Les inspirations de Jim Kay, illustrateur de la saga Harry Potter
Jim Kay travaille depuis près d’une décennie à l’illustration des sept tomes de Harry Potter. Salué pour son sens du détail qui comble les fans de l’univers, Jim Kay se distingue aussi par ses nombreuses références artistiques ou historiques. Grâce à plusieurs interviews, le site personnel de l’illustrateur et quelques analyses de spécialistes, mettons en avant ses grandes sources d’inspiration.
La science du portrait de Holbein le Jeune
Dans une analyse passionnante des éléments de l’exposition « A history of Magic« , la chercheuse en littérature Beatrice Groves montre comment les portraits de McGonagall, Rogue et Dumbledore par Jim Kay sont largement inspirés du peintre Hans Holbein le Jeune. Pour ceux à qui – comme moi – ce nom ne dit rien, Holbein fut un artiste de la Renaissance, peintre officiel de la cour d’Angleterre.
Au-delà de la ressemblance frappante des profils des protagonistes, Jim Kay utilise comme Holbein les jeux de contraste. Beatrice Groves déclare à propos de McGonagall : « la douceur de la soie contraste avec la dureté de son regard profondément intelligent ». De même pour le portrait de Thomas More par Holbein en dessous. Cette comparaison entre les deux personnages est tout sauf un hasard. Comme McGonagall, More est un érudit. Comme elle, il fait preuve d’intransigeance (contre le schisme de l’église anglicane).
L’utilisation des objets, chargés de sens, est un autre élément emprunté par Jim Kay à Holbein. Comme celui d’Erasme ou de Dumbledore, le portrait de Rogue est composé de plusieurs objets. La paire de ciseaux rappelle le sortilège de Sectumsempra et son rôle de double agent avec Voldemort. Le livre qu’il tient évoque le manuel qu’il a brillamment annoté sous le pseudonyme du Prince de Sang-Mêlé. Enfin le flacon qui semble enfermer un Niffleur rappelle que Rogue est le maître des potions. Il brille dans cet art jusqu’à prétendre savoir « enfermer la mort dans un flacon » (Harry Potter à l’Ecole des sorciers, chapitre 8).
Le trait fantastique de Ian Miller
Dans une interview donnée au Guardian en 2013 (et traduite ici par La Gazette du Sorcier), Jim Kay confie son admiration pour le travail de Ian Miller, un illustrateur connu notamment pour ses couvertures d’éditions de H.P. Lovecraft . Sur son site personnel, il écrit en 2016 « j’avais l’habitude de garder une pile de ses travaux publiés à côté de mon lit, dans l’espoir d’avoir des rêves infestés par Miller ».
Les structures enchevêtrées des bâtiments comme Poudlard ou le Chemin de Traverse, rappellent en particulier les dessins de Miller. Le château ci-dessus est issu de Gormenghast, une série fantastique de l’auteur britannique Mervyn Peake que Miller a illustrée. Par son architecture gothique anarchique, il a profondément influencé le Poudlard de Jim Kay.
Autre marqueur important, le bestiaire de Ian Miller, dont Jim Kay parle souvent. Monstres, dragons, orques, plantes vivantes, les tons de vert occupent une place importante. Les êtres de l’eau de Jim Kay et les strangulots semblent s’inscrire dans ce registre et ces couleurs.
Les lieux de l’Angleterre profonde
Jim Kay s’est installé au cœur du Sussex, dans un parc du National Trust (l’organisation des parcs nationaux anglais). Il explique dans un article pour le New York Times, tirer son inspiration de la campagne environnante. Regardez des photos du coin, vous verrez que certains dessins de Jim Kay font écho à ces paysages. Comme cette magnifique planche de l’ascension de la colline de Têtafouine lors du départ pour la Coupe du Monde de Quidditch.
Jim Kay va chercher ses inspirations dans d’autres lieux historiques qu’il aime arpenter. Comme il l’écrit, « l’intérieur de la cabane d’Hagrid est inspirée d’une des pièce de l’incroyable Calke Abbey », un ancien prieuré du XIIe siècle. Le dessin où Hermione fabrique un feu magique dans un bocal (Harry Potter à l’École des sorciers, chapitre 11) montre en arrière-plan une porte en bois ouvragée. Elle s’inspire des portes recouvertes de graffitis observées par Jim Kay dans une église très ancienne du Norfolk.
Finalement qu’apportent ces allusions à des artistes ou des lieux ?
Ces inspirations approfondissent l’univers de la saga. Elles donnent une nouvelle consistance à certains lieux et personnages. Telle boutique du Chemin de Traverse, tel objet visible sur les étagères d’Hagrid ou de Ron enrichissent notre connaissance. Ces détails poussent un peu plus loin notre représentation de l’univers.
Jim Kay ne se cache absolument pas de ces inspirations, au contraire, il invite les lecteurs à s’intéresser à ces lieux, ces personnages, ces artistes qu’il « connecte » à Harry Potter.