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PODCAST ASPIC EP. 33 : Harry Potter et la grossophobie

Quel est le point commun entre les Dursley, Peter Pettigrow, et Crabbe et Goyle ?
Pour ce dernier épisode de la saison, nous nous sommes penchées sur une forme de discrimination particulièrement présente dans la saga Harry Potter ; la grossophobie.

Pour traiter ce sujet, nous sommes accompagnées de Zoé, du blog Les carnets de Zoé, qui était déjà intervenue dans l‘épisode 2, dédié au féminisme, au sexisme, et à la culture du viol dans Harry Potter.

Chroniqueuses : Marjolaine et Alix
Invitée : Zoé, du blog les carnets de Zoé

Graphisme : Salem
Montage : Marjolaine
Générique : Kalegula, d’après des thèmes de Patrick Doyle et John Williams
Transcription : Rowenaz

MUSIQUE 

Sorcières, sorciers et moldus, érudits ou curieux, bienvenue dans ASPIC, l’Académie des Sorciers, un podcast intéressant et captivant, une émission proposée par la Gazette du Sorcier. 

Alix (A) : Bienvenue dans ce trente-troisième épisode de l’Académie des Sorciers. Je suis Alix… 

Marjolaine (M) : Et je suis Marjolaine et aujourd’hui on a le retour d’un⋅e de nos tou⋅te⋅s premier⋅e⋅s invité⋅e⋅s, qui était là pour notre deuxième épisode, il y a un petit moment ! J’ai regardé, c’était en janvier 2019 : le temps passe vite ! Bienvenue, bon retour parmi nous, Zoé. 

Zoé (Z) : Pré-pandémie, on ne savait pas ce que c’était que le coronavirus à l’époque. 

M : C’était un autre monde. On est ravies de t’accueillir à nouveau parce que, avant qu’on te représente, je voulais repréciser que ton premier épisode, c’était l’épisode deux d’ASPIC, c’était sur le féminisme et c’est un de nos plus grands succès. 

Z : Oh ! 

M : Encore aujourd’hui, on a régulièrement des supers retours sur cet épisode donc on est ravies de t’accueillir à nouveau. 

Z : C’est cool, je suis très content⋅e d’être là de nouveau. Moi, j’ai changé de pronoms donc maintenant c’est iel

M : Très bien. 

Z : Vous pouvez accorder les adjectifs féminin ou masculin en alternance, c’est plus simple parce que sinon c’est horrible, en français. 

M : OK. Est-ce que tu veux te représenter un peu pour ceux qui n’ont pas écouté cet épisode deux ? 

Z : Je m’appelle Zoé, je suis activiste et militant⋅e anti-raciste, féministe radical⋅e depuis plusieurs années. Je travaille aussi sur les questions de justice handicapée. Ce sont des sujets qui me concernent à peu près tous. J’ai grandi avec Harry Potter, c’est vraiment une œuvre qui m’a énormément touché⋅e, autour de laquelle je me suis beaucoup construit⋅e. Je vis en Écosse, dans la ville où ce livre a été écrit ! 

M : Yes, trop bien ! 

Z : Dans la ville, aussi, où je milite activement par rapport aux conséquences des derniers actes, retours et propos tenus par J.K Rowling. Ici, ça a un impact très très réel sur la vie des personnes concernées. En tant que personne queer et trans, je suis particulièrement concerné⋅e sur le sujet et je vois particulièrement en première ligne les dégâts que ça a fait par rapport aux dernières lois…etc. C’est aussi une des dernières luttes dans lesquelles je suis engagé⋅e régulièrement. 

M : Oui, en première ligne. Nous, on voit ça, forcément, on fait ce qu’on peut à notre échelle mais c’est vrai que… – 

Z : Ici, on est plusieurs fans d’Harry Potter et personnes trans et on a organisé une riposte parce que la ville est recouverte de stickers transphobes depuis deux ans. On a recréé d’autres stickers qui essaient de promouvoir un message de tolérance et queer-friendly, trans-friendly. 

M : On est à fond avec vous ! 

A : Ouais. 

M : On envoie à tout le monde beaucoup de courage parce que c’est dur tout ça et ce que vous faites, c’est super. 

A : C’est super, c’est super important et bon courage pour tout ce que vous faites. Nous, en France, on voit moins directement les conséquences puisque Rowling n’a pas encore trop d’impact sur la politique française mais on voit les personnes qui partagent son opinion, les dégâts que ça fait aussi. 

Z : Elle a beaucoup de sous, malheureusement. Il y a beaucoup de législations, actuellement, qui sont en train d’être passées. C’est surtout ça qui est très important, comparativement à la France. On est en train d’avoir énormément de législations. Pour donner un petit contexte… 

A : Il y a beaucoup de travail à faire dès maintenant. 

Z : C’est ça. 

M : On va parler d’un autre sujet, aujourd’hui, qui est aussi important. je sais que c’est un sujet qu’Alix voulait aborder depuis longtemps, c’est le sujet de la grossophobie et de comment elle s’exprime ou s’exprimerait dans la saga. Déjà, est-ce qu’on pourrait définir ce qu’est la grossophobie ? Peut-être que d’autres formes de discriminations sont rentrées un petit peu dans les discours plus publicisés, mais la grossophobie j’ai l’impression que pas autant. Est-ce qu’on pourrait définir ce qu’on entend par là ? 

Z : Oui, moi j’aime beaucoup la définition de Gras Politique, qui est une association en France qui se bat contre la grossophobie. C’est aussi quelque chose qui me concerne, j’ai aussi fait de l’activisme sur le sujet. leur définition, que je trouve très bien parce qu’elle est très simple, c’est «La grossophobie, c’est l’ensemble des discriminations vécues par les personnes grosses en raison de leur apparence physique et de leur poids. Elle s’exprime dans tous les domaines de la vie (familial, intime, santé, professionnel et social).»

M : C’est clair, précis. 

A : Effectivement, je pense que c’est à la fois très simple et très complet. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est en quoi la grossophobie se retrouve dans Harry Potter. Dans l’épisode précédent qu’on avait fait ensemble, on avait parlé de sexisme, de sexisme ordinaire, et à quel point le fait de reconnaître les traces de discrimination s- que ce soit de la grossophobie, du sexisme… etc- dans la fiction nous donne parfois les outils pour les reconnaître dans la vraie vie. Ça crée parfois le décalage nécessaire pour prendre conscience de ces problématiques qui sont parfois plus difficiles à comprendre avec des situations trop réelles. Une fois qu’on a appréhendé ça à travers une œuvre de fiction, ça donne un peu les armes pour pouvoir en parler dans la vraie vie. Harry Potter est une œuvre qui n’échappe pas à la grossophobie. J’ai lu plusieurs articles de personnes qui avaient même dit qu’ils trouvaient que c’était une des œuvres les plus grossophobes de la littérature jeunesse contemporaine. Moi, dans l’article que j’avais commencé à vouloir écrire sur le sujet, le titre que j’avais envisagé, ce sera peut-être le titre de cet épisode, c’est « Le mystère de la Grosse Dame ». La Grosse Dame, qui est le portrait qui garde l’entrée de la tour de Gryffondor… J’ai envie de commencer avec une question, une réflexion pour les auditeurs : quel est le prénom de la Grosse Dame ? Est-ce que vous pensez qu’on connaît son prénom ? Je ne sais pas si c’était une question que vous vous étiez déjà posée, je ne sais pas si Zoé c’était un truc qui t’a interpellé⋅e dès ta première lecture… Moi c’est quelque chose qui a mis beaucoup de temps à rentrer, le fait que c’était quelque chose qu’on ne connaissait pas, c’est quelque chose qui est venu après. 

Z : Oui, c’est un exemple super fort et ça m’avait déjà interpellé⋅e, évidemment. Je trouve que c’est un très bon exemple à donner pour commencer sa réflexion. 

A : Ce qui m’avait marquée dans une relecture un peu plus critique de Harry Potter c’est que la Grosse Dame n’est jamais mentionnée par son prénom. On ne connaît pas le prénom de ce personnage qui est entièrement défini par sa corpulence. Ce qui est particulièrement marquant c’est qu’il y a d’autres personnages qui sont moins importants qu’elle ou au même niveau d’anecdote – 

Z : En tout cas moins récurrents. 

A : Oui, c’est ça, le Chevalier du Catogan a un nom, il y a sa copine Violette qui vient la voir dans son tableau et qui a un prénom… Mais elle, elle n’a jamais de prénom. Elle est mentionnée 72 fois (je suis allée chercher les chiffres) ce qui veut dire à peu près dix fois par tome. Ça reste anecdotique mais en une dizaine de fois par tome, on aurait pu penser que son nom soit mentionné. Donc je trouve ça assez symptomatique de définir ce personnage en « Elle est grosse donc c’est ça qu’on voit et c’est la seule chose qui nous intéresse ». Je me dis qu’en tant que gardienne de la tour de Gryffondor, on aurait pu avoir une superbe backstory sur elle. 

M : Moi j’ai une autre question qui n’est pas liée à la manière dont elle est désignée… Est-ce qu’à votre avis ce portrait est le portrait d’une femme réelle, dans l’idée des portraits de personnes qu’on a représentées, à qui on a donné la même personnalité que leur odèle…etc ? Ou est-ce que c’est un portrait qui a été fait uniquement dans un but… ? En gros, un portrait réel qui a été engagée en tant que gardienne de la tour ou alors un portrait qu’on a fait uniquement dans ce but de gardienne ? Je ne sais pas. Je n’ai pas de réponse à la question. 

Z : C’est intéressant. C’est une figure de style relativement connue, particulièrement en fantasy ou dans le fantastique ou mythologique, le gardien qui est gros parce qu’il reste au même endroit, sans bouger. 

M : Je pense à la statue de la sorcière borgne, par exemple, qui est juste définie comme « C’est la sorcière borgne » et c’est juste comme ça qu’on la désigne. C’est pour ça que je me posais un peu cette question. 

Z : Je pense que c’est un point de départ de réflexion. Il ne faut pas oublier que la grossophobie, au même titre que tous les mécanismes oppressifs, c’est assez rare les personnes qui se frottent les mains en se disant « Hum, je vais dire des méchancetés grossophobes, sexistes, racistes ». C’est très souvent fait à notre insu. Comme le dit très justement Dumbledore, on cause plus de mal par ignorance et par manque d’attention que volontairement. Clairement, on peut interroger, au même titre que plein d’analyses de mécanismes oppressifs, le degré. Il y a différents degrés de grossophobie et là je pense que ça ressort de la grossophobie mais ce n’est peut-être pas l’exemple le plus parlant et le plus représentatif mais c’est un peu bon exemple de réflexion parce qu’effectivement, on ne sait pas qui elle est et elle est définie que par ça. Globalement, Rowling, dans son écriture, a une très très forte tendance à décrire les caractères physiques de manière… déjà, il y a un fond de misogynie, très clairement, mais surtout elle n’est pas très gentille. Il y a assez peu de bienveillance dans la manière dont elle décrit les physiques, particulièrement les physiques féminins. C’est assez intéressant, d’ailleurs. Moi, c’est à ça que je pense. 

