PotterAfter – La Passeuse de Mots et interview de Alric et Jennifer Twice
Pour ce nouveau PotterAfter, nous vous proposons de découvrir La Passeuse de Mots de Alric et Jennifer Twice, un couple d’auteurs français, présents sur Instagram sous le pseudonyme @aj.twice. La saga est prévue en sept tomes, dont quatre sont déjà parus.
L’histoire
Dans le royaume de Hélios, les mots ont un pouvoir immense, ils peuvent créer, aider et même détruire. Arya, une jeune passionnée de livres, ignore qu’elle détient la clé pour sauver son royaume, le seul à avoir restreint la magie par un traité, que les rebelles sont prêts à tout pour éradiquer.
Alors que des bouleversements se profilent, les Mots se réveillent et attendent leur Appel… celui de la Passeuse de Mots.
« La plupart des humains ne font qu’exister, parce que vivre est bien plus compliqué. C’est ce que j’ai fait pendant des années. Cette fille, elle embrasera le monde. Elle deviendra un feu de forêt, terrible et beau à la fois. »
Alric et Jennifer Twice La Passeuse de Mots, tome 1
Pourquoi vous proposer ce livre ?
Avez-vous déjà eu cette sensation lorsque vous ouvrez un livre, que dès le premier paragraphe, vous vous dites « mais attends, iel parle de moi, là » ? Comme si chaque mot était spécialement choisi pour vous ? Comme si l’auteur vous parlait directement, révélant une partie de vous-même à travers ses phrases ? C’est exactement ce que j’ai ressenti en plongeant dans La Passeuse de Mots. Dès les premières lignes, chaque mot semblait murmurer à mon oreille, comme si ces livres n’avaient été écrits rien que pour moi, dans un univers où l’aventure et l’émotion se mêlent avec une rare intensité. On ne lit pas simplement l’histoire, on la vit. Page après page, on se sent irrésistiblement entraîner dans le sillage des protagonistes, partagé entre l’envie de ralentir pour savourer chaque mot et le désir irrépressible de découvrir la suite. Il s’en dégage une telle empathie, que l’on se surprend à vouloir se battre aux côtés des héros, à explorer avec eux des contrées inconnues, à maîtriser toutes les langues et dialectes, et à dérober tous les trésors en compagnie des voleurs.
Si le premier tome s’inscrit plutôt dans un registre jeunesse avec son ambiance légère et parfois naïve, les tomes suivants s’apparentent davantage à du young adult, évoluant vers des atmosphères plus sombres et plus oppressantes. Les thèmes abordés sont universels et tout aussi anciens que les mythes et légendes desquels ils sont inspirés, et pourtant toujours d’actualité – la quête de soi, la recherche d’identité, l’amitié indéfectible, ou la puissance dévastatrice des mots. La manière dont sont traités les Mots, offre une réflexion sur leur capacité à façonner notre réalité, à tisser des liens ou à les défaire. C’est comme si chaque phrase portait en elle une étincelle de magie, cette petite pincée de sagesse intemporelle qui n’est pas sans rappeler les glorieux discours de Dumbledore.
Les personnages
L’une des forces de cette saga réside indéniablement dans ses personnages, Arya, Killian, Saren, Alric et tant d’autres. Je me suis beaucoup retrouvée en Arya, la protagoniste principale, cette jeune rêveuse, qui préfère la tranquillité des livres à la brutalité du monde extérieur. Au début, elle apparaît comme une jeune fille un peu naïve, douce et introvertie, mais au fil de ses aventures, elle se forge une personnalité forte et indépendante. Elle apprend à affronter ses peurs et à surmonter les nombreux défis qui se dressent sur son chemin. Ses moments de bravoure sont aussi marqués par des instants de vulnérabilité qui rendent son parcours aussi touchant que réaliste. C’est un peu le reflet de cette transformation intérieure que nous connaissons tous, le passage de l’innocence à la maturité.
Et que dire de Killian ? Il incarne une séduction brute, un esprit libre et rebelle qui fascine autant qu’il agace. Oui bon, mon avis le concernant est complètement biaisé… En même temps comment voulez-vous résister à un homme du désert, qui manie le sarcasme aussi bien que ses dagues, et amoureux des étoiles, en plus de ça ? Question purement rhétorique, parce que c’est impossible, j’ai (pas) essayé.
