Podcast ASPIC ep. 28 : Harry Potter Conference 2021
Pour ce premier épisode de l’année, nous revenons sur The Harry Potter Conference 2021, la 10ème édition du rassemblement annuel autour des études académiques sur Harry Potter. L’évènement s’est déroulé du 15 au 17 octobre 2021 au Chestnut Hill College de Philadelphie, mais, comme en 2020, il était possible de suivre les conférences en ligne depuis chez soi. Grâce à Chouette, rédactrice à La Gazette qui n’en n’a pas perdu une miette, voici notre sélection des interventions les plus intéressantes et captivantes.
Chroniqueuses : Chouette, Marjolaine et Alix
Graphisme : Salem
Montage : Marjolaine
Générique : Kalegula, d’après des thèmes de Patrick Doyle et John Williams
Transcription : Rowenaz
MUSIQUE
Sorcières, sorciers et moldus, erudits ou curieux, bienvenue dans ASPIC, l’Académie des Sorcers, un podcast intéressant et captivant, une émission proposée par la Gazette du Sorcier.
Marjolaine (M) : Bienvenue dans ce vingt-huitième épisode de l’Académie des Sorciers, je suis Marjolaine…
Alix (A) : Et je suis Alix. On a fait une petite pause en décembre 2021 mais on recommence l’année 2022 avec pas mal de projets et de sujets intéressants et captivants à explorer dans notre émission l’Académie des Sorciers. Pour commencer l’année de manière légère mais captivante, on vous propose de faire un petit retour sur l’événement le plus nerdy qui soit dans l’univers du fandom Harry Potter et que vous devez apprécier si vous aimez ce qu’on fait dans ASPIC… C’est la Harry Potter Conference qui a lieu tous les ans à Chestnut Hill aux Etats-Unis. Tout comme en 2020, où on avait fait aussi un petit récap de l’événement, c’était possible en 2021 de suivre l’événement en ligne. Marjolaine et moi l’avons suivi à petites doses…
M : On était un petit peu occupées pendant ce week-end là !
A : On avait des activités sorcières irl à remplir.
M : On peut le dire : on était aux Imaginales et on traînait avec certains de nos invités, notamment une des invités de notre dernière épisode ! On avait une bonne excuse.
A : Exactement. On a avec nous Chouette, rédactrice de la Gazette du Sorcier, qui a suivi de manière extrêmement assidue cette conférence, qui était déjà là l’année dernière pour le compte-rendu de l’édition 2020, et qui va nous accompagner dans la restitution de cet événement. Bienvenue à toi !
Chouette (C) : Merci. Bonjour !
M : Meric surtout de nous avoir enregistré beaucoup du contenu de ce que tu as suivi, ce qui nous a permis de ratrapper tout ça et de découvrir tout ce qu’on avait raté. Franchement, sans toi on ne pourrait pas faire cet épisode !
A : Merci beaucoup !
M : Petit rappel de contexte sur ce qu’est la Harry Potter Conference. En 2021, c’était la dixième édition de la Harry Potter Conference à Chestnut Hill College. L’année dernière, pandémie oblige, c’était une édition complètement en ligne donc c’est pour ça que pour la première fois on avait pu suivre pendant tout le week-end toutes les conférences. En 2021, c’était hybride : on pouvait tout suivre en ligne à nouveau mais il y avait certains des participants qui étaient sur place. On alternait entre des conférences enregistrées et on suivait en direct les échanges sur place… C’est un bon format, je trouve, pour permettre au monde entier de suivre ça et aussi pour des intervenants du monde entier de participer. Ça laisse plus de possibilités pour avoir des personnes en dehors des Etats-Unis qui interviennent, et ça a été le cas. Chouette, je ne sais pas comment ça s’est passé sur place, ce format hybride, mais j’ai l’impression que ça a plutôt bien marché ?
C : Oui. Il y a toujours des petits problèmes de téléphones qui sonnent… Il y avait quelques conférences qui étaient données en direct, mais honnêtement je ne me souviens plus lesquelles. La différence c’est surtout les échanges à la fin. L’an dernier, ils avaient proposé une séance de rattrapage pour découvrir ce qui s’était passé dans l’autre salle puisqu’il y a toujours ces deux salles en parallèle sur la moitié de la conférence.
A : Il y a toujours deux conférences en simultané.
M : Même si cette année j’ai l’impression que c’était un peu plus light. Il n’y avait que sur une session ou deux, je crois, où il y avait deux conférences en parallèle. L’année dernière, peut-être que c’était le format en ligne qui a permis à beaucoup plus d’intervenants d’être disponibles, mais il y en avait même plus que deux en parallèle ! Des fois, il y avait vraiment énormément de présentations donc c’était impossible de tout suivre. C’est souvent le cas, pour ceux qui connaissent les événements universitaires. Bon, c’est aussi le cas en convention évidemment, mais c’est le format un peu « congrès » où il y a plusieurs salles et tu peux aller suivre les conférences dans plusieurs salles en parallèle, plus les plénières ou tout le monde se rassemble pour écouter une conférence… C’est un événement qui, pour nous, semble « le plus gros événement pour tous les chercheurs qui travaillent sur Harry Potter », mais ils ont très peu de moyens, en fait. Il font vraiment avec les moyens du bord et je trouve ça assez admirable ce qu’ils réussissent à faire avec très peu de moyens. C’est chouette !
pour passer sur un avis général sur le programme de cette année, avant de rentrer sur des exemples précis puisque Chouette nous a préparé un petit best-of des conférences qui l’ont le plus marquée – ça nous a permis de rattraper en priorité celles-ci… Qu’est-ce que vous avez pensé du programme cette année ? Pour nous ce n’est que la deuxième fois qu’on peut le suivre puisqu’avant il fallait être sur place, mais j’ai retrouvé quand même pas mal de similitudes avec l’an passé sur les types de sujets qui sont abordés. Il y a toujours pas mal d’analyses littéraires sur des personnages, sur un certain angle, des conférences qui se focus sur un personnage pour l’analyser. Pas mal de choses sur les symboliques, ce sont des choses qui sont récurrentes, qu’on avait vu aussi l’année dernière… Et des parallèles, évidemment, avec d’autres œuvres ou références historiques – même si la dimension historique, j’ai l’impression que l’année dernière c’était un peu plus présent.
C : Oui.
M : Sinon, il y a pas mal de choses sur la réception de l’œuvre et sur l’usage d’Harry Potter dans l’éducation, ou des relectures contemporaines avec quand même un aspect militant qui était très présent l’année dernière et qui est encore assez présent cette année… Comment utiliser l’œuvre comme outil de sensibilisation… Par contre, peut être une remarque : l’année dernière ils avaient tenté de s’ouvrir à d’autres disciplines que les sciences humaines, sociales, littéraires et historiques, mais cette année ça a redisparu. On avait beaucoup moins d’interventions qui sortaient du monde des sciences humaines.
A : Effectivement, l’année dernière il y en avait quand plusieurs. Là on a moins pu suivre, je ne sais pas si Chouette… ?
C : Je ne suis pas certaine qu’il y en ait eu moins parce que ce qui m’a marquée l’an dernier c’était cette présentation où il y avait certes plusieurs personnes faisant des études dans des disciplines scientifiques, mais ils présentaient tous en même temps. C’est peut-être un biais.
M : On a l’impression d’en avoir vu beaucoup alors que c’était qu’une seule conférence.
C : C’était très bref, ça donnait plein de pistes. Le but, c’était de présenter ce qui pouvait être fait et la manière dont les disciplines scientifiques pouvaient s’approprier Harry Potter et travailler dessus. Mais c’est vrai que la personne qui a fait la conférence sur Harry Potter et la physique quantique, dont on va parler, est historienne et pas physicienne.
M : Finalement, peut-être qu’heureusement parce que ça nous a permis de réussir plus ou moins à suivre. Vous serez juges à la fin ! C’était quand même plus resserré, j’ai l’impression, au niveau des –
C : C’était aussi plus bref. Il y avait moins de conférences, il y en a qui ont été supprimées au dernier moment…
A : Ça durait moins longtemps que l’an dernier, il n’y avait qu’un jour et demi là où il y avait deux jours l’an dernier.
C : Beaucoup plus de moments où il n’y avait qu’une seule conférence plutôt que les deux salles.
M : Mais on avait quand même l’embarras du choix, notamment plein de pépites très inspirantes ! On a une petite sélection, n’est-ce pas ?
A : C’est ça ! La première conférence dont on voudrait parler c’était une conférence de Laurie Bakoff ? qui était déjà l’année dernière, qu’on connaît un peu puisqu’elle fait partie de MuggleNet…
M : Elle nous disant que c’était sa quatrième ou cinquième présentation à la Harry Potter Conference ? C’est une habituée.