A : Pour répondre à ta question, Marjolaine, on ne sait pas exactement si le personnage a réellement existé mais de ce qu’on sait des tableaux de Poudlard, ça reste quand même des peintures de sorciers qui ont existé. Ce sont des empreintes de personnes qui étaient vivantes. Je trouve ça d’autant plus problématique parce que la Grosse Dame devait être une sorcière qui avait suffisamment d’importance pour pouvoir avoir son tableau, parce que c’est quand même un poste prestigieux d’être gardienne de la tour de Gryffondor. Je trouve ça assez fou de se dire que cette personne qui avait sans doute une certaine importance, qu’on a jugée légitime et digne de confiance pour faire ça, on ne la définit jamais autrement que par son poids. C’est la seule chose qui existe à propos d’elle. 

Z : J’ai toujours un peu iaginé que c’était surement une grande tante de Godric Gryffondor, un truc comme ça. 

A : Ah oui, quelqu’un de sa famille ! 

Z : Un personnage en qui il avait confiance, qu’il a tapée là, et elle a sans doute été complètement oubliée. Ce qu’on peut y lire c’est aussi que les personnages historiques, particulièrement ceux qui ont une caractéristique physique considérée comme dégradante, humiliante, sont souvent… La mémoire collective ne s’en rappelle que par ces éléments physiques et pas peur leur prénom, leur nom ou leurs accomplissements. C’est encore plus vrai pour les femmes, les personnes racisées, encore plus vrai quand il y a une forme de handicap ou un trait physique, une difformité…etc. Dans mon imaginaire, c’est ça que je vois. Elle avait sûrement une importance mais ce qui est resté, c’est cette grosseur parce que c’est la chose la plus notable, dont l’histoire va le plus se souvenir. C’est très réaliste, pour le coup. 

M : On sait deux choses d’elle : elle est grosse et elle a une énorme robe rose. Ça rejoint un peu un point qu’on avait évoqué dans le sujet sur le féminisme. La grosse robe rose à froufrou, il y a un côté époque, une imagine une tenue un peu vitorienne…etc, mais le rose est associé à la féminité et donc cette femme, qui est juste grosse et peut-être particulièrement féminone. L’association du rose ne me paraît pas complètement anodine. 

Z : Ah non, ça c’est l’écriture misogyne. C’est l’écriture misogyne de J.K Rowling. Sa mysoginie internalisée qui est quand même à mourir de rire quand on sait qu’elle se revendique très féministe. Déjà, l’association du rose à la féminité, particulièrement en Europe… C’est sa vision de l’hyper féminité qu’elle dénigre régulièrement dans tout le livre. D’ailleurs, les deux autres personnes qui portent des robes roses à froufrou, c’est Pétunia et Pansy Parkinson. On n’est pas censés les trouver jolies ou sympathiques. 

A : Et on a Ombrage et Rita Skeeter ! 

M : Combo. 

Z : C’est ça, les personnages hyper féminins sont les mégères, les méchantes, les pimbêches… 

M : Par rapport à ce panel, la Grosse Dame, pour le coup, elle n’est pas du tout ni méchante ni dégradée… Elle est plutôt respectée, elle en impose aussi. Mine de rien, ils doivent tous plier à ses règles, elle fait peur à Neville… C’est plutôt un exemple, comme tu disais Zoé, de trucs qui n’ont pas été pensés.

Z : Je pense qu’elle l’a écrit comme un personnage un peu ridicule mais en même temps sympathique, mais en même temps un peu… ridicule, un peu sympathique… J’ai du mal à trouver mes  mots en français, c’est terrible. Je pense que c’est un peu ce personnage « bonhomme » qui est prompt un peu à des écarts. A tous les Noëls, à Halloween, elle est bourrée, elle fait des excès, elle aime bien un peu jouer de son pouvoir, ne pas toujours ouvrir, notamment quand elle s’estime un peu emmerdée pour rien… Je pense que c’est un bon point de réflexion mais ce n’est peut-être pas l’exemple le plus parlant de grossophobie dans toute la saga. Par contre, je trouve que c’est un très bon point pour démarrer. C’est une très bonne porte ouverte. 

M : Ça m’avait fait penser à un autre exemple. Ce n’est pas un portrait, c’est un fantôme, qui est aussi désigné par sa corpulence, c’est le Moine Gras. C’est différent, on sait qu’il est gras et on sait qu’il est moine, déjà il a son statut aussi. Je pense que ça joue aussi sur l’imagerie, il y avait un peu toute une tradition de critique sociale aussi au Moyen-Âge de si les moines sont gras c’est qu’ils ne respectent pas leur voeu de pauvreté, de retenue…etc et qu’ils profitent un peu de leur statut. Mais là, en l’occurrence, c’est plutôt lié à la maison Poufsouffle. Il n’y a pas de sous-texte forcément dégradant. 

Z : C’est la figure du bon gros sympathique. Il est un peu couillon, quand même, il fait confiance à Peeves… C’est le bon gros gentil. Il y a le bon gros méchant, le bon gros stupide et le bon gros gentil. 

M : Il y a quand même sa backstory sur Pottermore qui est assez intéressante. C’est le symbole de sa maison de Poufsouffle donc forcément c’est un symbole de bienveillance et de générosité qui est assez marquant. Le fait qu’il s’engage, il aide volontairement les moldus quitte à se mettre en danger et c’est ce qui cause sa perte. 

Z : Je ne connais pas sa back-story. Rapidement, c’est… ? 

M : C’est un moine qui est était connu dans la communauté pour être très très doué pour soigner les gens. Il était très doué, en effet, parce qu’il était sorcier. Ça a fini par arriver aux mauvaises oreilles et il a été accusé de sorcellerie, il est mort pour ça. C’est une back-story sur Pottermore, ça n’est pas dans les livres mais c’est quand même assez chouette, je trouve. 

A : Ça donne un peu plus d’épaisseur mais je peux comprendre que ça soit un peu le côté… bon = gros. Il y a un côté, dans la façon dont c’est amené dans la back-story, un peu « trop bon, trop con ». Comme on dit parfois, il a voulu aider les gens mais il s’est fait couillonner parce qu’il n’a pas su se protéger. 

Z : C’est un peu bizarre quand on sait que dans toute la série Harry Potter, on est censés savoir que la chasse aux sorcières n’a pas super bien fonctionné. 

A : En plus. 

M : Ca a quand même assez bien fonctionné pour qu’il y ait une mise en place du Secret Magique. C’est que quand même, au bout d’un moment, les sorciers étaient trop persécutés pour se dire « On continue à cohabiter au grand jour ». Le Moine Gras est un des exemples, probablement, des raisons pour lesquelles il y a eu séparation des deux mondes. Je voulais juste le mentionner parce que c’est un peu la même chose que la Grosse Dame dans le sens où on le connaît juste sous son… je ne crois pas qu’on ait son nom, même dans la back-story (il faudrait vérifier, mais il ne me semble pas). Lui, pour le coup, il a une backstory contrairement à la Grosse Dame. 

Z : C’est cool. 

A : Oui, c’est cool. Mais c’est vrai que par rapport aux autres fantômes des maisons… Bon, le Baron Sanglant, on ne connaît pas son nom non plus. Mais Sir Nicholas, Nick Quasi-Sans-Tête, il a son nom complet, la Dame Grise c’est Héléna Serdaigle donc on a un nom complet aussi… Effectivement, lui on n’en a pas et c’est celui qui est un peu réduit. Mais ça colle à l’image des Poufsouffle dans les livres, ceux dont on parle le moins et qui sont un peu mis de côté.

M : Oui parce que le Baron Sanglant, on se demande quand même comment ça se fait qu’il soit devenu la coqueluche de Serpentard. Il est horrible ! 

A : Clairement. 

Z : Un rappel aussi, c’est que les stéréotypes grossophobes ne sont pas tous des stéréotypes négatifs, au même titre que n’importe quel stéréotype, que ce soit sexiste, raciste…etc. Ce n’est pas forcément négatif, il y a des stéréotypes qui sont censés être positifs et qui restent un stéréotype ancré dans les mécanismes d’oppression dont on parle, ici la grossophobie. 

A : Effectivement. Après cette petite entrée en matière, on peut peut-être entrer dans le cas de personnages qu’on connaît un peu plus, notamment les premiers personnages qu’on rencontre quand on commence à lire la saga… Je pense évidemment aux Dursley qui sont parmi les personnages les plus concernés, les plus victimes de grossophobie dans Harry Potter. On a principalement Vernon, Dudley et la tante Marge qui tous les trois définis comme gros, voire obèses, et à chaque fois cette caracétristique physique est associée à leur méchanceté. Ce sont des personnages qui sont méchants, ce sont des personnages qui sont gros, mais il y a une association qui se créé entre les deux. 

M : C’est évident, dans les livres. 

A : Comme si l’un était lié ou dépendant de l’autre, avec des comparaisons qui sont particulièrement violentes. Dudley est comparé à un bébé cachalot, on dit qu’il a atteint l’objectif qu’il s’est fixé à l’âge de trois ans qui est de devenir plus large que haut – 

Z : Les descriptions physiques sont extrêmement violentes dans Harry Potter et particulièrement grossophobes. Je voulais juste signaler que « gros » et « obèse » ce sont deux mots qui sont interchangeables, ce n’est pas pire d’être obèse que d’être gros. « Obsèe », c’est juste un terme ancré le lexique médical mais c’est vraiment la même chose. Clairement, pour les trois personnages ici, leur poids et leur physique sont centraux et font partie de leur description. Dans le tome trois, de mémoire, c’est extrêment dur de trouver un passage qui parle de la tante Marge sans qu’on mentionne son double-mention qui tremble, ses mains dodues, ses bagues qui lui serrent les doigts… C’est omniprésent. Dudley, c’est pareil, il n’y échappe pas, que ce soit à l’âge d’un nourrisson jusque dans l’adolescence. Ça se calme un petit peu quand il devient musclé mais sinon… D’ailleurs, il devient musclé et, ça y est, il se découvre un gramme d’empathie en faisant un régime, c’est super. 

A : Désolée, je pensais qu’il y avait une différence entre « gros » et « obèse », que c’étaient deux termes différents qui correspondent à deux réalités différentes. 

Z : Non, c’est juste que le lexique médical donne toujours un peu l’impression que c’est pire mais non, pas particulièrement. Surtout que vu que la classification obèse est basée sur l’indice de masse, qui est quelque chose de complètement désuet et qui a été prouvé comme particulièrement pas fiable depuis des années, c’est absolument très facile de tomber dans la catégorie « obèse ». 

A : Merci pour l’explication ! 

Z : Pas de souci. 

A : En relisant le tome un il n’y a pas très longtemps, quand ils vont au zoo, elle dit que Harry regarde un signe et il dit qu’il ressemble énormément à Dudley sauf qu’il n’est pas blond. Il y a aussi cette association particulière entre le poids des Dursley et la bêtise. On parlait de la méchanceté, mais il y vraiment aussi cette idée de « Tu es gros donc tu es bête » qui revient très souvent. 

