonne à chromatographie de 5L), vous n’aurez que l’embarras du choix. Vous vous sentirez alors comme un élève de Poudlard lorsque vous serez en train de vous demander si la petite ampoule que vous secouez vigoureusement ne risque pas d’exploser.
5. Dans un cas comme dans l’autre vous serez amenés à manipuler des plantes et autres êtres vivants
En toute honnêteté, ce ne sera probablement pas vous qui manipulerez la matière végétale ou animale pour en extraire les principes actifs. Mais il est indéniable que connaître les plantes et les animaux dont vous utilisez les molécules sera un très gros plus à votre arsenal de compétences.
Pour ce qui est des potions, il semble évident qu’il existe des ingrédients provenant des règnes animaux et végétaux, mais aussi minéraux (pierre de lune). Il n’existe pas d’exemple de matière ou substance complètement synthétique dans l’univers Harry Potter.
Notez cependant que les potions nécessitent une certaine préparation des ingrédients. C’est vu notamment dans le sixième opus grâce au livre du Prince de sang-mêlé.
Pour ce qui est de la chimie, le matériel de base sont principalement des poudres, voire des solutions, dont l’origine est très diverse. Si vous faites de la pharmacognosie cependant, vous devrez manipuler les matières premières végétales et être chargé de leur contrôle-qualité et éventuellement récupérer leurs principes actifs.
Ainsi si vous vous orientez en pharmacie, vous pourriez être amené à manipuler des plantes et à les préparer selon un protocole qui vous fera sans doute penser à Harry Potter !
6. Les spécialistes des deux matières sont des êtres à part
Cet argument est en carton, mais il abonde dans mon sens. Ce n’est pas pour rien que J.K. Rowling s’est inspirée d’un prof de physique-chimie pour créer Severus Rogue ! En général, les gens se souviennent assez bien de leurs profs de sciences, qui passent souvent pour des fous plus ou moins dangereux.
Comme je vais vous le montrer, il est très facile de remplacer les répliques de Rogue pour le faire passer pour un professeur de chimie organique :
« Tiens monsieur Potter, notre nouvelle célébrité… Une petite question pour vous monsieur Potter : qu’est-ce que j’obtiens si je mélange de l’acide salicylique à un anhydride acétique ?
Je ne sais pas…
Oh c’était peut-être trop difficile pour vous. Essayez en une plus facile : où iriez-vous si je vous demandais de me rapporter des vinca-alcaloïdes ?
Je n’en ai aucune idée…
Vraiment ? Allons une dernière petite chance. Tenez : quelle est la différence entre le toluène et le méthyl-benzène ?
Je ne sais pas…
(en poussant un grand soupir) Le mélange entre l’acide salicylique et l’anhydride acétique est le protocole de base pour synthétiser l’acide acétyl-salicylique, plus communément appelé aspirine… Les vinca-alcaloïdes sont des principes actifs retrouvés dans une petite fleur nommée la pervenche de Madagascar, quoiqu’elle est désormais utilisée dans le monde entier comme plante ornementale. Enfin, le toluène et le méthylbenzène ne sont qu’un seul et même composé : le phénylméthane, de formule C6H5-CH3. À l’évidence la célébrité ne fait pas tout… N’est-ce pas monsieur Potter ? »
Voilà qui clôt cet exposé. J’aurais aussi pu parler du fait que ces deux matières sont considérées comme ingrates alors qu’elles sont fascinantes, mais ce serait risquer de m’attirer les foudres des puristes.
J’espère avoir réussi à en convaincre certains d’entre vous de vous intéresser à ce domaine. Si vous avez besoin de plus d’informations ou si vous voulez insulter le rédacteur qui est complètement à côté de ses pompes n’hésitez pas à le faire savoir.