Critique : « La magie des mots », biopic sur J.K. Rowling
« La magie des mots » (Magic Beyond Words), biopic non-autorisé de la vie de J.K. Rowling, fait régulièrement des apparitions sur le petit écran… Voici notre critique du téléfilm.
Pour commencer, il faut bien se rendre compte qu’un biopic, non autorisé de surcroit, ne sera pas fidèle entièrement à la vie de l’auteur. Largement romancé, le biopic cherchera à vous vendre du rêve et à construire une image incroyablement romantique de son sujet ; en l’occurrence l’auteur de la saga Harry Potter. Les grandes lignes seront bien évidemment respectées, mais les détails ne peuvent être qu’inventés ; et ça se ressent particulièrement dans l’écriture des dialogues. Ce biopic ne fait pas exception à la règle.
Comme vous le remarquerez, je ne vais pas hésite à spoiler, alors, quitte, j’annonce la couleur : à la fin, son livre est publié et elle devient riche ! Comme ça, c’est fait. Après ça, vous me pardonnerez d’autres spoilers plus mineurs. Plus sérieusement, si vous voulez vraiment découvrir entièrement le film par vous-même, je ne sais pas ce qui vous a pris d’ouvrir cette article ; contentez vous de lire la dernière phrase et le post scriptum.
L’avertissement étant donné, attaquons les choses sérieuses.
Des références magiques
Bien que chacun sache que Jo a parfois tiré son inspiration de personnages réels – que la Ford Anglia des Weasley est une allusion à la voiture de son meilleur ami de lycée, par exemple – ce film use et abuse des similitudes, créant des parallèles dès que possible, si bien qu’il s’approche plus par moment du “Shakespeare in Love” que de la retranscription d’une vie humaine crédible. On notera la présence de la forêt de Dean, par moment assimilée à la forêt interdite, la superbe performance du professeur “Rogue” de mathématiques, la répartition menée d’une poigne de fer par un professeur “McGonagall” aux lunettes ronde et à la voix sèche, la chouette blanche sur le blason de l’école primaire, le retour à Édimbourg entre les voies 9 et 10…
Outre ces lourds imports de la fiction vers la réalité, on vous poussera à croire au mythe d’une sorte de destinée miraculeuse ; les textes insisteront lourdement sur ‘la bonne histoire’ avec ‘les bons mots’ qui viendra toute seule, l’impossibilité de montrer le moindre texte tant qu’il ‘n’a pas pris vie’ et la presque prophétique exclamation d’une Jo adolescente refusée en littérature à Oxford qui déclarera pourtant ‘mais je veux devenir auteur !’ Et on placera The Elephant House, le café où JK allait écrire – ou presque – sur ‘Potter Row’, une rue imaginaire sur laquelle le café ne se trouve pas, pour encore souligner cette magie. Vous boufferez du rêve que vous le veuillez ou non ; la réalité ressemblera plus que jamais à un conte de fée.
Au moins, on nous épargne la morale américaine de ‘travaillez dur pour réaliser vos rêves’, on se contente de nos montrer qu’il suffit d’y croire.
La magie d’un film
Malheureusement, ce n’est pas la photographie qui sauvera les fans de ce sentiment de magie artificiellement créé. L’éclairage produit cette impression lisse et irréelle qu’on associe à de mauvais téléfilms mélodramatique, voire à des séries du style ‘Amour, gloire et beauté’ (enfin, moi, c’est à ça que j’associe ce genre d’éclairage, ces contours légèrement flous et ces tons bruns et chauds qui dominent). Quand on sait que le film est entièrement tourné au Canada, on a aussi du mal à ne pas rire devant les tentatives pour nous faire comprendre qu’une scène est sensée se passer dans une rue de Lisbonne en allant piocher dans le cliché de manière très fouillée (hop, je vais poser une Vespa contre ce mur, mettre plein de couleur chaude partout, et on y verra que du feu), ou via des plans larges de la ville (il en va de même pour Édimbourg et Londres, d’ailleurs, qui ont droit à leur plan large dès que possible, pour rappeler qu’on est bien en Écosse, même si tout ce qu’on voit est l’intérieur d’un appartement aux volets fermés).
