Les clins d’œil et symboles dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban par Jim Kay
Retour en 2017. Dans notre critique de l’édition de Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban illustrée par Jim Kay, nous regrettions que l’illustrateur n’ait pas glissé autant de petits détails que dans les deux premiers tomes. Malgré cette légère déception, ce tome 3 de la saga propose plusieurs clins d’œil intéressants.
Cet article s’appuie sur les indices donnés par Jim Kay lui-même sur Instagram et ailleurs, ainsi que sur les analyses de quelques observateurs avisés que nous citons en fin d’article. Enfin l’analyse est aussi personnelle et n’est bien évidemment pas exhaustive.
Retrouvez dans nos colonnes les analyses des clins d’œil et symboles des deux premiers tomes illustrés par Kay, Harry Potter à l’école des sorciers et Harry Potter et la Chambre des secrets.
Les lunes sont l’élément symbolique dominant et accompagnent un récit rempli d’ambivalence
Les lunes, omniprésentes dans les pages illustrées du livre, sont une référence à Remus Lupin et à la scène finale qui se déroule un soir de pleine lune.
On remarque que trois lunes sont dessinées dans un en-tête de chapitre. La première est un fin croissant sculpté sur la penderie qui accueille l’épouvantard (chapitre 7, Un épouvantard dans la penderie, p. 92). La deuxième est un croissant de lune de taille moyenne (chapitre 9 Sinistre défaite, p. 124). Enfin une pleine lune accompagne le titre du chapitre 20, (Le baiser du détraqueur, p. 283). Le dessin du cycle lunaire est le fil rouge de la progression du récit, comme les araignées l’étaient dans le deuxième tome.
Cette référence à l’astre lunaire peut prendre d’autres formes. La tablette de chocolat (p. 53) que Lupin donne à Harry dans le Poudlard express est décorée de lièvres. On retrouve ces animaux aussi p. 257 ou p. 124. Dans la mythologie chinoise – entre autres – un lièvre habite sur la lune où il pile la drogue d’immortalité.
La lune symbolise la dualité avec sa face visible et sa face cachée. Cette idée de dualité ou d’ambivalence est une thématique forte du tome 3. Elle définit d’abord les personnages clés Sirius et Queudver dont on croit savoir qui ils sont, jusqu’au retournement à la fin du livre. À leur façon, Lupin et Hermione mènent aussi dans cet opus des « doubles vies ». Le premier est un loup-garou, la seconde se dédouble grâce au Retourneur de temps. Sans oublier l’ambiguïté qui règne autour de la figure du Sinistros.
D’autres signes de la dualité apparaissent dans le livre. Un ouroboros est sculpté sur l’armoire au-dessus de Sirius dans la Cabane hurlante (p. 256) et apparaît en tête du chapitre 21 (p. 291). Cette image d’un serpent se mordant la queue est utilisée pour signifier l’éternel recommencement du cycle de la vie et de la mort. Ce symbole était déjà présent dans les tomes précédents.
Les dessins de Kay préfigurent la mort et la destruction de plus en plus prégnantes dans la saga
Comme dans les deux tomes précédents, l’illustrateur cherche par ses dessins à annoncer les évènements du tome 3 déjà, mais aussi des tomes qui suivent :
- Pattenrond et Croûtard apparaissent une dizaine de fois dans le livre. Le chat se fait de plus en plus proche du rat à chaque dessin. C’est très intéressant : sans pourtant rien ne lui révéler, Jim Kay guide le lecteur vers le dénouement où il apprendra l’identité réelle de Croûtard.