Et puis, comment ne pas mentionner Saren et Alric, les deux autres piliers de cette saga ? Ces deux-là apportent une dynamique toute particulière à l’histoire. Leur amitié indéfectible et leur loyauté sans faille envers leurs compagnons d’aventure sont le ciment qui maintient l’équilibre fragile de ce monde en perdition. Ils sont les héros discrets, ceux qui subissent tout de plein fouet sans se plaindre, ceux qui agissent dans l’ombre sans jamais demander la gloire ou la reconnaissance, ceux qui ne connaissent que trop bien la limite à ne pas dépasser. En bref, les personnages de cette saga sont bien plus que de simples protagonistes et ils continueront à hanter mes pensées bien longtemps après avoir refermé le dernier tome.
Alors si vous aimez vous plonger dans des histoires où chaque mot à son importance et que vous n’avez pas peur de verser quelques larmes, la saga La Passeuse de Mots est faite pour vous !
Entretien avec Alric et Jennifer Twice
Comment avez-vous commencé à écrire ensemble ? Quelle a été l’inspiration initiale ?
Il était une fois, deux âmes qui se sont rencontrées en 2013, qui se sont sauvées mutuellement et ont réalisé leur rêve ensemble. Notre passion pour l’écriture et la lecture nous a immédiatement rapprochés et a construit une base très solide dans notre amitié (spoiler alert, aujourd’hui, nous sommes mariés). À cette époque, nous traversions, l’un comme l’autre, une période compliquée et sombre dans notre vie personnelle et professionnelle. L’écriture étant directement liée à nos états d’âme, ce mal-être créait des blocages difficiles à surmonter. Le syndrome de la page blanche a été notre plus grande hantise, car lorsqu’on n’écrit pas, c’est comme s’il nous manquait une part essentielle de nous-mêmes. Alors, pour retrouver l’étincelle d’écriture, nous nous sommes imposés des exercices d’écriture. Chaque jeudi, un thème différent. Le principal était de remplir le vide, même avec une phrase, un simple paragraphe. De fil en aiguille, la flamme s’est ravivée, la plume s’est remise à griffonner avec ardeur sur le papier. Jusqu’à ce que, au bout d’un mois environ, un thème s’est démarqué plus que les autres : « Réinvente notre rencontre amicale ». L’un s’est imaginé une scène sur le Chemin de Traverse où nous étions des futurs élèves de Poudlard (Serpentard & Serdaigle), et l’autre a posé les prémices de La Passeuse de Mots. L’histoire d’une jeune fille perdue dans un royaume où les mots devenaient interdits, où une force inconnue brûlait les livres et opprimait les porteurs de magie. Un prince venait la sauver. C’était un peu le miroir de notre propre expérience, de notre mal-être à cette période. On a essayé de continuer les thèmes du jeudi, mais nous revenions sans cesse vers cette histoire (dont le titre n’a jamais changé). On s’est dit : « Il faut en faire un livre ». Notre instinct nous dictait que cette histoire serait très importante pour nous, et il ne se trompait pas… elle ne nous a jamais quittés. De 2014 à 2018 nous avons élaboré les deux premiers tomes de cette saga fantasy qui en comportera sept en tout (et ce n’est pas un hasard… !) jusqu’à l’édition en 2021.
Pouvez-vous nous parler un peu de votre processus d’écriture collaboratif ? Comment gérez-vous les désaccords créatifs qui peuvent survenir ?
Jennifer : Une chose primordiale, la communication. Dès lors que nous nous lançons dans un projet d’écriture, il est important pour nous de communiquer, d’écouter l’autre et d’échanger. Surtout lorsqu’on écrit une saga puisqu’elle va s’étaler sur de nombreuses années ! La partie que je préfère dans l’écriture d’un roman, c’est le brainstorming, les recherches d’idées, créer le scénario, détailler les scènes, l’attitude des personnages, trouver les plots twist, poser les indices… Bref, tout ce qu’il y a AVANT l’écriture ! Même si, une fois devant mon ordinateur, je prends plaisir à donner vie à tout ce qu’il y a dans ma tête.
Alric : Pour ma part, j’aime aussi cette période d’émulsion d’idées mais je suis plus en phase avec le processus d’écriture en lui-même. J’aime la beauté des mots, voir les phrases s’aligner, s’emboiter les unes avec les autres. J’aime que les mots prennent vie sous mon clavier. Rien n’est plus incroyable qu’une histoire qui prend forme dans la matière.
Nous pouvons affirmer que nous sommes très fusionnels, très complémentaires dans notre manière de travailler, et nous pensons que c’est ce qui fait aussi notre force. C’est aussi pour cela que nous avons choisi notre pseudonyme Twice : deux fois plus d’idées, d’inspirations ! Et concernant les désaccords créatifs, nous risquons d’en décevoir plus d’un.e, nous n’ en avons jamais eu ! Enfin… si ce n’est – et on préfère le mentionner – sur la longueur de cheveux des personnages masculins et peut-être, de plus en plus, sur le destin de certains personnages… Mais nous trouvons toujours des compromis !