A : Cette fois-ci, elle faisait une conférence qui s’intitulait « It’s all fun and games until », dont le but était d’analyser le rôle du jeu, du loisir, dans Harry Potter, en parallèle avec sa place dans les romans de chevalerie. Elle parle un petit peu aussi du mythe arthurien. L’idée c’était que les loisirs sont présents tant dans Harry Potter que dans les romans arthuriens. Dans Harry Potter ça va prendre la forme, principalement – il y avait trois points qui étaient relevés – des échecs sorciers, le Quidditch et le Tournoi des Trois Sorciers, qui était mis en parallèle avec les romans de chevalerie dans lesquels on va avoir des tournois de chevaliers. Ce qu’elle expliquait c’était qu’on retrouvait dans tous ces jeux un objectif qui n’était pas purement de distraction ou de loisir, mais que tous ces moments de jeu donnaient en réalité les compétences aux personnages qui seraient utiles pour mener leur quête. Typiquement, pour Harry : le Quidditch est un jeu d’équipe, apprend à travailler en équipe ; pour une personne qui était toujours un peu isolée et rejetée, donc c’est quelque chose qui est important. Mais le fait d’avoir son statut d’attrapeur, qui est un peu la star du Quidditch parce qu’il met fin au match, c’est 150 points donc c’est beaucoup plus important que ce font les poursuiveurs, c’est une manière de le préparer à son statut de héros, qui est un peu défini par la prophétie – dont il n’a pas conscience lorsqu’il commence à jouer au Quidditch. Même s’il a un don inné pour le vol sur balai, ça va le préparer à un certain nombre d’épreuves qu’il va avoir besoin d’affronter et qui nécessitent des compétences importantes en vol. D’ailleurs, on retrouve un peu la théorie de la construction en miroir puisque c’esr quelque chose qu’on retrouve dans les tomes 1, 4 et 7. L’épreuve des clés volantes sous la trappe dans le tome 1, la première épreuve du Tournoi des Trois Sorciers où il utilise son balai pour affronter le Magyar à Pointes dans le tome 4, et la fuite de la salle sur demande dans le tome 7 lorsqu’il cherche à récupérer le diadème de Serdaigle transformé en horcruxe. Ce qui était très intéressant dans son analyse c’est que le jeu et le loisir sont en fait une motivation pour apprendre certaines choses. Harry n’a pas vraiment participé volontairement au Tournoi des Trois Sorciers, mais le fait de se préparer à la première épreuve et de réaliser qu’il a besoin de son éclair de feu, ça a été une motivation pour apprendre le sortilège d’attraction. Le fait d’avoir les détraqueurs qui envahissent le terrain de Quidditch, ça été une motivation pour apprendre le sortilège du Patronus. C’est le jeu qui sert de motivation et donc de moteur pour l’intrigue. Il va développer les capacités dont il a besoin pour avancer dans sa quête, ce qui est une chose qu’on retrouve dans les romans de chevalerie où les tournois étaient aussi un moyen d’entraînement, de dépassement de soi pour pouvoir mener des quêtes à bien. Voilà pour le résumé, les points principaux. Je ne sais pas ce que vous, vous en avez pensé ? Moi j’ai trouvé ça vraiment très intéressant. J’avais déjà lu des analyses sur le rôle du Quidditch, qui est un peu au centre de la saga, sur les différentes actions du match du Quidditch qui peuvent indiquer une certaine préfiguration de l’intrigue de Harry Potter… Il y a plusieurs analyses qui existent là-dessus et j’ai un peu retrouvé ça, mais je trouve que le parallèle entre loisirs et quête était très intéressant.
M : Complètement. Laurie est très forte dans ses présentations, c’est toujours hyper clair et avec énormément de références. J’apprends toujours plein de choses en l’écoutant ! J’ai beaucoup aimé, au cœur de sa présentation, le fait que le jeu n’est jamais hors de son contexte. Il est toujours influencé par l’extérieur et il sert aussi de révélateur à ce que sont les joueurs en dehors du jeu, donc c’était un peu analyse socio-anthropologique du rôle du jeu, plus généralement dans la vie. Mais transcrit dans une narration. C’est vraiment une idée que j’ai apprécié creuser dans sa présentation. J’aime bien aussi toute la petite partie qu’elle a fait sur Ron. C’est une grande défenseuse de Ron ! J’ai bien aimé la manière dont elle a fait un peu une espèce de parallèle inversé entre Ron et Gauvain, en référence à Gauvain et le Chevalier Vert. C’est un peu : comment on prend le jeu en fonction de s’il y a un public ou pas. Ron est meilleur dans les jeux qui n’ont pas de public, donc finalement dans les moments les plus importants – elle prend l’exemple des échecs évidemment. Il perd ses moyens quand il y a un aspect plus performatif, comme au Quidditch où il se met trop de pression parce que les autres le regardent. l’influence du regard du public sur comment on s’engage dans le jeu, j’ai trouvé ça assez intéressant. En gros, pour le parallèle avec Gauvain et le Chevalier vert : Gauvain, en tant que chevalier, il fait tout bien quand il y a cet aspect performatif et les erreurs qu’il fait, c’est quand il pense qu’il n’y a personne qui va s’en rendre compte et qu’il prend le jeu un peu trop à la légère. Ron c’est l’inverse. Pour elle, ça montrait à quel point l’implication de Ron dans le jeu – ce qu’on voit à travers les échecs – est significative de son implication plus généralement auprès de Harry. Il est là, il fait des erreurs, souvent, mais dans les moments les plus importants il est là. J’ai bien aimé cette petite déclaration d’amour à Ron !
C : C’est toujours bien de rappeler que Ron a ce statut de grand joueur d’échecs dès le premier tome, qu’il a de la valeur dans cette discipline, dans ce jeu qui est un jeu intellectuel – un côté qu’on rapporte davantage à Hermione.
M : La stratégie… tout ça. Je ne savais pas qu’il y avait des exemples d’échecs magiques dans la légende arthurienne. J’ai découvert ça, je ne savais pas ! C’est assez rigolo. Un jeu d’échecs magique était probablement aussi une des références de Rowling à la légende arthurienne. C’est pas mal !
A : Ce que j’ai trouvé très intéressant aussi c’est les tout petits indices dans la narration. Ce côté très réaliste sur l’effet psychologique, l’impact que va avoir le jeu et la préparation mentale du jeu sur Harry. Il est dit, par exemple, qu’il dort mieux après ses entraînements de Quidditch qui l’épuisent, mais c’est de la bonne fatigue. Ça lui fait du bien, il fait moins de cauchemars… Ça lui permet aussi de se vider la tête. C’est dans le tome 4, quand il fait le tournoi des trois sorciers et où il n’y a pas de compétition de Quidditch : ça lui manque. Ça fait ressortir le caractère essentiel du jeu et de la distraction pour pouvoir mener à bien sa quête. Même si là il est impliqué dans un autre jeu, mais qui n’a rien de distrayant, qu’est le Tournoi des Trois Sorciers. Ça montre à quel point ça te permet de prendre du recul sur certaines choses.
M : Et tout cet aspect compétition entraîne dans l’idée de la quête, d’avoir un objectif, de se préparer pour cet objectif… Ça revalorise cette idée que le sport, la compétition, ça aide à apprendre à aborder une épreuve, à aborder un objectif et à s’entraîner pour, et à acquérir les compétences pour. C’était hyper intéressant d’avoir ce parallèle avec les tournois…etc. J’ai bien aimé aussi le fait – bon c’était plus évident – que les joutes c’est dangereux, dans la vraie vie, et le Tournoi des Sorciers c’est dangereux, mais ça fait partie du jeu d’avoir cet aspect « danger ». On a tendance à prendre à la rigolade le fait que dans le monde des sorciers, ce que soit le Quidditch, le Tournoi des Trois Sorciers…, c’est hyper dangereux et c’est un peu un signe de la société magique, ce rapport au danger qui est pas mal pris à la légère parce que rien n’a trop d’importance. Quand on se casse le bras, on peut le réparer… Mais ça fait partie du jeu dans la vraie vie ! Elle parlait de joutes…etc, que prendre des risques en faisant la joute faisait partie du jeu, mais on le retrouve chez nous. Forcément, je fais le parallèle avec d’autres sports d’aujourd’hui. Il y a plein de sports où on sait qu’il y a un danger, on prend des risques… Je pense au rugby, évidemment, mais il y a plein d’autres sports om ça fait partie du jeu de savoir qu’on se met en danger.
A : Je pense que c’est aussi une vision très récente du loisirs qui n’est pas forcément dangereux, mais quand on repense aux jeux du cirque à l’époque romaine ou ce genre de choses, il y avait une prise de risque ! Les combats de gladiateurs, les choses comme ça…
C : Après, ce n’était pas un loisir pour ceux qui pratiquaient, c’était plus un loisir pour ceux qui regardaient.
M : Il y avait quand même des gladiateurs professionnels.
A : Oui, il y avait des prisonniers mais il y avait aussi des pro. Il y en a pour qui c’était une carrière, si je ne dis pas de bêtises.
M : Le commun des citoyens n’allait pas se dire « Ah tiens, je vais faire de la gladiature pour le plaisir ! ».
A : Non, mais je trouve qu’il y a quand même un peu cette idée. Mais de la même manière que les tournois de chevalerie c’était aussi les chevaliers qui participaient et tout le monde n’était pas chevalier.
C : C’est vrai.
A : Pour moi c’est plus de ça que ça se rapproche. Ça restait : se mettre dans des situations dangereuses.
M : C’est vrai. Enfin bref, on va peut-être passer à la prochaine pour pas que ça dure trop longtemps ! On adore toujours les présentations de Laurie donc on a hâte de voir ce qu’elle va nous préparer pour l’année prochaine !
