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Pourquoi Harry Potter et l’Enfant Maudit ressemble à une fanfiction

La Gazette n’a pas encore produit sa critique du texte, mais vous avez sans doute déjà pu lire ici où là que Cursed Child ressemble à « une fanfiction »… pourquoi ce sentiment et est-ce un mal ? On décrypte.

Cet article se base sur des articles de The Ringer, Hypable, DailyDot, deux fois, et Mugglenet, avec des ajouts par la Gazette.

/!\ ATTENTION : CET ARTICLE CONTIENT DES SPOILERS CONCERNANT CURSED CHILD /!\

Une des analyses que vous avez sans doute pu lire au sujet du texte de Harry Potter and the Cursed Child, vous l’avez même peut-être pensé, c’est que le texte de la pièce paraît appartenir au domaine de la fanfiction.

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En soi, être décrit comme tel n’est pas une mauvaise chose : il y a beaucoup de très bonnes fanfictions. Le problème vient du fait que, par définition, une fanfiction ne peut pas être une suite officielle. Elle peut difficilement être canon, contrairement à ce que Rowling a affirmé au sujet de Cursed Child et ce parce qu’elle fonctionne dans un autre registre, avec d’autres codes. Du coup, même sans avoir lu (énormément) de fanfictions, la nature de Cursed Child est frappante.

Évidemment, l’absence de la narration emblématique de J.K. Rowling contribue à ce sentiment, mais ce n’est pas tout. Il y a trois éléments que l’on retrouve dans la pièce et qui lui donnent un air de fanfiction plus que de canon : l’auto-référence, l’exploration d’univers alternatifs et le fanservice. Ils sont renforcés, dans un deuxième temps, par la faiblesse de certains ressorts narratifs et plusieurs libertés prises avec le canon.

L’auto-référence

Les créations de fans peuvent se permettre des allusions au canon, au fait qu’elles ne sont pas réellement originales et que leur source d’inspiration est connue. Une fanfiction se doit d’être consciente de son statut dérivatif ; une œuvre canon, à moins d’opérer dans un domaine très spécifique, jouera difficilement cette carte.

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Là où des parodies comme A Very Potter Musical et les autres épisodes de la trilogie des Starkids peuvent se permettre de souligner la sous-représentation des Serdaigle et des Poufsouffle ou de citer les livres/films de manière insistante comme un clin d’œil, quand Cursed Child cite le film mot pour mot, on plonge dans le fanservice avec des tentatives qui semblent parfois désespérées.

Cursed Child n’hésite pas à attirer l’attention sur sa propre connaissance de la saga, notamment lorsque Scorpius s’enthousiasme de voir Bathilda Tourdessac – “My geekiness is a-quivering” (je frémis de geekitude). Certains passages soulignent aussi le fait que les auteurs sont conscient du ridicule des situations qu’ils proposent, comme lorsque McGonagall fait des remontrances à Hermione pour avoir caché le retourneur de temps dans une bibliothèque ; un moment qui n’est comique que parce que les spectateurs et lecteurs sont bien conscient que c’était, effectivement, ridicule.

Le fanservice

L’enthousiasme pour Cursed Child s’est nourri du désir des fans de revivre l’excitation de la saga originale. Le fait que le sujet de la pièce elle-même soit ce désir de revisiter le passé semble être l’acte ultime de fanservice. Affirme Alison Herman.

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En effet, comme le suggère la citation de Scorpius plus haut, les personnages semblent parfois être des avatars des fans, plongés dans l’histoire qu’ils aiment tant. Sans compter que ce retour dans le temps sert d’excuse afin de faire réapparaître des personnages morts depuis longtemps pour le simple plaisir de donner aux fans des moments de faible nostalgie : oui, Ombrage “a bien dit professeur Rogue” ! Oui, Mimi Geignarde apparaît simplement pour fixer son nom complet dans le canon après que J.K. l’a inventé pour Twitter. Oui, la sorcière aux friandises a oublié son propre nom mais parvient à mentionner les jumeaux Weasley et les maraudeurs – justement des gens qu’on connaît, quelle chance !

Par hasard ou pas, la pièce semble faire allusion à des blagues qui circulent dans le fandom depuis des années. Albus qui dit être “deadly serious” rappelle les blagues sur “dead Sirius” ; même Harry qui suit un régime sans sucre ressemble à une allusion au mème qui vous trouverez ci-dessous, lui-même une référence à Mean Girls (Par contre, on a toujours pas trouvé l’origine de la phobie des pigeons…) ! Le tout saupoudré d’apparitions de Ron, qui paraissent calquées sur celles du personnage dans la saga parodique des Starkids.


