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Les Potterfictions, sujet de thèse

Sébastien François termine une thèse de doctorat au département de Sciences Économiques et Sociales de l’école Telecom ParisTech. Son travail de recherche porte sur les pratiques culturelles, et plus spécifiquement sur “l’appropriation et les transpositions amateurs des mass-médias sur Internet”. Derrière ce langage barbare se cachent en fait des réflexions intéressantes sur l’univers des fanfictions, qui a été, et qui est sans doute encore un élément très important dans la communauté de fans d’Harry Potter.


Une interview de ce jeune chercheur s’intéressant à Harry Potter, diffusée sur le site France Culture Plus (disponible à l’écoute ICI), m’a donné envie de m’intéresser à son travail, et d’essayer de vous en livrer un petit compte-rendu.

Car Sébastien a choisi, dans le cadre de son étude, de se concentrer plus particulièrement sur les Potterfictions ; choix qu’il justifie par une connaissance initiale de l’œuvre (il y a fort à parier qu’il est un ancien fan ou lecteur), qui constitue par ailleurs un corpus de base relativement restreint et facile d’accès (7 tomes, plus éventuellement les films). Une autre raison avancée réside dans le fait que Harry Potter constitue la source principale de fanfictions sur le net dès le début des années 2000, dans la mesure où le développement d’internet a coïncidé avec la publication des différents tomes, et la fébrilité, l’agitation, que suscitait dans le même temps l’attente entre chacun d’eux ; la Gazette du Sorcier étant un témoin de cette glorieuse époque.

Pour sa thèse (qui porte aussi, de manière plus restreinte, sur les vidéos de fans), Sébastien François a peu à peu constitué un corpus d’environ un millier de fanfictions comme base de travail, essentiellement issues du site Fanfiction.net [Les accros aux fic’s uniquement potteriennes trouveront plus facilement leur bonheur sur [HP Fanfictions.]]. Il a été amené également à réaliser un certain nombre d’entretiens d’auteurs et de lecteurs de potterfictions.

drarry_wp_by_chouette_e-d4g65fc.jpg Il décrit les fanfictions comme un moyen de prolonger le plaisir que procure l’œuvre de base et son univers, faisant un parallèle avec les produits dérivés qui remplissent souvent ce même rôle. Il insiste également sur la spécialisation en différents genre des fanfictions, et des potterfictions en particulier. Il revient notamment sur la catégorie particulière des fanfictions à caractère sexuel (notamment les «slash», dont l’existence est avérée dès l’apparition des premières fanfictions dans les années 60-70, avec l’exemple de Star-Treck). On ne s’en doute pas forcément si l’on n’est pas habitué à en lire, mais il souligne que les textes abordant les relations amoureuses ou sexuelles sont majoritaires parmi l’ensemble des potterfictions !

Les autres genres que l’on peut différencier parmi les potterfictions dépendent de la forme qu’elles prennent (par exemple les «One shot» constitués d’un seul chapitre), ou bien du degré d’éloignement vis-à-vis de l’univers initial (exemple des « univers alternatifs » où les personnages évoluent dans un cadre très éloigné de l’univers de base). Dans l’interview de France Culture Plus, il revient également sur la distinction entre «canon» (production de l’auteur) et «fanon» (production parallèle, dérivée, tenue pour vraie par les fans et généralement créée par eux) qui fait écho à un débat que nous avions eu sur le forum.

Le travail de Sébastien François consiste tout d’abord, dans une perspective sociologique, à connaître davantage la population concernée par ce phénomène. Sans prétendre en dresser un portrait représentatif, il relève néanmoins que “les auteurs de potterfictions sont […] en majorité des jeunes filles et des jeunes femmes, ayant fréquemment un bon rapport à l’écrit et au français, mais ne suivant pas nécessairement des études littéraires”. Il est intéressant de remarquer qu’il tire le constat inverse en matière de création de vidéos de fans (trailers etc) ; les créateurs en seraient majoritairement masculins.

Outre l’aspect descriptif de son travail, son objectif est également “d’analyser et rendre compte des règles et normes qui régissent ces pratiques et qui sont le fruit du fonctionnement collectif de ces créations amateurs”. Un des aspects de son questionnement porte en effet sur la dimension collective des pratiques liées à l’univers des potterfictions, avec ce qu’elles comportent d’interactions (commentaires, correcteurs, critiques etc.) mais aussi de jeux de notoriété et de concurrence. Sébastien François se penche ainsi sur les dimensions identitaires des potterfictions et ce qu’elles révèlent de “l’expression de soi”, à travers la perception et la réception par les autres fans de leurs productions.

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Le dernier objectif de ce travail est d’étudier la façon dont l’auteur original, d’une part, et les industries culturelles propriétaires, d’autre part, réagissent face à ce phénomène de créations dérivées, qui transgressent parfois fortement l’univers initial.

Concernant Rowling, il relève son attitude plutôt bienveillante à l’égard du phénomène des potterfictions, citant la conférence au cours de laquelle elle s’en est déclarée flattée d’une telle pratique. Il va jusqu’à soumettre une hypothèse, peu substantielle, selon laquelle la révélation de l’homosexualité de Dumbledore serait un clin d’œil à cette communauté particulière de fans que sont les amateurs de potterfictions.

En revanche, il voit la création de Pottermore comme une volonté de l’auteur et des industries culturelles de contrôler cette communauté, en reprenant ses codes. Il cite à cet égard les notions de prohibitionism (lorsqu’une industrie culturelle tente d’interdire toute création dérivée par les amateurs), et de collaborationism (lorsque l’objectif est cette fois d’intégrer et d’encourager la productivité des amateurs, tout en les contrôlant), formulée par Henry Jenkins (père fondateur des « fan studies »). Pottermore étant l’exemple parfait de la deuxième réaction.

J’ai trouvé ce travail de thèse assez intéressant, de même qu’il est par ailleurs toujours amusant de voir comment des chercheurs (ici en sciences sociales) se penchent sur l’univers dont nous sommes finalement tous un peu partie prenante, quel que soit notre degré de « fanitude ».

Si vous désirez pousser plus loin :

  • L’interview réalisée par France Culture Plus dans la rubrique « Radio Thésards » est disponible en écoute audio (3 pistes SoundCloud) ICI.
  • La soutenance à mi-parcours de la thèse de Sébastien François est disponible ICI
P.S. :
Merci à Barthemius, qui a rédigé cet article.
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