Analyse : les figures paternelles dans Harry Potter
On parle souvent de l’importance des mères dans Harry Potter. Leur amour protecteur a sauvé Harry plus d’une fois (Lily, Molly, Narcissa) et semble plus fort que tout (Alice) ; leur autorité l’a remis sur le droit chemin (Molly, McGonagall) ; et leur absence a parfois des conséquences irrémédiables… Cependant, par sa situation d’orphelin, Harry est aussi à la recherche d’une figure paternelle et ses pères de substitution sont nombreux !
Notez que nous ne parlons pas ici des “pères” dans la saga (Barty Croupton Sr., Tom Riddle Sr.), mais des figures paternelles du héros. Contrairement aux mères, le statut de père n’est pas réellement mis en avant comme un état concret, mais plus comme un rôle symbolique : les figures paternelles de Harry sont d’ailleurs souvent des hommes célibataires et sans enfant.
De Hagrid à Lupin, en passant par Dumbledore et Rogue (oui oui, Rogue), penchons-nous donc sur l’importance de chaque “père” dans la construction du héros.
Vernon Dursley : le contre-exemple
Bien entendu, il y a des figures paternelles toxiques et négatives. La première à laquelle le lecteur est confronté est l’exemple même de ce qu’il y a de pire : Vernon Dursley est violent, conservateur dans le plus mauvais sens du terme, injuste, hypocrite… Il incarne tout ce que l’autrice nous invite à rejeter.
Hagrid : le protecteur
La première figure paternelle positive que rencontre Harry est, bien évidemment, le gardien des clés et des lieux de Poudlard. Non seulement Hagrid est grand, fort, protecteur, mais il est aussi capable d’admettre ses torts, attentionné et ouvert aux émotions.
Loin du cliché de masculinité toxique (type de masculinité hégémonique qui s’impose par la violence, le refoulement des émotions, etc…), Hagrid n’hésite pas à faire preuve d’une grande sensibilité. Il n’a pas peur de se présenter comme la “maman” de Norbert et montre à Harry qu’on peut être costaud et tendre à la fois.
Dans son rôle de père, c’est lui qui initie Harry au monde des sorciers, lui faisant découvrir le Chemin de Traverse, Poudlard, mais aussi, tout simplement, la magie et sa véritable identité. Il lui offre également son premier moyen de communication personnel, qui l’accompagnera et le liera au monde des sorciers pendant des années, lui prépare son premier gâteau d’anniversaire. C’est, depuis la mort de Lily et James, le premier à lui montrer de l’affection et à le traiter comme une personne normale. Dans cette véritable renaissance pour Harry, c’est Hagrid qui est présent à ses côtés.
Tout au long de sa scolarité, c’est vers Hagrid que Harry peut le plus facilement se tourner ; il lui rend régulièrement visite, et Harry peut partager avec lui ses petits et grands tracas du quotidien comme il n’a jamais pu le faire avec aucun autre adulte.
Symboliquement, c’est d’ailleurs lui qui le porte à chaque phase clé de sa vie : il le dépose chez les Dursley, ce qui marque le début de sa vie de moldu ; l’accompagne dans sa découverte du monde magique ; puis il porte son corps sans vie de la forêt Interdite à Poudlard, jusqu’à ce qu’Harry revienne des limbes.
Arthur Weasley : le bienveillant
Le père de la famille Weasley est l’un des rares véritables pères de la saga. Tout comme Hagrid, son attitude est loin de ressembler à celle de Vernon Dursley : doux, distrait, curieux… Arthur incarne une paternité bienveillante, même si un peu plus distante.
Il est débordé professionnellement, et c’est donc à sa femme que la tâche d’élever les enfants incombe principalement. Grand enfant dans l’âme, il a parfois du mal à se montrer autoritaire et à véritablement assurer un rôle de père. Mais il a un cœur énorme et juste, en plus de convictions inébranlables ; il n’hésite pas à prendre la défense de sa famille, de Harry ou des moldus face à Lucius Malefoy, une attitude qui pourrait facilement lui coûter son emploi, auquel il tient pourtant.
Moins présent que Hagrid, Arthur demeure un pilier de la première véritable famille de Harry. Il renforce les notions de générosité et d’intégrité de Harry, mais il ne lui apprend rien de manière aussi évidente que la plupart des autres figures paternelles.
Dumbledore : le mentor
L’admiration qu’a Harry pour Dumbledore survit à plus d’une crise et leur relation n’est pas celle d’un élève et son directeur ; il ne fait aucun doute que Harry considère Albus comme un père, ou plutôt comme un grand-père. Dumbledore cherche toujours à encourager Harry et à lui apprendre des choses, sans pour autant le prendre par la main.
De manière plus évidentes que Arthur, il lui enseigne de grandes valeurs (« Ce qui compte, ce n’est pas la naissance, mais ce que l’on devient. »). Il lui fournit de nombreux outils nécessaires pour survivre, qu’ils soient matériels (Phénix face au Basilic, cape d’invisibilité) ou informationnels (horcruxes). La transmission du savoir entre Dumbledore et Harry est évidente, même si elle se fait parfois un peu tardivement ou via proxy.
