Critique – Harry Potter : Le Guide ultime – l’encyclopédie tant attendue ?
Annoncé en grande pompe en début d’année, Harry Potter : Le Guide ultime (en anglais, The Wizarding Almanac) est la première encyclopédie officielle sur le monde magique. En tout cas, sous forme de livre, puisque Pottermore et son successeur ont tenté, d’une certaine façon, de se transformer en encyclopédie en ligne.
Les fans de Harry Potter réclament une encyclopédie complète depuis des années. Certains se sont attaqués à ce projet à travers de nombreux ouvrages non-officiels, tels que Mon Pote Harry Potter ou Le livre de l’apprenti sorcier – Un guide du monde magique de Harry Potter. Il existe également de nombreuses versions en ligne, bien établies et gérées par des fans : le Lexicon (anglais), l’EHP, et le Wiki Harry Potter, pour n’en citer que trois. Ces dernières sont, inévitablement, plus complètes et plus riches que des livres.
Cependant, pendant des années, les fans ont réclamé une encyclopédie officielle. Il faut se pencher sur leurs attentes pour comprendre ce que propose vraiment Le Guide ultime et juger de son succès, mais aussi sur l’histoire de ce projet.
Le projet du Livre écossais
Pendant des années, J.K. Rowling a fait miroiter aux fans l’idée d’une encyclopédie du monde magique, qu’elle rédigerait de sa main. En 2007, après la sortie des Reliques de la Mort, elle en parle encore avec l’équipe du Pottercast. Elle présente le projet ainsi :
- Elle propose d’utiliser le nom de code « le Livre écossais ».
- Elle n’est pas sûr qu’il inclurait les « deux choses trop horribles pour en révéler les détails » : comment Pettigrow a fait pour redonner un corps rudimentaire à Voldemort et comment on fait un Horcruxe.
- La mise en page idéale proposerait une page avec tous les détails sur un personnage ou une liste des baguettes de tous les personnages, des informations supplémentaires sur ce monde comme s’il était réel et, en face, une page avec des informations sur le processus d’écriture, les intrigues abandonnées, les personnages supprimés…
- Elle affirme qu’elle a « la ferme intention de l’écrire » mais qu’elle souhaite prendre son temps.
- Il y aurait l’histoire de Poufsouffle en entier.
- Elle ne veut pas écrire cette encyclopédie si elle n’est pas « extraordinaire » et « complète » : « Il faut qu’il y ait tout. La dernière chose que je veux, c’est avoir l’impression qu’il faut que je dépêche d’écrire quelque chose parce qu’on me forcerait la main, ou parce qu’il y a une demande et que d’autres gens vont le faire avant moi. Je veux le faire bien ou ne pas le faire du tout. Et je veux le faire bien.«
En 2009, l’autrice travaille sur le projet selon certaines sources : elle dessine les arbres généalogiques de ses personnages. Et, en 2012, elle confirme sur son site officiel !
« Je promets depuis longtemps une encyclopédie sur le monde d’Harry, et j’ai commencé à travailler dessus – une partie constitue d’ailleurs le nouveau contenu de Pottermore.«
Elle fait marche arrière quelques mois plus tard, indiquant qu’elle n’a aucune intention ferme de publier un tel ouvrage. Les arbres généalogiques seront mis en ligne et de nombreux textes exclusifs également.
Les attentes des fans envers une encyclopédie officielle
Ce retour en arrière semble logique à l’époque. Le contenu attendu dans Le Livre écossais est semblable à celui proposé sur Pottermore. Histoire approfondie des personnages, intrigues écartées, détails oubliés… au-delà d’un récapitulatif de ce que les fans peuvent déjà trouver dans les livres, c’est ce que seule l’autrice peut leur apporter qu’ils attendent. Et tout ça se trouve désormais sur Pottermore. Une encyclopédie papier officielle n’apporterait rien de plus.
N’importe quel fan peut écumer les romans de la saga ou les livres de la bibliothèque de Poudlard et lister les informations qu’ils contiennent. C’est d’ailleurs le principe des encyclopédies non-officielles. En revanche, aucun fan ne peut donner l’année précise lors de laquelle Dumbledore est devenu directeur de Poudlard. (L’exemple n’est pas choisi au hasard, vous verrez plus tard).
Certes, les fans veulent de l’inédit et des précisions sur certains détails obscurs, mais ils cherchent également une structure. C’est là que les encyclopédies non-officielles attirent leurs lectorat : elles proposent de retrouver facilement des faits et anecdotes dans des fiches organisées, sans avoir besoin d’éplucher les livres. Leur lecture permet ainsi, éventuellement, de redécouvrir des petits détails qu’on aurait oubliés.
Enfin, il faut que l’encyclopédie soit aussi complète que possible. J. K. Rowling semble d’accord sur ce point, puisqu’elle veut que « tout » y figure.
Le Guide ultime, véritable successeur de Pottermore
C’est donc sur base de ces questions que nous pourrons comprendre les enjeux autours de Harry Potter : Le Guide ultime, en tant que première encyclopédie papier officielle du monde magique
- Le livre apporte-t-il des informations précises et inédites ?
