Harry Potter et la symbolique du serpent
Dans l’histoire de l’humanité, le serpent a été couramment associé au surnaturel. Plusieurs civilisations l’ont associé à un ou plusieurs de leurs dieux. Ce n’est donc pas un hasard s’il occupe une place importante dans la saga Harry Potter.
Selon les lieux et les époques, il a été tour à tour un dangereux ennemi de l’humanité ou au contraire un protecteur de la nature ; souvent porteur de mort, il a également représenté la guérison voire l’immortalité.
Revêtons nos plus belles écailles pour dérouler les mystères de ce symbole millénaire…
Harry lui-même croise le chemin de plusieurs serpents durant son adolescence. Du boa constrictor à Nagini, en passant par le basilic de Serpentard, chacun se rattache à des traditions diverses.
L’incarnation du mal
Dans l’œuvre de J.K. Rowling, le serpent est fortement assimilé aux forces du mal. En effet, l’animal est attaché à la maison Serpentard, réputée pour avoir fourni plusieurs sorciers de sinistre réputation. Sans surprise, c’est également l’emblème choisi par Tom Jedusor, alias Lord Voldemort ; la Marque des Ténèbres représente en effet un serpent sinuant hors de la mâchoire ouverte d’un crâne humain.
Cette association n’est évidemment pas anodine. L’autrice se rattache ici consciemment à la tradition biblique. Dès la Genèse, le serpent est à la source des malheurs de l’humanité. C’est lui qui persuade Ève de surmonter l’interdiction divine de goûter au fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal. Il incarne ici la Tentation, l’un des sept péchés capitaux. Suite à cet épisode, l’humanité est expulsée du jardin d’Éden et doit errer sur la Terre.
Dans les traditions égyptienne et scandinave, d’autres serpents sont également animés de visées maléfiques. En Égypte, le serpent Apophis s’attaque chaque nuit au dieu Rê pendant qu’il navigue sous la Terre. Un être cherchant à détruire le soleil, astre primordial à la survie de la civilisation égyptienne, ne pouvait qu’être craint. Pour les Scandinaves, le serpent Nidhögg annoncera le Ragnarök [1] et survolera le monde en portant les cadavres des défunts. En attendant cet événement, il survit en dévorant les parjures et les meurtriers, ce qui ne contribue pas à la rendre sympathique. Il sera rejoint par le serpent Jörmungandr, qui surgira de l’océan pour combattre les Ases [2], provoquant des raz-de-marée dévastateurs.
Néanmoins, bien qu’elle ait accentué ce côté sombre du serpent, J.K. Rowling n’a pas hésité à se rattacher également à d’autres traditions moins dramatiques.
Le thaumaturge immortel
Ainsi, dans beaucoup de croyances, le serpent représente aussi la guérison. D’un point de vue ésotérique, le phénomène de la mue ressemble à une nouvelle naissance. On ne s’étonnera pas alors que la préparation du polynectar implique de la peau de serpent d’arbre du cap, qui favorise à n’en pas douter la transformation en une autre personne.
En occident, de nombreux symboles médicaux sont ainsi tirés de mythes grecs mettant en scène des serpents. Le dieu de la médecine, Asclépios, est représenté avec un serpent. Après l’avoir foudroyé, Zeus le réhabilite d’ailleurs en le plaçant dans les cieux où il forma la constellation du Serpentaire [3]. Son bâton entouré d’un serpent est le symbole des médecins. La déesse Hygie, sa fille, était elle aussi représentée avec un serpent sur son sein. Aujourd’hui, un calice entourée d’un serpent, la coupe d’Hygie, est le symbole des pharmaciens.
On retrouve également ce type de représentation dans la mythologie biblique. Ainsi, un bâton que Moïse avait surmonté d’un serpent sculpté dans l’airain avait le pouvoir de guérir les morsures de serpents.
