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Harry Potter et le patriotisme russe

A l’image de nombreux autres pays, Harry Potter est et a toujours été extrêmement populaire en Russie, même si régulièrement accusé de « promouvoir la sorcellerie auprès des jeunes » ; aujourd’hui encore, il fait partie du top 10 des livres pour enfants et jeunes adultes les plus vendus dans le pays.

Ce succès persistant a eu entre autre pour conséquence de donner naissance à de nombreuses parodies et de faux tomes de la saga à la sauce russe, respectant plus ou moins les principes des livres originaux. Si certains peuvent être amusants pour les enfants, avec leurs références à la pop-culture locale, d’autres vont plus loin dans le détournement, allant jusqu’à utiliser leurs versions pour promouvoir une idéologie aux antipodes des valeurs défendues par la saga.


Les parodies de Harry Potter ont vu le jour au début des années 2000 en Russie, peu après la publication des traductions russes des premiers tomes. Ces versions détournées proposaient généralement les aventures d’un jeune sorcier au nom fortement inspiré de celui de Rowling, tels que « Harry Proglotter » ou « Porry Hatter », et le récit suivait une structure similaire à celle des versions officielles.

Et alors que J.K Rowling a truffé ses romans de références à la culture et au mode de vie britannique, de nombreux auteurs de parodies ont saisi l’occasion pour adapter les références culturelles, et ont ainsi dépeint dans leur livre une vision de la Russie des années 2000 avec une précision et une honnêteté peu courante dans la littérature jeunesse contemporaine : on peut notamment y trouver des références aux « nouveaux Russes », à la mafia, mais aussi quelques moqueries à l’égard de politiciens.

tanya_grotter.png La majorité de ces adaptations culturelles semblent innocentes ; il s’agit souvent de transposer le cadre britannique de la saga dans un autre plus familier aux jeunes lecteurs, et de lier l’intrigue du roman à l’histoire du pays. Par exemple, dans la version de Tanya Grotter, les Dursley sont remplacés par le riche clan moscovite Durnev, où l’oncle Hernan Durnev est un député qui rêve de devenir président. [De telles transpositions culturelles ont également été régulièrement pratiquées en France jusque dans les années soixante-dix ; allez donc jeter un coup d’œil à la version originale du Club des Cinq… ]] Les références aux contes traditionnels russes sont également bien présentes, avec l’ajout du personnage de [Kochtcheï par exemple.

Mais parfois, ces modifications vont beaucoup plus loin. Bien trop obscures pour être comprises par les enfants, elles sont associées à des idées dangereuses qui persistent dans la société russe. Par exemple, dans la série Porry Hatter, Harley (version parodique de Hagrid) explique à Porry (version parodique de Harry) que les elfes de maison, une espèce magique récemment libérée de l’esclavage et guidée par un personnage nommé Martin Luther King Junior, ont commencé à se battre entre eux, à voler, mendier, ou écouter du rap depuis qu’ils ont obtenu la liberté. Les exemples de ce genre sont nombreux ; slogans antisémites, blagues homophobes, discrimination, sont monnaie courante dans ces faux tomes de Harry Potter, alors que la saga originale prône des valeurs diamétralement opposées.

children_vs_wizards.png Une autre version détournée de Harry Potter, intitulée Children VS Wizards, présente Harry Potter comme le grand méchant, leader d’un mouvement de sorciers qui aurait attiré dans ses rangs des orphelins russes, et s’apprêterait à conquérir la Russie, le « dernier pays libre », avec des alliés portant des noms traditionnellement juifs, tandis que les défenseurs de la Russie – des enfants membres du KGB – et de ses valeurs chrétiennes, seraient tous blonds aux yeux bleus et guidés par un lieutenant-colonel au patronyme russe. De nombreuses références plus ou moins subtiles à la saga sont dissimulées tout au long du livre, présentant les sorciers et la culture occidentale comme le mal incarné, et présentant le gang du KGB comme de véritables sauveurs de l’humanité.

Ce livre, qui a été qualifié comme la « réponse russe à Harry Potter », a été adapté en film d’animation (dans une version « édulcorée » et révisée : le personnage de Harry notamment a été retiré de l’histoire), et une première bande-annonce a été récemment dévoilée. De nombreux internautes ont largement critiqué le projet, aussi bien au niveau de son contenu, qualifié de « tas d’ordures patriotique » que d’un point de vue technique (il faut avouer que l’animation est remarquablement laide).
Néanmoins, le film – qui a été produit avec l’aide de l’église orthodoxe de Russie, de la maison d’édition orthodoxe Foma, de l’école militaire de Suvorov, et du ministère de la culture – bénéficie du soutien d’un noyau dur de fans, familiers du livre dont il est inspiré ; une pétition a même été lancée, demandant au ministère de la culture d’aider la production d’une suite – alors que le premier film n’est pas encore sorti.

La responsable administrative du film, Elena Asanbekova, a expliqué que l’objectif de son équipe était de produire un film éducatif avec une animation unique ; le film a été projeté à des enfants en avant-première qui l’auraient regardé « bouche-bée, subjugués par la qualité des effets spéciaux et de l’animation, et conquis par le message profond et l’humour [du film]. » Quant au réalisateur, il refuse le qualificatif de « propagande stalinienne », expliquant qu’il ne s’agit que d’un « conte de fées ».

Si ce qualificatif ne berne personne, il n’en est pas rassurant pour autant ; les contes, et les histoires pour enfants de manière générale, façonnent la perception du monde des jeunes lecteurs. Si Harry Potter, par ses valeurs, sa morale, a pu rendre une nouvelle génération de lecteurs plus tolérants, quelles conséquences auront une telle histoire, présentée comme éducative, sur ses lecteurs et spectateurs ?

Sources : Calvert Journal et Pri

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