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Les femmes de Rogue, qui sont-elles ?

Le fandom Harry Potter regorge de surprises, nous le savons. Parmi ces joyaux cachés, découvrez un groupe qui s’adonne corps et âme au Snapisme. Si ce terme ne vous évoque rien, sachez pour l’instant que ces passionnées se proclament fièrement les dignes compagnes de Rogue.

Préambule : naissance du mouvement

Basically we are Snapists. Followers of Severus Snape, and since he has become our Religion, Snapeism !

À l’époque où une fan écrit cette phrase, le monde connaît déjà Harry Potter et les reliques de la mort en version papier, mais tous les films ne sont pas encore sortis. Le public attend avec impatience la suite de cette saga, et les fans-clubs dédiés aux différents personnages sont sans aucun doute dans leur âge d’or.

Les forums voués aux personnages se multiplient, et le professeur Rogue suscite beaucoup d’intérêt. Parmi ses fervents supporters, un groupe de femmes se détache, et tisse autour du ténébreux professeur des potions, un culte de la personnalité. En 2008, un terme officiel est posé sur ces adoratrices de Rogue : les Snapewives, traduit en français par les Roguepouses.

D’un point de vue littéraire, Rogue existerait, pour ces femmes, indépendamment de l’autrice. Il disposerait d’un statut ontologique extra-textuel, selon une spécialiste de ces religions basées sur la fiction, Danielle Kerby. Par statut ontologique extra-textuel, nous entendons que pour ces femmes, Rogue est une personne à part entière, un être, qui existe en dehors des livres et des films.

Code, membres et pratiques du Snapisme

Le mouvement apparaît discrètement sur la toile au début des années 2000. Puis, le Snapisme s’établit plus clairement et le terme de religion est employé pour le qualifier. Ouvertement anti-chrétien, on y érige Rogue en dieu. Ses disciples le nomment My Lord (mon Seigneur), et le considèrent comme un être jaloux, en mal d’amour, incompris, et né pour dominer.

À ce dieu, ses disciples doivent obéissance et les écarts de conduite sont punis. Le Snapisme autorise la polygamie tout en la limitant. En effet, les Roguepouses sont mariées à Rogue, mais la plupart d’entres elles le sont également dans la vraie vie avec des époux en chair et en os. Le professeur lui-même est également marié à plusieurs personnes en même temps.

Severus Rogue, un être à part entière

Durant les années où le mouvement s’est fait connaître, principalement sur les forums de fans anglo-saxons, trois profils se sont dégagés : Conchita, Rose et Tonya. Ces trois femmes ont alimenté les discussions en photos et en récits personnels. Elles ont partagé pendant plusieurs années leurs expériences sensorielles avec Severus Rogue, et ont affirmé par écrit à maintes reprises que ces dernières étaient la preuve concrète de l’existence de Rogue.

Tonya raconte qu’un beau jour, un 9 janvier pour être exact, elle a simplement regardé par la fenêtre, et qu’un « S » s’est dessiné sur la buée du carreau. Elle s’est ensuite rendue compte que le 9 janvier était le jour de la naissance de Severus Rogue. Ces S étranges sont ensuite apparus à différentes reprises, dans d’autres endroits.

Dans un autre post, Conchita informait ses lecteurs par écrit que : « Tout ce qui est lié à Severus est sacré à mes yeux. Il est aussi omniscient, peut voir ce que je fais, et ce que je ne fais pas. Il me connaît mieux que personne, mieux que moi-même. »

Des pratiques concrètes de ce culte

Les femmes de Rogue sont fétichistes. Elles dévient leurs pulsions sexuelles à l’égard d’un sujet sur un objet de substitution, comme des affiches ou des objets faisant référence au professeur. L’acteur Alan Rickman est devenu ainsi un canal essentiel du personnage, d’où l’omniprésence de son visage dans les mises en scènes et photomontages réalisés par ses « épouses ». Leurs témoignages racontent des cérémonies d’invocation dont elles auraient été à l’initiative. Rose a même dédié une chambre au personnage dans sa maison, afin d’y organiser des cérémonies de culte.

Ces femmes ont rapidement dévoilé sur les forums un aspect important de la pratique du Snapisme : la sexualité. Elles narrent dans leurs écrits leur vie intime, visiblement épanouie, avec Severus Rogue. Dans les faits, c’est en ayant des rapports sexuels avec leur partenaires humains, qu’elles concrétisent leur vie charnelle avec Rogue.

Culte de Rogue au-delà de la mort

Pour les femmes de Rogue, la mort du professeur représente le paroxysme de la haine de J. K. Rowling envers ce personnage. Cette étape de la saga a généré beaucoup de colère et d’anxiété.

Malgré cette disparition, ce groupe a estimé que la mort du personnage ne signifiait en aucun cas la mort de leur maître spirituel. Pour le symbole, Conchita, l’une des femmes les plus actives du mouvement, a organisé une veillée mortuaire ouverte au monde entier sur Internet. Elle a encouragé les fans de Rogue à allumer une bougie verte, et à lui dédier une rose rouge.

