Harry Potter : la machine à buzz servie à toutes les sauces
Depuis le retour de l’univers d’Harry Potter sur le devant de la scène (mais l’a-t-il jamais quitté ?) via la pièce de théâtre, la nouvelle saga Les Animaux fantastiques et l’anniversaire des 20 ans de publication du premier tome, les “magasins Harry Potter” non officiels se multiplient. En 6 mois, trois villes d’Écosse ont vu un tel magasin faire son apparition (Édimbourg, Glasgow, Mallaig), un chiffre qui augmente encore si on étend au reste du Royaume-Uni.
Mais les magasins ne sont pas les seuls : cafés, restaurants, hôtels, chambres d’hôte, musiques… tout est bon pour profiter du buzz médiatique immanquable qui accompagne les mots “Harry Potter” dans une annonce, même quand le produit/service proposé n’a, au final, rien de magique.
On vous en parle parfois, mais il y a une quantité incroyable d’annonces qui passent à la trappe tellement nous les trouvons “putaclic”. Petit tour d’horizon de ces pros du marketing et des relations publiques qui, parfois, donnent l’impression de se moquer du monde, et qui développent des stratagèmes de plus en plus élaborés pour éviter de payer la licence à Warner Bros.
La chanson “Harry Potter”
Le groupe Whistles Bells a buzzé en 2017 grâce à sa chanson“ Harry Potter” qui dure 3:03 min… mais qui ne mentionne le sorcier pour la première fois qu’après 1:30min au détour d’une phrase : “and I still love Harry Potter ; you think I’m too old to read Harry Potter”.
On préfère encore parler de Wizard Rock, qui est vraiment de la musique sur Harry Potter. Enfin, la chanson est déjà plus directement en lien avec la saga que celle proposée par Bruce Springsteen pour le premier film…
Pasta Wiz Brooklyn
Cette chaîne de restaurants spécialisée dans les pâtes se présente comme un restaurant inspiré par Harry Potter. Ils ont tout : les balais accrochés au plafond pour décorer, le Poudlard Express, le… ah, bah non, même pas !
Ils visaient peut-être un thème “salle sur demande” ? Nous aussi, on peut entasser des objets complètement aléatoires et dire qu’on a “une salle Harry Potter” ?
La magie, selon eux, c’est que leurs pâtes sont servies en 3 à 5 minutes ! Ouaaaaaaah ! En fait c’est un fast food ! Ils ont tellement buzzé que le succès leur a permis d’ouvrir des succursales !
Les Milkshakes Harry Potter
La mode des Freakshakes a frappé ! Ce bar à milkshakes qui propose quelques boissons au goût de Butterscotch s’est empressé de les baptiser “milkshakes bièraubeure” ! C’est vendeur mais pas assez ; du coup la boisson est surmontée d’un “doughnut Dobby” (un doughnut), une “chocogrenouille” (du chocolat en forme de grenouille)… bref, c’est un milkshake caramel, mais y accoler le nom du Survivant le rend suffisamment important pour déclencher une flopée d’articles ! Allez, on vous l’accorde, ils ont rajouté une paire de lunettes rondes à emporter par-dessus, et ça c’est juste énorme… non ?
Une flopée de cafés et de bars
Comme pour les milkskakes, il suffit de mettre la “bièraubeurre” au menu pour décrocher le titre de café/bar Harry Potter. Le meilleur exemple est sans doute le Lockhart, à Toronto, avec son cadre ultra-moderne et ses allusions à peine marquées ; une nouvelle fois, un buzz si bien orchestré qu’une franchise ouvrira à Montréal. Le 9 3/4 à Amiens souligne un peu plus sa parenté mais reste un bar comme les autres.
On a ainsi vu débarquer :
- le Platform 1094 à Singapour, qui sert des “coupes de feu” et fournit des accessoires comme des chapeaux et des baguettes pour thématiser les photos Instagram prises sur place
- le café Always, à Hanoi (Vietnam), avec ses murs en pierre, ses photos des films et ses bannières des 4 maisons
- le café Mugs and Muggles à Cambridge Springs, USA, avec ses 3-4 Funko et ses intitulés de breuvages toujours très inspirés.
- le Perilous Potions, à Édimbourg, ville de J.K. Rowling, un bar temporaire ouvert du 1er février au 30 avril 2018 où chacun réalise son propre cocktail en suivant la recette “comme pour un cours de potions”.
- le Horcrux Emporium à Manchester,
- La liste n’est probablement pas exhaustive…
Malheureusement, aucun n’arrive à la cheville de The Cauldron en termes de “techno-magie” immersive.
