Retour sur la journée ‘Une Place à Prendre’ !
Que nous apprennent les quelques interview de Rowling parues récemment dans trois grands journaux, à l’approche de la publication de son nouveau livre ‘Une Place à Prendre’ ? Au vu de la masse d’information, une structure très claire s’impose. Mais commençons d’abord par le résumé de la soirée au Southbank Centre.
Southbank Centre
Après une brève introduction par la directrice du centre, Rowling et le journaliste chargé de conduire la discussion apparaissent sur scène sous un tonnerre d’applaudissement. Ils ont faillis monter sur scène trop tôt et sont donc déjà partiellement visibles avant la fin du discours, ce qui crée inévitablement une légère tension. Certains se lèvent pour applaudir leur entrée sur scène, mais la plupart reste assis.
Il faut d’ailleurs préciser que le public présent n’aborde que très peu de signes potteriens. Une écharpe ou une cravate gryffondor ici et là, mais je ne vois aucun cosplay intégral. Il y a aussi un gars avec un T-shirt ‘Rowling is our queen’ qui semble avoir désespérément besoin d’attirer l’attention de l’auteur.
Après une brève explication sur le déroulement de la soirée et un rappel sur l’interdiction de prendre des photos dans la salle, Jo se dirige vers le pupitre et lit les premiers paragraphes de Casual Vacancy. Pas même la première page, juste quelques paragraphes. Je les avais lus le matin même, lors du déballage des livres à St Pancras et n’eut donc pas la moindre surprise ici ; j’attends la lecture d’un deuxième passage plus tard, mais j’avoue que j’avais espéré plus, vu la brièveté du premier chapitre.
Rowling revient ensuite s’assoir face au journaliste et commence à discuter. Cette section était diffusée sur youtube en direct et, bien que sympathique par certains traits d’humour, rien ne fut dit qui sortait des sentiers battus. Vous trouverez tout le contenu de la discussion dans les autres sections ci-dessous alors qu’elles furent rédigées sur base des articles publiés avant le 27 septembre.
Une transcription complète de cette discussion se trouve ICI en anglais et vous trouverez ICI, sur le twitter de la Gazette un livetweet en français ; c’est moins complet, mais c’est en langue de Molière. L’auteur parle du fait qu’il lui faudra trouver l’inspiration dans une navette spatiale la prochaine fois (d’abord en train, puis en avion… toujours plus haut !), de l’importance de la mort et du sentiment amer d’être parent et de voir ses enfants grandir.
Lorsque le journaliste lui signale que certains noms dans son nouveau roman riment avec des noms potteriens, l’exemple le plus évident étant le héros Harry-Barry mais aussi le frêle et innocent Dobby-Robbie, elle se défend d’avoir fait ces choix volontairement. Barry devait à l’origine s’appeler Kevin et, maintenant qu’on lui pointait du doigt la similitude Harry-Barry, elle regrettait de n’avoir pas suivi sa première intuition ; de même que Robbie est nommé ainsi parce que la mère de ce dernier est du genre à aimer Robbie Williams.
La diffusion est coupée juste avant la lecture d’un second extrait, allant des pages 41 à 45. L’extrait est plus long et contient un nombre considérable de jurons que le centre ne peut se permettre de diffuser gratuitement sur internet sans le moindre contrôle sur le public se trouvant derrière l’écran.
C’est ensuite aux personnes présentes dans l’assistance de poser leurs questions. Il est malheureux que beaucoup oublient que d’autres personnes se trouvent dans la salle, qu’ils sont loin d’être les seuls fans de Rowling et qu’il y a des questions auxquelles la réponse n’a pas vraiment d’intérêt.