A : Dans les autres présentations qui nous ont beaucoup marquées, en tout cas moi qui m’a particulièrement marquée, c’est une conférence de Wafa Dukmak, qui était sur : « Le traitement des éléments culturels, entre addiction et littérature jeunesse : le cas de Harry Potter en arabe ». Elle faisait sa conférence depuis l’université de Damas, en Syrie. On parlait du format en ligne qui permettait de faire intervenir des personnes de l’extérieur des Etats-Unis, ça c’est une intervention qu’on n’aurait sans doute pas pu avoir si c’était uniquement réservé aux personnes qui pouvaient être là en personne.
M : C’est précieux de se dire qu’on a une chercheuse de l’université de Damas qui peut faire une présentation sur Harry Potter dans un événement aux Etats-Unis, c’est quand même… Je trouvais que rien que pour ça c’était hyper précieux comme moment.
C : Surtout vu la qualité de la présentation !
M : C’est clair.
A : Donc elle est chercheuse sur la traduction et elle a étudié les choix de traduction sur notamment trois tomes de Harry Potter : les tomes 1, 4 et 6. Elle s’est intéressée à la façon dont les éléments culturels étaient traduits. En traduction on s’intéresse généralement à la partie culturelle et la partie créative, ou plus aux glissements grammaticaux…etc. Elle a expliqué les différents types de méthodes qui étaient à la disposition des traducteurs. On a la traduction littérale où la traduction « directe » fonctionne très bien dans la langue cible, l’arabe, par rapport à la langue source, l’anglais. On a les cas où les références sont étoffées avec l’ajout d’une petite explication juxtaposée pour redonner un peu plus de contexte au lecteur qui ne pourrait pas comprendre la référence sans. On a l’adaptation complète : transformer une référence culturelle purement britannique en une référence arabophone. Et on a la suppression d’une référence complète parce que ça ne fonctionne pas, ou pour d’autres raisons – on va en parler. Dans les petites adaptations culturelles qu’on a vues, qui étaient intéressantes, de manière assez anecdotique on a par exemple : à Poudlard, lors des banquets, les élèves mangent souvent de la tarte à la mélasse – treacle tart en anglais – qui est un des desserts préférés de Harry. Les traducteurs ont jugé que la référence ne serait pas comprise par des lecteurs et ce dessert a été remplacé par un dessert typique du Maghreb pour que les jeunes lecteurs puissent mieux comprendre de quoi il était question. Comme l’ont fait remarquer certaines personnes après la conférence, dans les échanges qui ont suivi, c’est le genre d’adaptations qui à la fois rend le texte plus compréhensible par des jeunes lecteurs arabophones qui vont tout de suite savoir de quoi il s’agit comme dessert, mais en même temps qui va créer un décalage. Il y a deux choses : il y a une perte linguistique puisqu’on perd l’allitération treacle tart, mais – c’est purement personnel – je trouve que ce n’est pas un choix sonore qui est extrêmement important, c’est juste le plat qui s’appelle comme ça et ce n’est pas ça le but premier de sa présence dans le texte, c’est vraiment d’avoir des plats typiquement britanniques. Mais le fait de transposer avec un autre plat, ça crée un décalage dans le récit qui se déroule toujours au Royaume-Uni, en Ecosse, avec des étudiants britanniques, qui mangent majoritairement des plats britanniques… Et tout à coup il y a un élément étranger – par rapport à ce qu’ils ont l’habitude de manger – qui va arriver. Tout à coup, pour le lecteur, ils mangent quelque chose auquel eux sont familiers.
M : C’est comme si nous on lisait un roman qui se passait en Syrie et que tout d’un coup les personnages se mettent à manger une bouillabaisse.
A : C’est ça ! Surtout que ça vient de manière complètement déconnectée du reste dans le sens où tout le reste du repas est décrit comme typiquement britannique. Là, tout à coup, on a un élément différent. Mais ce sur quoi elle s’est concentrée, et qui était assez passionnant, c’est la façon dont certains éléments ont été supprimés ou modifiés pour des raisons culturelles et religieuses –
M : Et idéologiques.
A : Oui, notamment, dans les produits alimentaires – ce qui peut paraître assez anecdotique dans Harry Potter puisque ce n’est pas un roman dont le sujet premier est la nourriture…-
M : Même si pendant la conférence il y a eu une présentation exclusivement sur le rôle de la nourriture !
A : Oui, je ne dis pas que ça ne joue pas un rôle, mais ce n’est pas le sujet premier.
M : C’était une petite blague.
A : Par exemple, il y a beaucoup de plats à base de porc. Ils parlent de saucisses, de bacon…etc. Tout ça a été supprimé ou a été remplacé par la mention, souvent, de « viande », parce que l’islam interdit la consommation de porc. Ce n’est pas acceptable dans un roman qui dépeint des personnes qui sont des héros, des jeunes enfants.
M : C’est tout le fait que ce soit de la littérature destinée à la jeunesse.
A : C’est à la fois destiné à la jeunesse, mais en plus les personnages sont des enfants qui consomment du porc comme si c’était quelque chose de normal. Ca, par exemple, ça a été remplacé. Notamment dans toutes les scènes de repas, au quotidien, à Poudlard. Mais c’est aussi le cas de l’alcool, qui ne doit pas être consommé. Elle n’a pas dit comment ils avaient adapté la Bièraubeurre – j’aurais bien aimé.
M : Justement, pendant que tu parlais, ça m’a fait penser à tous les débats qu’on a sur la Bièraubeurre. Je sais que ce sont des questions qu’on a souvent eues nous, en tant que fans, sur : est-ce que la Bièraubeurre est alcoolisée ou pas ? Si c’est le cas, pour nous, même pour les anglais j’imagine, c’est étrange de se dire que la Bièraubeurre est bue par des enfants sans problème si c’est alcoolisé.
C : Il y a une espèce d’opposition avec le Whisky Pur-Feu.
A : Pour moi c’est forcément au moins un tout petit peu alcoolisé puisque Winky peut être saoule avec la Bièraubeurre. Mais avec une concentration vraiment très faible, mais quand même ! Elle n’a pas abordé ce point là, mais il y a eu plusieurs mentions de vin, que ce soit à table ou… –
C : Ca interroge aussi sur la scène entre Hagrid et Slughorn. C’est parce que Harry remplit les bouteilles que Slughorn finit par donner le souvenir.
M : Oui, elle n’a pas parlé de cette scène. Ce que j’ai trouvé pas mal sur cette idée de l’alcool – on va reparler d’Hagrid en particulier – c’est qu’ils ont amplifié l’alcool dans certains cadres, quand ça correspondait à dresser le portrait de méchants. Les Mangemorts à la Coupe de Feu, qui font leur petit show après la Coupe du Monde de Quidditch. En VO c’est juste « Ils ont bu quelques verres de trop » et dans la version arabe c’est transcrit du genre « Ils sont complètement torchés ! ». Pour montrer « Vous voyez, ils sont ivres et c’est pour ça qu’ils sont méchants » alors qu’en VO ce n’est pas du tout le sous-texte. C’est plutôt qu’avoir bu quelques verres révèle leurs penchants mangemort mais ce n’est pas parce qu’ils sont ivres qu’ils sont méchants.
A : Ce n’est pas ça qui a provoqué l’accident. Je parle d’un accident mais… En tout cas, toutes les références du vin, du professeur Trelawney qui est en train de boire du Xérès – elle dit que ça a été effacé – et avec ça, le personnage de Hagrid qui est souvent décrit comme étant un peu rouge après avoir bu… Tout ça a été retiré parce qu’Hagrid est un personnage positif donc il ne doit pas être associé au fait qu’il puisse être ivre.
C : D’autant plus en tant que figure paternelle.
A : C’est ça. Parmi les autres références qui ont été supprimées, que je trouve intéressantes, c’est toutes les références à la sexualité, et même à la proximité homme-femme. On a notamment une scène, dans la Coupe de Feu, où Hagrid, qui est décrit comme ayant un peu trop bu, embrasse le professeur McGonagall sur la joue. Ça, ça a été supprimé parce que ce n’est pas convenable idéologiquement. Donc c’est quelque chose qui renvoie, dans un contexte culturel, à un message différent qu’auprès d’un public britannique. Je trouve ça très intéressant, ça touche à la sociolinguistique de la traduction qui est un sujet qui me passionne. C’est : comment on reçoit une œuvre en fonction de quelle traduction on a eu de cette œuvre et de l’adaptation qui a été faite, et à quel point ça peut faire évoluer les perspectives et le regard qu’on a sur une même œuvre. C’est une chose qui a été un petit peu évoquée à la fin.
