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Magie et technologie volume 3: Arthur Weasley et les canards en plastique.

Cet article est le dernier d’un triptyque consacré au sorciers et à la technologie. Vous pouvez retrouver le volume 1, qui se consacre aux bases de la technologie magique ou le volume 2, qui étudie l’évolution des pratiques magiques des sorciers et sorcières.

La magie est-elle toujours primaire, évidente, ou peut-elle être au coeur d’un oeuvre de confection?
Pourquoi les sorciers choisiraient-ils d’avoir recours à un objet magique plutôt qu’à leur propre magie?
La technologie moldue est-elle si différente? Comment expliquer la charmante fascination d’Arthur Weasley?

Si ces questions vous font cogiter, la Gazette vous propose quelques pistes de réponses, pour éclairer un peu ce domaine peu exploré de la magie qu’est la technologie, et pour ouvrir le débat.

C] Pourquoi Arthur Weasley est-il tant surpris par l’ingéniosité moldue?

Arthur et la technologie moldue.

L’un des principaux problèmes d’Arthur Weasley tient sans doute au fait que la réponse à la question « à quoi sert cet objet? » n’est pas inclue dans l’objet technologique non magique. Son utilisation est déterminée par une convention, et des logiques « physiques » complètement étrangères aux sorciers.
Par exemple, pour qui maîtrise le sortilège Impervius, la notion d’étanchéité sera détachée de toute condition matérielle : Pour qu’il y ait étanchéité, il faut qu’il y ait sortilège, mise en mots de cette demande, et c’est la seule condition. Rien, dans l’éducation des sorciers, ne les prépare dès lors à comprendre pourquoi une passoire trouée ne constitue pas un couvre-chef adéquat en temps de pluie.

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« La magie laisse des traces, Harry. » Pour les sorciers, à n’en pas douter, le critère de distinction entre un objet lambda et un objet technologique est la présence d’un enchantement, d’une somme de savoirs directement appliqués à l’objet, et indissociables de son essence. En l’absence de ce critère, que bien évidemment la technologie moldue ne saurait intégrer, il est beaucoup plus complexe de distinguer la haute technologie de l’objet le plus anodin. La compréhension initiale de la technologie moldue par Arthur Weasley (qui heureusement pour lui se soigne), est donc à peu près aussi nulle que la connaissance de l’oncle Vernon en matière de magie. Sauf que lui, il ne se soigne pas…

Au-delà du caractère comique des questionnements d’Arthur, il faut donc relever la nécessité d’être éduqué aux usages de la technologie moldue, de comprendre les conventions physiques non magiques.

Les Cracmols, détachés par « charité », par commodité.

On peut imaginer la détresse des Cracmols, inadaptés aux conventions sorcières, et tenus à distance de l’univers moldu dont les conventions pourraient leur convenir. Ils sont condamnés à évoluer dans un monde sur lequel ils n’ont pas de réelle emprise.
De rares Cracmols, comme Rusard, choisissent de vivre dans la société sorcière en dépit de leur manque de maîtrise de l’univers, et trouvent des compensations (la maîtrise des passages secrets, par exemple.)
Mais pour la plupart, à l’image de Mrs Figg, le plus commode est de s’installer dans le monde moldu. Et les sorciers n’ont pendant très longtemps laissé aucun choix à leurs frères, soeurs et enfants nés sans magie à cet égard, ainsi que le révèle la tante Muriel :
« De notre temps, quand on avait un Cracmol dans la famille, on n’en parlait pas. […] Les Cracmols étaient habituellement envoyés dans des écoles de moldus et on les encourageait à intégrer leur communauté… C’était beaucoup plus charitable que d’essayer de leur trouver une place dans le monde des sorciers où ils auraient toujours été relégués au second rang. »

La question du retour des Cracmols, rendus maîtres de la technologie moldue, auprès de leurs proches sorciers, est donc cruciale pour étudier les circulations de savoirs entre mondes sorciers et moldus. On ne peut s’empêcher d’imaginer Dumbledore et Mrs Figg, après évoqué la situation de Harry, s’emparer avec curiosité de divers objets et pratiques moldus, à tout hasard le crochet ou le tricot, autour d’une tasse de thé.

Les nés-moldus, passeurs d’usages..

Les nés-moldus, lorsqu’ils arrivent à Poudlard, entrent dans le monde sorcier après avoir été complètement immergé dans l’univers moldu. Ils apportent donc avec eux une maîtrise assez aboutie de ses normes, mais aussi des habitudes, des objets et des façons de penser propres à leur univers. Ils constituent donc des innovateurs et ponts entre sociétés moldues et sorcière ?