Est-ce que la personne qui a demandé ‘ça fait quoi de voir un livre publié quand on sait qu’il n’était à l’origine qu’une idée dans le coin de sa tête ?’ s’attendait vraiment à une réponse captivante ? Le jeune garçon au T-shirt ‘Rowling is our queen’ devait-il vraiment prendre la parole pour dire ‘je vous ai fait un cadeau, je peux vous le donner ?’ alors qu’il y avait une séance de dédicaces après pendant laquelle il aurait pu lui offrir son cadeau sans ‘empiéter’ sur un temps destiné à autre chose ? Celle qui a parlé pendant 10 minutes de sa correspondance avec Rowling, parce qu’elle fut la première à demander si Dumbledore avait jamais été amoureux, n’aurait-elle pas pu se contenter de s’en tenir à cette courte phrase pour se présenter ? [[Je passe pour un vieil aigri, hein, mais c’est assez insupportable que les gens soient si égoïstes dans ce genre de situation. Ok, ils sont fans, mais les autres aussi.]]
Outre ces questions, deux personnes ont également demandé à Jo des conseils pour des aspirants écrivains, auxquelles elle a répondu de prendre un agent et de se fixer des heures d’écriture, ne pas attendre que l’histoire vienne toute seule. Deux questions qui avaient déjà un peu plus d’intérêt, mais dont je me serais bien passé, étant intéressé par les livres écrits par Rowling plus que par la méthode de travail d’un auteur, qui ne change que rarement d’un écrivain à l’autre.
Enfin, trois questions plus intéressantes à mes yeux, portèrent sur ce qu’elle changerait dans Harry Potter, sur ce que parler de la mort dans ses livres lui avait réellement apporté et sur le personnage de Casual Vacancy pour lequel elle n’avait aucune sympathie.
A la première question, Jo répondit qu’elle avait été fortement ennuyée par le fait que Harry possède le miroir à double sens de Sirius, lorsqu’il lui avait fallu écrire la fin du tome 5, et que l’oubli de Harry était devenu nécessaire mais ne collait pas avec ce qu’elle aurait souhaité. Elle ajouta que la carte du maraudeur était un autre des ces objets un peu trop pratique qu’elle avait donné à son héros et qu’il avait donc fallu ruser pour la lui retirer des mains aussi souvent que possible.
Ensuite, elle expliqua que le fait de parler de la mort dans ses livres n’en a pas apaisé la crainte, la peur d’abandonner ses enfants avant l’âge, de savoir que tout sera fini à un moment donné, mais cela l’a aidée à y réfléchir et à mieux comprendre son obsession de la mort.
A la dernière question, elle déclara que Obbo et Simon étaient les deux personnages aux extrêmes d’un grand pendule. Les deux pour lesquels elle ne pouvait vraiment éprouver aucune compassion. Le reste des personnages se trouvent à différentes positions sur l’arc du pendule et sont donc plus ou moins sympathiques à ses yeux.
Sur ce, les questions-réponses prirent fin et le public fut invité à quitter la salle pour la séance de dédicaces. Il faut savoir que 900 personnes devaient repartir avec leur livre signé et qu’il fallut à peu près 2h pour que chacun passe devant Rowling. Après un bref calcul, cela fait 7,5 signatures par minute, ce qui fait précisément 8 secondes par signature.
Autant vous dire qu’il n’était pas facile de glisser un mot à l’auteur. Certains l’ont fait, évidement, s’arrêtant le plus longtemps possible pour discuter, mais ce fut au dépend des autres qui ont du ‘accélérer’ pour rattraper le temps perdu. J’ai à peine pu déposer un petit mot avec un cadeau sur la table que, mon livre ayant été signé, je fus poussé vers la sortie pour faire place au suivant ; je ne demandais pas à rester 5min à bavarder, mais j’aurais apprécié avoir le temps d’entendre correctement le ‘thank you’ de Jo qui ne me parvint qu’alors que j’avais déjà été écarté de la table.
J’aurais aussi apprécié que la sécurité lui laisse le temps de voir ce qui lui était offert, mais ils le prirent pour le placer sur la pile de cadeaux alors qu’elle avait à peine fini de signer mon livre et donc à peine eu le temps d’y jeter un œil. A posteriori, j’apprécie également les traces de doigts noires laissées par les personnes responsables de soumettre mon livre à l’auteur.