M : Comme piste, oui. Elle a été interrogée là-dessus. Une chose qu’on n’a pas précisée, c’est que tous ces exemples sont pas mal concentrés sur la Coupe de Feu parce qu’il y a eu des traducteurs différents, notamment pour les trois exemples qu’elle a donnés – le premier, le quatrième et le sixième, ce sont trois traducteurs différents qui ont travaillé sur ces tomes. Les trois traducteurs différents ont vraiment eu une attitude différente par rapport à ces choix de traduction et d’adaptation culturelle. Le plus extrême – qu’elle a clairement présenté comme dommageable, parce qu’on perd beaucoup de choses – c’était le quatrième. Il y a eu vraiment des gros changements dans le texte, alors que dans le sixième… C’est pour ça qu’à mon avis – elle ne l’a pas mentionné mais la manière dont elle l’a présenté – le sixième était le plus respectueux, le plus littéral dans la traduction, en tout cas en faisant vraiment un travail de moins altérer le texte possible. J’imagine que peut-être qu’on a quand même une scène… la scène dont tu parlais, avec Slughorn et Hagrid, peut-être qu’elle a été gardée telle quelle, parce que de toute façon je ne vois pas trop comment ils auraient pu changer. La question c’était : ces choix différents, est-ce que ça a influencé la réception pour un public arabophone, ces différents tomes ? Elle disait que c’était une piste qu’elle aimerait bien suivre mais qu’elle n’a pas encore pu étudier. Ce serait super intéressant de voir comment ça a pu influencer, ces choix-là, la réception. En plus, par rapport au personnage d’Hagrid, elle disait que finalement les films ont corrigé peut-être un peu l’image déformée que les lecteurs avaient pu avoir dans les livres, avec la traduction arabe, puisqu’au final, en ayant accès aux films et en voyant le Hagrid des films, ils ont une version d’Hagrid plus proche du texte.
A : C’est ça qui est très intéressant, c’est le décalage inévitable qui se créé entre la réception du personnage à l’écran et dans le roman. Ça donne envie de creuser le sujet !
M : Grave.
C : D’autant plus intéressant qu’on a tendance à beaucoup reprocher les infidélités des films par rapport aux livres. Ça met en perspective le décalage qu’il peut y avoir au niveau de la traduction.
M : Oui, c’est clair.
C : Sur les exemples spécifiques, je me demande si ce n’est pas mentionné dans sa thèse, qui est en ligne.
A : J’irai lire ça ! C’est intéressant ce que tu fais remarquer, effectivement, on pointe souvent du doigt le fait qu’il manque des choses dans les films. On a toujours comme référence la version originale, en anglais, ou pour nous, la version française, qui est très proche et très respectueuse du texte. Il y a eu des adaptations culturelles, il y a eu des petites modifications, mais ça reste très très anecdotique. Tellement anecdotique que ce sont des choses qu’on ne voit pas dans les films, donc ça ne créé pas ce décalage-là, qui peut se retrouver dans d’autres cultures où d’emblée il y a une différence culturelle beaucoup plus importante avec le Royaume-Uni et où donc la traduction devait faire plus de ponts entre la culture de la langue cible et de la langue source. Ça crée tous ces décalages. Finalement, le film – j’y réfléchis en même temps que je parle – même s’il y a le sous-titrage ou le doublage, c’est la seule version où n’importe quel fan dans le monde entier aura la même version. Alors que le livre, chacun aura sa traduction avec les interprétations différentes de son traducteur et un filtre culturel et social qui sera différent.
C : Ça dépend, parce qu’il faut quand même avoir accès à la version originale. Je sais qu’il y a eu beaucoup de cas de censure au niveau des anime japonais par exemple.
M : Je n’ai pas entendu parler de versions censurées de Harry Potter à l’international mais c’est vrai que c’est carrément envisageable. Mais tu as raison que sur le cœur, c’est une version de l’histoire plus mondialement partagée à l’identique que les livres. Je n’y avais jamais pensé, mais tu as raison.
A : Bien sûr, je ne sais pas dans quelle mesure… En France, on a une forte culture du doublage, mais potentiellement il y a d’autres pays qui ont peut-être privilégié le doublage aussi. Dans les films pour enfants, en général on va privilégier le doublage au sous-titrage. Forcément, il y a aussi ce filtre-là qui se crée. Mais l’image est la même, et ça joue énormément je pense.
M : C’est clair, c’est hyper intéressant.
C : C’est sûr que tu ne peux pas modifier la bouteille d’alcool.
M : Tu rajoutes des petites mentions dans le doublage ! « Ce que je bois est du jus de citrouille, je précise ! » Ce serait drôle, un doublage complètement décalé, qui ne marche pas du tout.
C : C’est là où mon exemple de censure ne fonctionne pas. Forcément, si c’est filmé, on ne peut pas remplacer aisément un élément par un autre, d’autant plus à l’époque où les films sont sortis.
M : En tout cas, sujet très intéressant et forcément, quand on a une traductrice professionnelle dans l’équipe, c’était évidemment un sujet qu’il fallait qu’on mette en lumière. Indépendamment de ça, même quand on n’y connaît pas grand-chose en traduction, c’était assez facile.
On peut peut-être passer à un autre sujet qui n’a rien à voir. La traduction on l’a déjà traitée dans un épisode d’ASPIC, ce sujet aussi, puisque c’est en lien avec le droit. Chouette, tu peux nous parler de cette présentation autour de la problématique absence d’avocats dans le monde sorcier ?
C : Déjà, juste dire que le format de la présentation était très intéressant. Il y a eu plusieurs présentations, il me semble qu’il n’y en avait pas eu l’an dernier, sous la forme de dialogue entre deux personnes, dont celle-ci. C’était vraiment bien parce qu’il y a eu tout un propos introductif pour bien nous donner les éléments fondamentaux pour comprendre la présentation, pour que les personnes suivant la conférence qui n’ont pas de notions en droit – d’autant plus pour nous, étrangers, qui n’avons encore moins de connaissances fondamentales en droit américain et britannique – puissent comprendre. C’était Peter Hamis ?? qui en parlait, et qui est notamment revenu sur l’histoire du droit à un avocat ou à une aide juridictionnelle, du droit à avoir des conseils pour établir sa défense, dans le droit anglais et américain. Il abordait les scènes de procès dans Harry Potter sous un angle américain parce que le droit américain est très proche du droit britannique. L’élément que j’ai trouvé très intéressant dans cette partie historique c’était le fait de dire que ce droit a été établi très tardivement, d’autant plus dans le cadre de la justice pénale, et que cette date est assez proche de la date d’instauration du Secret Magique. Ce qui fait qu’on pourrait avoir une explication au fait que ce droit n’est visiblement pas présent dans le monde magique britannique. On pourrait expliquer ça par le fait que ce droit dans la société moldue n’a été établi qu’après l’instauration du Secret Magique. Toujours la question des deux évolutions en parallèle mais qui sont d’autant plus imperméables à partir du moment où il n’y a plus de contact entre les deux sociétés. On retrouve encore cette idée que les noms ont du pouvoir puisque le point de départ de la présentation c’est que Dumbledore est invité à comparaître au procès de Harry comme témoin de la défense, et non comme avocat ou comme aide juridictionnelle, conseiller juridique… Même si en pratique, il endosse ce rôle.
M : Et on voit que ça fait toute la différence !
C : Harry qui crie son innocence, qui est extrêmement frustré et dans l’incompréhension face aux attaques du Magenmagot et Dumbledore qui, calmement, rappelle qu’ils ont eu le droit de faire appel à un témoin et qui ramène Mrs.Figg dans la salle d’audience.
M : J’ai beaucoup aimé la manière dont il a réanalysé cette scène pour souligner à quel point c’est indispensable d’avoir un conseil juridique quand on est en position d’accusé. Même si on a les bons arguments, on est incapable, quand on est accusé, à la barre, de les présneter de la bonne manière. Avoir cette tierce personne qui est de son côté pour parler le langage du jury, ou parler le langage des juges, c’est juste indispensable. C’était vraiment intéressant la manière dont c’était analysé.
C : D’autant plus avec l’interaction avec Mrs.Bones. Si je ne me trompe, Harry n’a absolument pas pensé à Mrs.Figg dont pourtant il connaît la présence…
A : Oui, il savait qu’elle était là.
M : Oui, de penser à la solliciter comme argument irréfutable. Il y avait besoin de Dumbledore pour y penser, et c’est normal. Ce n’est pas parce qu’Harry… Il faut le mettre en contexte, Harry est un ado à ce moment-là, mais même, n’importe qui se retrouvant dans ce stress n’a pas la présence d’esprit de penser à ce genre de choses.
C : A la décharge du Ministère et du système de justice, les deux conférenciers soulignaient le fait qu’ils envoient un hibou dès qu’il y a une modification. « Vous êtes renvoyé de l’école Poudlard », « Ah non, erratum, en fait vous allez avoir une audience disciplinaire ». Mais on constate quand même que Dumbledore n’est pas averti du changement de lieu, ce qui est aussi problématique.
A : C’est encore un sujet légèrement différent, mais il y a aussi ce côté… Ça montre bien à quel point le code du Secret Magique supplante toute autre réglementation dans le monde magique. L’exclusion de Poudlard, c’est quelque chose qui relève de l’école, de Dumbledore, et là c’est le ministère qui s’en mêle. C’est aussi dans une phase où le ministère… –
C : Se mêle un peu de tout.
A : Essaye d’avancer ses pions à Poudlard, n’a pas confiance en Dumbledore…etc, essaie de discréditer Harry. Il y a vraiment tout ce processus qui est en place, mais ça montre aussi les extrémités dont ils sont capables dans le but de « protéger » la communauté sorcière de manière générale des moldus. Ça devient la règle la plus importante.