Z : Oui, bien sûr. C’est très impressionnant. Ceux qui m’ont marqué⋅e c’est le tome un, qui est très fort là-dessus parce que c’est l’introduction, et le tome trois. Ils sont assez parlants. Pour moi, c’est intéressant parce que c’est aussi les deux tomes qui restent encore dans une littérature jeunesse plutôt jeune, sur le spectre. C’est intéressant. C’était une autrice que j’aime beaucoup, de fantasy, qui s’appelle Ursula K. Le Guin, quand on lui avait demandé son avis sur Harry Potter, elle avait dit qu’elle n’avait pas trop compris pourquoi c’était insensé. Elle trouvait ça pas mal, sans que ce soit d’une grande originalité, mais surtout, ce qui m’avait beaucoup frappé⋅e, c’est qu’elle trouvait qu’éthiquement c’était plutôt… elle avait dit, en anglais, mean spirited, donc la traduction ce serait « méchant ». Pour un livre pour enfants, éthiquement, au niveau des valeurs, elle n’était pas trop sûre de ce que ça promouvait aux enfants. Elle a toujours des citations absolument incroyables, Ursula K. Le Guin, c’est une autrice géniale que je recommande. Elle est morte il n’y a pas très longtemps et elle a eu vingt ans d’avance sur tout le monde. Si un jour il y a un sujet qui vous intéresse sur la fantasy, la littérature jeunesse, il faut taper « citations Ursula K. Le Guin » parce qu’elle a souvent quelque chose à dire, mais il y a vingt ans, en plus. C’est très drôle. Sur J.K Rowling, elle avait dit ça et elle avait dit autre chose… Elle a dit deux trois trucs comme ça sur Harry Potter qui sont très pertinents. Quand on regarde, c’est drôle parce que ça a créé un fandom qui porte une grande attention sur la justice, l’égalité, qui s’est énormément retrouvé là-dedans, mais finalement, en terme de valeurs peut être un peu plus complexes, il y a beaucoup de choses qui sont passées à la trappe, notamment sur les questions, par exemple, de comment on décrit les gens, de descriptions physiques…etc. Ça tape dans le mille, ce n’est pas top, ce n’est pas très gentil, pour le dire simplement. 

M : C’est vrai que si on revient sur Dudley, il y a quand même le summum de l’agression d’Hagrid qui l’affuble d’une queue de cochon ! 

Z : C’est atroce. 

M : Voilà. 

Z : C’est vraiment jouer sur un humour profondément grossophobe et qui manque profondément d’empathie. C’est très facile, aussi. C’est un ressort humoristique hyper facile qu’on peut questionner. Quand on veut essayer d’enseigner des valeurs à nos enfants… 

M : C’est tous des Gryffondor : Rowling, Harry, Hagrid… Voilà. 

A : Ce que je trouve particulièrement marquant dans cette scène avec Dudley et la queue en tire-bouchon c’est que Dudley, ça fait deux trois chapitres qu’on le voit, on voit que c’est un enfant qui a été pourri-gâté, qui est agressif avec Harry… Le lecteur, il est évidemment invité à compatir avec Harry, Dudley c’est le petit chouchou, Harry est maltraité… 

M : Et c’est normal de compatir avec Harry, faut remettre dans le contexte ! 

A : Bien sûr, c’est normal de compatir avec Harry et c’est aussi, je pense, humain de se dire « Dudley devrait être puni » dans le sens où quand quelqu’un fait quelque chose de méchant, il faut qu’il y ait quelque chose qui se passe pour lui faire comprendre que ce qu’il fait n’est pas normal. 

Z : C’est ça qui est intéressant. Est-ce qu’on veut apprendre aux enfants que l’empathie et le sens de la justice vient dans une punition qui se moque du physique ? Est-ce que le lien que tu as envie de créer entre ton protagoniste et le lecteur, c’est un lien basé sur la détestation, la haine, même si elle est d’une certaine façon justifiée. Est-ce que c’est là que tu veux créer l’empathie, dans cette haine ? Ou est-ce que tu veux créer de l’empathie dans autre chose ? Elle ouvre la porte, parfois, à une forme d’empathie envers Dudley mais elle n’est jamais explorée. A aucun moment on ne saura ce qu’il a vu et ressenti quand les Détraqueurs s’approchent de lui. s’approchent de lui. « Oh, incroyable, les personnes grosses et fondamentalement méchantes vivraient des expériences mauvaises ! ». C’est une façon de créer l’empathie et de créer un lien avec les lecteurs et les lectrices qui est très facile et qui manque d’empathie, de finesse et de gentillesse, presque. Je n’arrive pas à trouver un mot moins culcul en français… C’est ça. Kindness en anglais, c’est aussi vachement intéressant. Tout notre système de justice, en Occident, est basé sur la justice punitive. C’est intéressant de se poser la question de comment on peut inculquer une forme de justice qui est plutôt réparatrice, qui est basée sur d’autres systèmes de valeurs. 

A : C’est vrai que Dudley, même si on a envie qu’Harry puisse avoir sa… pas sa vengeance, ce n’est pas une vengeance mais – 

Z : Une forme de justice ! 

A : C’est ça, qu’il obtienne justice. Mais ce besoin de justice est présenté comme étant satisfait par une agression. Ce qui est horrible c’est que le sort que lance Hagrid a Dudley n’est jamais présenté comme une agression. C’est présenté comme quelque chose qui est drôle, c’est présenté comme quelque chose qui est mérité. On oublie complètement que c’est un gamin qui a onze ans. On est invités à rire de ça, à se dire « Ça y est, Harry est enfin vengé ». Alors que Dudley, à onze ans, il n’est pas réellement coupable. 

Z : Il est ce qu’ont fait ses parents. Il est comme tous les enfants de parents qui sont abusifs et violents. Il est ce que ses parents en ont fait. 

M : Effectivement, ça ne justifie pas ce moment-là mais le fait que Dudley soit victime d’une forme de maltraitance de la part de ses parents, c’est quelque chose qui est quand même largement sous-entendu. 

Z : Mais uniquement parce qu’il est gros, quasiment. Vue la manière dont il est décrit, c’est très compliqué d’en tirer une autre leçon que : « La punition infligée c’est que tu es gâté et beaucoup trop nourri donc tu es énorme, tu es gros et c’est ce que t’ont infligé tes parents ». On peut imaginer, si on va dans une lecture peut-être un peu plus généreuse, que Dumbledore, quand il dit « Vous avez infligé des dégâts à votre fils » il parle de sa méchanceté, de son égoïsme, peut-être. On n’a pas la chance de l’explorer parce que malheureusement, déjà comparativement, c’est mentionné tellement peu par rapport à son physique et ses défauts et ce qu’il fait subir à Harry que c’est une goutte d’eau dans l’océan, mais aussi parce que la manière dont J.K Rowling écrit Harry Potter – c’est le gros défaut de la série pour moi – c’est qu’il y a très peu de place pour une forme de justice réparatrice mais qui implique aussi une guérison. C’est-à-dire une justice qui promet aussi une forme de paix et une forme de guérison pour les personnes qui ont subi des injustices. Il n’y a pas de moment où Harry va avoir une chance d’adresser les dommages que ça lui a infligés d’être maltraité et peut-être d’avoir des adultes comme Dumbledore ou McGonagall qui s’excusent de l’avoir laissé avec ces gens-là. Il n’y pas d’adulte qui s’est rebellé contre Dumbledore en disant « Attendez, c’est n’importe quoi, je vais aller le chercher ! Qu’est-ce que vous foutez ? On ne va pas faire ça. ». Il n’y a personne qui vient vérifier. Ils savent qu’il vit dans un placard pendant onze ans mais personne ne va venir les en empêcher. C’est absolument horrible, c’est un livre qui nous apprend que ce n’est pas grave si t’as été maltraité toute ta vie parce que tu es un héros au final. Tout cela sera effacé par ton courage et le monde magique dans lequel tu vas rentrer mais tu n’auras à aucun moment besoin que les personnes qui étaient responsables de ton bien-être et qui auraient pu te sauver prennent leurs responsabilités et soient mis face à ce qu’ils t’ont fait subir et à leur responsabilité dans ta maltraitance et dans ce que tu as vécu en tant que victime. C’est absolument horrible ! 

A : Clairement. Ce que je trouve particulièrement triste dans le cas du traitement des personnages des Dursleys c’est que c’est quasiment toujours Dudley, l’enfant, qui en prend pour son grade. C’est celui qui est le moins responsable de tout ce que peut subir Harry. Il y participe mais parce que c’est un enfant et il copie ce que font ses parents. Si ses parents sont agressifs, il n’a pas de raison de ne pas l’être. C’est pareil, c’est tout ce cliché de « Les personnes grosses ne pensent qu’à manger et on peut s’en moquer ». Quand les Weasley viennent chercher Harry dans la Coupe de Feu, que Fred et George trouvent ça très drôle de faire tomber des Pralines Longue-langue et que Dudley manque de s’étouffer à cause de ça… A nouveau, c’est un truc qui est censé être drôle. C’est écrit comme une scène comique ! C’est le cas de beaucoup de scènes et de beaucoup de personnages, mine de rien, qui sont écrits comme étant des personnages comiques mais qui sont vraiment des personnages tragiques. 

Z : C’est très triste. Moi, ce que j’ai trouvé intéressant aussi c’est de voir l’écart entre les descriptions du livre et les acteurs qui ont été choisis pour le film. C’était très intéressant de voir comme ça a été traité. Ça m’a vraiment frappé⋅e, moi, de voir qu’ils n’ont pas casté des personnes trop grosses. Il y a quand même une limite qu’on ne peut pas dépasser dans le visuel alors que clairement c’est une limite que Rowling ne se pose pas du tout dans son écriture. C’est très intéressant. 

A : Du coup je suis curieuse, est-ce que pour toi c’est une bonne chose dans le sens où on évite de renforcer encore plus ce cliché de « Ces personnes sont grosses et sont méchantes » ou est-ce que au contraire il faut montrer des personnes grosses à la télévision parce que ça fait partie d’un effacement qui se produit dans les médias, alors que ce serait une bonne chose de voir plus d’acteurs gros dans des films ou des séries ? 

Z : Moi j’ai adoré l’acteur de Vernon, je trouve qu’il est très bien casté. Je ne sais pas, je ne pense pas que ce soit pire ou mieux. De toute façon, la grossophobie dans Harry Potter elle est là et je pense qu’elle ne s’efface pas tellement dans les films, elle est présente d’une autre façon. La manière dont elle s’exprime, entre autres, dans les films, c’est qu’on ne va pas infliger, imposer au spectateur de voir des corps trop gros. Ce n’est pas possible. C’est absolument impensable qu’on caste des personnes trop grosses pour un film pour enfants, en plus, on ne va pas faire ça ! C’est assez intéressant. Mais ça se passe avec tout le phénomène d' »embellissement » qui se passe quand il y a une adaptation hollywoodienne. Pour moi, ce n’est pas pire ou mieux. C’est juste l’expression de la grossophobie qui se fait d’une autre manière, sur un autre format. 

A : OK, effectivement je n’avais pas du tout pensé à ça mais c’est vrai que c’est super intéressant. 