Ils amènent tout d’abord les nés-sorciers à questionner leurs normes, en les confrontant à des objets qui de prime abord résistent à leur compréhension :
« Un soir Harry avait surpris Ron en train de tapoter une affiche de Dean représentant
l’équipe de football de West Ham pour essayer, en vain, de faire bouger les joueurs.  » (tome 1)

Ils font aussi évoluer la société sorcière, en transposant les réflexes cognitifs auxquels ils ont été habitués :

– Peut-être qu’elle a mis des micros ? suggéra Harry.
– Quoi ? Des p’tits gros ? dit Ron sans comprendre. S’il y avait eu des p’tits gros qu’on ne connaissait pas, on les aurait remarqués…
– Des micros, rectifia Harry. On en trouve qui ne sont pas plus gros que des insectes,
impossible de les voir. Harry lui donna quelques explications sur les micros cachés et les magnétophones. » (tome 4)

Ils sont enfin promoteurs des pratiques magiques hybrides, inspirées de la technologie moldue et qui en dérivent. Nous pouvons à cet égard prendre l’exemple de Colin Crivey pour la photographie

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Tu crois que… ça ne te dérangerait pas si… si je prenais une photo de toi ? demanda-t-il, levant son appareil, le regard plein d’espoir.
– Une photo ? répéta Harry intrigué.
– Pour prouver que je t’ai rencontré, dit Colin avec enthousiasme en s’approchant un peu plus près. Je sais tout sur toi. Tout le monde m’a raconté comment tu as survécu quand Tu-Sais-Qui a essayé de te tuer, comment il a disparu, ta cicatrice sur le front et tout ça. Et puis j’ai un copain qui m’a dit que si je développe ma pellicule dans la bonne potion, la photo bougera.

Appliquant cette même logique à l’aisance « naturelle » de Lee Jordan au micro, que ce soit en tant que commentateur de matchs de quidditch ou informateur sur Potterveille, nous pourrions y trouver un potentiel argument pour résoudre l’énigme autour de sa naissance, en interprétant cette aisance comme conséquence d’une fréquentation quotidienne de ces médias dans une enfance bercée de technologie moldue et de radio?

À propos des « technologies hybrides », les livres de JK Rowling demeurent mystérieux, et il est difficile de savoir autour de quels critères s’opère la sélection entre technologiques transmises aux sorciers (la motorisation : moto de Sirius, Ford Anglia…; la radiodiffusion; la photographie…), et technologies propres aux moldus, qu’ils doivent quitter une fois arrivés à Poudlard? ( « Tout ce que les Moldus ont inventé pour remplacer la magie — l’électricité, les ordinateurs, les radars et tous ces machins-là — ne peut pas fonctionner à Poudlard. Il y a trop d’ondes magiques dans l’air, ils se détraqueraient complètement. »)

J.K. Rowling a dans tous les cas postulé une proximité de pratiques entre les deux univers qui loin de les rendre inconciliables présente comme particulièrement aisée l’intégration des moldus des années 1990 au monde sorcier. Seul Dean Thomas, parmi la génération d’Harry, manifeste une nostalgie de l’univers moldu, et due non pas à une perte de repères technologiques, mais au renoncement au football.

Nous pouvons penser que la précocité actuelle de la mise en dépendance des moldus aux nouvelles technologies, et l’ampleur de cette dépendance, rendraient l’abandon des repères moldus beaucoup plus complexes pour un sorcier né-moldu, de nos jours.
Comment quitter sa tablette, internet, réapprendre à ouvrir des livres…?

Et parallèlement, un hypothétique petit-enfant Cracmol d’Arthur Weasley aurait probablement le plus grand mal du monde à expliquer à son grand-père en quoi la consultation quotidienne de son portable est nécessaire.
À ce titre, l’œuvre de JKR peut rendre certains nostalgiques d’un rapport plus distant aux technologies…

Conclusion: Harry Potter à l’école du progrès magique.

Wait, non…

du retour aux sources de la Magie… Oh, et puis les deux.

La saga Harry Potter porte un message fort sur le retour aux sources de la Magie, à ses racines intangibles : à travers les allégories des Dons de la Mort, pour les racines historiques, ou à travers le sacrifice de Lily, pour ce qui est ancré au cœur de l’humain, aux sources de sa propre magie.

Cependant, le réalisme avec lequel J.K.R s’attache à décrire les mécanismes du développement technologique et industriel de la société sorcière vient renverser ce premier constat, et tracer une belle marge dans laquelle peut s’inscrire le progrès, en matière de Magie. Il interroge les pratiques et repères de la société sorcière, et renverse le rapport à la magie.

Si cette réflexion peut paraître anodine, elle vient en réalité interroger la nature d’Harry Potter en tant qu’œuvre littéraire. Considérée par beaucoup comme relativement hybride et inclassable, elle pourrait, par son rapport à la technologie et son sens du progrès, se présenter comme un univers de science-fiction, au sein duquel les tensions grandissantes entre la nature de l’homme et l’environnement dans lequel il évolue peuvent devenir problématiques.

Mots-clésOpinion/Analyse
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