- Est-il (suffisamment) exhaustif ?
- Peut-on facilement y trouver des informations que l’on cherche ?
- Permet-il de redécouvrir des détails obscurs du monde magique ?
- Globalement, quelle est la plus-value par rapport à des encyclopédies de fans ?
Et force est de constater que la réponse aux trois premières questions est négative. En effet, le livre n’apporte aucune information qui ne figure pas déjà dans les romans, dans la Bibliothèque de Poudlard, ou sur internet. Pire encore, il tombe dans les mêmes pièges que Pottermore en refusant de donner des informations qui ne figurent pas dans les livres. Tout comme l’ancien site « encyclopédique » indiquait que Lavande était « présumée morte », Le Guide ultime informe, par exemple, que « Dumbledore est devenu directeur entre le milieu et la fin des années 1960. » Ce type d’approximation exclu de facto le livre comme source du canon, ce que devrait être une encyclopédie officielle.
Le Guide ultime s’en réfère aux livres, il ne les complète pas. Il n’apporte pas de nouvelles certitudes. En matière d’exhaustivité, il effleure à peine la surface des interviews, contenus annexes, jeux vidéos … La carte du « Monde des sorciers de Harry Potter » se limite ainsi à la Grande Bretagne ; ne cherchez pas de mention des 11 principales écoles de magie et encore moins des trois instituts encore jamais identifiés.
En revanche, à sa façon très particulières, le livre est une invitation à redécouvrir des détails moins connus du monde magique. Il le fait en poussant à explorer ses illustrations riches et ses informations déstructurées. Presque comme un nouvel écho… à Pottermore.
Une exploration illustrée de l’univers Harry Potter
En effet, le point fort indéniable de Harry Potter : Le Guide ultime, ce sont ses superbes illustrations réalisées par sept artistes, chacun ayant leur propre vision du monde magique. Les informations de cette encyclopédie sont réparties sur les pages, au gré des dessins, avec des petits bouts de texte à gauche à droite.
Vous voulez retrouver le titre d’un livre mentionné dans la saga ? Il va falloir se rendre à la page « La bibliothèque de Poudlard » et parcourir les rayonnages dessinés pour tomber sur le bon ouvrage. Vous n’aurez aucune information sur son contenu, sur les circonstances dans lesquelles il est mentionné, ni quoi que ce soit d’autre mais, ce faisant, vous redécouvrirez sans doute un autre titre qui vous aura complètement échappé.
Cette invitation à l’exploration est plus évidente encore dans les pages qui proposent un plan de coupe de lieux magiques majeurs (Poudlard, le Ministère, Ste Mangouste…). Repérer les détails et les différentes salles auxquelles ils correspondent est presque un jeu. Comme sur l’ancienne version de Pottermore, il faut scruter les superbes illustrations pour trouver l’information qu’on cherche (mais, ici, pas de son et lumière pour indiquer l’emplacement d’une anecdote).
Les sept artistes impliqués ayant chacun leur vision du monde magique et leur propre style, on se retrouve également avec des mêmes lieux/personnages/objets dessinés de plusieurs manières différentes. Parfois ressemblant aux films, parfois pas du tout. Là aussi, Le Guide ultime permet de redécouvrir cet univers autrement et rappelle la liberté d’interprétation qu’offrent les livres.
À qui s’adresse ce livre ?
Harry Potter : Le Guide ultime n’est donc pas une encyclopédie au sens académique du terme. Il n’est ni exhaustif, ni structuré, et il n’apportera pas d’informations inédites aux experts. Dans ces circonstances, le livre ne cherche pas à concurrencer des créations non-officielles, mais il propose un format différent de celles-ci pour rendre la (re)découverte d’anecdotes presque ludique.
Il ne faut pas oublier, après tout, que ce sont principalement des éditeurs jeunesse qui publient cet ouvrage. Ils ciblent, comme souvent, les jeunes lecteurs, qui pourraient trouver une encyclopédie au format plus classique peu digeste. Le Guide ultime apportera également plus d’inédit aux fans qui n’ont jamais lu les livres de la saga ou les ouvrages de la Bibliothèque de Poudlard. Les autres pourront apprécier ce format hybride et inédit, ainsi que la qualité des illustrations qui regorgent de détails.
L’ouvrage n’a rien d’un guide, puisqu’il invite plutôt à se perdre pour mieux redécouvrir, ni rien d’ultime, étant donné son contenu plutôt synthétique. Il n’en est pas moins une belle promenade illustrée dans le monde de Harry Potter et certains de ses recoins les plus anecdotiques. Son succès dépendra donc de ce que chacun cherche à trouver dans ce nouveau livre.
Si vous cherchez une nouvelle façon de vous plonger dans l’univers de Harry Potter et le redécouvrir, ce livre est une réussite. Si vous attendez des informations complètes, très pointues ou structurées, il vaut mieux passer votre chemin.
Merci à Gallimard Jeunesse de nous avoir envoyé ce livre pour en réaliser la critique.