Z : Après, il y a Pétunia qui est la seule personne maigre mais qui est décrite de manière extrêmement misogyne et qui est décrite de toute la splendeur des espèces de clichés qu’il y a avec la maigreur aussi, elle est mauvaise, elle est aigre, elle est complètement flétrie de ressentiment… C’est la seule des Dursley qui n’est pas grosse mais sa description physique n’en est pas moins problématique. 

A : Ce qui m’avait marquée aussi c’est le fait que c’est la seule qui n’est pas décrite comme grosse mais c’est aussi la seule qui a un lien de parenté direct avec Harry. Je me demandais s’il n’y avait pas un peu une volonté d’atténuer un peu les choses. Les personnes qui ont des liens de parenté avec Harry, parce que Harry est le petit héros tragique, surtout au début, ne sont sont pas grosses. Lily Potter n’était surtout pas grosse, elle était très belle et donc forcément très mince parce que c’est le cliché avec lequel elle est écrite. Donc Pétunia ne peut pas être grosse parce qu’il y a cette parenté. 

Z : Je pense qu’elle aurait pu être la grosse sœur. Elle n’a pas choisi ce cliché à ce moment-là mais… Peut-être qu’il y a un lien, je ne sais pas. C’est très possible. 

M : Je pense que c’est plutôt pour varier, dans les habitudes de Rowling d’associer des traits physiques à la moralité du personnage. Comme elle y est allée à fond sur Vernon et Dudley, pour varier un peu les adjectifs, Pétunia est très maigre donc sa sécheresse s’exprime dans son physique aussi. Je pense que c’est ça. Ce qui est intéressant c’est qu’il y a le contraste entre la maigreur de Pétunia qui est une caractéristique qui rajoute à son côté sec et mauvais alors qu’on a la maigreur de Harry qui est, pour le coup, un signe de sa maltraitance. 

Z : Et après, Pétunia est aussi en comparaison avec Vernon qui est toujours dans l’excès. Il râle, il s’exprime, il est plein de rage, de colère, de méchanceté… Et Pétunia, toute sa méchanceté est dans la retenue, dans tout ce qu’elle ne dit pas à Harry, ce qu’elle ne partage pas sur sa soeur qu’elle connaît. Elle pourrait lui parler de sa mère… C’est tout ce qu’elle retient et qu’elle cache. 

M : Et qui la mange de l’intérieur ! 

Z : Exactement. C’est tout le truc.

A : Elle est très aigrie quoi. C’est vraiment, je pense, le mot qui lui convient. 

Z : Et de toute façon, globalement – c’est aussi un truc qui est horrible – les descriptions physiques des personnages d’Harry Potter sont d’une violence et d’une méchanceté terribles. Elle fait le lien entre le physique et le caractère en permanence. Pansy Parkinson, je ne sais plus ce que c’est en français mais en anglais elle est comparée à un pug, un carlin. 

A : C’est un bouledogue dans la version française. 

Z : Un bouledogue, voilà ! Neville a ses petites joues joufflues parce que c’est le bon imbécile de service, balourd… 

M : Justement, on voulait parler de Neville… Effectivement, au début, en tout cas, son côté « enrobé », « un peu rond » est lié à sa faiblesse. Il apparaît comme plus faible que les autres. 

Z : Il est décrit comme ayant un visage en forme de lune, quelque chose comme ça. 

A : Oui, il a un visage lunaire. 

M : Oui. C’est clairement le type d’élèves qui est harcelé par les autres. Là, j’ai l’impression qu’on est un peu plus dans le… on le dénonce un petit peu quand même, aussi. Là, c’est un peu à l’inverse. On ne sait pas si c’est parce qu’il est gros qu’il est harcelé ou est-ce que c’est parce qu’il est un peu faible qu’il est gros. On ne sait pas dans quel sens le prendre. 

Z : L’un nourrit l’autre, c’est les deux. Les deux ne sont pas mutuellement exclusifs. 

M : Je tenais à le dire quand même, comme on a toute une progression pour le personnage… Pour le coup, il est présenté comme une victime, mais pas une victime de son poids, plutôt une victime de la manière dont les autres le traitent. Je trouve ça un peu moins… c’est un personnage positif par rapport à ceux qu’on a mentionnés jusque là. 

Z : Encore une fois, les stéréotypes grossophobes ne sont pas que des stéréotypes négatifs. Là, c’est le bon bonhomme gentil. 

M : Mais là c’est plutôt la grossophobie, pas forcément de la plume qui l’écrit, mais plutôt des autres personnages autour de lui, qui s’exprime. 

Z : Je pense que c’est les deux moi. C’est elle qui l’a écrit gros. Il n’est pas sorti comme ça. Elle l’a écrit potelé et d’ailleurs, plus ça avance et moins elle l’écrit potelé, moins c’est mentionné. 

A : C’était un truc qui m’intriguait, justement, l’évolution du physique de Neville. On a beaucoup cette image des films où Neville, au début, on sait qu’il avait des fatsuit, on lui mettait des coussins pour lui faire des plus grosses fesses… des choses comme ça, pour grossir le personnage. progressivement, ils ont arrêté en même temps que le personnage s’affirmait. Dans le film, je trouve que c’est assez marquant le côté « Tu es mal à l’aise dans ton corps, dans ta peau…etc et tu es en surpoids et au fur et à mesure que tu t’affirmes et que tu deviens un héros – Neville rentre progressivement dans la catégorie des héros de la saga -, tu mincis et tu atteins ce physique un peu idéal ». Dans les livres, on n’a pas vraiment de description d’évolution physique mais je trouve que rien que le fait que ce ne soit plus rappelé – dans les premiers tomes, on disait qu’il avait un visage très rond. C’est souvent « rond », « joufflu » qui est utilisé pour le décrire. Le fait que ça disparaisse en même temps qu’il devient important, pour moi, ça envoie un message super négatif. En fait, maintenant, il n’est plus gros, il est important donc on n’a pas besoin de rappeler qu’il est gros. Si t’es gentil, si t’es sympa, si tu fais avancer l’histoire, t’es pas gros. Peut-être qu’il est l’est toujours dans l’image que se fait l’autrice quand elle l’écrit, mais il n’est plus décrit comme tel donc le lecteur peut s’imaginer ce qu’il veut en terme d’évolution. 

Z : Bien sûr, c’est surtout : puisque tu es courageux, tu mérites qu’on ne mentionne pas le pire de toi. De mémoire, les seules descriptions ĥysiques qui sont faites de Neville vers la fin c’est plutôt par rapport aux cicatrices qu’il a, et à ce qu’il subit. C’est ce qui me marque le plus. 

A : C’est ça, il a fait la « guerre » à Poudlard, contre les Carrow, il s’est rebellé. 

Z : Après, dans les personnages qui sont gros aussi… Crabbe et Goyle, ça dépend un petit peu de comment on le lit. Ils sont imposants, mais ils sont quand même surtout censés être gros, grands et pas malins. 

M : Oui, c’est l’archétype de la grosse brute. On ne sait pas si on doit les imaginer gras ou si on doit les imaginer juste… – 

A : Ils sont quand même comparés à Dudley. 

Z : C’est vrai. 

M : Ils sont comparés à Dudley dans leur physique ou dans leur attitude de brutes ? 

A : Ouais… Mais pour moi, le fait que le lien se fasse de manière aussi évidente pour Harry, sachant qu’on les décrit… – 

M : Des gorilles. 

A : C’est ça, c’est des gorilles. Donc ce n’est clairement pas une description physique qui est flatteuse. 

M : Mais la description d’associer un physique à un gorille, ce n’est pas forcément gras. Ça peut être une baraque, quelqu’un de très musclé. 

Z : C’est surtout par rapport au fait que le singe est bête, moins humain. C’est cette espèce d’idée de « presque humain mais pas trop quand même ». 

M : C’est clair. 

Z : Dans les autres personnages gros négatifs, qui est-ce qu’il y a ? 

A et Z : Il y a Ombrage. 

Z : Ouais, Ombrage. C’est vraiment la méchante petite grosse. Et en plus d’être grosse, elle a le malheur d’être hyper féminine en étant grosse, c’est vraiment le sacrilège. 

M : C’est surtout qu’elle a l’audace d’être féminine alors qu’elle est moche. C’est un crapaud déguisé en fille. Alors là, il n’y a rien de pire. 

Z : C’est vraiment le crime par-dessus tous les crimes. Et clairement, elle est moche parce qu’elle est grosse. En tout cas, c’est ce qui est expliqué. 

A : Et parce qu’elle ose porter du rose qui ne lui sied pas du tout. 

Z : Comme on le sait tous, els personnes grosses ont le droit de sh’abiller qu’en beige ou en noir, sinon ça ne va pas du tout. Ma mère, quand j’étais ado, si j’osais mettre des habits de couleur elle me disait « Tu ressembles à un panneau de signalisation ». 

A : Oh. 

Z : Voilà, c’est le genre de choses qu’on dit aux personnes grosses. 

M : Par contre; Ombrage, par rapport à tous ceux qu’on a mentionnés jusque-là, elle n’est pas bête. Elle a vraiment une puissance, malfaisante et qui est liée à son physique, qui est associée à son physique, mais ce n’est pas le même archétype qu’on a cité jusque-là. 

Z : Elle est plus power angry, très assoiffée de pouvoir. Parfois, c’est ça qui la rend bête un peu. 

A : Un peu aveuglée par sa soif. 

Z : C’est ça, assoiffée par le pouvoir donc aveuglée par ça. Après, dans la manière dont elle est critiquée par Hermione, parfois critiquée aussi par d’autres personnages comme Slughorn qui la critique en disant qu’il la trouve idiote, par rapport aux discriminations qu’elle fait et aux espèces de préjugés qu’elle a. Ca c’est décrit un peut comme stupide. Mais sinon c’est vrai que ce n’est pas un personnage bête dans la manière dont elle écrit à part quand c’est pour une question de pouvoir et qu’elle a un peu des œillères. Sinon, elle est plutôt manipulatrice. Après, elle n’est pas décrite comme bête mais elle n’est pas non plus particulièrement intelligente ou maline. 

M : Non mais elle est efficace. 

Z : Parce que derrière elle, elle a un pouvoir institutionnel mais qui ne vient pas d’elle. Ce n’est pas une ressource personnelle. Après, si on regarde un petit peu dans les écrits sur Pottermore…etc, on se rend compte qu’elle est très manipulatrice, qu’elle arrive à ses fins, qu’elle grimpe les échelons en récupérant le travail d’autrui… 

M : Elle est opportuniste. 

A : C’est vrai qu’en terme de bêtise, on peut quand même dire qu’elle s’est laissée berner… Certes, Hermione est quelqu’un de particulièrement intelligent mais elle se fait quand même berner par Harry et Hermione qui l’emmènent dans la Forêt Interdite. Elle ne se méfie pas plus que ça. 

Z : C’est ça, il y a plein de moments où elle se fait complètement avoir, elle n’est pas particulièrement fine. Ce n’est pas un perso très malin. 

A : C’est ça. 