Vu le temps accordé, j’avoue n’avoir que vaguement réalisé que quoi que ce soit se produisait. Ayant été obligé de ranger mon téléphone et mon appareil photo dans mon sac avant de m’approcher réellement de la table, je n’ai pas non plus réellement pu immortaliser l’instant ; apparemment, ce ne fut pas le cas de tous et j’en viens à me demander si c’est parce que je n’avais pas l’air d’être un fan prêt à fondre en larme qu’on m’a tant brusqué.
Après avoir reçu leur signature, la plupart des fans s’amassaient derrière un muret par dessus lequel ils tendaient leur appareil photo dans l’espoir d’obtenir un bon cliché de Jo de près. J’ai donc fait de même, avec mon téléphone portable, mon appareil photo ayant décidé de rendre l’âme ; mais il était difficile d’obtenir une image correcte, avec la sécurité se plaçant au maximum devant l’auteur.
Au final, la soirée fut sympathique, mais pas vraiment extraordinaire. Pour résumer, j’ai payé pour 8 secondes de signature devant une table ; le reste était disponible dans les journaux et sur internet. Même la deuxième lecture de Jo n’était pas réellement exclusive, puisque les 50 premières pages du roman étaient disponibles depuis la veille gratuitement sur Kindle. Sachant qu’en plus, il nous était techniquement interdit de prendre des photos de Jo ; interdiction d’en prendre dans la salle, et interdiction d’en prendre à l’approche de la table de dédicace.
Simplement me trouver à 60 mètres de Jo n’est pas une expérience qui mérite de payer un livre 2 fois à mes yeux (puisque le ticket coûtait plus cher que le livre et je ne compte même pas le trajet) ; mais j’ai parfois l’impression d’être un monstre insensible quand j’affirme ce genre de chose au vu de ce que certains auraient donné pour être à ma place et à la réaction qu’ils auraient eue une fois arrivés à un mètre de leur idole, qu’importe la brièveté du ‘contact’.
La section qui aurait pu s’avérer la plus intéressante, les questions du public, m’a principalement révélé une chose : je ne suis pas assez fan que pour ressentir le besoin impérieux de poser n’importe quelle question à Rowling afin d’avoir le plaisir simple qu’elle me réponde, ce au dépend de 890 autres personnes dans la salle. J’ai un peu de mal à digérer le comportement fortement égoïste de certains… [[J’avais déjà vécu l’expérience lors de l’avant-première de Londres du dernier film, avec ces fans qui dépassent les files pour se mettre contre la barrière aux dépends de ceux qui attendent bien dans la file depuis 24h, et cette soirée n’a fait que me confirmer mon impression originelle ; certains fans n’ont pas le moindre respect pour les autres.]]
Une compilation de certains moments de la présentation est disponible ICI… Vous constaterez que mon avis sur les questions intéressantes doit être fortement personnel, puisqu’elles n’ont pas été choisies pour y figurer. Vous trouverez également quelques photos de ma journée ‘Casual Vacancy’ dans l’album de la Gazette ICI, parce que j’allais pas laisser une interdiction orale me gâcher entièrement la soirée.
Après la soirée, je suis rentré à mon hôtel, j’ai commencé à lire Casual Vacancy, mais j’ai surtout passé un moment à éplucher la presse du jour et à travailler sur les articles publiés avant le 27 septembre. Voici donc le travail de cette soirée, résumant ce que nous apprennent ces articles.
Quelques Trivias
Pour commencer, JK (à la demande des journalistes, quand même) nous bombarde d’une bonne dose d’informations triviales, comme le fait que son plus gros problèmes à ses yeux, au moment de l’interview avec The Guardian, est qu’elle n’a pas fait les courses et qu’il n’y a donc rien dans le frigo pour le repas du soir.