Des magasins aux noms tirés par les cheveux
Comme pour les bars, il faut surfer sur la vague Harry Potter sans jamais enfreindre le copyright de Warner Bros ; laisser des indices pour attirer le regard des fans et les articles de presse, mais tenir à distance les avocats et juristes des ayants-droits. Mieux encore, vendre des produits autres que Harry Potter, mais ne pas trop communiquer sur le sujet, comme dans le cas de Curiosa, à Toronto ou Diagon House, à Édimbourg.
En matière de noms The shop that must not be named, à York (L’échoppe-dont-on-ne-doit pas-prononcer-le-nom), remporte sans doute la palme de la meilleure pirouette marketing, loin devant la Hagrd’s Alley, à Mallaig (non, il ne manque pas de « i »), où s’achèvent les rails du Jacobite Steam Train (Poudlard Express), et le Clause 73 à Glasgow, référence obscure à l’article de la Convention Internationale du Secret concernant les créatures magiques que l’Écosse enfreint le plus régulièrement.
Si certains magasins cherchent à faire vivre leur communauté en proposant des petits ateliers, d’autres sont clairement le fruit d’opérations marketing réussies. On regrettera également la propension à vouloir faire croire que, jusqu’à leur arrivée, les produits Harry Potter étaient introuvables en tel ou tel lieu : on en trouve des tonnes dans des boutiques non-spécialisés (ou “geeks” au sens large du terme) !
Un appartement de luxe et une “cabane de Hagrid” à louer
Après qu’un hôtel se soit mis à proposer des chambres Harry Potter, ce n’était qu’une question de temps avant de voir d’autres personnes exploiter le filon ! Il y a eu un appartement de luxe sur la Royal Mile de Édimbourg, dont les propriétaires ont indéniablement fait un effort sur la décoration avec, parfois, un certain mauvais goût – notamment dans la cuisine – et à grands renforts de papier-peint trompe l’œil…
… mais on a touché le fond avec cette “cabane de Hagrid”, qui est en fait la dépendance d’une ferme de 120m², sur un terrain de 2000m², dont l’intégralité est à louer ! Non, personne ne vous propose de “une nuit dans la cabane d’Hagrid” contrairement à ce que titre elle.fr !
De même, la maison Chemin de traverse à Malte, proposée sur AirBNB, n’a rien d’Harry Potter sinon le nom de ses chambres ! La maison est très belle, mais, soyons sérieux une seconde, même Pasta Wiz avait une décoration plus potterienne que ça !
Tout pour la comm’
Et les exemples continuent à s’accumuler dans tous les domaines : des œufs de Pâques pour vous répartir dans vos maisons, des bombes de bain, comparer son application domotique à Dobby, des mascaras, des rouges à lèvre… au fond, même les [nombreuses
espèces animales baptisées en hommage à Harry Potter->art2545] sont des outils de communication pour des chercheurs qui ont besoin de médiatiser leurs découvertes pour leur donner de la valeur auprès des institutions.
Cette utilisation purement marketing de la thématisation Harry Potter est d’ailleurs parfois complètement assumé, comme lorsqu’une association invente de nouvelles constellations pour inciter les jeunes à s’intéresser à l’astronomie ou dans le cas de ce cours de “Yoga Harry Potter” (comprendre : “avec une baguette en main et quelques noms de sortilèges incorporés”) qui souligne le succès de sa campagne médiatique sur un site spécialisé.
La porte aux arnaques
Mais cette propension des fans à se jeter sur tout ce qui se veut de prêt ou de loin apparenté à la saga peut se retourner contre eux, notamment en matière d’événements. Car, si ça buzz, c’est bien parce que les fans font monter la sauce.
Il en résulte des projets qui se transforment en arnaques, comme cette “tournée des bars Harry Potter” aux USA, ou des annonces mensongères comme le buzz généré lors de la vente d’un pub situé dans la ville d’Exeter, où J.K Rowling a étudié, ayant supposément inspiré le Chaudron Baveur. Il a fallu que l’auteur intervienne, affirmant qu’elle ne s’était jamais rendue dans cet établissement, au plus grand désarroi de nombreux étudiants qui y croyaient dur comme fer, pour rétablir la vérité.
Why would you crush our dreams like this
— Harry Potter Society (@HPsocExeter) January 17, 2018
Ces dérives sont tellement nombreuses et particulières qu’on leur a consacré un article rien que pour elles… car, tant qu’il y a du buzz, il y a du fric à se faire !
On aimerait simplement que les pros du marketing, et les médias aussi, se calment un peu sur le gloubiboulga de Harry Potter qu’ils nous servent à toutes les sauces.