Comment se répartit le travail entre vous deux ? Avez-vous des rôles spécifiques dans le processus d’écriture, ou écrivez-vous ensemble ?
Au bout de presque 10 ans d’écriture, nous avons remarqué à quel point nous avons évolué. Tant dans le processus d’écriture que dans la méthode. Lors de l’écriture des tomes 1, 2 et 3, une fois les bases de l’intrigue posées sur un plan/une frise, nous développions tous les chapitres et nous nous partagions les scènes avec lesquelles on se sentait le plus en phase et confortables, puis nous écrivions chacun nos parties avant d’harmoniser nos plumes pour finaliser le chapitre en question. Pour le tome 4, nous avons revu entièrement notre façon de travailler. On développait toujours autant les chapitres, mais cette fois, nous nous les sommes partagés (il y a de rares chapitres où nous avons écrit ensemble dans ce tome, même si nous posons toujours notre propre patte sur les écrits de l’autre pour les fusionner). Et pour la première fois, nous avons fait des premiers jets ! Chose que nous pensions impossible, car il faut savoir que pour les trois premiers tomes, un chapitre commencé devait être parfait une fois terminé. Cela demandait davantage de temps, vu le niveau de perfectionnisme et de contrôle qu’on s’infligeait. Mais pour ce quatrième tome, la méthode du premier jet nous a permis d’avancer plus vite et, au final, d’être bien plus satisfaits de notre texte et de sortir de notre zone de confort. Cela nous a apporté une toute autre vision de l’écriture.
Quels sont les auteurs ou œuvres de fantasy qui ont eu le plus d’influence sur votre travail ?
Harry Potter a bien sûr eu beaucoup d’influence sur notre travail. Nous avons grandi avec, alors il y a une énorme part de nostalgie. On peut trouver quelques clins d’œil dans La Passeuse de Mots. C’est cette œuvre, en partie, qui nous a donné l’envie de créer des univers magiques et de les partager avec le plus grand nombre. De rassembler autour d’une histoire des gens de tous les horizons (et on en profite pour repartager les mots d’Emma Watson, en ce beau mois de la pride : « I’m here for all the witches.« ). Le Seigneur des Anneaux, bien entendu. Pour cette longue quête initiatique, cet esprit de communauté. Le tout premier livre qui lui nous a donné envie de lire (et donc par extension d’écrire), c’est Matilda de Roald Dahl. Cette œuvre nous a beaucoup marqués, et nous a plongé dans cette passion pour les livres et la magie. Il faut savoir aussi que les mangas nous ont beaucoup inspirés (que ce soit pour les personnages, ou notre légendaire « sloooow buuurn »!), notamment Inuyasha de Rumiko Takahashi.
Vos livres regorgent de dialectes et de langues inventées, pouvez-vous nous parler du processus de création de ces dernières ? Comment les développez-vous ?
La langue que nous utilisons le plus dans La Passeuse de Mots est le Solzarien, la Langue du Désert. Nous nous sommes beaucoup inspiré des langues orientales. Elles avaient la sonorité parfaite, à la fois dure et chantante (beaucoup de son « Kr », « q », « an »). Lorsque nous voulons créer un mot/une phrase, nous utilisons tout simplement différents dictionnaires de langues, et nous faisons un mélange de plusieurs mots existants, nous les travaillons jusqu’à ce que le mot sonne bien, et soit visuellement satisfaisant. Nous n’avons pas la prétention d’avoir « inventé » une langue à la Tolkien. Nous n’avons pas de conjugaison, de grammaire, c’est davantage un lexique, avec des mots courants, utiles (et beaucoup de gros mots… oups !). Cependant, nous faisons toujours en sorte de respecter une cohérence. Les mots négatifs ont souvent des sonorités rugueuses, les mots doux sont plus mélodieux. Nous utilisons toujours les mêmes mots de liaison. Si « Nessa » veut dire cœur, « Nessa ar Nessa » signifie « cœur à cœur », et « Nessahim« , « la porte du cœur », c’est à dire un confident.
Comment développez-vous vos personnages ? Est-ce un effort collaboratif dès le début, ou chacun propose-t-il ses propres protagonistes ?
