Interview TLC-Mugglenet-JKR I (Révélations)
Melissa Anelli du Chaudron Baveur et Emerson Spatz de MuggleNet ont eu la chance d’interroger JKR quelques heures après la sortie du tome 6. Voici le début de cette interview. Attention, les révélations sur le tome 6 abondent!
ES: Avec qui parlez-vous de Harry Potter?
JKR: Vous voulez dire, quand je travaille? Avec personne, ce qui est, pour moi, nécessaire au travail. J’ai une réputation de personne recluse. Je ne sais pas si c’est la même chose aux États-Unis, mais en Angleterre, c’est impossible de lire un article sur moi sans qu’il y ait le mot « reclus » dedans, et je pense que je lis moins d’un centième de ce qui est écrit, donc je suis sûre que c’est encore pire que ça. Je ne suis pas du tout recluse. Ce qu’ils veulent dire, c’est que je suis secrète et que je ne fais pas beaucoup de – je suis secrète parce que c’est de ça que j’ai besoin pour travailler. Ça n’a rien à voir avec le copyright, ça n’a rien à voir avec la « propriété intellectuelle » – je déteste parler de « propriété », mais les autres appellent ça comme ça – c’est parce que je pense que parler d’un travail en cours a tendance à vous faire perdre l’énergie dont vous avez besoin pour ce travail.
Nous avons tous rencontré énormément de gens qui sont dans des bars et parlent des romans qu’ils sont en train d’écrire. S’ils écrivaient vraiment, ils ne seraient pas au bar, ils seraient chez eux en train d’écrire. Parfois, je dis à Neil que, disons, j’ai eu une bonne journée ou que j’ai écrit une bonne plaisanterie, que j’ai ri, quelque chose comme ça, mais je ne rentre jamais dans les détails. Et une fois que j’ai donné mon manuscrit à mes éditeurs, Emma, mon éditrice en Angleterre, et Arthur, mon éditeur aux États-Unis, ils lisent tous deux le manuscrit en même temps. Ils collaborent, se disent ce qu’ils en pensent, et ils me font des suggestions. Bien sûr, c’est une libération de pouvoir enfin en parler, parce que ça fait 18 mois que je travaille dessus sans jamais rien dire, et là il y a une sort e d’explosion, parce que j’arrive au point où j’ai vraiment besoin d’en parler, alors Emma et Arthur ont droit à mes premières effusions, et c’est merveilleux d’avoir leur avis. Ils ont tous les deux beaucoup aimé le livre, mais évidemment, il y a aussi des disputes.
ES: La question peut sembler étrange, mais combien de fois avez-vous lu vos livres?
JKR: La question n’est pas du tout étrange, elle est très bonne. Une fois que j’ai fini le livre, je le relis rarement. Ce qui est drôle, c’est que quand je prends un livre pour vérifier un fait, ce que je fais bien sûr très souvent, si je me mets à lire, je suis en quelque sorte prise par moi-même et je peux lire plusieurs pages avant de réussir à reposer le livre et me remettre à ce que je faisais, mais si par exemple j’ai envie de lire dans mon bain, je ne prends jamais un de mes propres livres. Ce qui fait qu’il y a des milliers de fans qui connaissent les livres bien mieux que moi. Mon seul avantage, c’est que je sais ce qui va se passer dans la suite, et que je sais beaucoup de choses que je n’ai pas écrites dans les livres.
MA: Combien de boîtes de notes avez-vous?
JKR: C’est difficile de répondre parce que je ne suis pas du tout organisée, mais effectivement, mes notes sont rangées dans des boîtes. Ce sont surtout des carnets, parce que mes notes sont très précieuses, alors j’ai besoin d’un format pratique. J’ai tendance à perdre les choses, et c’est plus difficile de perdre un carnet que des bouts de papier.
ES: Quand le tome 7 sera sorti, est-ce que vous continuerez à répondre des questions sur votre site Web?
