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Conférence ‘Harry Potter et la Philosophie’, compte-rendu

C’est dans le cadre de la semaine de la Pop philosophie à Marseille que nous avons assisté à une conférence de Marianne Chaillan intitulée Harry Potter et la philosophie. Le public était constitué de personnes de tous âges, des fans, pour la plupart, venus approfondir leur connaissance de la saga. Certains, nostalgiques des grandes réunions potteriennes, portaient des chapeaux de sorcier, d’autres prenaient des notes dans une salle au complet.


La conférencière, professeur de philosophie, connaissait très bien l’univers d’Harry Potter dont elle a rappelé le succès phénoménal – des livres, en passant par les films, jusqu’au parc d’attraction et même à la visite des studios ouverts cette année par la Warner.

Son étude, illustrée de temps en temps par des extraits des films, portait sur deux aspects philosophiques de l’oeuvre :

 La philosophie dans Harry Potter (ou les sources d’inspirations de J.K. Rowling)

 Harry Potter à l’école des stoïciens

 Harry Potter à l’école sartrienne

 Harry Potter à l’école platonicienne

 La confusion entre réel et fiction.

 La philosophie de Harry Potter (ou la leçon philosophique de la saga)

 Un cheminement initiatique : existence et finitude.

Sans prétendre aborder tous les thèmes philosophiques présents dans la saga, Marianne Chaillan s’est employée à montrer le réel intérêt et la richesse littéraire et philosophique de l’oeuvre qui est finalement loin d’être divertissante au sens étymologique du mot.

La philosophie dans Harry Potter

Dès le début, la philosophie colle à la peau de la saga. Le titre original est en effet « Harry Potter and the philosopher stone » qui sera modifié dans l’édition américaine (et française) pour « Harry Potter and the sorcerer stone »/ « Harry Potter à l’école des sorciers » car sans doute s’est-on dit que la philosophie ne faisait pas vendre, surtout au rayon jeunesse.

Harry Potter à l’école des stoïciens

Les stoïciens sont les disciples d’Epictète. Ils considèrent qu’une grande part des malheurs des hommes est due à leur mauvais usage du jugement.

Phantasia => discours intérieur => assentiment
J’entends l’orage gronder => Je me dis que c’est inquiétant => Je ne vais pas sortir

Ainsi, dans Harry Potter & Le Prince de Sang mêlé, Ron croit voir Harry verser du Felix Felicis dans son jus d’orange, le matin du match de Quidditch, et se dit que tout ce qu’il entreprendra aura du succès. Confiant dans ses capacités, il va faire gagner le match à Gryffondor. Harry a donc été stoïcien au moins une fois dans sa vie et le mauvais jugement de Ron entraînera un dénouement heureux, comme vous vous en souvenez sans doute avec des larmes plein les yeux et de la morve plein les joues.

Dans le cinquième tome, c’est une erreur de jugement qui provoquera la mort de Sirius. Le pouvoir de la représentation est si puissant que, malgré les avertissements d’Hermione (« Et si ton rêve n’était qu’un rêve ») Harry croit dur comme fer à la vision produite par Voldemort pour l’attirer au ministère de la magie.

A cette époque de sa vie, Harry est donc un insensé, c’est à dire qu’ il ne se comporte pas en sage stoïcien, il pense que les choses sont ce que notre représentation en fait.

Le stoïcien doit opérer une distorsion entre réalité objective et représentation : l’épouvantard est le symbole matériel de ce discernement. Il faut s’extraire de l’emprise de cette représentation en transformant un objet effrayant en objet ridicule (« Ri-di-ku-lus »).

Les nombreuses dénominations de Voldemort sont aussi une représentation de cette thèse stoïcienne. Les sorciers ont peur de le nommer, or, selon Dumbledore, « La peur d’un nom ne fait qu’accroître la peur de la chose elle même « . En appelant Tom Jedusor / Riddle Celui-dont-on-ne-doit-prononcer-le-nom, on accentue le pouvoir effrayant du sujet. Or, on sait que, alors qu’on le pensait détruit à jamais, personne n’osait prononcer le nom de Lord Voldemort à voix haute.
Même ses fidèles l’appellent Le Seigneur des Ténèbres, ce qui lui confère un pouvoir, une domination qui n’est pas forcément réelle.

Dumbledore est le seul à oser appeler les choses par leur nom : au lieu de voir, de parler à Lord Voldemort, celui ci l’appelle tout simplement Tom, le prénom de l’ ancien élève de Poudlard, un homme comme les autres somme toute. Et le concerné déteste être appelé de cette façon.

