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La comparaison Donald Trump/Voldemort tient-elle la route ?

Un homme avec une idéologie raciale, semant le trouble dans son pays, entouré de partisans qui ne reculent devant rien… Autant de détails qui ont facilement mené des internautes à établir un parallèle entre Donald Trump et Lord Voldemort, notamment sur Twitter, en s’appuyant entre autre sur des tweets de JK Rowling et Daniel Radcliffe.

Il est vrai que les parallèles entre les deux hommes sont frappants. Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom avait déjà eu droit à des analyses comparatives avec Hitler, Staline et autres stars du hit-parade de la monstruosité dans l’histoire politique mondiale . Cependant, il s’agit d’analyses faites sur la base d’événements historiques passés. Quand Internet se met à comparer Trump à Voldemort en 2016, c’est une tentative d’utiliser la fiction pour comprendre le présent. Ce recours à Harry Potter est compréhensible : la candidature de Trump est sans précédent et, pour beaucoup, son élection demeure inexplicable. Analyser une situation politique par le prisme d’une œuvre connue permet de prendre conscience de son état actuel; il est logique que ceux qui ont grandi avec Harry Potter utilisent cette référence pour comprendre le monde qui les entoure. Utiliser Voldemort, c’est donc permettre une entrée facile dans un discours nécessaire contre le fascisme et la banalisation des discours haineux. Il est plus facile d’engager une conversation sur le sujet en partant d’une œuvre populaire et appréciée, qu’avec un discours sur Hitler ou des statistiques et des rapports abstraits. Le parallèle entre Trump et Voldemort sert donc à mobiliser via la fiction.

D’après les sondages à la sortie des urnes américaines, les 18-29 ans aux États-Unis ont voté en majorité contre le républicain. C’est précisément à cette classe d’âge qu’appartient la génération Harry Potter. La vaste majorité d’entre eux connaissent donc la figure de Voldemort et il est possible qu’ils utilisent cette référence populaire pour mettre en lumière les dangers du candidat. Harry Potter est utilisé comme porte d’entrée dans la contestation, un référent compréhensible pour ceux qui n’étaient jusqu’alors que peu intéressés par la politique. De plus, nombre de jeunes associent Harry Potter à leur enfance, voire à une passion : utiliser cette œuvre comme grille de lecture peut à la fois rassurer et aider à la compréhension d’événements considérés par beaucoup comme inquiétants. Sans oublier qu’elle est porteuse d’un message d’espoir : nous pouvons monter une armée de Dumbledore et vaincre Voldemort. Même quand tout semble perdu. Même quand Voldemort a pris le contrôle de Poudlard. L’allégorie Trump/Voldemort a alors un grand intérêt psychologique : les lecteurs d’Harry Potter ont “vécu” un combat contre Voldemort, ils ont ressenti dans leur lecture des émotions similaires à celles qu’ils peuvent ressentir face à Trump. L’analogie est donc un outil d’engagement très puissant : en tant que fan, tu as toujours affirmé que tu aurais rejoint l’ordre du Phoenix ? On t’appelle alors à rejoindre la résistance contre Trump.

Cette comparaison rencontre également de nombreux détracteurs. Beaucoup y voient une simplification, qui aurait pour conséquence de caricaturer la situation, avec le risque de passer à côté de signes qui ne sont pas semblables à ceux tirés des romans. 
Dans ce parallèle est également véhiculée l’idée que tous les fans d’Harry Potter savent reconnaître une idéologie dangereuse et s’y opposer. Or, des fans de la saga ont voté pour Trump (et non, ce ne sont pas tous des Serpentard). Cela a également pour effet de diaboliser ceux qui ont voté pour lui, reléguant les électeurs au rang de mangemorts cruels. Souvenons-nous également que toutes les voix en faveur de Trump n’étaient pas des votes d’adhésion, mais parfois simplement un moyen d’exprimer un mécontentement à l’encontre de la situation politique.

Comme toute histoire, la série de livres a ses limites et ne permet pas de retranscrire toute la complexité du monde réel. « La politique, ce n’est pas une histoire de Rowling, Tolkien ou Lucas. La politique, ce sont des arguments, des compromis, et la force morale d’entrer dans des coalitions fortes, lourdes et souvent décevantes pour faire avancer les causes collectives. Il s’agit d’organiser, de pousser, et parfois de perdre, et avec suffisamment d’efforts pour trouver les solutions pour finalement réussir.» rappelle Corey Atad dans un article d’Esquire. Trump est la conséquence d’une crise économique, migratoire, raciale, et politique. Voldemort, c’est le méchant qui prend le pouvoir par soif de puissance. Le risque du rapprochement de ces deux figures est la négation de toutes ces crises, ces raisons objectives qui ont contribué à l’élection de Trump à la Maison Blanche. Si les septs tomes de la sagas ne peuvent pas être une métaphore suffisante face à des millénaires d’histoire, comme nous l’avons évoqué, ils sont cependant de bonnes portes d’entrée sur le sujet, avec de nombreux parallèles possibles sur la dissimulation de la vérité, la banalisation de la violence, le risque de dérive autoritaire légitimé par l’institution…

Si Voldemort est un personnage fictif, les conséquences de la présidence de Trump furent, elles, tristement concrètes. Contrairement à Voldemort, Trump a pris le pouvoir grâce à une élection. Si Trump est comparé à un personnage de fiction, alors il y a un risque d’oublier qu’il existe dans la réalité, et que nous sommes dans la même réalité que lui. Nous ne souffrons pas des actes de Voldemort puisqu’on peut refermer le livre dont il est issu. Utiliser la fiction pour décrypter le réel peut aboutir à une simplification excessive des enjeux en présence. On occulte volontairement toutes les dimensions ambiguës et complexes pour arriver à un schéma manichéen. Si l’on prend bien conscience du danger d’une politique à la Trump, le catégoriser dans les « méchants », c’est nier toutes les subtilités de la situation politique, ce qui pourrait être extrêmement dangereux.

L’utilisation de l’analogie avec Harry Potter pour susciter l’engagement des fans n’est pas une nouveauté. On peut par exemple citer l’association Harry Potter Alliance qui utilise les mêmes schémas pour encourager à l’activisme (contre le racisme, pour l’éducation, la défense des animaux, l’écologie…). Et tout comme dans le cas de l’analogie Trump/Voldemort, on y voit la nécessité de dépasser cette analogie à un moment donné, car elle n’est pas aussi complète que la cause défendue. La Harry Potter Alliance a récemment annoncé que l’association allait changer de nom, pour dépasser le lien avec Harry Potter, et s’ouvrir à d’autres fandoms, à d’autres causes.

L’analogie Trump/Voldemort a donc un intérêt si elle est utilisée comme outil de sensibilisation pour les personnes jusqu’alors peu familières avec la politique, comme un outil puissant d’engagement. Il ne faut pas oublier cependant de faire le distinguo entre un méchant d’encre et de papier dont la soif de pouvoir tyrannique s’arrête à la fin du septième tome, et un président élu en réaction à un panorama historique et géopolitique aussi long que complexe. Face à la montée d’un mégalomaniaque avide de pouvoir, il y a toutefois une leçon qu’Harry Potter nous a enseigné : l’union fait la force, et c’est en devenant une armée que l’on obtient la victoire pour le plus grand bien.

Merci à Puppet, pour l’aide à la rédaction de la première version de cet article en 2017, et Marjolaine et Syehl pour l’aide à la mise à jour en 2021, et à Slyis pour l’illustration.

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