Elle se considère comme une insomniaque et a promis à son éditeur de ne pas lire “Fifty Shades of Gray”. Elle n’est pas pour l’indépendance de l’Écosse. Elle a suivit une thérapie avant et après la saga Harry Potter, afin de garder les pieds sur terre alors que tout changeait si rapidement autour d’elle. Elle déclarera également qu’elle n’eut recourt à un déguisement pour sortir qu’une unique fois : lorsqu’elle alla acheter sa robe de mariée. Mais elle ne dira pas quel était ce déguisement, afin de pouvoir s’en servir à nouveau à l’avenir si nécessaire.
Sans surprise, la relation entre Rowling et les médias est abordée. Elle qui contrôle tout, exige un droit de relecture avant publication sur la plupart des interviews, fait signer plus de papier administratifs qu’il n’en faut pour acheter une maison lorsqu’il s’agit d’arranger une interview ou de donner un accès privilégié sa nouvelle publication et fut l’une des plus ardentes accusatrice envers le système de médias “people” britannique dans l’affaire des écoutes téléphoniques.
La protection entourant son nouveau roman rappelle fortement la stratégie commerciale des Harry Potter et on sait que ça n’avait pas amené que du positif. Comme lorsque, en 2005, un membre de la sécurité qui avait dérobé deux tomes du Prince de Sang-Mêlé menaça d’un fusil un reporter du Sun lors d’une négociation pour lui vendre le roman. Quant à l’aspect de protection du secret de l’intrigue, les fuites se sont pareillement produites avec Casual Vacancy, puisque certains romans sont arrivés chez les clients la veille la date de publication officielle, voire deux jours avant celle-ci !
Rowling n’est pas une fanatique des projecteurs et des médias. Cependant, lorsqu’elle est interviewée par The Guardian, l’entretient a lieu dans le lobby d’un hôtel, l’auteur voulant quitter son bureau, à portée d’oreille de tout client et employé. Fortement animée, Rowling se verra même reprocher par son agent de parler trop fort, ce à quoi elle répondra qu’elle ne peut pas être enthousiaste et murmurer.
Par ailleurs, Rowling a beau gagner des millions, elle paye plus de taxes que la plupart des stars dans la même situation, ayant refusé tout expert comptable qui “mettrait son argent à l’abri”. Elle n’a pas d’intérêt pour l’aspect business de son œuvre et préfère écrire plutôt que d’assister à des réunions d’investissement ; elle a notamment refusé que McDonald ne crée des figurines Harry Potter pour les Happy Meals.
Ce que Jo pense de son nouveau livre
Bien qu’elle ait songé à une publication sous pseudonyme, elle a finit par opter pour la solution qui lui semblait la plus courageuse. Après tout, comme elle le répète régulièrement, elle n’avait aucun besoin matériel d’écrire ce livre, de même qu’aucune envie de prouver ses capacités au monde ne la pousserait à écrire ; il s’agissait simplement de raconter une histoire qui lui semblait importante.
Le livre, dont l’idée lui est venue dans un avion alors qu’elle faisait la promotion des Reliques de la Mort au USA, ne devait pas être précipité, personne ne savait ce qu’elle préparait, elle avait donc tout le temps et pouvait même songer qu’elle n’avait aucune obligation de la publier. Mais un auteur écrit pour être lu et l’excitation l’emportait sur la crainte à la veille de la publication.
L’idée de base était une élection locale sabotée par des adolescents, lui permettant de se plonger dans une petite communauté et d’en étudier les différents comportements. Elle fut immédiatement convaincue qu’elle trouverait en son expérience de vie en ce genre de petite ville et son adolescence tourmentée ce qu’il lui faudrait pour en faire un livre intéressant.
Bien qu’elle ait été comparée à Dickens pour le côté social du livre et qu’elle en soit flattée, car ce genre de roman de société était bien une source d’inspiration, Jo se défend de faire aussi bien. Le système de classe britannique est donc fortement présent dans le roman.