JKR: Oui, je ne pense pas que je fermerai le site au douzième coup de minuit le soir où j’aurai fini le tome 7. Non, sûrement pas. Je pense que je ne pourrai jamais répondre à toutes les questions, parce qu’un roman n’est pas le bon format pour donner des informations telles que, par exemple, un catalogue de la couleur préférée de chaque personnage. Mais les gens ont envie de savoir – c’est ce genre de détails que vous voulez connaître, non? Les romans ne suffiront jamais à répondre à toutes les questions qu’un fan obsédé se pose, et le site Web est une bonne solution.
D’autre part, je pense que les gens vont continuer à écrire des théories après la sortie du tome 7, parce que certaines personnes s’intéressent à des personnages dont le passé n’est pas essentiel à l’intrigue, des personnages secondaires, ce qui laissera une grande marge pour les fanfictions, un peu comme, je veux dire – Jane Austen, j’adore Jane Austen, et on se pose des questions sur les personnages à la fin de ses livres. Ils existent encore, ils sont toujours vivants, alors forcément, on se demande, non? Mais je suis aussi sûre que je peux l’être qu’il n’y aura que sept livres, même si beaucoup de gens me regardent d’un air de chien battu en me disant « Juste un de plus! » Oui, je pense qu’il y en aura sept.
ES: C’est beaucoup, sept livres.
JKR: Oui, exactement, je ne pense pas qu’on va me traiter de poule mouillée!
MA: Si jamais vous écriviez autre chose sur le monde de Harry Potter, est-ce que ce serait sur Harry lui-même, sur un autre personnage, ou un livre moins spécifique que ça?
JKR: J’ai déjà dit plusieurs fois que ce serait sans doute une encyclopédie dans laquelle je pourrais m’amuser avec les personnages secondaires, dans laquelle je donnerais la biographie de tous les personnages.
MA: OK, grosse grosse grosse question sur le tome 6. Est-ce que Rogue est méchant?
JKR: [Rit presque] Eh bien, vous avez lu le livre, qu’est-ce que vous en pensez?
ES: Elle veut que vous le disiez une bonne fois pour toutes.
MA: Eh bien, il y a des gens qui pensent que c’est une conspiration, et d’autres qui disent que –
JKR: Qui s’accrochent à un fol espoir [rires] –
ES: Oui!
MA: Oui!
ES: Un peu comme d’autres avec les histoires d’amour!
[rires]
JKR: Bon d’accord, évidemment – la relation Harry-Rogue est maintenant aussi tendue, peut-être même plus que la relation Harry-Voldemort. Je ne peux pas répondre à cette question parce que ça en dirait trop, c’est évident, quelle que soit la réponse, et l’impact que ça a est tellement grand que je ne peux pas répondre. Il faut bien le dire, ça va créer 10 000 théories sur la suite et je vais m’amuser comme une folle en les lisant alors [rires] je suis méchante mais j’adore les théories. J’adore les théories.
ES: Je sais que Dumbledore aime penser que les gens ont du bon en eux mais parfois il semble imprudent de faire autant confiance aux gens.
JKR: [rires] Oui, je suis d’accord, je suis d’accord.
ES: Comment est-ce possible que quelqu’un de si –
JKR: Intelligent –
ES: soit parfois si aveuglé?
JKR: Eh bien, vous en saurez plus dans le tome sept. Mais je dirais que ce qu’on a pu voir, surtout dans les tomes cinq et six, c’est qu’une intelligence exceptionnelle ne vous protège pas d’erreurs émotionnelles et je trouve que Dumbledore en est un très bon exemple. En fait, je dirais qu’être très, très intelligent cause des problèmes et que ça en a causé à Dumbledore, parce que sa sagesse l’a isolé, et je crois qu’on le voit dans les livres. Où est son égal, son confident, son complice? Il n’en a pas. C’est toujours lui qui donne, c’est toujours lui qui sait. Et je pense que, même si je demande au lecteur d’accepter que McGonagall est un excellent bras droit, elle n’est pas son égal. Ma réponse n’est pas très directe, mais je ne peux pas faire mieux.