Z : Mais décrit comme moins idiot, peut-être, que Dudley ou Crabbe et Goyle. Mais par exemple, c’est pareil, Vernon n’est pas décrit comme complètement stupide. Il est surtout très méchant. Il n’a pas inventé l’eau chaude mais ce n’est pas non plus la bêtise de son fils. 

A : C’est ça, il est un peu bas du front mais de la même manière que sont décrits tous les moldus parce que c’est un peu toujours cette opposition entre les moldus qui sont ignorants de tout ce qu’il se passe autour d’eux, au fait que les sorciers existentent… Il y a un peu cette forme de bêtise mais qui n’est pas du tout la même non plus. Il n’est pas considéré comme bête par les moldus. Quand on voit, quand il reçoit ses clients, les Mason, dans le deux… On ne le voit pas beaucoup en compagnie d’autres moldus mais il n’a pas cette image de personne perçue comme bête par ses pairs, effectivement. Ça change aussi un peu la dynamique. 

Z : C’est intéressant, avant cet épisode j’avais regardé sur Body Positive University qui est un site de body positive et de fat activism et il y a toute une liste comme ça de figures de style, de tropes qui sont grossophobes. C’était très intéressant parce que ce sont des tropes qu’on retrouve à travers Harry Potter vraiment très régulièrement et qui ne sont pas forcément négatifs mais pas forcément positifs non plus. Ils peuvent même parfois avoir un aspect positif. C’était très intéressant de voir des exemples qu’on retrouve à travers plusieurs médiums de fiction. C’est intéressant, il n’y a pas que des exemples de stéréotypes négatifs. 

M : Un qui est quand même très clairement dans les stéréotypes négatifs, c’est Peter Pettigrow. Voilà, encore une fois c’est le faible du groupe d’amis, qui en plus après trahit… 

Z : Qui ressemble à un rat. Il n’a pas grand-chose pour lui. 

M : Là, son physique… Bon, on le voit quand même un peu dans les souvenirs avant mais quand on le revoit dans le présent de Harry, son physique est associé au fait qu’il a passé douze ans sous forme de rat. Forcément, comme tous les animagi, il reste marqué par sa forme animale. C’est dégradant, pour ce qui est de la description physique, d’être associé au rat, c’est sûr. Mais même indépendamment de ça… Tu avais noté ça, Ipiu, la « traduction », qui n’est même pas une traduction, en français, de Pettigrew qu’on lit en français « petit gros ». 

A : C’est ça, en anglais ça s’écrit « grew » et en français, Jean-François Ménard a modifié en « grow » donc si on lit vraiment avec un gros accent français son nom de famille, c’est littéralement « petit gros ». Je suis très partagée sur ce choix de traduction. D’un côté, en tant que traductrice, je trouve ça intéressant d’avoir essayé, dans un livre où on a tendance à vouloir mettre beaucoup de l’identité des personnages dans leur nom – professeur de botanique, Chourave, il y a toujours une association un peu comme ça entre leur nom et leur rôle – mais dans le cas de Pettigrow, c’est vraiment ses caractéristiques physiques qui le définissent. Ça devient son nom de famille. Ce qui n’est pas du tout le cas en anglais. 

Z : Ça peut être un tour de force de traduction qui reste grossophobe ! Encore une fois, les deux ne sont pas… Je trouve que c’est très malin, c’est très bien fait, c’est un excellent traducteur, on ne peut pas lui retirer ça. 

A : Je n’irais pas lui retirer ça mais je suis partagée. D’un côté, je trouve ça très intelligent d’avoir pensé à ça, ça colle au personnage, mais de l’autre… Je me dis, si aujourd’hui j’étais confrontée à ça, je ne suis pas sûre que j’aurais envie de traduire ce nom comme ça parce que je trouve ça problématique. 

M : Parce que dans le nom en anglais, il y a peut être plus une allusion à sa mesquinerie.

A : Petty, c’est vraiment la mesquinerie. 

M : C’est ça, qui devient de plus en plus mesquin. Il grew mesquin. Donc d’avoir transformé ce trait plutôt moral en trait physique… c’est un choix mais il je pense qu’il y avait quand même, dans le nom de famille de Peter déjà une association avec qui est le personnage. On n’entend pas la même chose en anglais et en français. 

A : C’est sûr mais au niveau de la réception du lectorat, elle n’est pas du tout la même, du coup. Je trouve ça très intéressant d’avoir ce décalage-là qui se crée. Bon, effectivement, un adulte dans le corps d’un rat c’est une super mauvaise association mais on sait que même quand il était encore étudiant, McGonagall dit qu’il est toujours collé aux basques de James et Sirius, même s’il était beaucoup moins bon à l’école, qu’il avait du mal, qu’il essayait d’être à la hauteur… Il y aussi vraiment une hiérarchie qui se dessine entre James, Sirius et Lupin qui étaient brillants et Pettigrow qui l’était beaucoup moins, qui avait des difficultés, qui avait beaucoup plus besoin de ses amis pour l’aider… On le dit aussi pour devenir animagus,il a eu beaucoup plus de difficultés et c’est parce que James et Sirius l’ont beaucoup accompagné qu’il a réussi à devenir animagus. Il y a quand même ce cliché, à nouveau, qu’une personne qui est grosse est plus bête et a plus de difficultés, a besoin de l’aide d’une personne qui ne l’est pas, qui n’est pas grosse. 

M : C’est un peu la version dark de Neville. Neville c’est celui qui s’en sort bien et Pettigrow c’est celui qui vire du côté obscur. 

Z : On peut le voir comme ça, c’est sûr. Je pense que c’est vachement le truc du sidekick : le petit-gros sidekick qui est toujours mis de côté et qui est aussi… – comment on dit en français ? – le comic relief… le dindon de la farce. On rit à ses dépens. 

A : C’est le ressort comique. 

Z : Le ressort comique, c’est ça. Merci. Jean-Claude Van Damme, sors de ce corps, s’il te plaît. Rires. C’est intéressant, ce sont des clichés qu’une fois qu’on a un petit peu compris les mécanismes et qu’on se renseigne un petit peu, c’est difficile de ne plus les voir. Ils sont tellement fréquents ! C’est un peu pareil que le sexisme et de toutes ces figures de style oppressive : une fois qu’on s’en rend compte, c’est juste impossible de consommer de la fiction sans en être conscient. C’est pour ça que c’est important. Après, dans ceux justement où c’est un petit pas clair si c’est péjoratif ou pas péjoratif, il y a Slughorn avec cette géniale comparaison avec un morse qui me fait toujours penser au personnage dans Alice au Pays des Merveilles. Ce n’est pas du tout un personnage positif, d’ailleurs ! 

M : Je n’ai pas l’impression, effectivement, que cette comparaison avec le morse soit très dégradante pour lui. C’est plutôt qu’il a une glorieuse moustache et il est imposant… 

Z : Il est imposant, avec ses boutons qui sont toujours sur le point de craquer. On va dire que ses caractéristiques physiques restent extrêmement importantes. Mais en fait, ce qui est intéressant c’est que, de toute façon, dans son écriture, Rowling a énormément de mal à se détacher des traits caractéristiques des personnages. C’est terrible. Dumbledore est tout mince, il a des longs doigts, il a un nez crochu, Slughorn est gros… Je pense que sa faiblesse, cette capacité à se faire influencer, je mets ça en lien avec son lien, peut-être. Ce serait le point que je vois. Comme il est clairement bon vivant, il est faible. On peut le manipuler un peu par rapport à ça. 

M : C’est vrai qu’il y a l’exemple de Tom Jedusor qui lui offre des sucreries pour l’amadouer. 

Z : Pas que lui ! Quand il nomme tous ses contacts qui lui envoient des boîtes et des boîtes de dragées de Bertie Crochue… Tout le monde lui en envoie ! Honeydukes – je ne sais plus, c’est Honeydukes en français ou pas ? 

A : Oui, c’est Honeydukes en français aussi. 

Z : Donc pareil, Honeydukes qui lui envoie des boîtes et des boîtes de chocolat… Clairement, il aime bien manger et ça fait partie de la manière dont ses nombreux fans… – 

M : Là j’ai l’impression que c’est plutôt l’association de ça avec son statut social, le prestige social qu’il exprime à travers l’abondance, le fait d’avoir toutes ces sucreries, ces friandises… en mode, c’est le signal qu’on m’offre des choses, que j’ai un statut social grâce à toutes ces personnes que j’ai collectionnées. Il y a plus ce côté-là. 

Z : Pour moi, c’est les deux. C’est un symbole de pouvoir mais aussi du pouvoir qu’on a sur toi parce que c’est du donnant-donnant. C’est aussi une faiblesse que tu as, d’aimer le pouvoir et d’aimer avoir de l’influence, ce qu’on peut retourner contre toi, mais qui est aussi lié à comment on peut t’influencer et te mettre dans sa poche en utilisant ton faible pour la bonne chaire et ce genre de choses. 

A : Il est influençable donc il reçoit des cadeaux…etc mais c’est aussi un choix que ces cadeaux soient de la bouffe. 

Z : Principalement, oui, clairement. 

M : Il a des places pour aller voir les matchs de Quidditch aussi ! 

Z : C’est vrai. 

A : Dans Le Prince de Sang-Mêlé, quand il va voir Hagrid après l’enterrement d’Aragog et qu’il commence à regarder un peu partout dans la cabane « Oh, tiens, des crins de licornes… », Harry fait la réflexion qu’il est en train de regarder tout ce qu’il pourrait convertir en boîtes d’ananas confit. Il y a vraiment ce côté « Tiens, je vais t’emprunter ça parce que ça va me permettre de m’acheter plus de bouffe ». 

M : Ça c’est Harry. 

Z : Oui mais Harry c’est clairement J.K Rowling. 

A : Je trouve que le point de vue de Harry, ce qui est particulier, c’est que comme ce n’est pas écrit à la première personne, il y a presque une tentative de créer un sentiment de neutralité de narrateur un peu externe là où ce n’est pas du tout le cas. C’est Harry qui le voit comme ça mais le lecteur est censé le percevoir comme ça aussi. Il y a un peu un biais qui est instauré entre le ressenti de Harry et la réalité. 

Z : Et puis, il n’y a aucun autre personnage qui est décrit comme tel. C’est une forme de lâcheté un peu, il aime son confort, il est embourgeoisé et clairement ça résulte au fait qu’il est gros. Est-ce qu’il est gros parce qu’il aime son confort, qu’il est fainéant et que du coup il ne bouge pas, ce qui est un énorme stéréotype grossophobe, ou est-ce que c’est parce qu’il est gros qu’il aime son confort et qu’il est embourgeoisé ? Ce n’est pas très clair. De toute façon, l’un se nourrit de l’autre. Ça fait partie des personnages qui sont gros mais pas forcément mauvais. Le dernier exemple que je vois qu’on avait noté c’était Hepzibah Smith, qui est un des exemples de grossophobie. Quand on me dit que l’écriture de J.K Rowling est unkind, je pense que ça c’est vraiment un exemple. 