Elle sait d’ailleurs que les critiques l’attendent au tournant, mais que le pire qui puisse arriver soit qu’on lui conseille de retourner à ses sorciers ; ce à quoi elle pense pouvoir survivre. Harry Potter ayant reçu de nombreuses critiques d’extrémistes religieux, elle est consciente qu’il ne faille pas aller bien loin pour susciter des commentaires virulents.
Elle sait que certains n’apprécieront pas le livre d’autant que le vocabulaire franc tranche fortement avec la retenue de ses précédentes publications. Mais sa position n’étant pas celle d’une babysitteur ou d’un professeur, elle n’éprouve pas le moindre regret : le fait que le public cible était un public d’adultes a été martelé plus que fortement. Se défendant de vouloir spécifiquement parler de sexe et de violence, elle dit quand même qu’il est bon d’en parler car c’est impossible dans un livre de fantasy : “On ne fait pas l’amour à côté d’une licorne, c’est une règles intangible.”
Elle veut donc aborder des thèmes contemporains et internationaux, comme la responsabilité humaine, la morale, la violence, le sexe, la drogue, les difficultés sociales, la responsabilité d’un gouvernement… tout cela au travers du plus petit échelon démocratique. Le titre originel était d’ailleurs “Responsable”, collant au thème du roman.
Après deux ans de rédaction, elle finit cependant par trouver le titre définitif en lisant le livret institutionnel de l’administration locale britannique. A la recherche de termes juridiques exacts, elle découvrit le terme Casual Vacancy qui décrit la situation lorsqu’un membre du conseil laisse son siège vacant suite à un scandale ou sa mort. “Il était question de responsabilité, mais aussi de ces personnages qui ont tous une sorte de poste vacant dans leur vie, ce petit vide qu’ils comblent de diverses manières.”
Pour comprendre et découvrir ces multiples ‘vacances’ en chacun des personnages, il faut que le livre se concentre sur les sentiments internes des personnages, c’est pourquoi Jo estime qu’il serait difficile d’en faire un film. Il y a beaucoup d’action, mais l’essentiel se passe dans la tête des personnages.
Le village de Pagford, dont elle a tracé la carte, reste donc typiquement anglais, par sa retenue, sa juridiction et ses descriptions, malgré les thèmes internationaux qu’il permet d’aborder.
Détails sur Une Place à Prendre
De nombreuses interviews ont permis de révéler un peu en avance quelques détails de l’histoire, au-delà du résumé déjà présenté il y a quelques mois. On en apprend notamment plus sur la structure du roman et ses thèmes principaux.
Lorsqu’il était question de l’action lancée par la mort du conseiller paroissial Fairbrother, c’est au sens stricte, puisque cet évènement se produit dans les toutes premières pages. On se trouve alors plongé dans un livre à points de vues multiples, sautant d’un côté de la ville à l’autre, parfois au travers d’un fil conducteur comme le trajet d’un bus scolaire.
L’enjeu de l’élection qui permettra de remplacer Barry est simple ; la cité proche, nommée en anglais ‘The Fields/Les Champs’, est un ghetto dont la classe moyenne de Pagford se débarrasserait volontiers. Si le nouveau conseiller penche de leur côté de la balance, la responsabilité des Champs pourrait être confiée au conseil voisin, et les jeunes de la cité ne fréquenteraient plus la même école que les jeunes de Pagford.
L’une des familles clé de l’intrigue, les Weedon, habitent cette cité. Terri, mère de Robbie et Krystal est une prostituée, droguée, une habituée des abus les plus abjectes, mais elle lutte contre ses addictions afin de pouvoir garder son fils. La méthadone n’est cependant pas un substitut suffisant pour l’héroïne, et sa fille Krystal doit donc prendre le rôle de mère. Cette dernière n’a jamais connu qu’un adulte pour l’aider, en la personne de Barry Fairbrother, et sa mort la plonge dans une dangereuse dérive.
Et puis, il y a ces messages qui font leur apparition sur le site du conseil paroissial et dénoncent les secrets de certains habitants, créant un climat de tension, de panique proche de la paranoïa, qui n’arrange les affaires de personne. Ou presque.