Notons que, longtemps, Harry l’admire plus qu’il ne l’aime, contrairement à Hagrid pour lequel son affection se manifeste rapidement. Cependant, au cours de sa sixième année à Poudlard, Harry se rapproche véritablement de Dumbledore et lie avec lui une relation qui va au-delà de celle de mentor-apprenti.
Sirius : le camarade
Sirius semble être la figure paternelle la plus évidente pour Harry : c’est son parrain officiel, après tout. Il n’a malheureusement pas énormément de temps pour lui transmettre quoi que ce soit, et souffre lui-même d’un certain manque de maturité.
La relation entre Harry et Sirius est déséquilibrée : Harry voit en lui sa seule famille, Sirius voit en lui le fantôme de son meilleur ami, pour le meurtre duquel il se sent coupable (puisqu’il a poussé à faire de Peter Pettigrow le gardien du secret des Potter). Symboliquement, la plupart des informations et objets transmis par Sirius à Harry arrivent trop tard, ou sont oubliés : il n’a pas le temps de lui parler du sortilège de conjonctivite pour combattre le dragon de la première tâche, le miroir à double-sens ne lui permet finalement pas de communiquer avec Harry…
Néanmoins, il lui transmet une certaine confiance en lui et un sentiment de sécurité. Tout d’abord, très concrètement, son seul nom permet à Harry de menacer les Dursley pour qu’ils le laissent tranquille. Ensuite, en le traitant comme un adulte et en le confortant (un peu trop ?) dans l’idée qu’il peut dès ses 15 ans jouer un rôle dans la lutte contre Voldemort. Enfin, par sa mort, Harry redécouvre le deuil d’un parent, qui poursuit son travail d’acceptation de la Mort, capital pour sa victoire finale contre Voldemort.
Lupin : le pédagogue
Le meilleur pédagogue de Poudlard. En tout cas, le meilleur professeur de défense contre les forces du mal que Harry ait pu fréquenter.
En tant que grand ami de James, Remus adopte rapidement une attitude protectrice envers Harry. Il le prend sous son aile et lui donne des cours particuliers, qui lui permettent de maîtriser le sortilège du patronus, mais aussi d’en apprendre plus sur lui-même et sa famille. Ce n’est pas un hasard si Harry produit un patronus cerf suite à ses leçons avec Lupin : la forme du patronus étant le reflet profond de la personnalité, cette manifestation est le signe que Harry a appris à se connaître, a retrouvé qui il était, suite à ces cours particuliers.
Le lycanthrope, ayant gagné la confiance de Harry, lui enseigne également la tolérance, le poids du préjudice, et de ne pas se fier aux apparences. Il empêche Harry de s’attaquer à Sirius dans la Cabane Hurlante en lui demandant d’écouter son histoire avant d’exécuter la sentence.
Bien que Lupin montre des failles, notamment lorsqu’il cherche à abandonner Tonks et fuir ses responsabilité, il a l’humilité nécessaire pour reconnaître son tort et accepter, à son tour, d’apprendre quelque chose de Harry. Ceci en fait une relation d’autant plus saine : elle n’est pas à sens unique.
Remus Lupin n’est pas l’unique figure paternelle de Harry, mais c’est sans doute la plus équilibrée. Entre affection et leçons de vie ; enseignement pratique et instruction morale ; sans agenda, sans attente de « retour sur investissement » ; il est celui qui incarne le mieux le père que Harry n’a jamais eu.
Rogue : l’homme de l’ombre
Le professeur de potions n’est pas le premier exemple qui vient à l’esprit quand on pense aux figures paternelles de Harry. Leur haine mutuelle n’empêche pourtant par Rogue d’être l’une des plus grandes influences dans la vie du héros. Un père n’est pas toujours parfait, un père n’inspire pas toujours de l’amour. Protecteur, certes réticent, Rogue est ce père que Harry ne peut pas voir en peinture (jusqu’à ce qu’il ne puisse plus que le voir en peinture ; humour noir, bonsoir) mais dont l’éducation l’a malgré tout façonné.
Le sort signature de Harry, Expelliarmus, qui lui permet de vaincre Voldemort à deux reprises ? C’est par Rogue qu’il l’a appris. Sa réussite en potions en 6ème année ? C’est à Rogue qu’il la doit. Même les cours d’Occlumancie finissent par porter leurs fruits. C’est par Rogue que Harry apprend la plupart des techniques qui lui permettent de mener à bien sa quête.
Quoi qu’on puisse penser de cette évolution, Harry finit lui-même par reconnaître l’agent double comme une figure importante de sa vie, au point de nommer son dernier fils en son honneur. Traditionnellement, c’est le nom d’un parent qui est repris (comme premier ou deuxième prénom) ; Harry reprend les noms de James, Sirius, Albus et Severus. Cette mise sur le même pied est hautement symbolique.
Selon vous, quelle est la figure paternelle la plus importante dans la saga ?