Ça va paraître un peu étrange, mais c’est souvent les personnages qui viennent à nous, au gré de l’aventure. Nous ne sommes pas du genre à faire des fiches personnages hyper détaillées, avec toutes les caractéristiques physiques ou morales. Par exemple, le personnage de Killian Nightbringer est parti d’un simple postulat « Un jeune voleur masqué, aussi nonchalant et mystérieux que les personnages masculins de mangas ». Au final, on a appris à le connaître au fil de l’histoire, on l’a laissé nous surprendre, nous dévoiler son passé, ses peurs, ses désirs. On laisse notre imagination vagabonder, et c’est ce qui est amusant. Au final, on se retrouve avec des personnages très complexes, bien loin du cliché initial, presque réels. Il n’y a que les aspects des personnages directement liés à l’intrigue que nous travaillons vraiment en amont, leur mission/motivation, ainsi que leur fin. Chacun des personnages évoluent, grandis au fil de l’histoire, de nos idées respectives. Nos personnages sont toujours un mélange de nous deux, et c’est ce qui les rend, sans doute, si riches. Il arrive que des personnages prennent beaucoup plus d’importance dans l’histoire qu’on ne l’imaginait et nous dépassent.
Y a-t-il un personnage en particulier qui vous tient à cœur, ou qui vous ressemble ?
Tout à fait, d’autant que certains personnages sont en grande partie inspirés de nos proches (les parents d’Arya, le prince Abel…), alors ils sont d’autant plus précieux à nos yeux. Et puis, c’est une saga très personnelle, dans laquelle on met des bouts de notre âme, forcément, il y a un effet miroir entre nous et nos personnages. Arya Rosenwald, l’héroïne, ressemble beaucoup à Jennifer, avant tout par son hypersensibilité, sa façon de gérer l’intensité de ses émotions, de nouer des liens très forts avec les autres. Mais aussi son amour pour les livres, sa passion pour le sucre ! Ce qui est assez incroyable, c’est que son évolution suit de très près la nôtre. À chaque tome, son état d’esprit est directement lié au nôtre sur le moment, comme si nous progressions et apprenions les leçons en même temps qu’elle. Dans le tome 1, nous devions faire preuve, comme elle, de courage. Pour nous lancer dans l’aventure, sortir de notre cocon, rencontrer les bonnes personnes. Dans le tome 4, la pression nous a accompagnés tout au long de l’écriture, et c’est exactement le Mot qui a marqué Arya.
Alric : Le personnage d’Alric est celui qui nous tient le plus à cœur. Choisir ce prénom, n’a rien à voir avec un quelconque narcissisme. C’est justement parce que l’affinité entre ce personnage et moi était telle, que Jennifer a voulu qu’on le partage, tel un hommage, une preuve d’amour. C’est à travers lui que je déverse mes angoisses, que je déverse (métaphoriquement) mes démons, que je me guéris. C’est très cathartique. Un personnage journal intime, en quelque sorte. Jusqu’à un certain point, bien sûr (je vous rassure, je ne bois pas du sang). Du coup, il arrive parfois que les dialogues entre Arya et Alric soient un échange entre Jennifer et moi.
L’hypersensibilité occupe une place importante dans vos œuvres, est-ce un aspect qui reflète votre quotidien ou vos expériences personnelles ?
Jennifer : Il faut savoir qu’à l’époque où nous avions commencé l’écriture de la saga (2014), nous n’avions jamais entendu parler d’hypersensibilité. Cette histoire, c’était avant tout pour nous sauver. Un peu comme les Horcruxes, mais dans une version plus positive, nous avons déposé des morceaux de nous-mêmes : dans chaque mot, entre les lignes et dans chacun de nos personnages. Lorsque le personnage d’Arya a commence à prendre vie, j’y ai déversé une grande partie de moi-même. Une jeune fille insouciante, aux émotions décuplées, qui se sent incomprise et à qui on a souvent reproché sa différence.
Alric : Il en a été de même pour moi, avec le personnage qui porte mon nom. Tout au long de ma vie, je me suis construit une carapace, par peur de montrer mes émotions, bien souvent incompris de ce monde. Notre rencontre nous a permis aussi d’évoluer et d’accepter qui nous étions. Sans le savoir, nous avions fait naturellement de cette histoire une ode à l’hypersensibilité, parce que c’est ce que nous sommes. Aujourd’hui, on rassemble les personnes qui nous ressemblent, et nous souhaitons montrer qu’être hypersensible, c’est une force, et non un fardeau.
Un grand merci aux auteurs d’avoir accepté de répondre à ces questions, ainsi qu’à Sarouille_lrn de nous avoir autorisé à utiliser ses dessins.
Commander ce livre
Alric et Jennifer Twice, La Passeuse de Mots. Hachette Romans. 736 pages, 20 €.
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