J.K. Rowling interviewée par la BBC à propos de La Carrière du Mal
Les enquêtes policières de Strike continuent sur BBC One, après L’Appel du coucou et Le Ver à Soi, c’est au tour de La Carrière du Mal d’être adapté, en deux épisodes d’une heure chacun. Robert Galbraith, alias J.K. Rowling, discute de l’écriture de sa saga policière et de son évolution. Une interview traduite par la Gazette.
Vous nous emmenez enfin hors de Londres dans La Carrière du Mal. Est-ce un choix délibéré ?
La Carrière du Mal était un défi car il n’y a que trois suspects. J’aime me poser ce genre de défi, puis me maudire aux deux tiers du processus d’écriture en me demandant ce qui m’a pris de faire ça.
Il était invraisemblable que ces trois suspects se trouvent comme par hasard à Londres. J’ai donc choisi avec beaucoup de soin leur ville d’origine. J’ai choisi deux endroits où je ne suis jamais allée, même si je vis en Écosse depuis près de trente ans. Je voulais qu’ils viennent d’une de ces jolies villes frontalières ; mon mari a suggéré Melrose, ce qui convenait parfaitement. Quant à Barrow-in-Furness, c’est un endroit vraiment extraordinaire ; c’est une ville très particulière, unique en son genre, dense et ouvrière. Je voulais un contraste.
Londres a radicalement changé au cours de ces 20 dernières années. Cela vous a t-il donné plus de liberté que l’aurait fait une autre ville du Royaume-Uni ?
Il y a d’autres villes. J’ai vécu à Manchester pendant un moment et j’ai adoré, et je vis maintenant à Edimbourg. Edimbourg est trop petite pour accueillir deux détectives fictifs, et Ian Rankin était là avant moi. John Rebus règne sur Édimbourg et c’est très bien comme ça. Je savais qu’il ne fallait pas le baser là-bas.
Je connais assez bien Londres, j’ai toujours eu de la famille là-bas, j’y ai vécu. Mais la particularité de Londres, c’est qu’elle est si grande et qu’elle change si vite, qu’elle peut accueillir un nombre infini d’œuvres de fiction. Je n’avais pas l’impression de faire de l’ombre à d’autres détectives si le mien y travaillait également, donc c’était mon premier choix.
Est-ce que vous écrivez de façon visuelle ? Est-ce que vous écrivez en pensant que votre texte pourrait devenir un film ou une série télévisée ?
Non, pas du tout. Je suis un écrivain très visuel, je vois les choses très clairement dans mon esprit, ou, dans le cas des enquêtes de Strike, je décris ce que je vois devant moi. Mais je n’ai jamais écrit de roman en pensant à une quelconque adaptation.
Pensez-vous que nous avons négligé le côté plutôt romantique des histoires de détectives ces dernières années, à cause des évolutions technologiques et culturelles du Royaume-Uni?
C’est un défi de créer un héros qui ne fait pas partie de la police. Aujourd’hui, nous avons évolué vers des héros qui œuvrent au sein des forces de l’ordre, et pour d’excellentes raisons, puisqu’alors, vous avez accès à toutes ces pièces à conviction, c’est assez incroyable.
Mais les détectives privés existent encore, et beaucoup d’entre eux ont d’abord fait carrière dans les forces de l’ordre. Beaucoup de gens sont sous protection étroite, les détectives sont des anciens de la police militaire, ou d’anciens gendarmes. C’est un monde fascinant. Il est beaucoup plus facile de se focaliser sur un individu en particulier, l’échelle est beaucoup plus réduite. À cause de cette idée que j’avais de relation entre cet homme et cette femme, je devais placer mon histoire dans ce cadre là. Si je les avais placés tous les deux du côté des forces de l’ordre, la dynamique entre eux aurait été tout à fait différente. Je voulais explorer une échelle beaucoup plus petite et une relation beaucoup plus personnelle.
C’est différent dans le sens ou ce n’est pas procédurier.
Ce n’est pas procédurier. C’est intéressant d’un point de vue narratif, parce que je peux créer des intrigues qui sont amenées de manière très variées. L’Appel du Coucou, qui est évidemment une affaire classée, est probablement le plus procédurier de tous les romans que j’ai écrit. L’intrigue se déroule avec l’enquête. Le Ver à Soie est tout à fait différent, avec l’idée du roman dans le roman.
Vous évoluez dans des milieux bien particuliers avec les deux premiers livres, mais dans La Carrière du Mal, on se rapproche beaucoup plus du monde très spécifique de Strike. Avez-vous senti que c’était le bon moment pour le faire ?
Tout à fait. Bien que chacun des livres soit bien sûr une enquête en elle-même, j’ai une histoire plus longue à raconter, qui est celle de Strike et Robin eux-mêmes. Le fil rouge concerne ces deux personnages et ce qui leur arrive personnellement, c’est surtout ça que je garde à l’œil.
Pour sa première enquête, je voulais que Strike se fasse un nom, et donc qu’il résolve un cas très médiatisé. Dans Le Ver à soie, il s’occupe du meurtre de quelqu’un qui voulait à tout prix être célèbre sans y parvenir, donc ça n’allait pas me permettre de faire ce que je voulais, c’est à dire, rendre Strike bien plus célèbre que ce à quoi il s’attendait.
Vous dites que vous êtes souvent obsédée par le passé de vos personnages. Vous devez avoir rassemblé beaucoup d’informations sur Strike au moment où vous êtes arrivée à La Carrière du mal. Aviez-vous pensé à tout les éléments que vous deviez inclure ?
Tout au long des trois premiers livres, j’ai semé des indices pour la suite de la série. Je sais déjà où il va aller et j’ai déjà mentionné certaines choses qui devaient être mentionnées. J’ai mentionné des personnes qui devaient l’être, parce que vous les rencontrerez dans de prochains livres.
C’est une question de savoir vraiment qui ils sont, et de l’utiliser par la suite. J’aime lire des livres de toutes sortes, pas seulement des romans policiers. Quand je sens que l’auteur maîtrise vraiment son univers, j’ai l’impression d’être entre de bonnes mains. Il sait tout, je n’ai pas besoin de m’inquiéter, il a tout prévu. J’aime ce sentiment quand je lis un livre. C’est le genre de livre que je veux écrire.
Retrouvez les enquêtes de Cormoran Strike version littéraire :
L’appel du coucou
Le ver à soi
La carrière du mal
L’interview en anglais ICI