M : Ça fait vraiment gratuit là, pour le coup, parce qu’on ne la connaît pas cette femme. On la connaît juste dans le cadre de cette interaction avec Tom Jedusor qui la manipule complètement mais effectivement, les descriptifs sont très… – 

Z : Même Dumbledore la traite de personne stupide ! Alors que généralement, Dumbledore c’est plutôt quelqu’un de généreux, la personne sage, pleine de savoir…etc. C’est hardcore. Elle est présentée comme une bonne pomme, un peu comme le moine, Neville… ce sont de bons gros gentils. Elle, elle est encore plus stupide. Et en plus, elle est hyper féminine, c’est une catastrophe ! Elle met du maquillage… 

A : Pour resituer pour les lecteurs, Hepzibah Smith, c’est la sorcière qui possède le médaillon de Serpentard et la coupe de Poufsouffle. Elle se les fait voler par Tom Jedusor et dans les souvenirs, elle est décrite comme une femme particulièrement grosse. Harry est surpris qu’elle arrive à se déplacer sans rien renverser chez elle, ce qui est quand même d’une violence assez inouïe. En plus, elle est décrite comme étant laide et pas fute fute puisqu’elle se fait piquer ses richesses par Tom Jedusor. 

M : Tout ça, c’est dans le tome six. C’est aussi le tome où on a Slughorn. Je trouve qu’il y a vraiment un parallèle entre Slughorn et Hepzibah Smith, par leur lien avec Tom Jedusor, forcément, mais il y a un peu un motif qui se répète et, comme par hasard, ils sont tous les deux désignés par leur corpulence. 

A : Deux personnes qui se sont fait largement berner par Tom Jedusor qui ont un peu les mêmes caractéristiques physiques pas forcément très flatteuses. 

M : Là, on a fait une liste… Slughorn, on a dit que ce n’était pas forcément complètement méchant. Il n’y a pas que des associations gros = méchant ou gros = bête, il y a aussi des personnages positifs de la saga qui ont aussi des qualificatifs en lien avec leur corpulence mais qui ne sont pas forcément associés à leur personnalité – ou peut être que si, on ne sait pas ! On a mentionné un peu Hagrid mais on peut peut-être revenir sur Hagrid parce qu’on n’a pas parlé de sa corpulence. Il n’est pas mince ! 

A : Il n’est pas mince mais moi, quand je le lis, il n’est pas décrit comme quelqu’un qui est gros. Il est décrit comme ayant une corpulence dans le sens où il est demi-géant. Il est géant, on dit que ses pieds ou ses mains font la taille d’un couvercle de poubelle, mais c’est littéralement du gigantisme. Pour autant, proportionnellement, on ne nous dit pas qu’il est gros. 

M : Il n’est pas gras, c’est vrai qu’il n’y a jamais de lien… 

A : Mais pour autant, il souffre quand même de… il est stigmatisé pour son physique parce qu’il ne rentre pas dans le moule. Il ne correspond pas à ce que les sorciers attendent d’un physique classique. C’est une source de discrimination parce qu’il est demi-géant et qu’il a un physique inhabituel. 

M : C’est adressé. 

Z : De toute façon, Hagrid est uniquement décrit de par à quel point il s’impose. On n’a pas, comme dans d’autres personnages, ces espèces de descriptions de double-mentons qui tremblottent, de mains qui sont trop grosses, de boutons trop serrés parce qu’il y a le ventre qui pousse derrière… ce genre de choses qui sont omniprésentes dans les autres personnages gros qui sont décrits, surtout s’ils sont négatifs. C’est autre chose. Je dirais aussi d’ailleurs qu’Hagrid est aussi le seul personnage qui a droit à des traits de féminité positifs ! Il a son petit parapluie rose, ça ne pose pas de problème, son petit tablier à fleurs… ça c’est positif. 

A : Et il aime beaucoup cuisiner. C’est vrai que je trouve ça intéressant de se dire qu’Hagrid souffre quand même clairement d’une forme de discrimination qui est liée à son physique mais pas pour une question de surpoids, mais vraiment de par son statut de demi-géant – 

M : Oui, c’est lié à son ascendance donc c’est presque plus une forme de racisme, au final. 

A : C’est ça. Mais du coup, ce que je trouve intéressant c’est que là, dans Harry Potter, il y a vraiment une dénonciation de ces stéréotypes-là, il y a une vraie critique de ça. Les articles de Rita Skeeter, on nous fait bien comprendre que ce n’est normal, qu’elle a tort, que Ombrage a tort avec ses préjugés… Mais par contre, on n’a jamais ce genre de démentis, de dénonciations quand il s’agit de grossophobie pure et simple. 

M : Parce que là, le stéréotype qu’il y a dans la société sorcière, c’est qu’il est potentiellement dangereux. C’est quelque chose d’un peu différent par rapport à Slughorn ou quoi. Là, c’est un physique qui peut être potentiellement menaçant pour les autres. 

A : Clairement, mais je trouve ça intéressant la façon dont les combats sont choisis. D’un côté, on va bien faire comprendre quer c’est de la discrimination – c’est très bien, je ne dis pas que ce n’est pas important de dire qu’il ne gait pas discriminer Hagrid parce que c’est un demi-géant – mais je trouve ça intéressant d’avoir fait le choix de le répéter à de très nombreuses reprises pour le cas de Hagrid, pour le cas de Lupin aussi pour les loups-garou… Des discriminations qui sont plus typiques du monde magique, puisqu’on n’a pas demi-géant et de loup-garous chez nous, mais par contre quand il s’agit de discriminations moldues – le sexisme, la grossophobie… – là il n’y a vraiment aucune forme de dénonciation qui est l’oeuvre. Le problème n’existe pas. 

Z : Après, le gigantisme de Hagrid et le fait que Lupin soit loup-garou, c’est censé être aussi des métaphores – qui sont très maladroites mais c’est censé en être. Mais oui, pour moi, le personnage de Hagrid n’est pas particulièrement grossophobe. A part que c’est le doux géant un peu bête… On se demande un peu, peut-être qu’avec ça on pourrait faire le lien mais sinon… on peut passer aux personnages positifs qui sont aussi gros. Le premier qui vient à l’esprit, c’est clairement Molly Weasley. 

A : Ce que je trouve intéressant dans le cas de Molly Weasley et de Chourave aussi… Alors, Chourave est décrite comme « une sorcière joliment potelée » en français et Molly, on parle d’une sorcière « replète ». Je trouve que le choix du vocabulaire et des adjectifs est vraiment très parlant. Dans le cas de Molly et Chourave, on nous dit que ce sont des personnes en surpoids mais les adjectifs ne vont pas chercher à se moquer ou à insister dessus et on ne nous le dit pas non plus à chaque fois que le personnage est mentionné alors que dans le cas de Ombrage, des Dursley… On parle des doigts boudinés, on dit qu’ils sont grassouillets, on dit que les boutons sont tendus… Ce n’est pas du tout la même approche et la même façon de présenter leur poids. 

Z : C’est une stigmatisation, une caricature censée être positive. C’est la caricature de la bonne gentille maman grosse, mais elle est grosse parce qu’elle est gentille, parce qu’elle s’occupe de ses enfants… D’ailleurs, elle n’a aucune autre qualité, Molly Weasley. C’est une maman et c’est tout. On est censé être surpris, d’ailleurs, quand à la fin on se rend compte que c’est une super bonne sorcière et qu’elle peut tenir tête à Bellatrix. C’est censé être un élément de surprise, on est censés être là genre « Wahou, en fait c’est tellement inattendu qu’une personne petite grosse et une mère attentive soit en fait hyper badass et hyper efficace en combat ! ». Parce que normalement ça ne va pas ensemble, ce n’est pas possible. 

M : C’est une mère, certes, mais c’est une mère de sept enfants. A chaque fois qu’on est au Terrier et qu’on est avec les Weasley et toute la fratrie, quand on voit Molly avec les jumeaux, avec tous ses enfants… on fait quand même sentir que c’est une performance, ce qu’elle a fait, d’élever sept enfants. 

A : Huit, parce que Arthur ne l’aide pas beaucoup ! 

M : Il y a quand même ce côté… Certes on rentre un peu dans certains clichés mais ce n’est pas forcément réducteur, pour le coup. Que Molly soit une mère, ce n’est pas présenté comme étant réducteur, au contraire. C’est différent, par exemple, d’autres personnages de mères comme Narcissa ou d’autres. Là, on a vraiment la mère qui a assuré, quand même ! 

Z : Je pense que tu le lis avec tes lunettes féministes maintenant parce que ce n’est pas tellement… C’est impressionnant parce qu’elle a sept enfants et qu’effectivement ce n’est pas quelque chose de classique dans nos sociétés de maintenant, occidentales, ce n’est plus tellement la norme. Mais déjà, le rôle de mère est quand même vachement réduit – même si bien ŝur ce n’est pas rien – à faire des sandwich, tricoter des pulls en temps et en heure pour les fêtes et faire à manger. C’est à peu près ça. Faire les plats préférés, faire la lessive aussi, elle fait beaucoup la lessive. Mais elle n’a pas vraiment de personnalité ! Si, elle aime bien la chanteuse Celestina Moldubec mais Molly Weasley n’a pas vraiment de personnalité en dehors de son rôle de maman. C’est un super personnage parce que ça apporte ce qui manquait à Harry dans le rôle très très défini et très stéréotypé de ce qu’une maman devrait être pour J.K Rowling. Encore une fois, il y a plein de mères qui font d’autres choses que de faire des sandwich et de faire la lessive. Même si, encore une fois, ça n’a rien de dégradant et ce n’est pas rien de faire la lessive et à manger pour sept personnes, être la principale personne en charge d’un foyer et le faire tourner, c’est un job à temps plein. Mais je trouve qu’elle n’a pas particulièrement plus de détails sur qui elle est et qu’est-ce qui l’anime en tant que personnage. Mais après, voilà. 

M : Pour le coup, je ne suis vraiment pas d’accord. On a quand même pas mal de détails sur son caractère et le fait qu’elle s’engage dans l’Ordre du Phénix. Elle a quand même ses deux frères qui sont morts pendant la première guerre. 

Z : Mais elle y fait quoi, dans l’Ordre du Phénix ? Elle ne monte pas la garde, par exemple. Elle fait le ménage dans la maison. Elle est très stéréotypée ! 

M : Elle est à la bataille à la fin, quand même, alors qu’elle aurait pu rester à la maison. 

Z : Oui mais on est censés être complètement choqués ! « Ohlàlà, en fait c’est une guerrière ! ». Mais c’est censé nous prendre à rebrousse poil. 

M : Je ne sais pas, elle est là où sont ses enfants. Ça reste logique dans son personnage. Je ne sais pas… En tout cas, moi je n’ai jamais vu comme ça, qu’elle ait été réduite à – 

Z : Mais par exemple, pense à Arthur Weasley qui a une passion pour les moldus, qui est très intéressé par ça. Il a des intérêts en dehors de sa famille, en dehors de son rôle de père. Et comme par hasard, la maman n’a aucun autre centre d’intérêt. 

M : Celestina Moldubec, quand même ! (rires)

Z : C’est vrai, pardon. Enfin voilà, c’était mon point de vue mais on peut le lire de plein de manières différentes, moi ça reste l’un de mes personnages préférés.