Le sage stoïcien, se dégageant de ce qu’il y autour de lui, est capable d’être heureux même dans le taureau de Phalaris où il subit les pires souffrances jusqu’à ce que mort s’en suive. Même brûlé vif dans un taureau d’acier, il pourra être heureux en se souvenant de moments heureux, en se concentrant si fort qu’il les revît.

C’est ce que font les sorciers lors d’une attaque de détraqueurs : ils pensent à un moment de bonheur et créent un patronus qui leur sert de bouclier contre ces créatures qui se nourrissent en aspirant toute joie humaine. Pour les Stoïciens, l’autre part des malheurs humains vient de ce qu’ils dirigent leurs désirs sur les mauvais objets. « Les humains ont un don pour désirer les choses qui leur font le plus de mal », dit Dumbledore. Le miroir de Rised a la faculté de refléter non pas ce qui est en face de lui mais les désirs les plus profonds de la personne qui s’y observe. Harry s’y voit, entouré de ses parents et cette image va l’obséder durant plusieurs jours, véritable obsession du désir. Dumbledore explique à Harry que beaucoup sont devenus fous en contemplant ce miroir : c’est pourquoi il faut savoir discipliner son désir. On rejoint ici Descartes qui écrit « Il vaut mieux changer ses désirs plutôt que la face du monde ».

Pour les Stoïciens, «désirer ce qui ne dépend pas de moi me met en danger d’expérimenter des joies tristes». Harry est donc fou de désirer que ceux qu’il aime vivent toujours. De plus, selon Platon, « Désirer, c’est manque de – », c’est pourquoi, comme le dit Dumbledore, « le plus heureux des hommes ne verra ni plus ni moins que son reflet dans ce miroir ».

La césure entre J.K.Rowling et les stoïciens se fait sur la question de la liberté. En effet, selon Epictète, « tout est immuable », c’est-à-dire déterminé. En revanche, JKR se range au côté de Sartre : « Pour l’homme l’existence précède l’essence » : nous avons le choix.

Harry Potter à l’école sartrienne

La cérémonie de répartition est le rituel le plus important à Poudlard : c’est ce qui fait de n’importe quel sorcier âgé de 11 ans un élève de cette école. C’est donc une étape fondamentale dans la vie d’un sorcier.

En anglais, ce qui répartit les élèves dans différentes maisons se nomme The Sorting Hat. On a donc une idée de « sort », de destin, de quelque chose d’immuable . Or la traduction française renseigne plus que le nom original car Sorting Hat a été traduit par Choixpeau. En plus d’être le meilleur mot valise qui soit, ce nom nous informe qu’il est question de choix et qu’à tout moment l’élève peut choisir dans quelle maison il veut aller ou pas. « Not Slytherin « , gémit Harry de l’intérieur, la peur au ventre de rejoindre le clan des sorciers « qui ont mal tourné ».
Les souhaits l’emportent sur les aptitudes. « Ce sont nos choix qui nous définissent » : C’est ce que dit Dumbledore à Harry quand celui-ci s’inquiète de sa ressemblance avec Voldemort.

Sirius Black est la parfaite illustration de cette thèse. Il est issu d’une longue famille de sang pur, tous Serpentards et sympathisants de Voldemort. Pourtant, il sera envoyé à Gryffondor, développera une passion pour les moyens de locomotion moldu, appelés motocyclettes et fera partie de l’Ordre du Phoenix. Aucune situation n’est déterminante. Il est même toujours possible de se racheter : Regulus est un exemple remarquable. Mangemort, il comprendra son erreur et mourra en cherchant à détruire Voldemort. La mort est le seul frein et on ne se définit pas par son passé.

En revanche, Peter Pettigrew est la figure type du salaud sartrien : lors de la confrontation Sirius/Peter, dans Harry Potter & Le Prisonnier d’Azkaban, il va utiliser les deux mensonges propres de ce type d’individu :

 l’excuse de la nature déterminante « Je n’ai jamais été courageux comme toi ».

 l’excuse de l’obligation « Celui-dont-on-ne-doit-prononcer-le-nom m’a forcé [.. .] Il m’aurait tué ».

Mais, comme Sirius le fait remarquer, il aurait pu se sacrifier, il avait le choix .

L’école platonicienne

Dans le livre II de La République est racontée l’histoire du berger Gygès qui, possédant un anneau d’invisibilité, séduira la reine et tuera le roi. Cet anneau permet donc de démasquer la véritable motivation de nos actes : si l’on ne tue pas le roi, est-ce par crainte ou par moralité ? Cet anneau, tout comme la cape d’invisibilité, permet donc de différencier la personne qui agira conformément à la morale ou alors par devoir.