- Sur l’armoire de l’épouvantard (p. 92) sont sculptés les mots « In girum imus nocte ecce et consumimur igni » qui est un palindrome attribué au poète grec Virgile. Ces mots signifient « Nous tournoyons dans la nuit, et nous voilà consumés par le feu » et peuvent renvoyer à la figure du papillon de nuit. Jim Kay utilise cette métaphore selon Mugglenet pour évoquer la lycanthropie de Lupin. Mais ces vers peuvent aussi plus généralement illustrer le destin que connaissent les Mangemorts dans la suite de la saga : à trop vouloir se rapprocher de la gloire, de la puissance, de l’immortalité, on risque de causer sa perte. Goyle mourra d’ailleurs consumé par le Feudeymon. On se souvient également que Quirrell meurt dans le premier tome consumé.
- Le rôle central de Severus Rogue dans les tomes de la fin de la saga est préfiguré dans ce troisième tome. Son portrait (p. 94) , inspiré des œuvres du peintre néerlandais Holbein le Jeune, adjoint à Rogue plusieurs objets dont un livre où on peut lire les initiales « HBP » comme « Half-Blood Prince ». La paire de ciseaux rappelle le sortilège de Sectumsempra et son rôle de double agent avec Voldemort.
Plusieurs autres dessins de Rogue apparaissent dans le livre et font presque de lui le personnage principal du livre. - Beaucoup d’éléments qui font référence à la destruction ou la guerre sont visibles et annoncent la violence des tomes suivants. Les cartes de tarot (p. 219) annoncent par exemple les batailles à venir.
- La mort est plus évoquée que dans les deux premiers tomes, comme si Jim Kay voulait préparer les lecteurs aux disparitions prochaines de Cédric, Sirius, Hedwige, Dobby, etc.
Les cartes de tarot ou les murs du Chaudron baveur (p. 42-43) l’évoquent sous sa forme de Faucheuse. Mais aussi le cimetière de bateaux et les squelettes dans les pages d’ouverture sur la prison d’Azkaban. Et bien sûr à travers la représentation d’Anubis, dieu égyptien de l’au-delà, près de Sirius dans la scène de la Cabane hurlante… - Face à ces ténébreux présages, les illustrations de Jim Kay comportent aussi des petits signes d’espoir. Dans la taverne des Trois Balais (p. 152-153), on lit au-dessus de la cheminée « Tres Faciunt Collegium« , un adage romain qui signifie que trois individus suffisent pour former un collectif. Il préfigure l’importance du trio Harry-Hermione-Ron, le fer de lance de la lutte contre Voldemort dans les prochains tomes.
Les badges accrochés à la veste de Hagrid (p. 204) évoquent les pins utilisés par l’AD pour se rassembler dans le tome 5.
Comme auparavant, Jim Kay glisse dans son livre quelques évocations personnelles
Jim Kay ne se prive pas, comme dans les tomes précédents, du plaisir d’inscrire le nom de personnes proches. Il choisit une illustration idéale pour glisser quelques noms, la très belle carte du Maraudeur (p. 148) :
Il vaut mieux avoir une bonne vue pour distinguer les noms sur la carte ! Mais on peut citer entre autres le botaniste et ami de Kay Clive Lundquist, ou Josephine Kay, membre probable de sa famille, devant la bibliothèque. D’autres allusions émaillent la carte comme ce « Fantôme de Godfrey » en armure. Il pourrait faire référence à un roman anglais paru en 2009, peut-être une lecture personnelle de Jim Kay.
Kay a aussi inventé de nombreuses salles. Par exemple un lieu appelé « Amulet Collection » est un hommage au travail de l’illustrateur Kazu Kibuishi, créateur de la célèbre série manga Amulet et qui a illustré les couvertures d’une réédition des Harry Potter aux États-Unis en 2014.
Et bien sûr le chien de Jim Kay apparaît sur l’en-tête du chapitre 13 (p. 192).
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Sources :
Mugglenet « Easter Eggs in Jim Kay’s Illustrations for Harry Potter and the Prisoner of Azkaban » ici.
Le post du blogueur Pravenclaw ici.
L’article « Jim Kay’s Wizarding World 3: Harry Potter and the Prisoner of Azkaban » de l’équipe de la librairie Cotsen qui appartient à l’Université de Princeton là.