A : Je pense que, mine de rien, Molly est un personnage qui s’est beaucoup nourri des visions de fans et dans le fandom qui est un personnage qui est extrêmement apprécié. Maintenant, avec le recul de l’histoire terminé, elle est un peu indissociable de cette scène de fin où elle combat Bellatrix. Effectivement, c’est une sorcière super badass. Moi c’est un personnage que j’adore aussi mais je serais curieuse de relire en essayant vraiment de me concentrer uniquement sur les descriptions des scènes que je suis en train de lire, sans penser à ce que je sais d’elle d’ailleurs. Je pense qu’effectivement la perspective n’est pas forcément la même. 

Z : C’est un super personnage. Ce sont des réflexions que je me suis faites après. Il ne faut pas oublier aussi que J.K Rowling a une fixette sur la figure de la mère, c’est central par rapport à Harry. C’est vachement important. Moi, j’ai toujours eu un petit peu ce sentiment qu’il y a quand même une espèce de réduction de ce que c’est d’être une mère à quelque chose de très attendu, de très acceptable. On ne va pas trop secouer les codes. 

A : On n’est plus trop dans le sujet de la grossophobie mais, pour moi, Molly, c’est surtout montrer à quel point la maternité est l’accomplissement de la vie d’une femme. C’est vraiment la mère parfaite et donc, d’une certaine manière, la femme adulte parfaite. 

Z : C’est ça, quand je dis que c’est réducteur… Ce qui est intéressant, si on veut retourner sur le sujet de la grossophobie, c’est que c’est le seul cas, je pense, où la grossophobie est dénoncée. C’est quand Malefoy se moque du poids de la maman de Ron. je pense que c’est le seul moment où le texte dénonce ça, ce qui est quand même à mourir de rire parce qu’on a passé le reste de tomes à se moquer mais là, tout à coup, ce n’est plus possible. 

A : Oui, Malefoy la décrit comme grassouillette, je crois. 

Z : C’est ça, et qu’il faudrait qu’elle fasse un petit régime parce que sur la photo elle devrait perdre du poids. Je pense que c’est quand la photo est publiée dans la Gazette, après l’incident à la Coupe du Monde. 

A : C’est ça. 

M : Ah oui, dans le tome quatre. 

A : Il dit que sa mère aurait intérêt à perdre quelques kilos. Il ne la compare pas à un cochonnet, quelque chose comme ça ? 

Z : Oui, c’est très classe. 

A : C’est clairement dénoncé à ce moment-là mais, à nouveau, c’est dénoncé sur un personnage qui avait le droit à une représentation extrêmement positive. Mais quelqu’un qui est vu comme… Dudley, il ne faudrait surtout pas dénoncer le fait qu’on l’insulte parce qu’il est méchant donc il mérite d’être insulté. C’est ça qui est super problématique. Oui, il faut le dénoncer, mais quelle que soit la situation. Ce n’est pas parce que la personne a été infecté que ça excuse le fait de l’insulter. 

Z : Et encore une fois, la réponse aux violences, à la méchanceté, à l’injustice, c’est une autre forme de violence. C’est intéressant. Une punition, aussi. Alors, je ne me souviens plus… ah, c’est Chourave qui est mentionnée aussi ! 

A : On a mentionné Chourave oui. Alors, elle a un rôle moins important dans l’histoire mais, pour le coup, on a une sorcière qui est « joliment potelée » mais qui est une sorcière qui est douée, qui est présentée comme une très bonne prof, compétente… 

Z : Pour le coup, c’est vraiment un personnage qui n’est pas du tout dans un cliché grossophobe, pour moi. Je serais curieuse d’entendre quelqu’un m’expliquer le contraire parce que peut-être que je manque quelque chose. Mais elle est plutôt indépendante, clairement passionnée, elle a toujours les mains dans la terre, elle est active, en tout cas c’est souvent entendu comme actif. C’est un personnage très positif. 

A : C’est ça. Elle n’est pas présentée comme bête, elle n’est jamais non plus… Quand on pense à d’autres clichés de profs qu’on a à Poudlard, elle n’est pas complètement à côté de la plaque comme peut l’être Trelawney. 

Z : Une équipe pédagogique de qualité à Poudlard ! 

A : Parmi tous les profs de Poudlard, elle est quand même présentée parmi les profs les plus compétents avec McGonagall, Flitwick, Lupin…etc. Par rapport à Trelawney, à Lockhart ou même à Rogue, qui est très bon en potion mais extrêmement problématique vis à vis des élèves… Elle, c’est peut-être aussi la valeur de Poufsouffle, c’est quelqu’un qui est juste avec les élèves. Elle ne fait pas de favoritisme envers sa maison spécifiquement… 

Z : Le seul moment où elle fait un petit écart c’est qu’elle est désagréable avec Harry quand il est sélectionné pour la Coupe de Feu. Elle l’ignore un petit peu. C’est vraiment le seul moment où potentiellement elle fait un écart au fait qu’elle est plutôt sympathique. 

A : Mais par contre, cet écart-là n’est jamais associé à son poids. On ne dit pas « le grassouillet professeur Chourave lui avait dit quelque chose », ce qui là serait problématique. 

Z : Ce n’est pas du tout un personnage stéréotypé je trouve, le professeur Chourave. C’est plutôt un personnage qui échappe aux stéréotypes de mon point de vue. Après, je n’ai pas toujours l’œil le plus aiguisé, peut-être que quelqu’un me dira le contraire. 

A : Si vous nous écoutez et que vous trouvez qu’on a raté quelque chose sur le professeur Chourave, n’hésitez pas à nous envoyer un mail ou un commentaire là-dessus. Du coup, le professeur Chourave, jusqu’ici elle a tous les points. Meilleur personnage en surpoids ! 

Z : Juste, elle n’est pas assez mentionnée. On n’en sait pas assez. 

A : Clairement, elle pourrait avoir plus d’importance. 

Z : Mais ça peut être notre icône cottagecore lesbienne fatpositive, c’est bon. Elle a tous les codes. 

A : Clairement. 

Z : Qui est-ce qu’il nous manque ? C’est tout, en fait. 

A : On a un peu parlé d’Hagrid, il y a un peu Madame Maxime… 

Z : Mais elle n’est pas du tout décrite comme grosse. Elle est grande. 

A : C’est ça, elle est grande. Elle souffre des mêmes stéréotypes que Hagrid. Elle est demi-géante donc elle a une corpulence qui, littéralement et sans aucune connotation négative, inhumaine puisqu’elle est demi-géante. Elle a cette ossature imposante. 

Z : Mais il est répété régulièrement qu’elle est très belle, très élégante, qu’elle est française… 

A : Mais du coup, ce que je trouve intéressant dans le cas de Madame Maxime, c’est que… On parlait tout à l’heure des opposés entre Vernon qui est très gros et Pétunia qui est très mince, je trouve que c’est une très bonne chose que ce ne soit pas le cas entre Madame Maxime et Fleur, par exemple. Fleur est le cliché de la fille sublime qui attire tous les regards, Madame Maxime ce n’est pas, à côté d’elle, la directrice qui est laide, qui est grosse… Ce n’est pas un cliché comme ça. je trouve ça plutôt intéressant d’avoir ces deux personnages qui sont valorisés, qui sont décrits comme physiquement… elles sont toutes les deux belles mais elles ne sont pas juste belles. Elles sont intelligentes, elles sont badass, elle est directrice d’école… Voilà. C’est moins dans la grossophobie mais dans un personnage qui va avoir un physique un peu inhabituel par rapport aux autres personnages parce qu’elle est demi-géante, elle n’est pas stigmatisée. hagrid, il est grade-chasse à Poudlard parce qu’il s’est fait renvoyer, parce qu’il s’est fait couillonner. Il y a quand même un statut un peu au bord de la société sorcière et il a un peu de la chance que Dumbledore le protège. Madame Maxime, ce n’est pas du tout ça. 

Z : Et on note qu’il n’y a jamais aucune réparation par rapport à Hagrid, à part qu’il est engagé comme prof, c’est sous-entendu que c’est un peu grâce à ça, mais personne ne lui redonne une baguette… On a très peu d’occasions de réparer le mal qui a été commis, dans Harry Potter. C’est vraiment la grosse lacune, pour moi, à part que l’autrice est transphobe. C’est vraiment le gros point, pour moi, à discuter avec les enfants, les ados à qui on met les livres dans les mains, je pense. C’est vraiment un truc important. 

A : C’est ça, comme beaucoup de personnages ne vont pas avoir de rédemption ou un changement d’angle, c’est important de pouvoir y réfléchir à postériori, de prendre cette distance-là. 

Z : C’est vrai. Ce que je trouve aussi intéressant quand on parle de grossophobie c’est que c’est l’occasion de toucher à plein de stéréotypes et la manière dont les personnages sont écrits et représentés dans la fiction. C’est vraiment un mécanisme d’oppression qui est important et qui vaut la peine d’être étudié et à connaître, et à reconnaître surtout. C’est souvent quelque chose qui est à l’intersection de plusieurs identités marginalisées et quelque chose qui peut être le résultat aussi d’autres formes de marginalisation. Je pense que c’est pour ça aussi que c’est très facile de dévier du sujet et de penser en arborescence. Dans ce podcast, on a aussi fortement dévié du sujet à plein de moments mais c’est tellement recoupé à d’autres éléments de stigmatisation et de discrimination. Aors que, pourtant, c’est uen forme de discrimination qui est très peu prise au sérieux, très peu prise en compte, alors que c’est quelque chose qui concerne énormément de personnes et qui est lié à pelin d’autres forme de marginalisation, notamment le fait d’être pauvre, d’avoir peu d’argent, des conditions génaétiques… Il y a aussi énormément de personnes handicapées qui se retrouvent en situation de surpoids, qui sont grosses de par les conditions médicales que ce soit par des effets secondaires de médicaments ou le fait de ne pas pouvoir bouger assez…etc. Il y a énormément de stigmatisation, je trouve ça vraiment important que vous l’ayez abordé. Ce n’est pas anodin du tout, ce n’est pas pour le fun de basher J.K Rowling. Ce n’est vraiment pas très rigolo et ça a des conséquences réelles dans la vie des gens. Moi, par exemple, actuellement je ne peux pas avoir accès à certaines choses parce que je suis en surpoids, parce que je suis trop gros⋅se. Ça va de : je vais payer une assurance pour mon prêt sur mon appartement, je vais la payer plus cher. Ça va de : je n’ai pas le droit par exemple d’avoir insémination artificielle si un jour je veux être parent. Je n’ai le droit à aucune insémination artificielle parce qu’on considère que je suis trop grosse donc on ne veut pas inséminer les personnes grosses. On est discriminés à l’embauche, médicalement c’est une catastrophe – moi j’ai quand même été en errance médicale pendant presque dix ans pour qu’on me dise finalement « Ah non, en fait ça n’a rien à voir avec votre poids ! ». Donc oui, c’est vraiment quelque chose qui a des conséquences très très réelles sur la vie des gens. Surtout, on ne résout pas des problèmes de santé et on ne résout pas tout ce qui est sous couvert de dire qu’on se soucie de la santé des gens. la grossophobie n’a jamais ne résolvera jamais ça, de toute façon ! La stigmatisation n’apportera rien si c’est ça vraiment le sujet. 