Dans Harry Potter, différentes parties du serpent entrent dans la composition de potions. Outre le polynectar, les recettes d’un remède contre les furoncles et de la potion de l’œil vif nécessitent des crochets de serpents parmi leurs ingrédients. De la même façon, Queudver mêle du sang de licorne au venin de Nagini pour permettre à son maître de conserver une enveloppe corporelle, même faible [4].
En Inde, ce symbole de guérison, voire de résurrection, est porté un cran plus loin. Les nāgas [5] sont ainsi des êtres mythiques doués d’immortalité. Nagini [6] n’était alors sans doute pas sans raison un excellent choix d’horcruxe pour Lord Voldemort. On pense également au basilic de Salazar Serpentard, réputé avoir survécu pendant près d’un millénaire dans les fondations de Poudlard [7] avant de succomber sous l’épée de Harry. Cette ressemblance ne s’arrête pas là. En effet, s’il était le gardien de la chambre des secrets (et, dans un sens, de la pureté des sorciers), les nāgas sont également réputés conserver dans la terre des trésors cachés.
Le protecteur des hommes
Génies protecteurs des eaux, les nāgas rappellent également l’uræus qui ornait la couronne des pharaons d’Égypte. Dans la forme, bien sûr, du cobra dressé, mais également quant à leurs fonctions de garants de la fertilité des terres. En Australie, le serpent arc-en-ciel est lié à la vie, à l’eau, à la terre et à la fertilité. Aux Amériques, Quetzalcoatl est quant à lui le serpent-à-plumes, l’un des dieux créateurs s’étant assurés que la terre nouvellement formée permette la subsistance des hommes. Le serpent est alors également perçu comme un symbole de protection, de la nature et des êtres qui se placent sous sa protection.
Cette image de fertilité peut être liée à la prospérité, ce qui pourrait être une explication supplémentaire de la présence de poignées de porte en forme de serpents dans la maison de la famille Black, au 12 Square Grimmaurd à Londres. [8]
Dans ce rôle de gardien, le serpent peut également être considéré comme un médiateur.
Le passeur
Les nāgas (toujours eux !) sont ainsi des intercesseurs entre notre monde matériel et un au-delà spirituel et surnaturel. De la même façon, les serpents dressés du caducée d’Hermès, dieu-messager du panthéon grec, sont un symbole de l’éveil de la conscience. On retrouve cette faculté dans la Bible où, également, le serpent ouvre finalement l’esprit d’Adam et Ève à la connaissance du bien et du mal.
Évidemment, les serpents ont aussi le rôle de passeurs d’un monde à l’autre d’une manière bien plus prosaïque, leur morsure (ou leurs anneaux) promettant dans l’imaginaire collectif un voyage du monde des vivants vers celui des morts.
Dans l’univers de J.K. Rowling, un dernier serpent a hérité de ce rôle. Il s’agit, en réalité, du premier serpent rencontré par Harry Potter, lors de sa visite au zoo de Londres : le fameux boa constrictor. Il est en quelque sorte la clef qui déverrouille la porte du monde magique à Harry, entre la manifestation matériel de la vitre s’évanouissant et la découverte de sa capacité à parler Fourchelangue. Leur vie, alors, va suivre un chemin parallèle : le boa regagnera (du moins on l’espère) son pays d’origine et Harry prendra enfin sa propre place dans le monde des sorciers.
Sources Mugglenet.com
Merci à Chocogrenette.
Notes
[1] Le Ragnarök est l’équivalent scandinave de l’apocalypse. C’est la fin du monde, durant laquelle la plupart des Ases mourront en combattant les monstres jusqu’alors emprisonnés.
[2] Les Ases sont les dieux de la mythologie nordique.
[3] Treizième signe du zodiaque, entre le 29 novembre et le 18 décembre.
[4] Dans La Coupe de Feu.
[5] Le nāga ( नाग ) signifie serpent en sanskrit.
[6] Vous comprenez à présent l’origine de ce nom.
[7] Plusieurs théories ont circulé pour expliquer comment il avait pu occuper tout ce temps libre…
[8] En plus, évidemment, du lien évident avec les forces du mal, remarqué même par Harry.