‘Harry Potter : Science ou Sorcellerie’,vulgarisation scientifique sans une once de magie – Critique
Les prémices du livre Harry Potter : Science ou sorcellerie nous semblaient prometteurs : faire le lien entre magie de la saga et la technologie moldue. Voilà une approche bien amusante, que nous appliquons d’ailleurs régulièrement dans L’académie des Sorciers (ASPIC), notre podcast (sans pour autant nous limiter au domaine de la science) ! Le livre, traduit de l’anglais, nous a pourtant laissé sur notre faim tant il enfonce des portes ouvertes, s’égare dans des considérations hors sujet ou sans intérêt, voire tient des propos incohérents.
Organisée en 4 parties thématiques (Philosophie magique ; Ruses et gadgets magiques ; Botanique, zoologie et potions ; Pot-pourri magique), la structure rencontre très vite ses limites puisque le chapitre consacré au retourneur de temps (Comment fonctionnerait le retourneur de temps d’Hermione ?) se trouve dans la première partie plutôt que la deuxième. Dans la deuxième partie, on trouve la question Comment un magicien peut-il faire de grosses boules de feu ? (est-ce un gadget ou une ruse ?) ; dans la troisième, Peut-on stupéfixer quelqu’un ? et Pourquoi les Mangemorts “de sang pur” ont-ils tort au sujet des races et du patrimoine génétique ?… tandis que la dernière section aborde les capes d’invisibilité, les horcruxes, la pensine, qui semblent pourtant avoir leur place dans la deuxième partie.
Cette désorganisation donne le ton. Chaque chapitre débute par un rappel sur l’élément magique discuté, qui n’apprendra souvent rien aux fans, en plus d’être mal écrit. Nous vous laissons juger l’introduction du chapitre sur le bézoard, ci-dessous :
S’en suivent parfois des anecdotes historiques, parfois des considérations philosophico-scientifiques, qui ressemblent à la logorrhée d’une personne cherchant à aligner un maximum de factoïdes en un minimum de lignes.
Mention spéciale au chapitre sur le quai 9 3/4 et les gares cachées à Londres qui commence par “c’est la photosynthèse qui mène à la révolution industrielle britannique avec la machine à vapeur” ; car les gares n’existeraient pas sans trains, qui n’existeraient pas sans machine à vapeur, qui n’existerait pas sans charbon, qui n’existerait pas sans photosynthèse. Un cheminement de pensée plutôt tiré par les cheveux, qui explique également que “le charbon préserve la lumière du soleil” captée lors de la photosynthèse et que “sa combustion libère de nombreuses années de feu du Soleil”.
Au final, Harry Potter n’est véritablement qu’un prétexte. Le livre ne s’intéresse pas à décrypter scientifiquement les phénomènes magiques dans la saga – comme pourrait le laisser croire le titre “science OU sorcellerie” – mais bien à les comparer, par tous les moyens, à des technologies moldues. Parfois, le lien semble logique, comme dans le cas de la cape d’invisibilité puisque des scientifiques travaillent réellement dessus, mais, souvent, la comparaison tombe à plat. C’est le cas pour les balais volants qui sont rapportés à des fusées. En réalité, si vous suivez attentivement la rubrique technologique de La Gazette, vous retrouverez déjà un bon nombre de technologies abordées dans le livre.
Pour finir, le registre de langage choisi pour la traduction n’est pas du tout adapté et brouille parfois le message ; on a du mal a différencier l’anecdote embellie par les auteurs et les faits authentiques. Plutôt que de nous expliquer ce qu’est « la matière exotique » qui pourrait constituer la Salle sur Demande, on se contente de nous dire que c’est “un truc bizarre”, une bien faible description pour un livre de vulgarisation. Les problèmes en la matière sont bien trop nombreux pour être tous détaillés ici avec un exemple à l’appui : entre phrases à rallonges qui se répètent, oralité, traduction manifestement littérale de l’anglais… certains passages sont illisibles.
« Comme on peut le voir », nous dit le texte, mais le voir où ? Il n’y a aucun schéma…
Le livre n’a pour lui que quelques illustrations plaisantes, qui gagneraient cependant à être complétées par de véritables schémas explicatifs, complètement absents.
Les lecteurs qui aiment sortir une anecdote de leur chapeau lors des soirées mondaines trouveront sans doute ici de la matière pour épater la galerie, mais on leur conseillera plutôt de se tourner vers l’Encyclopédie de savoir relatif et absolu pour ce faire.
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16€ – 256 pages