Les points de vue multiples sont là pour permettre de révéler les motivations des différents personnages, pour que le lecteur puisse comprendre et pardonner des actes qui paraissent inexcusables d’un point de vue externe. Les révélations à retardement risquent cependant d’oblitérer cet aspect et de travailler contre les personnages en exposant les lecteurs uniquement aux actes en apparences insensés de certains pendant trop longtemps.
“L’intrigue peut être résumée par la question : que fait-on de Krystal ?” selon l’auteur elle-même. Qui étend son interrogation à tous ceux coincés par la pauvreté. Mais le livre est autant concerné par les difficultés sociales que par les relations entre adultes et adolescents ; la plupart des familles comptent un jeune en difficulté et rebelle par bien des aspects.
Premières impression sur Une Place à Prendre
Cela fait des mois que des critiques donnent leur opinion sur un livre qu’ils n’ont pas lu, expliquant pourquoi ce serait tel ou tel genre de récit, où l’auteur risque de faillir… on savait donc que Jo était attendue au tournant. Les premières critiques, avant et après parution du livre, sont extrêmement mitigées.
Nombreux sont ceux qui relèvent le vocabulaire bien plus franc que dans Harry Potter, au point que certains sites ont créé un top 10 des phrase de Casual Vacancy qu’on ne retrouverait pas dans l’univers du Survivant. Oui, le livre est destiné aux adultes, et les parents qui l’achètent à leur fille de huit ans sous prétexte que c’est de Rowling, sans avoir la moindre idée de ce que le roman raconte, sont dignes de figurer dans les pages de ce roman.
Certains seront cependant réjoui, comme ce critique écossais qui s’insurgeait que des jeunes de 16 ans lisent Harry Potter, lui vouent toute leur adolescence et s’habillent en sorciers alors qu’ils devraient ‘baiser derrière les garages à vélo, fumer de la marijuana et lire Camus’. C’est à peu près ce que font les jeunes dans Une Place à Prendre.
Les comparaisons avec Harry Potter fleurissent également, comme la grandeur morale du personnage central ou le fait que des adolescents soient le centre de l’attention. Ces jeunes auront également tendance, comme Harry ou Sirius, à aller chercher du réconfort dans une autre famille. Beaucoup considèrent que Rowling est bien plus convaincante lorsqu’elle parle des jeunes que des adultes. C’est un thème récurent chez elle.
Une autre trace qui lie le nouveau livre à la saga potterienne, c’est le manque de nuance qu’on pourrait lui reprocher. Les personnages ressemblent fortement à des stéréotypes, particulièrement parmi les adultes (à noter que d’autres trouvent Rowling particulièrement réaliste, les stéréotype permettant aux lecteurs d’identifier qui ils veulent). De plus, la description des Champs peut donner le sentiment que personne n’a jamais essayé de s’en tirer, qu’ils attendent tous, effectivement, la manne venue de Pagford et sa classe moyenne.
Bien que Rowling soit un ardent défenseure du système social, que la classe moyenne soit ici fortement ridiculisée et que certains journaux qualifient le livre de “manifeste socialiste de 500 pages”, il reste possible de balayer cet agenda derrière la caricature, qui rend le final et certaines actions fort prévisibles une fois les personnages proprement situés. Un critique ira jusqu’à dire qu’on observe les personnages sur la carte du maraudeur et que tout est trop exact que pour surprendre.
De plus, le livre cède à la facilité, ignorant les mécanismes de défense les plus basiques, notamment lorsqu’un jeune se trouve être victime de harcèlement sur Facebook d’une telle manière qu’il semble ignorer totalement l’existence des critères de confidentialité. De même que la sensibilité extrême semble être la position psychologique par défaut, permettant des réactions au quart de tour et disproportionnées.
C’est une histoire dure, mais l’humour reste présent, et la plupart des critiques le relève comme un aspect positif. Selon certains, il permet de masquer suffisamment longtemps la monstruosité des personnages et de rendre les personnages humains émotionnellement, de donner aux lecteurs l’envie de les suivre.