En effet cette cape est offerte à Harry à la Noël de la première année à Poudlard avec un petit mot « Fais en bon usage ». Et Harry ne commettra pas d’actions immorales avec celle ci (par exemple, il ne tentera pas d’aller voir Ginny se dévêtir dans le dortoir des filles).

Dans le Gorgias, la question suivante est posée «La vie de l’homme vertueux est-elle meilleure que celle de l’injuste ? ». Pour Platon comme pour J.K.Rowling la vertu conduit au bonheur. Les actes cruels, injustes et immoraux souillent l’âme tandis que les actes vertueux la purifient.

C’est ce qui est illustré par Voldemort et ses horcruxes. En effet, pour fabriquer un horcruxe, il faut littéralement déchirer une partie de son âme. Or Tom Jedusor le fera six fois en pleine connaissance de cause.

Sa transformation physique atteste de l’état de son âme : sa beauté de jeune garçon disparaît au fur et à mesure qu’il perd son humanité. Le remords est le seul moyen de se repentir et Harry, au cours du combat final, invite justement Tom à regretter ses actes alors qu’il va mourir.

J.K. Rowling est platonicienne dans le sens où elle discerne l’âme (immortelle) du corps (mortel) comme en atteste par exemple les fantômes. En effet les fantômes sont ces sorciers qui décident de « rester en arrière» au moment de leur mort, «nous ne sommes ni ici ni là bas», dit Nick Quasi Sans Tête .

La confusion entre réel et fiction

Le monde sorcier n’est pas en parallèle avec le monde moldu, au contraire, ces mondes sont juxtaposés et communiquent : il y a la voie 9 ¾ , la cabine téléphonique pour les visiteurs du Ministère, la vitrine de magasin abandonné pour l’hôpital Ste Mangouste etc. Ces mondes coexistent. Ainsi on peut être sorcier et avoir un parent moldu ou même deux.

JKR brouille encore les frontières entre réel et fiction en publiant Les Animaux Fantastiques , Le Quidditch à travers les âges et surtout Les Contes de Beedle Le
Barde
. En effet, en plus d’exister matériellement dans notre monde, ce recueil contient une histoire qui se présente sous forme de conte et qui dit le réel : le Conte des Trois Frères. Harry est un descendant du troisième frère et Voldemort du second ce qui en fait de très lointains cousins.

Avec Luna Lovegood et ses nargoles, il n’est pas facile de distinguer le réel de la fiction : selon elle, les nargoles sont des créatures invisibles qui prospèrent dans le houx. Or comment pourrait-on savoir qu’elles existent si on ne les voit pas ? Personne ne croit à l’existence de telles créatures. Pourtant, les Demiguises sont, elles aussi, invisibles et malgré tout répertoriées dans Les Animaux Fantastiques Seuls les sorciers spécialement entraînés à sa capture sont en mesure de la voir. La demiguise est un herbivore paisible qui ressemble à un singe gracieux avec de grands yeux noirs mélancoliques le plus souvent cachés derrière ses cheveux. Son corps est couvert d’une longue fourrure argentée et soyeuse. La fourrure de Demiguise est particulièrement appréciée car les poils, une fois tissés, permettent de fabriquer des capes d’invisibilité. Alors, comment distinguer le vrai du faux ?

En philosophie, les critères du vrai sont la non contradiction ainsi que l’adhérence d’un postulat à la réalité dont elle parle. Or, pour Berkeley la sortie de soi étant impossible, chaque objet appréhendé, du fait qu’il soit appréhendé est interprété. Il n’y a donc pas de réalité objective, tout n’est que subjectivité. « Le réel n’existe pas, il n’y a que le sujet et ses représentations ». En mêlant le vrai et le faux, J.K . Rowling propose une réflexion critique sur le concept de réalité. Ce que Dumbledore résume par la fameuse phrase prononcée dans le chapitre King’s Cross : “Bien sûr que ça se passe dans ta tête, Harry, mais pourquoi faudrait-il en conclure que ce n’est pas réel ?

La Philosophie de Harry Potter

Du premier au dernier tome, il semble que la saga soit un cheminement initiatique vers
l’acceptation de la mort.

Au fur et à mesure, la mort se fait de plus en plus présente et pressante et l’on est dans l’obligation de remettre en question le rangement de cette œuvre dans le rayon «littérature jeunesse ».

