The Casual Vacancy, un mystère commercial
Le 27 septembre prochain, jour même de la sortie de The Casual Vacancy, sera diffusée sur ABC l’émission australienne JK Rowling : la vie après Potter, dans laquelle l’auteur interviendra pour une interview exclusive. Le même jour, au Queen Elizabeth Hall aura lieu une séance de dédicaces, suivie d’un échange avec le public et d’une discussion avec un journaliste de la BBC.
Enfin, en octobre, deux séances de dédicaces ont été annoncées : le 6 lors au festival de littérature de Cheltenham (elle sera suivie d’une interview réalisée avec James Runcie, l’auteur du documentaire Une année avec JK Rowling), et le 16 à New York. Une apparition dans un festival littéraire écossais achèvera la tournée le 2 novembre.
Ces cinq dates sont les seules apparitions publiques que Rowling a accepté de faire pour promouvoir son premier roman post-Potter. Autant dire que s’il n’avait pas été écrit par l’une des auteurs les plus populaires du XXIème siècle, The Casual Vacancy aurait sans doute pu passer totalement inaperçu.
Seulement, les faits sont là : le nouveau roman de l’auteur est l’un des plus attendus de la rentrée littéraire 2012. Nous n’avons pourtant que très peu d’informations à son sujet : un résumé, une illustration, le nombre de pages et le prix. Rien de plus. Selon Patricia Bostelman, vice-présidente de Barnes & Noble (l’une des plus grandes librairies aux Etats-Unis), c’est JK Rowling elle-même qui serait à l’origine de ce choix. D’après, elle « JK Rowling a des opinions bien arrêtées sur la façon dont elle veut publier le livre […] elle essaie de ne pas se reposer sur ses lauriers, et veut vraiment voir ce livre autonome, jugé sur son propre mérite, comme si elle était un auteur qui venait d’apparaître sur la scène ».
Mais cette stratégie commerciale toute particulière nuirait-elle aux ventes actuelles et à venir du roman ? Avec une publicité quasi-inexistante, The Casual Vacancy n’est pour le moment que très peu connu par le public (hors fans de l’auteur, évidemment), et les libraires américains commencent à penser que le livre pourrait ne pas se vendre sans un minimum de promotion. Ainsi, Kathryn Fabiani, responsable des achats chez R.J. Julia Booksellers, fait part de son inquiétude : « les gens sont curieux, mais ne savent pas à quoi s’attendre ». Elle confie avoir « pris quelques précommandes, mais rien de comparable à Harry Potter », et n’avoir commandé que 300 exemplaires pour sa librairie.
Mais, si la promotion reste discrète pour le grand public, JK Rowling n’a pas été plus généreuse avec les professionnels du milieu. L’auteur a ainsi refusé de transmettre le manuscrit à certaines maisons d’éditions étrangères (Slovénie et Italie, entre autres), de peur de voir son roman fuiter sur Internet –une attitude dernièrement dénoncée par lesdites maisons d’édition. Les pays concernés recevront et pourront débuter la traduction du livre quelques jours seulement après sa sortie officielle. L’auteur a certainement encore en tête l’épisode d’Harry Potter et les Reliques de la Mort, dont la fin s’était mystérieusement retrouvée sur le net malgré une extrême vigilance.
Mais que cherche-t-elle réellement avec ce livre ?
Lorsqu’elle annonça en février dernier la parution prochaine d’un nouveau roman, JK Rowling avait particulièrement insisté sur le fait qu’il n’aurait absolument aucun lien avec la saga, et qu’il s’adresserait à un public plus adulte. Bien sûr, c’est tout à son honneur. Qui pourrait lui reprocher de vouloir élargir son public et, après avoir fait ses preuves après des plus jeunes, de tenter de séduire les adultes ?
Seulement voilà, tout cela aurait pu être considéré comme normal et bienvenu, si l’auteur n’avait pas été si paradoxale avec ses fans. Il semble en effet qu’elle veuille à la fois s’éloigner d’eux et intéresser un public complètement différent de celui des Harry Potter, et à la fois les utiliser (n’ayons pas peur des mots) pour vendre le roman. En effet, avec une publicité niveau zéro, aucune nouvelle annonce ou communiqué, quasiment personne hormis les fans n’est en courant qu’elle s’apprête à publier un nouveau livre. Comment ces « adultes » qu’elle semble vouloir tant atteindre pourraient-ils acheter un roman dont ils ne soupçonnent même pas l’existence ?
A trop vouloir conserver le mystère autour de The Casual Vacancy, il se produira l’inverse de ce que son auteur souhaite, à savoir que le roman trouvera preneur en priorité chez les fans d’Harry.
De même, et comme souligné plus haut, Rowling souhaite que les journalistes, les critiques et le grand public en général accueillent ce roman en tant que « livre de JK Rowling, auteur », et non pas en tant que « livre de JK Rowling, auteur des Harry Potter ». Elle aimerait être traitée comme tout autre auteur, donc.
Dans ce cas, pourquoi encadre-t-elle la sortie de The Casual Vacancy à ce point ? Les protections, les contrats, les informations qui tombent au compte-goutte (pour les fans, mais également pour les professionnels du milieu), ne sont pas sans rappeler les sorties des derniers tomes d’Harry Potter ! Un auteur dit « lambda » n’aurait pas pris tant de précautions.
Si elle avait réellement voulu repartir de zéro et viser un nouveau public, il aurait été plus simple pour elle de prendre un pseudonyme. Elle aurait été moins ennuyée avec toute la protection à assurer et nous aurions été moins déçus par son attitude.
Autre élément qui témoigne de sa plus que jamais envie de s’éloigner de l’image d’auteur pour ados qu’elle véhicule jusqu’à présent : le renouveau de son site officiel.
Envolés le bureau magique, le mystère de la porte fermée, les hululements de chouettes en fond sonore… Avec quasiment plus aucune information concernant la saga et un design beaucoup plus épuré, le site est à l’image de la nouvelle philosophie de l’auteur : adressons-nous aux adultes.
Harry, quant à lui a désormais Pottermore, un site qui lui est entièrement consacré. Sa création semble vouloir dire aux fans « veuillez s’il vous plait vous diriger dans cette direction, et tourner la page du sorcier à lunettes. On a vécu de bons moments ensemble pendant 10 ans, mais c’est fini, maintenant. L’auteur est passée à autre chose ».
Avec ces deux sites, ces deux univers bien distincts, Rowling rompt symboliquement avec la saga, et crée par la même occasion un passé et un futur.
Mais, malgré une stratégie commerciale étrange et une attitude difficilement compréhensible envers ses premiers fans, souhaitons à l’auteur de rencontrer le succès espéré au rayon adulte, après l’avoir rencontré au rayon jeunesse.
Rappelons tout de même qu’elle se lance en terre inconnue, et que les professionnels l’attendent de pied ferme. Mais, dans le cas où son intégration dans le monde de la littérature adulte serait un échec, elle pourra toujours se rabattre vers les fans d’Harry, ceux qui l’ont toujours soutenue, qui ont acheté tous les romans et ses dérivés, vu les films, bref : fait vivre la saga et entretenu le fandom.
En ce qui concerne l’émission australienne qui lui sera consacrée, Katrina Sedgwick, directrice des arts de la chaine qui diffusera l’émission, a annoncé que l’auteur abordera notamment “les nouveaux défis auxquels elle a été confrontée face à ce nouveau public” L’occasion peut-être pour elle d’aborder ses choix et son attitude déstabilisante envers ses premiers fans ?
Sources : Mugglenet et PoudlardMag