M : Ça n’a pas été précisé dans la présentation, il me semble… Mais au point qu’un des trucs les plus choquants dans ce procès – dans d’autres aussi mais dans celui-là en particulier, et celui de Mary Cattermole plus tard – c’est qu’il n’y a pas du tout de séparation entre le pouvoir politique et le pouvoir judiciaire. Le fait que ce soit le Ministre qui soit à la tête du Magenmagot qui sert de jury et de juge pour les procès, ce n’est pas normal. Dans une démocratie, ce n’est pas censé se passer comme ça.
A : Il n’y a pas de séparation des pouvoirs. C’est vrai qu’il y a toujours un peu cette idée que la communauté sorcière est tellement réduite, est-ce qu’il y aurait assez de postes pour tout le monde ? Mais quand même, des personnes comme Amélia Bones, par exemple, qui travaille au ministère mais dans le département de la justice magique, qui ne connaît pas Harry, semblent plus à même de travailler sur ce dossier que Cornelius Fudge qui est Ministre et qui a un biais vis-à-vis de Harry, de Dumbledore…
C : Il n’y a aucune garantie de l’impartialité des juges. On se demande aussi comment Fudge trouve le temps d’aller assister à ce qui est censé quand même être une audience disciplinaire scolaire !
A : Il y avait eu le cas, ça fait quelques années déjà, où Barack Obama avait été appelé pour remplir son jury duty aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, n’importe quel citoyen peut être appelé très facilement pour faire partie d’une cour de justice – je ne sais pas si c’est le bon terme. Il y a toujours un jury, alors qu’en Farnce ce n’est que dans des cas de meurtre, si je ne dis pas de bêtise. Le débat qu’il y avait eu c’est : est-ce que les personnes à côté de lui dans un jury vont vraiment réussir à se faire leur propre opinion ou, face à Obama, vont juste suivre son avis ? Pour moi, c’est un peu le même problème avec Fudge. Tu es face à un Ministre, est-ce que les autres personnes qui siègent lors de l’audience et qui doivent donner leur avis vont vraiment réussir à exprimer leur opinion ? Ou est-ce que, parce que c’est leur supérieur, leur employeur qui va donner son avis, ils vont vraiment se sentir légitimes à exprimer ce qu’ils pensent de ce cas précis.
C : A quoi ils avaient conclu pour Obama ? Il avait siégé ?
A : J’avoue que je ne sais plus comment ça s’était terminé donc je préfère ne pas dire de bêtises. Je sais que ça avait fait débat à l’époque. J’irai faire mes petites recherches en fin d’enregistrement.
M : Ils donnaient un autre exemple dans la présentation de problématique de qui on met à la tête d’un procès avec Croupton qui se retrouve à diriger le procès de son fils… Le fait est qu’il le fait condamner donc ça n’a à priori pas eu d’influence mais ils disaient que jamais de la vie on mettrait un père en tant que juge de son fils, ce n’est pas possible. Ça ne devrait pas arriver.
C : Ça choque même Harry dans le livre !
M : A raison.
C : Pas forcément pour la raison précise de l’impartialité du juge mais pour le traitement réservé par un père à son fils, au niveau personnel c’est extrêmement violent et ça montre à quel point c’est anormal.
M : peut-être qu’Harry est choqué du fait que Croupton accepte de s’occuper de ce procès alors que c’est son fils qui est accusé. Ça en dit beaucoup sur la psychologie de Croupton. Personne n’aurait dû le laisser à cette place. J’ai trouvé cette présentation hyper intéressante sur tout ce que ça pose. C’est des sujets qu’on aborde pas mal dans ASPIC, sous différents angles… Le côté assez problématique du fonctionnement du monde magique. Tu as raison, Alix, de rappeler que c’est en lien avec ce Secret Magique qui influence la manière d’organiser le pouvoir politique, judiciaire… d’organiser plein de choses et qui est vraiment, de notre point de vue démocratique, très problématique. J’ai retenu un peu une citation qui a été faite en conclusion : ils disaient qu’un monde sans avocats est un monde où les droits fondamentaux ne peuvent pas être respectés. Je pense que c’était une bonne démonstration que dans le monde magique il y a plein de droits fondamentaux qui ne sont pas respectés et que ça donne un peu une vision de ce que représente l’avocat au niveau des valeurs humaines que doit défendre la société, au-delà du procès. Ils disaient que ça montrait la défense de la valeur d’égalité face à la justice, et la valeur de vérité, et que ce sont des choses qui ne sont pas défendues. Si le monde magique britannique voulait les défendre, il s’y prend très très mal !
Ils ont ouvert sur une possibilité d’analyser un peu plus en profondeur la comparaison entre la manière dont ça fonctionne et la manière dont fonctionnait le gouvernement de Vichy et que ça pouvait être une bonne idée de présentation pour l’an prochain donc je dis : oui ! On veut des historiens qui analysent en profondeur les parallèles entre le gouvernement de Vichy et la manière dont fonctionne le système judiciaire britannique pendant Harry Potter. C’est intéressant !
A : Il y a un truc qui m’a marquée dans cette conférence, c’est le cas du jugement de Croupton, justement. C’est qu’il est jugé en même temps que les Lestrange, qui, eux, plaident coupables, revendiquent vraiment leur culpabilité et sont fiers de ce qu’ils ont fait, là où Croupton, lui, martelle son innocence. Du coup, d’un point de vue juridique, c’est un peu une énormité de les juger ensemble alors qu’ils ne plaident pas la même chose, sans vraiment prendre en compte les différences qui existent entre les différents accusés. Il y a vraiment ce jugement uniforme qui se fait, sans différencier les implications des uns et des autres et la façon dont chacun se positionne par rapport à ses actes. Ca biaise forcément le jugement que tu as parce que la façon dont tu vas percevoir un des accusés, si tout le monde est jugé en même temps, ça risque d’avoir des répercussions sur la façon dont tu perçois les autres.
M : Ils ont passé en revue tous les exemples de procès qu’il y a dans la saga pour montrer, dans tous, ce qu’il y avait de problématique. On n’a pas mentionné Sirius mais évidemment, Sirius Black, il n’a même pas le droit à un procès. Ça règle le problème ! Ils démontraient vraiment que dans même le meilleur des cas, quand Dumbledore prend ce rôle d’avocat qui n’existe pas mais qu’il prend quand même, il y a quand même plein de choses problématiques.
C : Karkaroff qui négocie remise de peine, Verpey qui est amnistié alors qu’il fait toutes les erreurs possibles… C’est un aussi un grand exemple.
M : Oui, l’exemple de Verpey est intéressant ! Ça montre à quel point, au final, ce qui est jugé ce n’est pas ce qu’il dit mais son statut de star de Quidditch. Mais ça, au final, même s’ils disaient que c’était assez problématique, c’était sous-entendu que c’est quelque chose que la justice doit prendre en compte mais qui arrive dans la vraie vie aussi, cette influence du statut de la personne, qui ne devrait pas arriver mais… C’est une dérive de la justice qui était intéressante à pointer.
A : C’est un peu ce qui est beaucoup dénoncé ces dernières années : l’impunité des hommes célèbres. Le fait qu’on va pardonner plus facilement des personnes qui se sont illustrées pour certaines choses alors que ça n’a rien à voir avec la choucroute.
M : C’est un sujet qu’on va retrouver dans de prochains épisodes parce que la justice, on n’a pas fini d’en parler.
C : Quelque chose qui pourrait être intéressant… C’est d’actualité, on a les procès des attentats qui sont toujours en cours. Je ne sais pas si ça a été fait mais un juriste qui comparerait le déroulé de ces procès avec les procès des Mangemorts.
M : Dans l’ouvrage dont on a parlé dans certains de nos épisodes « Harry Potter et le droit », on a des articles qui parlent justement de la comparaison de l’idée du terrorisme, parce que cette thématique du terrorisme est très présente dans Harry POtter, et de la manière dont on le traite. On a parlé de ce Secret Magique, et c’est aussi un truc qui a été exploré dans les articles, l’idée de l’état d’urgence et du fait que le monde magique, ça c’était dit dans la conférence, marche comme s’ils étaient dans un état d’urgence permanent vis-à-vis du Secret Magique, du monde moldu, et que cet état d’urgence justifiait un régime d’exception qui bafoue certains droits fondamentaux. Ça fait tellement longtemps qu’ils sont dans cet état d’urgence permanent que c’est devenu la norme alors que ça ne devrait pas être une norme. Il y a des parallèles avec le monde actuel, que ce soit en France ou ailleurs, qui sont assez intéressants à explorer.
On va passer à un autre sujet plus métaphysique – je ne sais pas si on peut dire métaphysique ou pas ? – plus spirituel. Il y a eu une autre présentation qui nous a beaucoup plu par Lori Kim ?, une autre habituée de la Harry Potter Conference et quelqu’un que j’apprécie personnellement beaucoup et qui fait toujours des présentations très intéressantes. J’invite les anglophones à aller voir son blog, elle a des articles assez passionnants. Là, elle nous a fait une présentation qui s’intitulait « Voldemort en tant qu’alchimiste accidentel : autour de l’or et de la mortalité”. Donc une analyse de personnage sur Voldemort à travers son lien à Harry et la création accidentelle de l' »horcruxe » qu’est Harry et ses implications. Je sais que Chouette et moi, on a retenu des choses différentes de cette conférence, donc Chouette je te laisse commencer.