Je vise ici plus particulièrement la deuxième section du film, ayant lieu à Lisbonne, car c’est celle qui donne le plus l’impression de regarder un série sentimentale de seconde zone, la romance entre Jo et George atteignant des sommets. J’ai particulièrement apprécié la demande en mariage (acceptée) le soir où elle le surprend en train de flirter avec une autre femme. Je me suis dis que, si cette histoire avait réellement eu lieu ainsi, Jo était en effet très bien placée pour parler de “l’amour qui nous fait faire des choses stupides.” Sans compter qu’elle épouse le type qui a servit de modèle à Gilderoy Lockhart… ou plutôt, celui pour qui Gilderoy Lockhart a servi de modèle… enfin, allez savoir.
Cependant, il faut bien admettre que la performance de l’actrice principale, Poppy Montgomery, est loin d’être mauvaise ; on aurait pu craindre qu’elle surjoue, surtout dans un contexte de mélodrame, mais elle fait même une Jo plutôt convaincante par moment, quand le texte l’y autorise (et ça arrive). Bien que son désespoir ne semble jamais réellement intense dans le troisième acte, sa retenue et sa nervosité lors de la publication sont parfaitement crédibles et fidèle à l’image publique de Jo. Et c’est quand même pour ça qu’on regardera ce film.
Pas de surprise au scénario
Bah oui, parce que, l’histoire, au fond, on la connait, de bout en bout ; les études de langues à Exeter, la maladie de sa mère, la passion pour les histoires, le job de secrétaire pour Amnesty International… On en sait même plus que ce que ne montre le film, comme le petit boulot de jeunesse à l’église qui aurait certainement pu se retrouver intégré dans le film comme source d’inspiration pour la Grande Salle, avec des cierges qui se mettraient à flotter…
Mais cette référence là a lieu ailleurs. Je ne dirai pas où cependant, car c’est là tout le plaisir du film ; chercher les allusions se retrouve, dans ce film, élevé à l’état de jeu, particulièrement amusant s’il peut être partagé avec un autre amateur de l’univers d’Harry Potter. J’en ai cité de nombreuses au début, mais ce ne sont pas les seules, et je suis même sûr que certaines m’ont échappées, bien que j’aie vu le film deux fois. En soi, c’est déjà une bonne excuse pour regarder ‘Magic Beyond Words’ et c’est suffisant pour passer un bon moment.
La magie des fans
Alors, certes, ce n’est pas un grand film ; divisé en trois actes (jeunesse ; Portugal ; retour, écriture et publication), il frise parfois le comique tant l’intention de vendre du rêve transpire de chaque plan avec une musique dramatique. Mais n’est-ce pas ce qu’on lui demande ? Ne serait-ce pas précisément ça qui pousserait éventuellement à le regarder ? On rit du mélodrame intense lors du deuxième acte, mais, lorsqu’à la fin les ‘faits’ défilent à l’écran, comme dans tout bon film ‘basé sur une histoire vraie’ de nos jours, je n’ai pas pu m’empêcher d’avoir un pincement au cœur en pensant à ce que voulaient réellement dire ces quelques mots sur mon écran : “Toutes les 30 secondes en moyenne, quelqu’un dans le monde commence à lire un Harry Potter”.
C’est en lisant ces mots que j’ai compris pourquoi j’avais regardé ce film jusqu’au bout, même s’il m’avait semblé ridicule par moment. Et si toutes ces phrases aux consonances prophétiques ne semblent présentes que pour renforcer l’aspect conte de fée, que ce soit la mère de Jo refusant de lui lire une page de plus parce que ‘Juste une page signifie jusqu’à ce que le soleil se lève’ ou Christopher Little déclarant qu’il est ‘persuadé que Harry Potter est l’un de ces livres que les enfants garderont dans leur bibliothèque longtemps après avoir passé l’âge’, on leur pardonne quand même, parce qu’on a envie d’y croire.
On a envie d’y croire, simplement parce que c’est aussi un peu notre histoire.
PS ; petit défi : essayez de voir ce qui cloche avec le livre qu’elle reçoit lors de la première publication.
Cet article fut à l’origine publié sur le blog de la Gazette le 29 décembre 2011. Afin de simplifier la navigation, nous rapatrions actuellement ces articles sur le site principal et en profitons pour ressortir certaines archives de leur tiroir.