Les mères indignes de Harry Potter
On dit souvent que les mères dans la saga Harry Potter sont idéales. Lily se sacrifie pour garantir la survie de son fils et lui offre ainsi la plus puissante et la plus pure des protection que l’on puisse trouver dans le monde magique ; Molly se dresse entre sa fille et Bellatrix Lestrange, sa force décuplée par un instinct de protection ; même Narcissa Malefoy finira par trahir Voldemort et, d’une certaine manière, son mari afin de garantir la survie de son fils, Drago.
D’autres mères nous sont présentées comme incapable de fournir une telle protection, mais sont pourtant toutes aussi aimantes. Alice Londubat ne reconnaît pas vraiment son fils, mais quelque chose au fond d’elle la pousse à lui offrir de menus cadeaux. L’amour est plus fort que son amnésie.
Cependant, d’autres mères sont loin de ce tableau rêvé. Et je ne parle pas de Pétunia qui gâterait trop Dudley. Je parle des mères véritablement indignes et oubliées pour mieux coller à cette image des mères idéalisées que Jo cherche à faire passer dans la saga.
Commençons par la mère la plus évidente ; Walburga Black. Bien que son nom vienne de Sainte Walburge, protectrice contre la magie et les mauvais sorts, elle ne protège pas grand monde, sinon son propre tableau d’un décrochage. De plus, à l’origine, Jo associait ce nom aux mangemorts, puisqu’ils devaient, dans un premier temps, s’appeler les Chevaliers de Walpurgis (EHP).
Nous avons ici une mère qui, loin de protéger ses enfants, a poussé l’un de ses fils à quitter la maison, l’autre à devenir un mangemort, semblerait-il contre son gré (Regulus a fini par se retourner contre Voldemort, preuve qu’il ne partageait pas vraiment les idéaux de sa mère).
Son tableau incarne la décadence même ressentie dans toute la maison ; les rideaux qui le cachent sont mangés aux mites, elle-même apparaît comme une démente, la bave aux lèvres et les yeux roulant dans leurs orbites. Les vociférations de la mère de Sirius réveillent toute la maison et la dresse contre ses occupants.
Walburga n’a donc d’une protectrice que le nom et de mère que le titre, même si elle a le mérite d’être présente pour ramener ses enfants dans ce qu’elle considère comme “le droit chemin”.
En effet, il y a également des mères absentes dans Harry Potter. Hagrid n’a jamais vraiment connu Fridulva, qui les a abandonnés lui et son père alors qu’il était encore bébé. Certes, les géantes ne doivent pas avoir les mêmes notions de la maternité que les humains, mais cela reste un geste négatif vu l’impact qu’il aura sur la vie de Hagrid.
Sans oublier que Graup, son autre fils, est livré aux maltraitances des autres géants de par sa relative petite taille. Fridulva n’est pas là pour protéger son deuxième fils et c’est le grand frère, Hagrid, qui tentera de remplir ce rôle en l’amenant à l’écart dans la forêt interdite.
Avec les parents de Hagrid, Rowling semble faire une allusion aux familles mono-parentales, aux dégâts générés par l’absence d’une mère… et quels dégâts ! Hagrid souffre d’un manque affectif manifeste qu’il noie dans l’alcool et l’amour pour les créatures les plus massives. Mais il faut noter que ce n’est pas le père qui est parti ; Jo aurait pu faire du père un géant et de la mère une gentille humaine qui s’occupe de son fils, ce n’est pas le cas.
Pour souligner l’importance d’une mère comme Molly, Jo devait logiquement placer une ou deux mères absentes, mais l’absence ne fait pas tout. Il y a sans doute pire, pire même que la haine portée par une mère à son fils, comme dans le cas de Walburga et Sirius : il y a l’indifférence, le favoritisme d’un enfant par rapport à l’autre, sans doute inconscient…
La pire des mères de Harry Potter est très proche du héros, puisqu’il s’agit de sa grand-mère, mère de Pétunia et Lily Evans. Elle semble fort effacée et, pourtant, son importance est capitale, puisqu’elle a manifestement nourri la haine de Pétunia pour sa sœur.
“[…] avec mon père et ma mère, il n’y en avait que pour elle, c’était Lily par-ci, Lily par-là, ils étaient si fiers d’avoir une sorcière dans la famille !” nous dit Pétunia au chapitre quatre de l’École des Sorciers.
Une mère qui oublie sa fille au profit de l’autre, qui n’empêche aucunement le développement d’une jalousie telle que celle qui ronge Pétunia et ne lui fait pas sentir qu’elle aussi peut la rendre fière à sa manière a-t-elle sa place aux côtés de Molly, Narcissa, Lily ou Alice ?
Si Jo a écrit un livre à la gloire des mères protectrices, c’est en réalisant le tour de force d’effacer les mères indignes, ne les mentionnant qu’au détour d’une phrase ou d’un paragraphe. Harry Potter glorifie les mères aimantes en faisant croire à un univers dépourvu de mères incompétentes.
Au final, si ces mères sont consciencieusement mises de côté, il reste quelques traces de leur présence, suffisantes pour affirmer que la perfection des mères dans Harry Potter n’est qu’une illusion. Même écartées de la narration principale, les mauvaises mères restent présentes et leur influence se fait ressentir sur de nombreux personnages.