Compte-rendu de la soirée avec Isabelle Smadja
Nous reproduisons ici l’intégralité de la discussion avec Isabelle Smadja le 3 février sur notre salon de discussion. La soirée a duré plus de deux heures, et nous remercions une fois de plus Mme Smadja pour sa patience et ses réponses approfondies.
Isabelle Smadja : Bonsoir à tous ! J’ai l’impression que le chat fonctionne bien
Pruneau : Bonsoir ! Déjà, merci beaucoup d’avoir accepté notre invitation
Isabelle Smadja : Pas de problème : cela me fait plaisir
Pruneau : Nous sommes beaucoup à être très excités à l’idée de pouvoir vous poser nos questions. Une première question, qui pourra être utile à tous : votre livre est consacré aux quatre premiers tomes, mais avez-vous lu les tomes cinq et six ?
Isabelle Smadja : Oui, je travaille actuellement sur un ouvrage collectif que je co-dirige sur Harry Potter.
Pruneau : Que pensez-vous de la tournure qu’ont pris les événements ? Y a-t-il une partie de votre analyse qui a évolué avec ce qui s’est passé dans les deux derniers tomes ?
Isabelle Smadja : Les deux derniers tomes ne sont pas tellement différents dans leur structure que les autres, à mon avis : le tome 3 était déjà sombre.
Monox : Bonsoir, comment en êtes vous venue à vous interresser à la littérature populaire en général et à Harry Potter en particulier?
Isabelle Smadja : Par mes enfants : au départ je cherchais des livres à leur faire lire et je les lisais moi-même HP ça a été cela : je l’ai lu et leur ai proposé et j’ai été intrigué qu’ils aiment tant
Pruneau : Et vous-mêmes, avez-vous aimé lire ces livres ?
Isabelle Smadja : Oui, bien sûr : j’ai aimé les références multiples, l’impression qu’il y a toujours plus que ce qu’on lit tout de suite, le souci du détail et la cohérence de l’ensemble.
Chino : Beaucoup d’adultes affirment qu’ils trouvent bizarre de voir des adultes s’intéresser à, voire developper une passion pour Harry Potter. Qu’en pensez vous ?
Isabelle Smadja : J’ai l’impression qu’il y a eu non seulement un processus d’identification mais d’adoption. Les jeunes adultes ont adopté cet enfant malheureux un peu comme Dumbledore ou Hagrid… l’ont fait. Et puis les références culturelles sont nombreuses et elles parelent aussi à des adultes.
Pruneau : Selon vous, les livres auraient-ils eu autant de succès s’ils n’avaient pas été accompagnés de l’histoire de la femme pauvre et seule qui finit par s’en sortir ?
Isabelle Smadja : Le conte de fées de Rowling a été exactement parallèle à celui de Harry : un jeune orphelin d’un côté et une femme seule d’un autre.
Fabio : Bonsoir ! Que ressentez-vous au sujet de cette saga ? Êtes-vous attachée à cet univers à présent ?
Isabelle Smadja : Travailler sur un ouvrage oblige à prendre une certaine distance : il y a des aspects laborieux. Franchement, je ne pense pas être attachée à l’univers même si le roman me plait.
Monox : Et que pensez vous des adultes plus mûrs qui se passionnent pour Harry et qui essaient de développer des théories ?
Isabelle Smadja : Euh… j’en fais partie ! Je crois q’il ya dans ce succès un véritable défi à l’interprétation : comment s’explique un succès pareil ? Je crois que le succès vient en partie de la présence d’un orphelin résilient : Ce qui est tout à fait dans l’esprit du temps, c’est cette rupture des digues qui séparent la littérature adolescente et la littérature adulte, et par extension l’adolescence et l’âge adulte, : le livre de JK Rowling est sans doute tombé à point nommé pour satisfaire une demande de fusion – ou de confusion – très actuelle entre les univers de la jeunesse et de l’âge adulte ; le même roman, édité dès sa première publication dans une collection pour adultes, n’aurait sans doute pas eu le même effet sur les adultes lecteurs.
