Alixe, écrivaine de fanfiction – 20 ans de fandom ep02
Il y a tant de manière différentes d’être fan de Harry Potter. Dans cet épisode de 20 ans de fandom, on va parler fanfiction ! J’ai en effet eu la chance de parler avec Alixe, qui est à l’origine de Harry Potter 7 3/4, une fanfiction qui prolonge la saga Harry Potter en imaginant toute la partie entre la fin de la bataille de Poudlard et l’épilogue des livres de J.K. Rowling, dont nous vous avions déjà parlé dans un article.
Bien sûr que ça se passe dans ta tête Harry. Pourquoi ça signifierait que ce n’est pas réel ?
Salem (S) : Le fandom Harry Potter est souvent cité comme exemple de créativité des fans : illustrations, cosplay, fanfilms, et fanfictions. Les fanfictions sont le prolongement de récits écrits par des fans. Je dois vous avouer que je n’en ai jamais lu. Pour mieux comprendre ce phénomène, j’ai donc discuté avec Alixe, autrice de « Harry Potter 7 3/4 » une fanfiction en 4 volumes, qui poursuit les aventures de Harry Potter après la bataille de Poudlard. Pour écrire de tels récits, on pourrait penser que Alixe est une fan de la 1ère heure. Et pourtant, il fut un temps où elle n’avait pas envie de lire Harry Potter.
Alixe (A) : Alors ça a été une rencontre un peu compliquée, parce qu’il se trouve que j’aime beaucoup la littérature enfants et ados. Et quand on m’a dit que Harry Potter c’était le 1er livre pour enfant qui pouvait être lu par les adultes, je me suis dit « c’est un coup de com ». Parce que je connaissais plein de livres pour enfants qui pouvaient être lus par les adultes. Donc il y a déjà toute la littérature jeunesse anglaise, avec Frances Hodgson Burnett qui a fait « Le petit lord Fauntleroy », « Princesse Sarah », « Le jardin secret ». Lewis Carroll avec « Alice au pays des merveilles ». Kenneth Grahame qui a fait « Le vent dans les saules ». Un auteur allemand, Erich Kästner, qui a écrit « Deux pour une », l’histoire de deux jumelles qui sont élevées séparément puis qui s’échangent. Il y a aussi « Le magicien d’Oz », etc. Donc dire que Harry Potter c’est le 1er livre qui pouvait être lu par toutes les classes d’âge… Pour moi c’était pas le premier. Du coup, j’étais pas très enthousiaste à l’idée de le lire. Et puis quelqu’un me l’a prêté, et finalement, oui – de toute façon j’aime bien ce genre de littérature – c’est de la bonne qualité, et donc j’ai énormément aimé, la publication était entre le 4 et le 5, donc j’ai lu les 4 premiers. Que je me suis racheté après en poche, et on attendait le tome 5.
S : Alixe est donc passée de lire les aventures de Harry Potter, à écrire les aventures de Harry Potter. Mais avant de se mettre à écrire, elle ne savait même pas ce qu’était une fanfiction.
A : Quand je suis arrivée à connaître la fanfiction, c’est quand on m’a prêté le tome 5 mais tout en anglais. Et je suis allée sur internet pour m’aider à traduire, puisqu’il y a pas mal de néologismes auxquels j’avais du mal à me raccrocher. Et là je suis tombée sur les sites de fans, et je vois les liens fanfictions. Je clique. Et je découvre ce que c’est, et je me dis « C’est n’importe qui qui écrit, ça doit pas être très bon ». Je referme. Et puis, je mets un certain temps, mais à force d’en voir, je suis retourné voir, et je tombe sur une super fic et c’était sur les maraudeurs. Et là ça m’a ouvert les possibilités, c’était d’écrire sur des choses qui n’était même pas dans le livre, puisque ça se passe 20 ou 15 ans avant. Et donc là je me suis dit, « C’est sympa ». J’ai commencé à lire cette histoire, c’était sur un petit site, il y avait marqué « La suite je vais la poster sur fanfiction.net, et j’arrête de poster ici ». Je suis allée sur fanfiction.net, et là j’ai découvert des centaines d’histoires à lire gratuitement. On était dans les années 2000, c’était pas très courant encore, c’était les débuts