C : Peut-être juste préciser que la conférence porte essentiellement sur la relation entre Voldemort et Harry et sur ce que ça signifie d’être l’horcruxe de quelqu’un. Moi, la première chose qui m’a marquée, c’est l’explication de la première destruction de Voldemort par l’expérience d’empathie, qui est un rapprochement de la première méthode de destruction d’un horcruxe par son créateur : le fait d’éprouver des remords. « Voldemort marque Harry comme son égal », dit la prophétie. En fait, cette idée que Voldemort aurait un égal le conduit à choisir, c’est ce que dit Dumbledore à Harry, l’enfant auquel il s’identifie le plus, c’est-à-dire le sang-mêlé. L’idée c’est qu’une fois que Voldemort a lancé le sortilège de mort sur Harry, il ressent les émotions de l’enfant. C’est une expérience inédite d’identification pour Voldemort qui donne lieu à un moment d’empathie insupportable qui le détruit, du fait de la puissance des émotions.
M : Ce moment m’a donné des frissons ! L’idée qu’à la fois l’humanité et la faiblesse de Voldemort c’était de s’identifier à Harry et que ça a été quelque chose de trop humain et trop fort émotionnellement et que c’est ça qui le détruit j’étais genre « Ooooh, wahou ».
C : Un autre moment… C’est toujours la question du mot bien choisi, mais plus tard quand elle parle de l’influence qu’Harry gagne peu à peu sur Voldemort à mesure qu’il détruit les horcruxes, elle explique qu’Harry ne fonctionne pas comme ses autres horcruxes parce qu’il n’est pas intentionnel. Donc il n’essaie pas de se réunir avec Voldemort ; au contraire, il va à l’encontre de Voldemort, il s’y oppose, justement parce que ce n’est pas un horcruxe intentionnel mais que c’est un horcruxe qui est inconscient. La porosité de Voldemort aux émotions de Harry relève de ce caractère littéralement in-conscient. J’ai retenu une citation : « Voldemort n’a pas choisi volontairement de vivre dans le déni de cette part de lui-même ». Il y a, dans cette présentation du lien entre Voldemort et Harry, quelque chose qui se rapprocherait d’une représentation montrant Harry comme rattachant Voldemort à une humanité refusée et combattue depuis longtemps. C’est aussi pour ça que Voldemort se coupe de Harry au moment où Harry ressent le deuil de Sirius, c’est le moment où Voldemort cesse de vouloir prendre le contrôle, posséder Harry. Je trouve que c’est une symbolique extrêmement forte ! Tout ça nous invite à appréhender différemment les notions de souffrance et d’émotion associées à Voldemort, à comprendre de manière différente la nature des horcruxes.
M : Tu as parfaitement résumé ce qui m’a le plus marquée.
C : Désolée !
M : Non, c’est parfait ! Je trouvais que c’était une présentation qui m’a fait un peu changer ma vision… Même si ce sont des choses qu’on pouvait sentir dans la lecture et de les relectures par rapport au personnage de Voldemort, mais franchement c’est une présentation qui, à ma prochaine relecture, va me faire penser différemment Voldemort. Je trouve que c’est vraiment la force de ce qu’elle fait dans cette présentation. Tout en réanalysant le personnage de Voldemort et en lui donnant une dimension hyper sensible et tragique, en même temps ça redonne au personnage de Harry une dimension de héros bien différente. Ce n’est pas la quête de la destruction du méchant parce qu’il faut détruire méchant, il y a un truc vachement plus profond et humain et sensible dans cette destruction des horcruxes et ce qu’il représente lui, en tant qu’horcruxe inconscient. C’est assez fort.
Elle présentait tout ça avec cette symbolique alchimique de l’or, en traçant comme des indices à chaque fois que de l’or apparaît, qui symbolise le lien entre Harry et Voldemort. Evidemment, on pense quand il y a les deux baguettes soeurs qui s’affrontent, c’est un filet magique doré qui relie les deux baguettes. Dans la symbolique alchimique, elle montre que l’or est l’objectif final de l’alchimie mais c’est ce qui transforme, c’est l’objectif de transformation. Et Rowling utilise cette symbolique pour montrer un peu le pouvoir de la connexion entre les gens et ce pouvoir un peu transformatif qu’à cette connexion entre les gens, et là en l’occurrence entre Harry et Voldemort. J’ai bien aimé, dans la discussion à la fin, elle faisait un parallèle : l’or représente à chaque fois la connexion entre les gens et l’argent est plutôt connecté à l’âme des individus, au moment où c’est l’âme des individus qui s’exprime. Elle parle du patronus ou du souvenir dans la Pensine et toutes ces symboliques autour de l’argent et de l’or, comment c’est utilisé dans le texte et comment ça peut être des indices qu’on peut suivre pour arriver au type d’analyse qu’elle nous offre.
A : J »adore !
M : C’était trop bien !
C : Ca fait partie des personnes où on voit le nom et « Ah là là, il faut qu’on suive la conférence ! » parce qu’on sait que ça va être génial.
M : Oui, Lori Kim c’est quelqu’un de vraiment hyper intéressant. On a la chance de l’avoir dans notre groupe qui suit notre podcast Speak Beasty, on échange régulièrement avec elle et à chaque fois, quand elle nous sort des analyses… Je me souviens de l’année dernière, son analyse sur Nagini, c’était wahou !
A : Oui, qu’elle avait fait à la Harry Potter Conference 2020. C’était très chouette !
M : C’était chouette. Elle a écrit sur Rogue, beaucoup, elle a fait de très très belles analyses sur Rogue… Elle fait des analyses de personnages assez fortes.
Petite dernière, petit morceau pas du tout léger -quoique ! – dont on voulait parler c’était une des seules conférences qu’Alix et moi avons suivies en direct, dans un contexte de fin de journée d’Imaginales. On avait déjà le cerveau bien ramolli et là on s’est offert comme petite conférence légère à 23h le soir : « Physique quantique et l’espace-temps sorcier », par Kathryn McDaniel qui, comme on le disait, n’est pas physicienne quantique mais est historienne. Je pense que ça a aidé la présentation à être plus digeste.
A : Historienne des sciences.
M : Oui. On pouvait s’en douter, c’est une présentation qui nous retourne un peu le cerveau puisque c’est pour établir des parallèles entre la magie et la physique quantique. Je ne savais pas du tout à quoi m’attendre avant de voir la conférence et j’ai trouvé ça assez passionnant. Bon, la physique quantique c’est passionnant, et l’aborder en parallèle avec la magique, je trouve qu’à la fois ça permet de mieux comprendre la physique quantique – je dis « mieux », c’est relatif – et en même temps de voir un peu différemment la manière dont fonctionne la magique dans le monde d’Harry Potter. J’aimerais bien m’y repencher, sur cette présentation, parce que je suis sûre qu’il y a quelque chose de plus à faire, que ce soit un article ou un autre épisode avec, j’espère, quelqu’un d’un peu plus spécialiste de la physique quantique pourrait nous accompagner pour reprendre en détails ce qui a été détaillé dans cette présentation.
A : Ceci est un appel aux auditeurs !
M : S’il y en a parmi vous qui s’y connaissent en physique, franchement on est preneuses ! Ce que j’ai bien aimé que ça part du principe que la physique quantique, dans notre monde, est un peu l’équivalent de la magie dans le monde moldu d’Harry Potter. Il y avait toute cette idée de quelque chose de caché qui a été révélé. A partir du moment où la physique quantique a été étudiée, ça a complètement remis en cause certaines règles de base de notre physique « classique ». Pareil, la magie, cis à vis du monde moldu, c’est quelue chose qui remet en cause des principes carthésiens qui sont assez équivalents. J’ai vraiment bien aimé, rien que ce principe de base. Après, elle en profite pour nous détailler plusieurs « règles » de la physique quantique, plusieurs concepts, qui nous permettraient de considérer des phénomènes magiques dans le monde d’Harry Potter comme répondant à des principes quantiques. C’était assez marrant à suivre !
Même si on n’a pas tout compris, je retiens quand même plusieurs choses. Je pense que le truc que je retiens le plus – c’est peut-être le truc que j’ai l’impression d’avoir le plus compris – c’est l’effet de l’observateur. C’est ce qui est en jeu quand on parle du chat de Schrodinger, donc un chat qui est dans une boîte, on ne sait pas s’il est vivant ou mort, mais tant qu’on n’ouvre pas la boîte, il est à la fois mort et vivant puisque c’est notre point de vue sur ce chat qui créer la réalité de ce s’il vivant ou mort. C’est résumé de manière assez brutasse, mais en gros c’est ça. J’aime bien cette idée quantique que le regard n’est jamais neutre et que ça a un effet sur la réalité. Ca a un côté vraiment magique ce truc-là, c’est notre regard qui crée la réalité et c’est ce qu’on retrouve dans le Retourneur de Temps et notre rapport au temps dans Harry Potter – en tout cas dans les livres, pas dans Cursed Child.
C : Cursed Child n’existe pas.
