OPINION – Le quidditch est ridicule, et alors ?
On dit souvent que les fans d’Harry Potter sont les plus ouvert.e.s d’esprit, qu’iels ont appris dans leurs lectures de la saga la tolérance, le respect, l’amour de soi mais également celui des autres. Ce n’est pas pour rien que la Harry Potter Alliance lutte pour les causes les plus variées au travers de la saga, ou que les fans portent un amour inconditionnel à Luna Lovegood, victime de harcèlement et sans doute l’un des personnages les plus justes et nobles de l’histoire.
Pourtant, lorsqu’on aborde le sujet du quidditch, cette tolérance semble s’évanouir dans la nature chez une grosse partie des fans.
Un sport ridicule, où les joueurs.euses se prennent pour des sorcier.e.s en courant sur des balais sans voler, et où le vif d’or est remplacé par un humain avec une balle de tennis accroché au short. Sérieusement, faut arrêter !
Après avoir suivi les balbutiements du sport à son arrivée en Belgique, avoir été joueur, capitaine et président d’un club, arbitre de vif et arbitre assistant, et avoir couvert une grande partie des événements majeurs internationaux du sport pour la Gazette comme la Coupe du Monde 2018 à Florence, je pense sincèrement que ce sport n’a rien de ridicule… Ou bien si, justement, il est aussi ridicule qu’un match de football ou de rugby, qu’une course de voitures ou qu’un tournoi de hockey. C’est bien ça qui en fait le charme et la beauté, surtout quand le ridicule est assumé.
Un balai qui ne vole pas
Hahaha, c’est marrant, ils.elles ont un balai dans le derrière !
Sérieusement, s’il ne vole pas il sert à quoi ce balai ?
En effet, les tubes de PVC n’ont jamais été connus pour leur capacité volante extraordinaire. Mais ça n’a jamais été recherché non plus, figurez-vous !
Le rôle du balai dans le quidditch dit moldu, est multiple, et il est essentiel à l’équilibre du sport et à son fonctionnement propre.
Avant toute chose, c’est un handicap majeur. Du même type qu’être obligé de dribbler pour avancer avec la balle lors d’un match de basket, ou de devoir faire ses passes uniquement en arrière quand on joue au rugby. Au quidditch, il faut apprendre à courir, sauter, attraper une balle ou plaquer un joueur… avec une main sur le balai. C’est ce qui fait que le quidditch est le quidditch.
Mais c’est également un moyen de différencier le.a joueur.euse en-jeu de celui/celle hors-jeu. Quand un.e joueur.euse perd son balai ou qu’iel est touché.e par un cognard, iel ne peut plus prendre part au match tant qu’iel n’a pas été toucher les anneaux de son équipe pour le réenfourcher. C’est donc une indication pour ses coéquipier.e.s, mais aussi ses adversaires et les arbitres !
Le tube de PVC est, quant à lui, un choix sécuritaire. Souple et fragile à la fois, il diminue les risques de blessures liées au balai durant un match, notamment suite à un contact. Il se brise plus facilement que du bois, et de manière plus nette, évitant les échardes. Plus léger à porter, il est également plus maniable.
Un vif d’or… humain ?
Le vif d’or c’est sérieusement une personne avec une balle accrochée au short ?
Ce serait tellement plus classe avec un drone auto-guidé !
Et puis, il doit être super facile à attraper…
Techniquement, dans les règles, le vif d’or c’est la balle qui pend à l’arrière du short de l’arbitre neutre, tout de jaune vêtu.e, appelé.e porteur.euse de vif. C’est d’ailleurs pour ça que c’est la balle qu’il faut attraper, et pas l’arbitre en lui/elle-même.
Alors certes, c’est légèrement différent de la saga. Parce que le sport est inspiré du monde magique. Dès le début, on se doute bien qu’on ne va pas le reproduire à l’identique… et heureusement, ai-je envie de dire ! Vous imaginez un peu le nombre de blessés à chaque rencontre ? Déjà qu’il y en a avec les règles actuelles… Mais ça reste une balle, plutôt difficile à attraper.