A : D’où l’importance d’essayer de montrer comment la détecter, d’une certaine manière, et d’en prendre conscience. 

Z : Clairement. De décrypter à quel point c’est… En anglais on dit baked-in, j’aime beaucoup, c’est vraiment… « cuit dans tout ». 

A : Oui, c’est insidieux et c’est ça qui est le plus compliqué, c’est quand c’est systémique. Il y a un truc sur lequel, quand même, je trouve qu’il y a peut-être une représentation positive – j’aimerais bien ton avis dessus. La plupart des personnages qui sont gros sont associés à la bêtise, la méchanceté. Le fait de maigrir n’est pas décrit de manière positive dans Harry Potter, ce qui va traditionnellement être le cas : « C’est bien, tu as perdu du poids, tu as fait un régime… », c’est forcément une bonne chose. Tous les personnages qui vont être décrits comme ayant minci, en fait c’est plutôt quand ils ne vont pas bien, quand ils sont stressés. 

Z : Rappelle-moi les personnages qui maigrissent ? 

A : On a Arthur quand au travail au Ministère il est complètement dépassé au moment de l’Ordre du Phénix, ça devient compliqué. Lupin, en raison de sa lycanthropie. Malefoy, dans le tome 6, pendant qu’il essaie de réparer l’armoire à disparaître. Tonks, quand elle aimerait bien être avec Lupin mais ils sont dans une situation compliquée et suite à la mort de Sirius. Ils sont tous les quatre décrits comme ayant maigri. 

Z : C’est vrai, maintenant que tu le dis, les traits tirés…etc. 

A : C’est ça, mais ce n’est pas associé comme « Wahou, tu as minci, tu rentres dans une taille de robe plus petite ! »

Z : Non, très bien, dix points pour Gryffondor ! 

A : Du coup, clairement ça n’efface pas toutes les autres descriptions mais je trouve que c’est un point qui est intéressant. 

Z : Après, pareil, l’obsession de décrire en permanence le physique des gens me met mal à l’aise. Mais oui, c’est vrai, pour ça c’est cool, effectivement il n’y a pas de lien au fait de perdre du poids comme quelque chose de bénéfique et ça c’est plutôt positif. Voilà, well done J.K, il y a eu ça. 

A : Comme on parle de poids, ça va dans les deux sens. Je pense que c’est important de dire qu’il y a aussi le fait de maigrir qui est très souvent valorisé : « Préparez votre sumer body ». Et là, non, on ne te dit pas de préparer ton summer body pour aller faire la guerre contre les Mangemorts, c’est plutôt un mauvais signe quand tu es trop mince dans le monde magique. 

Z : En tout cas, quand il y a une perte de poids importante, il y a plutôt de quoi s’inquiéter. Après, je pense que ça a été écrit à une autre période. Il y a quand même aussi, dans ces descriptions physiques qu’elle fait, une espèce d’obsession qui est un peu étrange. C’est tellement omniprésent… Je ne sais pas. C’est vrai que c’est un écueil dans lequel elle n’est pas tombée et c’est plutôt cool surtout quand on sait à quel point l’industrie du régime affecte les gens tôt, dans leur vie. C’est bien qu’elle ne soit pas tombée là-dedans. Il n’y a pas de régime. J’essaie de me rappeler si dans les pubs il n’y a pas des pubs minceur pour les sorcières et je n’ai pas l’impression donc c’est plutôt cool. 

M : Ça ne me dit rien. 

A : D’ailleurs, ça me rappelle un truc. A l’époque où elle postait des articles, des réflexions sur son site personnel, c’était aux environs de 2004-2005, elle avait fait une fois un poste dont le titre était – dans la VF parce qu’à l’époque je ne lisais ses articles qu’en VF parce que je ne lisais pas assez bien l’anglais – « Ça n’intéressera probablement que les filles ». C’est quand même un sacré biais. Elle disait qu’elle avait revu une vieille connaissance et que la première chose qu’elle lui avait dit c’était qu’elle avait maigri alors qu’entre temps elle avait eu un gamin, sorti deux livres…etc. C’était la première chose dont lui avait parlé cette personne et ça l’avait marquée, que c’était la première chose qu’on regardait chez les femmes. Je me dis que là il y a peut-être un peu une association sur la perte de poids qui n’est pas valorisée. Je trouve ça assez dingue de se dire que ça, peut-être que ça a été intégré dans les romans mais à côté la grossophobie c’est super violent et ça n’a pas du tout quelque chose sur laquelle elle s’est limitée. 

Z : Je pense qu’il n’y a pas tout à jeter dans l’école de féminisme dont elle vient qui est celle de nos mères, nos grand-mères. Même s’il y en a qui ont continué à prendre le train en marche et qui ne se sont pas arrêtées à ça, il y a des choses qui ne sont pas à jeter notamment sur le fait de glorifier la minceur en permanence et dévaloriser certaines caractéristiques associées au féminin, d’où l’écriture d’Hagrid qui vachement chouette. C’est ça que je voulais dire tout à l’heure, dans les descriptions physiques par rapport à la minceur, en relisant – ces deux dernières années j’ai fait un gros travail et beaucoup de formations sur les questions de validisme et tout ce qui est discrimination par rapport au handicap – c’est terrible. Les descriptions sont atroces. C’était très intéressant de relire avec cet angle-là. Notamment dans la façon dont elle décrit Voldemort quand il renaît, elle décrit littéralement le corps d’un paraplégoique, en fait.

A : D’accord. 

Z : Quand il sort du chaudron. Vraiment, avec une forme de dégoût et ce dégoût qu’on a pour des corps déformés, qui ne sont pas la norme…etc. J’ai eu la chance de travailler avec beaucoup de personnes paraplégiques ou qui sont sur le spectre du handicap parce qu’ils ont des différents membres, des déformations…etc. Quelque chose qui est aussi lié un peu à la minceur, elle l’appelle, si je ma mémoire est bonne, « famélique ». A quel point dans les descriptifs en fantasy, pas que mais en tout cas dans la fiction, quand on veut décrire l’horreur, l’insoutenable, le dégoût sur des corps, on va en fait décrire des corps qui sont les corps de plein de personnes handicapées. Donc des vraies personnes, qui vivent comme ça. Donc c’était très intéressant de le relire avec cette analyse-là. 

A : Je pense qu’on pourrait en faire un épisode entier ! 

Z : C’est ça, ça m’a tellement frappée, très récemment, ces deux dernières années. Quand j’ai relu je me suis dit « Wahou, la vache, c’est vrai en fait ! ». Plus je l’entends… et maintenant que je passe du temps avec des personnes qui sont concernées aussi, c’est un peu comme tout. 

M : D’où l’importance d’avoir les points de vue et les paroles des personnes concernées parce que ce sont des choses, comme tu dis, qu’on ne voit pas si on n’a pas fait ce travail-là. 

Z : Moi ça m’était passé à quinze mille kilomètres au-dessus de la tête ! Donc oui, très intéressant… C’était vraiment, littéralement, un ami qui me disait « Bah ouais, moi quand elle décrit le dégoût qu’a Peter Pettigrow quand il doit porter le corps famélique, presque à moitié enfant, comme ça, avec une grosse tête mais des membres très maigres…etc, j’avais l’impression qu’il parlait de moi ». C’est terrible, en fait, quand tu y réfléchis. 

A : Effectivement. 

M : C’est sûr. 

A : Je pense qu’on a fait un bon tour, est-ce que vous voulez ajouter quelque chose sur un personnage… ? 

Z : Non, moi, si vous voulez, je peux vous recommander… j’aimerais juste parler en deux secondes et demi des deux associations francophones que je connais qui se battent contre la grossophobie qui sont, en France, Gras Politique – vous pouvez suivre entre autres l’activiste Daria Marx – et en Belgique, on a Fat Friendly ASBL, qui a fait une compilation de ressources pour penser la grosseur qui est très bien, que je vous recommande particulièrement. Là, de tête… j’aurais dû le faire avant, j’aurais dû faire mes devoirs, j’aurais voulu vous conseiller des fictions avec des héros et des héroïnes gros⋅ses. Il y a Faith, qui est une héroïne de comics, c’était l’une des premières héroïnes de comics, qui est super. On a Squirrel Girl dans la team Marvel qui est très fun aussi et qui est très potelée. Voilà. 

M : On intègrera toutes les références, que ce soit des collectifs ou des références, des conseils de lecture, dans l’article. Tu as le temps, dans les prochaines semaines, si tu as d’autres choses qui te reviennent, on pourra les intégrer dans l’article qui accompagnera l’épisode. 

Z : Bon, c’était très chouette de se retrouver, c’était très cool. 

M : Oui, merci à toi ! 

A : Merci beaucoup à toi d’être revenu⋅e dans l’émission. Peut-être à une prochaine fois, il y a pas mal d’autres sujets qu’on avait envisagés… Je pense que l’angle du validisme pourrait être extrêmement intéressant. 

Z : Et aussi, je ne ferais peut-être pas une liste parce que j’ai la flemme mais potentiellement je sais qu’il y a énormément de fanfictions qui se concentrent sur l’écriture réparatrice d’Harry Potter, ce que je vous recommande chaudement aussi. Ca fait un bien fou, c’est super ! C’est trop chouette. Réécrire certains éléments… ma préférée que j’ai lue récemment, c’était une où Pétunia quitte Vernon et va éduquer Dudley et Harry seule. C’était absolument merveilleux. Et justement; Harry se bat contre la grossophobie dont Dudley est victime à l’école, c’était super.

A : J’aime beaucoup, comme angle. 

M : Carrément. 

Z : C’était super. Au plaisir de se voir, dans les oreilles – ou on se voit réellement ! 

M : On va bientôt se revoir dans les oreilles… Là, effectivement, ASPIC, cet épisode est le dernier de notre saison. Après on rentre dans une pause estivale, on est l’Académie des Sorciers donc comme toute école, on est en vacances ! Par contre, les podcasts de la Gazette ne seront pas en vacances cet été, on vous prépare un super petit programme estival. Ce sera pas PLAGE comme la dernière fois, ce sera un autre programme estival que vous pourrez suivre sur tous les réseaux de la Gazette du Sorcier. Pour les retrouver sur les différents fils de podcast, il faudra aller sur celui de Salut les Sorciers ! pour aller voir ce qu’on vous concocte pour cet été. Sans vous spoiler, ça implique un certain Choixpeau, voilà. 

A : N’hésitez pas, si vous avez aimé l’épisode, à consulter tous les liens et les sites des associations qui ont été cités, que vous pouvez retrouver sur l’article lié à l’épisode sur le site de la Gazette du Sorcier, vous pouvez vous abonner aux pages Facebook et Twitter de ASPIC, vous pouvez aussi nous laisser un commentaire sur vos plateformes d’écoute, ça nous fait toujours très plaisir d’avoir des retours d’auditeurs. Et voilà, on vous souhaite un très bel été ! 

M : Et cher auditeur, n’oublie pas… 

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