M : Cette idée qu’on peut intervenir sur le passé, et du coup sur le futur, à partir du moment où on intervient sur des choses que personne ne voit puisqu’à partir du moment où personne ne les voit, elles peuvent avoir ou ne pas avoir existé. L’intervention de Harry qui crée le Patronus, cette espèce de boucle de : il a cru que c’était son père, mais en fait c’était lui, mais comme au moment où il l’a vu, il ne pouvait pas voir que c’était lui-même, il a pu intervenir dans cette réalité en créant le Patronus, et donc en créant cette réalité. Il n’y avait pas de paradoxe, il a créé la réalité parce que… Enfin voilà, le fait que je m’embrouille vous donne un peu une illustration du fait que ce sont des choses qui, quand on nous les explique, nous retournent un peu le cerveau mais qui rendent plus claires des choses qui n’étaient pas claires. C’est ça que j’ai bien apprécié dans cette présentation.
A : Un truc qui revenait, c’était que la magie ne répond pas aux lois de Newton, notamment.
M : Voilà, c’était la physique newtonienne.
A : C’est ça, que ce soit le déplacement des sorciers, le fait de pouvoir transplaner, le portoloin…etc, le fait de pouvoir traverser un mur en briques… Il y avait toute cette notion des sorciers qui sont liés dans le temps et l’espace d’une manière qui est inconcevable aujourd’hui, dans notre monde moldu, même avec les connaissances qu’on a encore aujourd’hui. Avec la protection de Lily qui vit dans le corps et dans le sang Harry encore des années après son décès, avec les Maraudeurs qui sont encore liés par la carte des années après leur décès… Ce n’est pas juste quelque chose qu’ils ont créé, ils sont morts et il reste un héritage qui est encore là comme n’importe quelle œuvre d’art. Il y a une forme de conscience qui est là. On sait qu’ils interagissent avec la carte, avec ses petites phrases, ces petites piques qu’ils lancent à Rogue, on sait qu’ils ont guidé les jumeaux Weasley qui essayaient de deviner comment fonctionnait la carte… Oui, on peut toujours se dire, de la même manière qu’on peut programmer un ordinateur pour dire des aléatoires, qu’ils ont programmé ça et que ça n’a rien de magique, mais il y a aussi ce côté de la magie qui ne répond pas aux règles, aux différentes lois de Newton, notamment par rapport à son rapport au temps et à l’espace.
M : Mais que ça peut répondre à des règles quantiques ! C’est ça qui est ouf.
C : J’ai bien aimé la mention du fait de se déplacer à travers les objets et les murs qui était impossible, sauf au niveau moléculaire.
A : Les neutrinos peuvent.
C : Des règles qui s’appliquent sauf dans ce cas précis, proposé par la physique quantique ou par le monde magique.
A : Je trouve qu’elle a introduit sa conférence de manière assez poétique. Elle reprenait la scène où on voit Dumbledore arriver à Privet Drive avec son déluminateur qui est dans les livres et les films mais qui est peut-être encore plus marquant dans le films puisque c’est vraiment comme ça qu’on rentre dans l’histoire là où dans les livres on a tout ce chapitre introductif avec les Dursley. Dumbledore arrive et éteint les lumières. Il y a vraiment ce déplacement de la lumière qui vient s’enfermer dans cet objet et qui reflète, qui montre qu’il y a un peu ce pacte qui est passé, avec le lecteur ou le spectateur : « On t’emmène dans un univers qui est là, qui est devant toi, mais qui est caché, où tu dois éteindre la lumière pour le voir ». Le processus nécessaire pour éteindre la lumière n’est pas concevable avec notre physique moldue, donc il y a un accord tacite où tu acceptes un fonctionnement qui est complètement différent de tous les systèmes établis et connus, à la fois du lecteur, du spectateur… Tu sais que tu es dans un monde différent, mystérieux, caché. La lumière et l’extinction de la lumière symbolisent ce passage d’un monde à l’autre pour pouvoir rentrer dans l’histoire.
M : C’est marrant parce qu’il n’y a pas longtemps – c’est un des derniers épisodes de Salut les Sorciers qui est sorti, autopromo, où on parlait de nos souvenirs d’il y a vingt ans – je parlais justement du fait que moi j’ai découvert le monde magique au cinéma par cette première scène et à quel point c’est un souvenir marquant, indélébile…etc. Avec cette présentation, de voir que ce n’est pas pour rien que ça a été aussi marquant pour moi et que dès cette première image, Dumbledore qui éteint les lumières, j’étais genre : « OK ». D’avoir maintenant, vingt ans plus tard, cette lecture poétique et quantique à la fois de ce que ça veut dire, ce moment-là, c’est encore une fois une petite explosion de mon cerveau. Explosion positive !
A : Ca rejoint aussi, ce qui est un sujet qui reste un peu toujours syétreix dans Harry Potreg, la question du Département des Mystères. On sait qu’ils étudient l’amour, la mort… et aussi le temps. Il y a cette salle du temps qui est là. Ca reste aussi, pour les sorciers, quelque chose d’inconnu et de mystérieux, qui dépasse encore les connaissances du monde magique. Ce n’est pas quelque chose qui est logique et inné, même quand on maîtrise la magie. Ca remet un peu en perspective le côté « Oui mais bon, avec la magie on peut tout faire et tout est accessible ». Ce n’est pas le cas.
C : Le Département des Mystères pose aussi question dans ce qui est de l’ordre de l’explication. Même ce qu’on peut faire, même ce que les sorciers peuvent faire, ils ne savent pas forcément comment ils le font. Il y a quelques règles qu’ils apprennent mais on ne peut pas créer de la nourriture à partir de rien par exemple. Le fonctionnement des baguettes – c’est revenu dans plusieurs présentations – ils ne savent absolument pas comment ça fonctionne. Le fait que ce soit incompréhensible est acté. Le nom même des gens qui travaillent dans le Département des Mystères, les langues-de-plomb… Moi je me suis posé la question après : s’ils découvrent quelque chose, est-ce qu’ils vont communiquer au grand public ? Comment est-ce que fonctionne la diffusion de la connaissance une fois la recherche finie ?
M : C’est intéressant, ça serait un sujet à part entière ça ! On retombe un peu sur les questions d’éthique de la recherche. Dans le Département des Mystères, on sent qu’ils touchent à des choses… – on le disait, « langue-de-plomb », « unspeakable » en anlgais – …des choses tellement sensibles et potentiellement hyper dangereuses, et ça ne peut pas sortir du Département des Mystères. Et en même temps, il y a ce désir d’essayer de comprendre. Il y a un peu ce côté-là avec la physique quantique, de se dire : à quel moment la recherche sur la physique quantique va produire un effet qui pourrait complètement bousculer un fonctionnement essentiel de notre société ou de notre vie de tous les jours ? On réussit à changer d’échelle entre la physique quantique et la physique newtonienne… ça pose un peu ces questions-là. Quand est-ce qu’on met cette limite de la recherche si elle va complètement bouleverser le quotidien, si elle devient trop dangereuse ?
C : Où est la zone de perméabilité entre la théorie et la pratique ?
A : Ce qui est intéressant aussi avec le département des mystères, je trouve, notamment avec les langues de plomb, c’est que d’une certaine manière c’est un code du secret dans le code du Secret. Les sorciers vivent déjà tellement cachés, comme on le disait, c’est vraiment la règle absolue, qui prime sur tout. Et en fait, au sein même du gouvernement, parce que c’est dans le Ministère de la Magie, il y a cette étude de la magie qui est soumise à un secret défense total, au point d’avoir tout ce processus pour les employés, qui est encore plus sensible, presque, que le reste. C’est une espèce de mise en abyme de la perception de la magie par les sorciers qui est assez intéressante, je trouve.
C : En tout cas, on est d’accord que le Département des Mystères est quand même le département le plus intéressant du Ministère.
M : Aussi par e que c’est un département qui échappe à cette espèce de bureaucratie un peu corrompue. On l’a mentionné avant, le Département des Mystères, on a l’impression qu’il est apolitique, qu’il est complètement déconnecté de tout le reste.
A : On dirait plus une université. Même s’il n’y a pas vraiment le côté enseignement, mais pour le côté recherche j’ai l’impression que le processus ressemble plus à un processus universitaire de recherche qu’à un processus politique. Même s’il y a de la recherche qui se fait pour le gouvernement, la façon dont c’est présenté c’est encore autre chose.
M : Dans le monde moldu, dans notre monde en tout cas, la recherche fondamentale, certes dans son diéal elle est déconnectée de tout le resten, mais dans la réalité elle ne l’est jamais complètement. Il faut des financements… C’est là qu’on voit la frontière pas si claire que ça, dans notre monde. Et j’imagine, même si on ne l’explore jamais, qu’elle n’et pas non plus si claire que ça dans le monde magique. A partir de quand la recehrche fondamentale devient une recherche qui intéresse un pouvoir, quel qu’il soit ? Là, on le voit quand même dans l’Ordre du Phénix, c’est à paryir du moment où Voldemort est persuadé qu’il y a une arme.
C : La connaissance devient une arme.