ES: Non, j’aime beaucoup cette réponse.
MA: C’est intéressant que Dumbledore soit seul.
JKR: Je levois comme un solitaire, et quelques personnes m’ont dit, à juste titre je pense, qu’il est parfois indifférent. Ma soeur m’a dit une fois, dans un moment de grande frustration, c’était quand Hagrid s’est enfermé après l’article de Rita Skeeter sur sa mère, « Pourquoi est-ce que Dumbledore n’est pas allé le voir plus tôt? » Je lui ai répondu que Dumbledore devait laisser Hagrid réfléchir un peu tout seul, et voir s’il décidait de lui-même de sortir de sa cabane, parce que ça lui aurait fait plus de bien. « Eh bien il est trop indifférent, trop froid, il est comme toi » m’a-t-elle dit! [rires] Elle voulait dire qu’elle, elle se serait précipitée pour aller le voir, alors que moi j’aurais attendu en me disant « on va attendre, voir s’il sort de lui-même ». Je ne lui aurais pas laissé toute une semaine, mais peut-être une après-midi. Mais elle, elle serait descendue immédiatement.
ES: C’est une des questions qui me torture depuis le troisième livre: Pourquoi est-ce que Voldemort a laissé à Lili une chance de survivre? Est-ce qu’il l’aurait vraiment épargné?
JKR: Mmhm.
ES: Pourquoi?
JKR:[silence] Je ne peux pas vous dire. Mais vous avez raison, il lui a laissé une chance. Vous ne voulez pas me demander pourquoi la mort de James n’a pas protégé Lili et Harry? Voilà la réponse, vous venez de répondre à votre question, parce qu’elle aurait pu vivre, mais qu’elle a choisi de mourir. James allait mourir de toute façon. Vous voyez ce que je veux dire? Je ne dis pas que James n’était pas prêt; il est mort pour protéger sa famille, mais de toute façon, il allait se faire assassiner. Il n’avais pas de – Voldemort ne lui a pas laissé le choix, alors il s’est précipité, d’une façon un peu instinctive. Je pense que ce n’est pas le même type de courage. James était extrêmement courageux. Mais je pense que le courage de Lili, en l’occurrence, était encore plus grand, parce qu’elle aurait pu sauver sa peau. Bien sûr, n’importe quelle mère, n’importe quelle mère normale aurait fait la même chose que Lili. En ce sens, son courage à elle était instinctif aussi, mais elle a eu le temps de choisir. Pas James. C’est comme quand un intrus entre chez vous, non? Instinctivement, vous l’attaquez. Mais si on vous disait de sang froid « Allez, pousse-toi », vous voyez, qu’est-ce que vous feriez? Je veux dire, je pense que n’importe quelle mère essaierait de protéger son enfant. Mais est-ce que ça répond à votre question? Elle s’est sacrifiée consciemment. Elle avait un choix clair –
ES: Et pas James.
JKR: Est-ce que James s’est clairement sacrifié pour protéger Harry en ayant le choix? Non. C’est une distinction subtile, et en fait c’est légèrement plus compliqué, mais voilà l’idée générale.
MA: Est-ce que Lili savait ce que son sacrifice ferait?
JKR: Non – parce que, comme j’ai essayé de le montrer dans les livres, ce n’était jamais arrivé avant. Personne n’avait jamais survécu. Et donc, personne ne savait ce qui pouvait se passer.
MA: Alors personne – Voldemort ou n’importe qui d’autre lançant un Avada Kevadra – n’a jamais donné le choix à la personne devant lui de mourir?
JKR: Peut-être que d’autres ont eu un choix à faire, mais pas exactement celui-là.