“Did somebody say Ron?!” – Ron Weasley, AVPM (2009) ; AVPS (2010)
“Did I hear my name?” – Ron Weasley, Harry Potter and the Cursed Child (2016)

Les auteurs en profitent également pour offrir aux fans ce que certains attendaient depuis longtemps : une pure rédemption pour Rogue [[qui reste fort artificielle]], envoyer Albus Potter à Serpentard, faire d’Albus et Scorpius des amis inséparables, la réconciliation entre Harry et Drago… des éléments qu’on retrouve dans de nombreuses créations de fans consacrées à cette période.

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Dans une potterfiction, c’est normal : le fan crée son histoire pour exprimer ses envies. Dans une histoire supposément canon, l’auteur ne devrait pas se soucier de ce que veulent les fans. Était-ce l’évolution logique, ou Jack Thorne s’est-il trop nourri de créations de fans ? Le résultat est le même ; la sensation générée est celle d’une fanfiction. [L’ironie, c’est qu’on voit déjà apparaître des [fanfictions basées sur Cursed Child pour corriger les torts perçus de la pièce quand les auteurs ne sont pas allés au bout du cheminement.]]

L’exploration d’univers alternatifs

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Par nature, la fanfiction est bâtie sur la question “Et si ?”, qui mène à développer un univers alternatif. Et si ? peut mener une histoire dans n’importe quelle direction : et si on tuait ce personnage ? Et si ce personnage devenait méchant ?

Et si permet de changer le canon ; ce n’est pas une question sur laquelle un univers établi peut se fonder en permanence. Ce n’est certainement pas la question qui doit prendre le plus d’importance et être la plus mise en avant. Et si mène à des considérations légères : c’est un jeu avec une œuvre, un hommage, mais ce n’est pas le rôle du canon de les explorer et, lorsqu’il cherche à le faire, le résultat est instable.

Les attentes d’un lecteur de fanfictions sont différentes de celles d’un lecteur d’œuvres non-dérivatives : quand lire une œuvre annoncée comme canon répond aux attentes d’une lecture de fanfiction, le rapprochement est vite fait.

Been there, saw that

L’exploration de réalité alternatives, ce besoin de revenir dans le passé, semblent suggérer une incapacité à développer une nouvelle histoire et à aller de l’avant. Il nous faut un méchant ? Faisons revenir Voldemort, d’une manière ou d’une autre ! Comme si le conflit entre Harry et Albus ne pouvait pas trouver d’autre avatar.

Harry épouse Ginny. Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants. Il est impossible de poursuivre l’histoire…” “…mais, si on ne peut pas la poursuivre, pourquoi ne pas revenir en arrière ?

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Eh oui, une nouvelle référence à la trilogie A Very Potter des Starkids, dans laquelle un Mangemort en possession d’un retourneur de temps [un Malefoy par dessus le marché !]], décide de revenir dans le temps pour empêcher Harry d’affronter Voldemort. Les [comparaisons sont assez nombreuses. Il n’est pas étonnant de découvrir que AVPM figure parmi les recherches Google les plus souvent associées à Cursed Child . Ce qui renvoie au sentiment exprimé plus haut : cette impression que les auteurs de Cursed Child font référence à des blagues populaires dans le fandom.

Il n’est pas étonnant que Cursed Child génère une sensation similaire à une œuvre dérivative s’il se repose sur des ressorts scénaristiques similaires. Mugglenet ira jusqu’à suggérer que “Les Starkid n’auraient pas à en changer une ligne pour en faire une parodie”.

Un certains dédain pour le canon

Ces trois éléments contribuent au sentiment de fanfiction, qui est de surcroit renforcé par les Deus Ex Machina faciles et des éléments d’intrigue qui viennent contredire directement les sept tomes de la saga.

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Le théâtre nécessite sans doute quelques libertés et quelques facilités, mais la préparation de polynectar en moins d’une journée, quand il faut normalement un mois (L’excuse “c’est du théâtre, il fallait bien raccourcir” tient à peine debout dans le cas présent : on parle d’une pièce qui fait passer 4 années en 1 scène, mais qui serait incapable de faire comprendre qu’un mois s’écoule pour la préparation du polynectar ?) ; l’obtention miraculeuse de tenues d’élèves de Durmstrang ; l’apparition magique, à deux reprises, d’un retourneur de temps… sont autant de solutions improbables de dernière minute pour permettre à l’intrigue d’avancer sans se compliquer la tâche. Ces ressorts faciles sont trop nombreux et facilement associés à la fanfiction où un auteur peu imaginatif se serait trouvé coincé.