Samael : Ayant traité du mal dans le Seigneur des Anneaux, y’a t’il des ressemblances entre le mal dans Harry Potter et celui des oeuvres de Tolkien ?
Isabelle Smadja : Sauron est aussi un dicateur ; certains éléments sont des reprises explicites : les détraqueurs/ les cavaliers noirs. Je pense même que Voldemort et Mordor sont très proches, tous ont des consonances françaises. Frodon a un côté très jeune même s’il est plus âgé que Harry et il est guidé ou aidé par Gandalf, comme Dumbledore aide Harry dans son combat
Mirmegil : Après avoir présenté les Horcruxes, Dumbledore cherche à montrer à Harry la haine qu’il éprouve envers Voldemort, et qu’il faut le tuer. Avec des citations, comme « Imagine que tu n’aies pas entendu parler de la prohétie ? Quels seraient tes sentiments à l’égard de Voldemort à présent ? » Réponse de Harry: « Je voudrais qu’on le tue. Et je voudrais m’en charger moi-même. » Que pensez-vous de la valeur…disons… »symbolique » de ce passage ?
Isabelle Smadja : Je pense que Harry n’est pas toujours le porte-parole de Rowling : elle fait dire à Harry ce qu’elle imagine qu’un garçon dasns sa position dirait. Dumbledore n’a pas tué Voldemort. Le tome 3 avait quand même été très loin dans la critique de la peine de mort.
Mateo : Bonsoir ! Dans votre livre, vous expliquiez que la plupart des personnages qui entouraient Harry avaient un rôle qui pouvait être interprété grâce à la psychanalyse comme Sirius Black ou Hagrid qui étaient identifiés comme des figures paternelles. Que pourriez-vous dire du rôle du Professeur Ombrage dans ce domaine ? Que représente-t-elle ?
Isabelle Smadja : La piste est intéressante mais je n’y ai pas pensé ! Ombrage m’a fait penser à Mephisto quand elle oblige Harry à écrire avec son sang : je ne dois pas mentir et en même temps elle fait référence aux punitions corporelles que l’on infligeait aux enfants il n’y pas si longtemps. Ce personnage féminin m’a un peu gêné ; je ne comprends pas tout à fait l’objectif de Rowling ici. Comme si la volonté d’accéder au pouvoir rendait presqu’inhumain ; je ne sais pas, il y a peut-être une critique de Margaret Thatcher chez Ombrage ?
Samael : Le personnage d’Ombrage n’est pas t’il pas la pour montrer aussi que le camp du « bien » n’est pas que composé d’anges ? Ainsi la rencontre avec Ombrage lui permetterait de mûrir et de se méfier des gens qu’il rencontre ?
Isabelle Smadja : Oui, sans doute, mais c’était déjà le cas avec Rogue qui avait l’avantage d’être plus ambivalent, alors qu’Ombrage, même si on éprouve de la pitié pour elle à certains moments, n’a pas cette profondeur qu’a Rogue moins en tant que personne, parce que je ne suis pas sure qu’il ne soit pas trop caricaturé mais il a une certaine profondeur parce qu’il nous contraint à remettre notre jugement en question très fréquemment. Ombrage n’avait pas cet avantage.
Netben : Bonsoir, Ombrage ne serait-elle pas simplement là pour montrer qu’un gouvernement est capable d’aller loin pour cacher une chose génante pour lui et qui le remettrait en cause ?
Isabelle Smadja : Oui, mais elle agit aussi pour son compte personnel, pour des motifs dont on se demande s’ils ne sont pas purement passionnels. Mais vous avez raison : avec elle, on a l’incarnation de l’idée : pouvoir, ambition personnelle, jalousie qui a des origines qu’on sent être psychologiques, et haine peuvent être mêlés
Chooser : J.K.R a signalé qu’Ombrage allait revenir. Que pensez vous du role qu’elle va tenir ? Aura-t-elle changé ?