Severus Rogue avec Rose et Tonya, photocollage réalisé par Rose

Un mouvement subversif

Des relations difficiles avec l’autrice

L’ensemble du mouvement repose sur le canon-scepticism des fans, comprenez qu’elles sont toutes sceptiques quand au déroulement de l’histoire. Pour elles, J. K. Rowling n’a pas rendu justice au professeur au sein de l’histoire. Elles vont même plus loin : l’écrivaine n’aime pas Severus Rogue. Le professeur, qu’elles humanisent, serait en profond désaccord avec l’autrice, ce qui pousserait l’écrivaine à le représenter comme un être misérable et solitaire.

Comme indiqué plus haut, cette haine aurait même poussé l’autrice à se débarrasser du personnage avant la fin de la saga.

Le regard désapprobateur du fandom

Par ailleurs, le reste du fandom se moque ouvertement du mouvement, dès sa naissance. Sur les forums en ligne, Conchita, Rose et Tonya sont décriées. Sur la plateforme fandom_wank, qui connaît pourtant le mouvement, c’est le siège des critiques les plus acerbes. On y traite les femmes de Rogue de « folles furieuses ». Le point commun entre de nombreux haters ? Leur misogynie.

Une utilisatrice a en réponse pris la défense des femmes de Rogue, en comparant ce culte avec celui d’un passionné de football. Elle écrit : « Ce dernier peut s’habiller dans une tenue complète pour imiter son joueur favori, se mettre de la peinture sur le visage pour lui démontrer son soutien, et même créer des émeutes en pleine rue, être violent en cas de défaite ou de victoire. On ne trouvera pas cela étrange. En revanche une femme qui vénère un homme, sans ironie, avec une attraction sexuelle évidente, est moins socialement acceptée. » Ce que souligne cette internaute est intéressant. En effet, le traitement réservé à ces femmes a été très sévère (voire l’image ci-dessous). Les commentaires laissés sur leur forum, rempli de moqueries machistes. Les insultes faisant référence à leur féminité, à leur couple, etc. Ce qui est hélas courant dans ces mouvements principalement portés par des femmes.

Traduction : « [le Snapisme] C’est ce qui s’appelle avoir une maladie mentale »

Sur les forums où les femmes de Rogue s’expriment, elles racontent leur quotidien, leurs scènes de ménage, et le culte qu’elles vouent à Severus Rogue. Le professeur représente pour elles une source de joie, un échappatoire concret sur lequel elles peuvent compter pour couper avec la monotonie de leur vie maritale. Mais leurs détracteurs y voient une lubie de ménagères en mal d’amour et vont jusqu’à suggérer que leurs enfants leurs soient retirés ; une menace qui ne serait peut-être pas adressée à un mouvement masculin.

Un scepticisme au-delà de la misogynie

À cette misogynie s’ajoute le problème de la légitimité de cette croyance. Beaucoup d’internautes considèrent inimaginable de faire d’un personnage de roman, un dieu. Pourtant ce phénomène n’est pas spécifique à Harry Potter. Stars Wars, a inspiré la religion Jedi, aussi appelée Jediisme. Cette dernière repose sur le code Jedi, un mantra précisément énoncé selon ces mots :

« Il n’y a pas d’émotion, il y a la paix.

Il n’y a pas d’ignorance, il y a la connaissance.

Il n’y a pas de passion, il y a la sérénité.

Il n’y a pas de chaos, il y a l’harmonie.

Il n’y a pas la mort, il y a la Force. » 

La première église du Jedi est née en 2001, aux États-Unis, dans le Kentucky. Bien qu’elle ne se base pas sur une divinité, comme le Snapisme, elle repose sur une philosophie créée dans la cadre d’une fiction. D’autres univers ont donné lieu à ce type de mouvement, comme le Seigneur des Anneaux, de Tolkien.

Le scepticisme explicite exprimé à l’égard du Snapisme provient aussi du fait que Rogue est un personnage clivant dans le fandom. Certains fans n’aiment tout simplement pas ce personnage, et expriment leur incompréhension face à ce culte qui lui est dédié.

Conclusion

Durant ses années d’existence, le mouvement des Snapewives a grandement été moqué, et sérieusement critiqué. Il est cependant fascinant de l’étudier, de comprendre comment certains lecteurs ont franchi le cap de littéralement vénérer un personnage, au point de lui vouer un culte dans la vraie vie.

Aujourd’hui, il ne reste de ce mouvement que quelques photos, ayant hélas mal-vieillies sur la toile … Les Femmes de Rogue ne revendiquent plus leur appartenance au mouvement snapiste. D’ailleurs, l’occurrence de ce mot sur les forums récents est quasiment nulle aujourd’hui.

À première vue, il est difficile de prendre ce culte au sérieux. Mais, grâce au travail d’études réalisé par Zoe Alderton, de l’université de Sydney, on comprend qu’il ne s’agit pas simplement de fans dégénérées. Ce culte nous rappelle l’effet puissant que la fiction peut produire sur certains fans. Il est l’illustration concrète du terme d’existence ontologique extratextuel, utilisé dans l’introduction. Le cas des Femmes de Rogue est sans aucun doute un objet d’étude passionnant !

Sources : Zoe Alderton of the University of Sydney Snapewives and Snapeism : A fiction-Based Religion within the Harry Potter Fandom.

Pour les anglophones : une page permettant de retrouver certains posts laissés par les fans de Rogue sur des sites ayant disparu aujourd’hui.

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