d’internet en France, enfin de l’internet à la maison. Et là je me suis dit, c’est super intéressant ! J’ai commencé à regarder. Et même d’un point de vue sociologique, c’est quand même assez passionnant, tous ces gens qui écrivent, et surtout des choses tellement différentes. Moi ça m’a tout de suite vraiment passionnée, rien que le concept. J’ai commencé à en parler autour de moi, et quelqu’un finit par me dire « En fin de compte, tu écris ça dans ta tête, des fins alternatives tout ça, des suites, tout le monde le fait ». Et là je réalise que moi aussi je le faisais, et que j’avais toujours fait de la fanfiction. J’avais pas fait toute seule le rapprochement, parce que d’un côté, il y a quelque chose que je trouvais intéressant et de l’autre, quelque chose que j’avais toujours considéré comme sans intérêt, et dont j’avais un peu honte. Et donc je n’avais jamais parlé à personne. Et donc là quand même, quand on s’est rencontré, j’ai trouvé ça assez étonnant, mais je ne pensais pas du tout écrire. Pour moi écrire c’était pas quelque chose que j’amais faire du tout. J’étais uniquement lectrice. Et puis, je suis tombée sur un texte, je trouvais qu’on pouvait l’améliorer. J’aimais beaucoup l’histoire, mais c’était du québécois parlé à l’écrit, même dans la narration, donc je me suis proposée comme relectrice. On commence avec le premier pied. Et la personne que je relisais, quand elle a vu que je remaniais des paragraphes entiers, elle m’a dit « Mais tu devrais écrire », et je me dis « Non, je vais jamais réussir ». Et puis finalement, j’ai lu une fanfiction où j’ai beaucoup aimé l’histoire, mais je n’ai pas aimé la conclusion, l’épilogue plus exactement. Et un épilogue, une suite alternative a commencé à s’écrire dans ma tête. Je me suis dit, « bah pourquoi pas l’écrire, puisque c’est écrit dans ma tête, on va voir ». J’ai fait un premier jet. Et je me suis dit, finalement ce n’est pas moins bon que ce que je peux lire sur fanfiction.net, c’est pas forcément meilleur, mais c’est pas moins bon que le moins bon. Et puis j’ai posté. J’ai des gens qui sont venus lire, qui m’ont encouragé à écrire la suite, j’ai fait un 2ème, et j’avais des idées, j’ai fait un 3ème. J’étais en arrêt puis en congé maternité, donc j’avais un peu de temps. Et même quand j’ai repris, avec mes enfants en bas âge, je trouvais un peu de temps pour écrire quand même des histoires complètes et les poster quand elles étaient finies. Et quand le tome 7 est sorti, forcément on en a beaucoup parlé, et une amie m’a expliqué qu’elle n’avait pas du tout aimé l’épilogue du tome 7, qui se passe 19 ans plus tard. Moi j’avais bien aimé, et j’avais un peu vu tout ce que Rowling avait voulu mettre et qui était à prendre au second degré. Le prénom des enfants, si c’était le nom des parents c’est qu’il avait fait la paix avec son passé. S’il avait donné le nom de Severus à son fils, c’est parce qu’il a fait la paix avec la mémoire de Severus Rogue. Des choses comme ça. J’ai commencé à dire « C’est ça qu’il faut comprendre ». Des choses ont commencé à émerger, et je me suis dit, « Je vais peut-être écrire les 19 ans qu’il y a entre la fin de l’histoire et l’épilogue », pour faire comprendre l’épilogue, et arriver de façon naturelle à l’épilogue, et montrer ce qu’il faut y comprendre. Et je suis arrivée au bout de ces 4 tomes. J’ai perdu des gens au passage évidemment, dans les 7 ans jusqu’au dernier mais j’en ai retrouvé pas mal. Parce que sur les sites, il y a quand même des notifications, donc les gens qui n’espéraient plus, ils ont eu la fin.
S : Alixe a donc rédigé 4 tomes de son histoire. D’après elle, si cette histoire a pu connaître un si beau succès, entraînant des demandes d’impression, c’est grâce évidemment aux lecteurs, mais aussi aux fans d’Harry Potter, qui ont parlé d’elle et partagé ce qu’elle avait écrit.