Isabelle Smadja : Je ne sais pas : peut-être qu’après avoir montré l’aspect antipathique du personnage, Rowling va nous montrer un aspect plus humain, mais je pensais que l’épisode des centaures avaient laissé des traces plus durables.
Purple : Bonsoir, les symboles du père sont très forts dans la saga mais ils finissent tous par disparaître. Hagrid a-t-il une petite chance de survivre à la fin selon vous ?
Isabelle Smadja : Hagrid a un côté enfantin aussi. Normalement le meurtre symbolique du père doit être réalisé pour que l’enfant accède à son autonomie. Voldemort est un des substituts du père également. Pour revenir à Hagrid, il est depuis le début une victime. Peut-être est-ce pour cette raison qu’il ne mourra pas ? Je ne sais pas.
Purple : Vous dites dans votre livre que le monde moldu représente la réalité et le monde sorcier les désirs inconscients, alors que pensez-vous de la mort de Sirius ? Qu’est-ce que cela représente comme désir inconscient ? Encore une figure du père qui disparaît ?
Isabelle Smadja : Oui, Sirius était un père un peu encombrant mais en plus il me semble que Rowling conçoit l’apprentissage de la vie par une prise en compte de la mortalité de l’homme. L’invention des Sombrals est de ce point de vue ingénieuse : il faut une certaine expérience, un traumatisme même pour accepter de considérer que la mort existe. Mais si on regarde dans cette optique, elle décrit un univers très sombre où la mort est omniprésente, mis à part pour l’enfant.
Pruneau : Comme vous le montrez dans votre livre, Lili n’a jamais vraiment été remplacée. Néanmoins, Harry sort avec Ginny, qui ressemble beaucoup à sa mère. Est-ce sa façon à lui de résoudre son complexe d’Oedipe ?
Isabelle Smadja : Non, ni Mrs wesaley, ni McGonagall ne font office de mère alors que Harry a affaire à un grand nombre de substituts du père : Dumbledore, Sirius..; la mère de Harry je pense que c’est Rowling et qu’elle tient à garder le monopole ! [Concernant Ginny] Peut-être… de toute façon chez Freud les parents forment un modèle durable, et c’est d’autant plus vrai pour Harry qui n’a pas eu l’occasion de soumettre la figure idéale de la mère à l’épreuve de la réalité.
Morgane_VTM_Poudlardorg : Vous parlez de complexe d’Oedipe, mais le considérez-vous à l’âge de la mort de la mère ou à l’âge de l’annonce à Harry qu’il est un sorcier? Dans l’histoire, il se manifesterait soit trop tôt (un an!), soit trop tard (presque à l’âge de la puberté!) Doit-on considérer que Harry est immature d’un point de vue affectif et émotionnel ?
Isabelle Smadja : Non mais le complexe d’Oedipe, même s’il apparaît à une certaine période n’est jamais complètement mort ou révolu : pour Freud l’inconscient ignore le temps, et les conflits de la petite enfance sont enore présents à tout âge
Morgane_VTM_Poudlardorg : Mais si on considère la période du complexe, celle de latence et la puberté, les étapes sont ici… disons quelque peu chamboulées…
Isabelle Smadja : Franchement je ne vois pas en quoi : Harry a onze ans quand il commence l’histoire, un peu plus quand il pense à sa mère : Freud n’a jamais pensé une minute que le complexe d’Oedipe s’évanouissait comme par enchantement avec l’âge. C’est un roman qui livre une expérience de la transition entre l’enfance, l’adolescence, et l’age adulte.
Mona : Comment pensez-vous que JK Rowling arrive à incarner aussi bien tellement de personnalités différentes une pour chaque personnage? Laquelle reflète, selon vous, la vrai personnalité de JK Rowling ?