M : Il y a cette fameuse prophétie, et les prophéties c’est le Département des Mystères qui s’en occupe parce que ça dépasse leur conception de comment fonctionne le temps…etc. La frontière qui est brisée par l’Ordre du Phénix c’est à partir du moment où on veut s’approprier quelque chose qui est de l’ordre de la recherche fondamentale mais qui est trop dangereuse parce qu’on ne la comprend pas totalement et qu’elle ne doit pas être utilisée à des fins autres que de connaissance. Ce sont des thématiques d’éthique de la recherche qui sont hyper débattues et qui sont hyper intéressantes !
C : Ce qu’ils disaient aussi dans la présentation c’est que c’est un espace à l’intérieur du monde magique et qui ne répond pas aux mêmes règles que le monde moldu. Il y a ce monde encore particulier, qui répond encore à d’autres règles, que sont ces cinq espaces des cinq salles qui fonctionnent encore d’une manière qui leur est propre.
M : C’est intéressant. Encore une fois, encore une idée d’autre épisode spécifiquement le Département des Mystères et les parallèles avec la recherche fondamentale dans notre système universitaire, par exemple. Des personnes qui bossent sur des trucs tellement… – on parlait de physique quantique mais il y a d’autres choses, que ce soit en astronomie ou en biologie – sur des trucs tellement fondamentaux, justement, que ça nous échappe, ça nous semble complètement mystérieux.
On a déjà fait une bonne heure et demie – je ne sais pas ce que ça va donner au montage – donc on peut peut-être juste passer très rapidement sur d’autres sujets qu’on ne va pas pousser mais qu’on voulait peut-être mentionner. Je ne sais pas si vous aviez des choses que vous vouliez juste mentionner en passant ?
A : Oui, moi j’aurais bien aimé parler d’une conférence dont ils ont parlé dans Potterversity, qui est le podcast de MuggleNet et qui a fait un compte-rendu, aussi, de ces conférences. Il s’appelait « Muggle Magic: What the Mirror of Erised and the Two-Way Mirror Teach Us about Social Media », donc « Ce que nous apprend le miroir du Rised et le miroir à double-sens sur les réseaux sociaux ». Je l’ai trouvée extrêmement intéressante dans l’idée où la thèse de cette conférence c’était vraiment qu’on appréhende une information, notamment sur les réseaux sociaux, de la même manière que les sorciers vont appréhender le miroir du Rised. Dans le sens où on ne voit plus forcément ce que dit l’information mais qu’on y projette ce qu’on a envie d’y voir et qu’on l’interprète avec un filtre anticipatif sans avoir forcément le contexte, sans forcément avoir tous les éléments, sans forcément chercher à creuser cette information parce qu’il y a toujours cette idée de s’arrêter au titre de l’information… Donc les réseaux sociaux deviennent très facilement un fantasme, une projection, un aboutissement d’une envie plus qu’une façon de s’informer. J’ai beaucoup aimé notamment le parallèle qui était fait avec la phrase de Dumbledore « It doesn’t do well to draw on dreams and to forget to live » dont j’ai oublié la traduction française…
M : « Il n’est pas bon de se perdre dans ses rêves et d’oublier de vivre », un truc comme ça.
A : C’est ça. On a cette idée que dans les réseaux sociaux, pas forcément du côté du consommateur des réseaux sociaux mais du côté des créateurs de contenu des réseaux sociaux, on va passer beaucoup de temps à prendre la photo parfaite pour Instagram par exemple, ou réfléchir à la formulation parfaite pour Twitter…etc, dans le but de partager ce moment idéalisé et donc de projeter cette image rêvée, plutôt que de profiter du moment en lui-même et de le vivre. Il y avait tout ce parallèle sur cette image du miroir que je trouve extrêmement intéressante et pertinente par rapport à l’actualité de ces derniers mois et dernières années. Je trouvais qu’il était intéressant de le mentionner parce qu’elle est assez accessible, cette comparaison. Chacun peut y réfléchir mais voilà, je ne sais pas si vous ça vous a insipirées particulièrement mais moi ça m’a vraiment touchée de l’entendre comme ça.
M : C’est clair, je trouve que l’image du miroir du Rised est assez forte. En plus, dans la manière dont on découvre cet objet, le rôle que ça a pour Harry et le rapport que Harry, spécifiquement, a avec ce miroir, qui est un rapport assez sain… Mine de rien, le miroir lui permet de récupérer la pierre, à la fin. Je trouve qu’il y a quelque à creuser sur le rapport de Dumbledore avec ce miroir, en plus maintenant on en a un peu plus avec la scène dans le Crimes de Grindelwald où on sent qu’il est piégé, aussi, par ce miroir. Finalement, la conclusion c’est qu’il fait la paix avec ce miroir. J’espère, moi, que cette image du miroir va revenir dans les prochains films des Animaux Fantastiques, pour voir un peu comment Dumbledore, concrètement, arrive à cette conclusion de ne pas se perdre dans ses rêves et oublier de vivre. Il a fini par transformer le miroir pour en faire un outil de protection et un outil de révélateur de la pureté d’une intention. Si on pousse la comparaison avec les réseaux sociaux, ça serait intéressant de voir jusqu’où ça peut aller dans la manière dont Dumbledore transforme cet outil et la manière dont on pourrait peut-être transformer les réseaux sociaux pour sortir du piège du miroir du Rised.
A : Tout à fait.
M : Il y a une belle métaphore à filer, je pense.
La conclusion, c’est qu’on aimerait bien s’organiser un voyage à Chestnut Hill l’an prochain pour aller voir toutes ces personnes passionnantes en vrai et leur dire en vrai à quel point on les trouve passionnants.
A : Pour faire des interviews en parallèle des conférences avec les intervenants ! Vous pouvez soutenir l’émission sur Tipeee !
M : Pour financer notre voyage à Chestnut Hill !
C : Vous pourriez même faire un épisode d’ASPIC directement sur place en demandant aux intervenants !
M : Ce serait le rêve.
C : Ce serait génial.
M : Il faudrait le doubler en français en direct, ce qui n’est pas évident. C’est ça aussi, notre objectif avec ASPIC dans des épisodes comme celui-là, c’est de vous donner accessible ce contenu qui est anglophone et de vous donner envie d’aller plus loin et nous, nous donner aussi envie d’aller plus loin avec des intervenants francophones qui sont tout aussi intéressants que le panel rassemblé à Chestnut Hill. C’est vraiment notre pierre pour rendre accessible ce contenu hyper captivant au plus de personnes possible, n’est-ce pas ? J’ai bien aimé une autre conclusion – c’était même le titre de l’épisode que Potterversity a consacré à la Harry Potter Conference – c’était « You can’t overnerd here », donc « Vous ne pouvez pas overnerder ici ». Je ne sais pas comment le transcrire !
C : On ne peut pas être trop nerd ?
M : Voilà, on ne peut pas être trop nerd à la Harry Potter Conference et on ne peut pas être trop nerd dans ASPIC, c’est aussi notre communauté qui se retrouve à la Harry Potter Conference. C’est des gens comme nous et ça fait plaisir de voir qu’il y en a plein !
C : Si je peux juste rajouter un truc… Je trouve ça d’autant plus intéressant que ça montre bien, ASPIC comme la Harry Potter Conference, que par la porte d’entrée d’Harry Potter on a accès à des personnes très différentes, des disciplines et très différentes, et c’est aussi une porte d’entrée pour s’initier. La physique quantique, par exemple ! Ou des sujets dont on n’avait jamais entendu parler, auxquels on ne s’était jamais intéressés particulièrement… Je trouve ça génial !
M : Oui ! C’était la manière parfaite pour commencer l’année, pour nous motiver, même si on n’a pas besoin de ça pour être toujours motivées à faire ASPIC, et pour nous rappeler à quel point on a du pain sur la planche ! C’est un sujet inépuisable, ça fait dix ans qu’ils font la Harry Potter Conference et tous les ans ils ont des sujets passionnants. On espère suivre un peu cette trace !
A : Tout à fait. Si ça vous a donné envie de partager vos propres recherches, études liées à Harry Potter, n’hésitez pas à nous écrire, que ce soit pour faire un épisode ou autre chose. On peut en discuter ! On a déjà accueilli plusieurs auditeurs qui ont partagé leurs connaissances dans l’émission et on est toujours ravies de le faire. N’hésitez pas à nous écrire si vous voulez, à l’adresse redaction@gazette-du-sorcier.com. Vous pouvez aussi nous écrire sur les réseaux sociaux : sur la page Facebook de l’émission « L’Académie des Sorciers » ou via le compte Twitter aspic_gds. On est disponibles pour discuter, pour débattre… Aussi sur le discord externe de la Gazette, on a un chan dédié à ASPIC où vous pouvez partager vos retours sur l’émission, on est toujours là avec Marjolaine, on répond aux questions, on est toujours ravies d’avoir des retours. On peut continuer le débat en commentaires ! C’est aussi un bon support pour avoir ces échanges-là. N’hésitez pas ! C’est « Le Kiosque des Sorciers ».
M : Et on vous donne rendez-vous le mois prochain pour un prochain sujet et de nouveaux invités ! Cher auditeurs, n’oublie pas…
Tous : PASSE TES BUSE D’ABORD !
Pour aller plus loin, vous pouvez explorer le programme complet des conférences ici. Et pour les anglophones, nous vous recommandons le blog de Lorrie Kim, mentionné pendant l’épisode.
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