Au final, difficile de se faire une opinion avant d’avoir lu le livre. Nous ferons nous-mêmes notre critique plus tard.
Sur Harry Potter
Rowling comprend que beaucoup voudraient qu’elle continue à écrire sur Harry Potter, mais elle dit préférer produire du travail de qualité que de se forcer. Si une idée brillante lui vient, elle ne dira pas non, mais elle avait d’abord “besoin” d’écrire ce livre-ci.
Elle continue d’ailleurs à fournir des informations avec Pottermore, ce qu’elle adore faire, car il y a beaucoup moins de pression sur ses épaules.
Cependant, l’auteur n’est pas ravie de l’entièreté de son œuvre. Elle estime par exemple n’avoir pas proprement finalisé l’Ordre du Phénix, ni un autre livre plus tôt dans la saga, et elle contemple parfois l’idée de faire une version retravaillée. Elle précisera, lors de la conférence au SouthBank Centre, l’un de ces éléments qu’elle modifierait.
Sur les JO
Pour son apparition lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, Danny Boyle a du s’y prendre à deux fois avant d’obtenir sa participation ; Rowling est beaucoup trop nerveuse en public que pour imaginer lire devant des millions de personnes.
Elle a fini par accepter, se disant qu’avec tout ce qui se passerait autour, elle ne serait pas le centre de l’attention. Elle s’est d’ailleurs demandé lors de la répétition générale comment elle avait pu en arriver à un point ou un Voldemort géant se trouvait être l’élément clé d’un spectacle planétaire. Il s’agit, selon elle, d’une des expériences d’humilité les plus importantes de sa vie.
Quelques seconds avant son apparition sur scène, elle a reçu un SMS d’un ami lui conseillant de ne pas tout faire foirer vu que le monde entier regardait ; une pensée qui ne l’a pas quittée alors qu’elle entamait sa lecture de Peter Pan.
Sur ses futurs livres
Rowling ne compte pas écrire à nouveau pour les adolescents dans un futur proche. Elle pense que ce serait un challenge bien plus grand, à cause du fait que la saga Harry Potter soit déjà destinée à ce public. Bien que, une nouvelle fois, si une idée de génie lui vient, elle l’écrira.
Pour l’instant, elle prépare deux livres pour enfant, destinés au 7-8 ans, dont le conte de fée politique qui avait été mentionné à la sortie des Reliques de la Mort. Mais elle travaille également sur un autre livre pour adultes dont elle a écrit deux chapitres.
Elle n’affirme donc rien quant au livre qui sortira en premier, car elle apprécie la liberté de pouvoir faire ce qu’elle veut, de ne pas avoir de date limite et de ne pas être attendue au tournant.
Son ami auteur, Ian Rankin, affirme cependant qu’elle est beaucoup plus confortable avec les enfants qu’avec les adultes. C’est parmi eux qu’elle est dans son élément.
Pour aller plus loin
Une interview a été diffusée sur TF1 et est visible ci-dessous.
Le site officiel du roman, ICI a également été mis à jour avec une revue de presse et un concours permettant de gagner un exemplaire pré-dédicacé ou un week-end à Londres pour deux personnes.
Vous trouverez également le documentaire La Vie après Harry diffusé par ABC1, en Australie, ci-dessous
Et voici une interview de la BBC
Source The Guardian, [Washington Post->
http://www.washingtonpost.com/entertainment/books/jk-rowlings-debut-adult-novel-a-hard-story-with-difficult-characters-thats-worth-a-read/2012/09/26/f723f830-07a8-11e2-9eea-333857f6a7bd_story.html] et [The New Yorker->
http://www.newyorker.com/reporting/2012/10/01/121001fa_fact_parker?currentPage=all]. Merci également à Portus.
Pour commenter sur tout ce qui touche Une Place à Prendre, c’est par ICI.