Enfin, il est difficile d’admettre comme canon une histoire qui s’en écarte aussi facilement ou ignore certains éléments d’un revers de la main. Il y a des détails sans importance, comme la calvitie naissante de Drago dans le chapitre 19 ans plus tard, mais il y a aussi le retourneur de temps qui ne fonctionne pas comme dans Le prisonnier d’Azkaban (Et non, nous ne sommes pas les seuls à le dire !) : non seulement il ne permet pas de changer le cours des événements, mais surtout il suit un fonctionnement différent, parfois plus proche de celui du film.

Là où, dans le livre, le retourneur de temps ramène près de l’endroit où on se trouvait à l’heure à laquelle on revient, dans le film, comme dans Cursed Child, il ramène là où on se trouve au moment du retour dans le temps : facilement surmontable, certes, et nécessaire pour des personnages qui reviennent à une date antérieure à leur naissance, mais une différence indéniable avec le canon littéraire.
Si on mettait ça sur le compte du “retourneur de temps nouvelle génération”, on pourrait éventuellement l’excuser, mais les personnages affirment “il fonctionne toujours de la même manière, en nous ramenant là où on se trouve lorsqu’on l’utilise”… ce qui n’est donc PAS la manière dont il fonctionnait dans les livres, si vous avez suivi.

Au sein même de la pièce, la contradiction est présente, puisque la couverture qu’offre Harry à Albus réagit au philtre d’amour dès la scène où elle lui est offerte, ce qui impliquerait que le le temps ait déjà été modifié (puisque Albus y a déjà appliqué une potion pour la faire réagir à l’Amortentia)… ce qui n’est possible que si le retourneur de temps ne génère pas d’univers alternatifs et que, comme dans le livre, tout retour dans le temps n’a pour conséquence que des événements qui se sont déjà produits. Bref, la pièce se contredit elle-même à ce sujet !

L’usage même de retourneur de temps est si contraire à ce que J.K. Rowling avait originellement prévu que le texte sur le sujet disponible sur Pottermore a été retiré du site aux environs de mars 2016, soit peu avant les premières représentations de la pièce mais bien longtemps après la nouvelle mouture du site ; une coïncidence qui ne semble pas en être une. (Il a été re-publié suite à son ajout dans les recueils de Pottermore.)

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À ça vient s’ajouter la transformation facile de Cédric en mangemort, après avoir échoué à deux tâches du Tournoi des Trois Sorciers ; un personnage profondément noble dont l’idée même qu’il aurait pu changer de camp salit la mémoire. Certains Redditeurs ont d’ailleurs entrepris de lister les actes de Cédric, à lire ci-contre, pour souligner à quel point son personnage est malmené dans la pièce qui se veut être la suite de la saga. Même dans un univers alternatif, il est difficile de croire à un tel revirement.

Il n’est pas le seul, puisque le personnage de Ron est à nouveau limité à un comique aux conseils malavisés (Les philtres d’amour sont à proscrire…) alors qu’il vaut bien plus que ça et qu’Hermione, qui a pourtant déjoué des dizaines de pièges similaires dans sa jeunesse, cache un retourneur de temps crucial derrière des énigmes faciles ; à croire que la sorcière la plus intelligente de sa génération s’est crue la seule capable d’user de son cerveau. Sans parler du fait qu’elle devienne un professeur Rogue bis dans une réalité alternative, simplement parce qu’elle n’a finalement pas épousé Ron ; belle moralité. Rogue lui-même n’est en rien fidèle à son personnage.

Illustration du chapitre "Godric's Hollow" dans HArry Potter et les Reliques de la Mort chez Scholastic par Mary GrandPré : la statue des Potter

Pour finir, la scène la plus chargée en émotions, qui se veut le point culminant de la pièce, notre retour à Godric’s Hollow, est contraire à ce qu’on sait des événements de la nuit. On voit notamment James et Lily Potter sortir de leur maison avec Harry, alors qu’ils sont censés s’y cloîtrer à l’abri du sortilège de Fidelitas au point que James ne peut pas sortir sans sa cape d’invisibilité.

Et les incohérences sont juste trop nombreuses pour qu’on les liste toutes.

Conclusion

Si la question a son importance, c’est parce qu’elle impacte la manière qu’on aura de lire le texte. Lorsqu’on s’attend à se plonger dans une suite officielle de Harry Potter, on ne l’approche pas comme une fanfiction ; l’expérience de lecture s’en trouve faussée.

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Cursed Child est construit comme une fanfiction (et si), avec la tonalité d’une fanfiction (fanservice, auto-référence) et les libertés d’une fanfiction. Pas étonnant, dès lors, que le texte en ait la saveur.

Ceci ne se veut pas une analyse ou une mesure de qualité, simplement un jugement quant à la place qu’occupe le texte dans le Potterverse.

Approuvé par l’auteur ou pas, Cursed Child a plus d’affinités avec la fanfiction qu’avec l’idée de canon.

Mots-clésPotterfictions
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