La saga débute par un double homicide, celui de Lily et James Potter. Ces meurtres seront commis par un orphelin et en créeront un autre : Harry, « le survivant ».
Harry et Tom sont donc tous deux orphelins. Or ils entretiennent un rapport opposé à la finitude .

Tout au long de la saga, on croise des personnages qui n’acceptent pas la finitude : Nicolas Flamel qui a conçu la pierre philosophale, le deuxième frère du conte qui se tuera après avoir ramené sa fiancée à la vie, mais aussi Dumbledore qui, bien qu’il sache que la pierre de résurrection était un horcruxe, va être séduit par l’idée de contourner la mort. Et c’est cela même qui va le condamner.

A force de vouloir vivre à tout prix, Tom Jedusor va sortir de sa condition même d’humain : dès le début il n’est ni totalement mort ni totalement vivant et rien ne l’arrête. Alors qu’il survit à peine, il préfère vivre à l’arrière d’un crâne étranger et se nourrir de sang de licorne plutôt que d’accepter sa mort.
« Je suis allé plus loin que quiconque sur le chemin de l’immortel », affirme-t-il.

Il est en quête de l’invulnérabilité or ce n’est qu’un fantasme : « pour un humain, avoir
mal c’est comme respirer », annote Dumbledore au conte Le sorcier au cœur velu. La vie est humaine n’est valable que lorsqu’elle est parsemée de souffrance et d’amour. L’amour est la consolation de la souffrance. Or Tom Jedusor refuse l’un comme l’autre : il prend l’amour pour une faiblesse et fuit la souffrance par sa haine.
Mérope, sa mère, était amoureuse de son voisin moldu Tom Jedusor Senior. Il était beau, elle était laide et c’est grâce à une potion qu’elle le séduit. Or, une fois mariée et enceinte, elle décide d’arrêter de lui en prodiguer. Il l’abandonne en clamant qu’il a été dupé.

Mérope, désespérée, mourra une heure après son accouchement. De cette histoire, Tom Jedusor Jr. retiendra que l’amour a tué sa mère et que son père était haïssable de par sa condition de moldu incapable d’honorer le sang pur de sa mère : pour éviter de souffrir, Tom hait. Cette méconnaissance de la souffrance (et de l’amour) le perdra.

Harry, au contraire, accepte sa propre finitude. Dans La Chambre des Secrets, il se sent mourir et se dit que tout va bien puisqu’il a sauvé Ginny en tuant le journal de Tom. En revanche, c’est la mort de ceux qu’il aime qu’il ne peut accepter : non seulement le deuil de Sirius lui est insupportable, mais, lorsqu’il visite la tombe de ses parents, ce sont des pensées fortes et cruelles qui l’habitent. L’épigraphe est Le dernier ennemi vaincu sera la mort, formule que Harry qualifie de « mots vides » devant  » les restes décomposés de [ses] parents ».
Or, dans le chapitre King’s Cross, Dumbledore (ou plutôt la représentation que se fait Harry de Dumbledore) lui explique que la mort « n’a pas l’air si terrible » : « mourir c’est comme aller se coucher après une longue journée » (L’école des Sorciers).

Harry devient maître de la mort en se sacrifiant, non sans crainte, mais avec acceptation : « Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve » (Hölderlin). Souffrance et mort sont intrinsèques à l’humain. « Philosopher c’est apprendre à mourir », a dit Montaigne, et bien lire Harry Potter c’est aussi apprendre à mourir et dès lors prendre
le chemin de la vie.Do not pity the dead Harry, pity the living, and above all, those who live without loveLa conférence s’est terminée par des applaudissements. On peut donc dire, sans se tromper que l’assistance a été convaincue et emportée par cette heure et demie de cours de philosophie potterienne. Bien sûr, comme l’a dit Monique Chaillan ce laps de temps était bien trop limité pour
faire le tour de la question. En revanche il existe un ouvrage qui pourrait compléter la conférence, validé par l’envoyée spéciale Esther.

Harry Potter, Mythologie et Univers secrets de Willizm Irwin et Gregory Brassham.
En plus d’être rassurée dans l’idée qu’Harry Potter est une oeuvre aussi populaire que
polyphonique, il est toujours bon de se rendre compte que la philosophie n’est pas accessible uniquement à travers des ouvrages complexes ou une terminale littéraire mais qu’elle peut, au contraire, toucher et être comprise par tout le monde, tout comme l’œuvre de J.K.Rowling

P.S. :
Une nouvelle fois, merci beaucoup à Esther et R.L.Moony, qui ont assisté à la conférence et nous ont fait parvenir leur compte-rendu !
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