Pourquoi ? Parce que le.a porteur.euse du vif est là pour la défendre justement : sans balai, libre de ses mouvements, beaucoup plus agile que les attrapeurs.euses qui essaient de l’atteindre, iel a surtout beaucoup plus de possibilités physiques ! Arrachage du balai d’un.e joueur.euse pour le mettre hors-jeu, utilisation d’un.e attrapeur.euse comme bouclier humain face à son adversaire, mises au sol,… chaque porteur.euse de vif apportera son style et sa vision au rôle !
Et tout ça sans compter les batteurs.euses et leurs cognards, les équipes en retard au score qui doivent défendre le vif pour éviter qu’il ne soit attrapé, et la condition physique des attrapeurs.euses qui ont, bien souvent, joué un autre poste sur le terrain en début de match. Les règles prévoient même une série de handicaps pour rendre la tâche du.de la porteur.euse du vif de plus en plus difficile, et voir le match se terminer un jour.
C’est l’une des phases les plus impressionnantes du match pour les spectateurs.trices tant la débauche d’énergie est importante.
Le remplacer par un drone n’aurait pas beaucoup de sens.
Certes, on se rapprocherait plus de la saga originale, mais à nouveau, ce n’est pas le but recherché. Et le drone rajouterait plus d’aléatoire dans le sport, puisqu’il pourrait favoriser une équipe en restant plus proche de ses anneaux plus longtemps par exemple ; ou il serait trop prévisible s’il était codé plus strictement. Il pourrait également être mis au tapis par un lancer de balle ou un choc avec un joueur, anéantissant toute difficulté.
Mais par dessus tout, il serait dangereux pour les joueurs.euses et le public. Même un modèle dont les hélices sont protégées d’une cage, un minimum pour éviter entre-autre les entailles aux doigts lors de l’attrapage, pourrait rencontrer la tête d’un.e joueur.euse, ou sa nuque s’iel ne fait pas attention, et causer d’autres blessures en tout genre.
Un sport ouvert, mais surtout accessible, à tous et toutes
J’aurais presque dû commencer par là, tellement c’est l’essence même du quidditch et de sa communauté. Le quidditch est un sport en avance sur son temps, qui cherche à s’émanciper des clivages homme-femme qui régissent notre société. Le fait qu’il soit l’un des seuls sports de contact obligatoirement mixte, puisque les équipes ne peuvent pas jouer avec plus de 4 personnes du même genre sur le terrain, n’est que la partie visible de l’iceberg.
Le sport et sa communauté reconnaissent en effet le genre que la personne a choisi, au-delà de son genre civil. Chacun.e est libre d’être ce qu’iel veut, ou se sent être. Le quidditch reconnait notamment les genres non-binaires, les personnes qui ne se sentent ni homme ni femme, ou celleux qui se sentent un peu des deux à la fois.
Et pour aller plus loin, l’acceptation et la tolérance, des valeurs communes aux fans d’Harry Potter, ne se limitent pas aux genres sur le terrain. En effet, c’est également le cas d’un point de vue physique. Chacun trouvera sa place dans une équipe, qu’iel soit sportif.ve ou non au départ, et quelque soit son gabarit. La diversité du sport, des stratégies qui peuvent être mises en place et des différents postes qui peuvent être occupés sont évidemment des éléments essentiels qui participent à cette acceptation, mais l’ouverture d’esprit des quidkids (les joueurs.euses de quidditch) est encore bien plus importante.
Le sport a d’ailleurs touché une communauté plus large que les fans d’Harry Potter, puisque de nombreux.ses joueurs.euses n’ont jamais lu ou vu un seul épisode de la saga.
Ridicule ? Peut-être.
Alors certes, on peut aimer ou ne pas aimer ce sport, chacun.e est libre d’y voir un réel intérêt ou d’en faire abstraction complète. On peut l’essayer et y adhérer, dans une des nombreuses équipes françaises ou belges, suivre son développement et les prochains grands événements à venir, ou simplement continuer sa vie sans s’y intéresser. Mais il serait peut-être temps d’arrêter de s’en moquer, non ?
Oui, le quidditch est ridicule, mais c’est comme ça qu’on l’aime.