A : Donc moi j’étais vraiment soutenue tout le temps par énormément de commentaires. Ce qui fait que quand je suis arrivé à la fin de mon histoire, je me suis dit puisqu’il y a des gens qui aiment vraiment le partager, je vais faire des ebooks, et une version pdf que les gens pourront télécharger. Je me suis dit dès que j’ai fini, il faut que je relise. Puis j’ai commencé à faire un appel à fanart pour la couverture de l’ebook ou la 1ère page du pdf. J’étais à 4-5 chapitres avant la fin, et j’ai commencé à parler de ça à mes lecteurs. Et là, ils m’ont dit « Moi ce que j’aimerais c’est l’avoir en livre papier ». Donc j’ai commencé à regarder, comment on fait pour imprimer un livre. Et je me suis rendue compte que le seul moyen c’était de faire une impression en nombre, de commander auprès d’une imprimerie beaucoup de livres, et après chacun paierait sa part. Mon idée, c’est pas non plus de gagner de l’argent avec, surtout ne pas en gagner. Parce que d’abord, pour moi la fanfiction aurait été gratuite, et puis c’est totalement illégal, je pourrais me retrouver avec un amende, voir de la prison pour ça. Et donc finalement, en 4 mois : j’ai posté la fin de mon histoire, j’ai créé l’association, j’ai fait un pré formulaire pour demander « Vous êtes à peu près combien à être intéressés ? » pour les 4 livres avec les frais de port. Entre temps j’avais reçu quelqu’un qui avait accepté de ma faire les 4 couvertures, elle aussi dans un temps réduit. Et je me suis dit que ce serait génial d’avoir des marque pages assortis à chacun des livres, recto verso, ce qui faisait 8 dessins de plus. Donc j’ai trouvé quelqu’un d’autre pour les faire. Et donc le forfait donnait 4 livres avec de belles illustrations pour les couvertures, plus 4 marque-pages. Il y en a qui ont commencé à en parler sur leur fil Facebook, et là j’ai des personnes qui n’avaient jamais entendu parler de fanfiction qui ont entendu parler d’une suite amateur Harry Potter. Et là, j’ai commencé à avoir des commandes de personnes qui étaient complètement hors du monde de la fanfiction.
S : Ainsi, le récit d’Alixe a réussi à sortir du cercle des lecteurs de fanfictions, pour toucher également le fandom de Harry Potter et connaître un beau succès. Il existe plusieurs études qui observent en détail le lien entre Harry Potter et la fanfiction. Mais j’ai demandé à Alixe de m’expliquer pourquoi la fanfiction Harry Potter marche aussi bien
A : Alors il y a plusieurs raisons. La 1ère c’est qu’elle l’a écrit sur 7 ans (ou à peu près) et donc on a pu inventer la suite, on a eu le temps d’y penser. Ensuite, il y avait des indices, des choses à résoudre, il y avait un côté mystère, un côté suspense. Il y a aussi la profondeur. Si Harry Potter a autant de succès, s’il a remplacé « Le club des 5 », c’est pas par hasard. C’est parce qu’il y a beaucoup de choses dedans, il y a beaucoup de choses qu’on pouvait trouver, qui nous intéressent. Déjà il y a toute l’histoire des parents, donc on peut revenir très en arrière dans l’histoire. Il y avait l’histoire de Harry. Il y a beaucoup de personnages, des personnages adultes, des personnages enfants. Il y a beaucoup de choses sur la société : l’histoire des elfes et de l’esclavage, l’histoire des sang-pur et du racisme, l’histoire du ministère et des lois injustes, donc de la tyrannie. Il y a beaucoup de choses à faire. Et donc ça a permis à beaucoup de personnes de s’exprimer.
S : J’espère que l’histoire d’Alixe vous a donné l’envie de vous exprimer à votre tour en rédigeant de la fanfiction, ou du moins d’aller en lire une ou deux. 20 ans de fandom est une mini émission réalisée et montée par moi, Salem, pour célébrer les 20 ans du site internet, la Gazette du Sorcier. J’espère que vous avez apprécié cet épisode, et je remercie Alixe d’avoir participé. Je vous encourage à aller jeter un coup d’œil à la fanfiction d’Alixe, « Harry Potter 7 ¾ », mais également de consulter son site internet creationsdefans.org, qui est le site de son association qui a pour but de mieux faire connaître la fanfiction. A bientôt !
Vous pouvez suivre l’association de promotion de la fanfiction créée par Alixe sur leur site internet creationsdefans.org et en découvrir plus sur Harry Potter 7 3/4 sur le site dédié.
Vous pourrez également la rencontrer lors du grand événement Harry Potter du 12 septembre 2020 : Les 20 balais de la Gazette du sorcier.
20 ans de fandom est une mini-émission proposée, réalisée et montée par Salem pour les 20 ans de la Gazette du Sorcier.