Isabelle Smadja : Elle a dit un jour, en gros, « Hermione c’est moi ». Je trouve quelle a donné à Hermione beacoup de qualités à la fois maternelles (cf son rapport à Hagrid) et de personne engagée dans la vie politique, elle est à la fois cultivée et sensible, intelligente et altruiste : maintenant Hermione corrsepond plus peut-être à un idéal féminin version Rowling qu’à Rowling elle-même. Par ailleurs, les autres personnages trouvent des modèles ailleurs (Dumbledore Gandalf) et certains personnages sont très typés, caricaturés même (les Dursley, Malefoy). Je pense que comme tout écrivain, elle a dû construire des fiches, prendre des notes au fur et à mesure de ces rencontres personnelles
Sirius_black : Dans un autre registre : Que pensez vous du desir de JKR de vouloir utiliser diverses créatures mythologiques dans ses écrits ? Est-ce là un moyen d’aider les lecteurs à se replonger dans les mythes et légendes oubliées par la plupart d’entre nous comme ce fut le cas pour certaines créatures du Seigneur des Anneaux ?
Isabelle Smadja : Le brassage d’éléments culturels différents est une des raisons du succès. En empruntant ses thèmes et ses personnages à des univers aussi variés que les contes de fées, les légendes celtes, la mythologie grecque, la Bible ou l’histoire de la seconde guerre mondiale, Rowling voit la culture comme un brassage de tous les éléments disponibles. Elle ne se cantonne pas à la mythologie grecque, aux légendes celtes, aux contes de fées, à la Bible (le Serpent, God/Godric Gryffondor opposé au serpent/Serpentard) et à l’histoire de l’humanité (allusion à peine voilée au nazisme à travers Voldemort, héritier de Salazar Serpentard, aux initiales SS). Et c’est aussi cela qui est fascinant : qu’on est l’impression qu’il y a dans un seul roman tout un monde à notre disposition. Le plaisir de la lecture s’expliquerait par cette capacité à « tenir entre ses mains » un univers dont l’histoire correspond en bien des points à l’histoire d’un individu et à l’histoire du monde.
Lylene : Chaque tome se termine sous terre/dans le noir/labyrinthe, etc. Peut-on considérer qu’il s’agisse d’une introspection, une entrée dansle monde du ça (« connais-toi toi-même ») ? Il y a des araignées dans chaque tome, qui jouent un rôle assez impotant, doit-on y voir une symbolique, si oui, celle de la mère ?
Isabelle Smadja : Ce qui m’a paru être réellement une plongée dans l’inconscient, c’est le moment où Harry entre dans la pensine de Dumbledore, et où il assiste au procès du fils Croupton par son propre père devant la mère en pleurs. On était vraiment très proches de l’Oedipe. Les résurgences psychanalytiques sont même parfois à mon avis trop explicites : « la forêt interdite », le serpent, « la chambre des secrets ». Peut-être l’araignée est encore une reprise du Seigneur des Anneaux, même si elles sont un peu moins terrifiantes. Dans la symbolique Freudienne, si je me souviens bien, l’araignée qui terrifie tant Ron… est le symbole de la mère trop possessive, qui à force de tisser une toile protectrice autour de on enfant, l’empêche de vivre sa vie, le dévore symboliquement en lui dévorant son autonomie
Clacla : Selon Zola, l’hérédité et le milieu social influe sur une personne, le fait que Harry ait grandi chez les Dursley ne va-t-il pas l’influencer ?
Isabelle Smadja : Harry est le modèle de l’enfant résilient, qui surmonte les épreuves et en sort plus fort. Je ne sais pas si par ailleurs Harry gardera quelque chose de son séjour chez les Dursley : ils servent plus de repoussoir, de tout ce que Harry ne veut pas être. Ce thème de la résilience est très important : il en ressort un message très rassurant pour les lecteurs adultes qui aujourd’hui plus qu’hier doutent souvent des méthodes d’éducation qu’ils donnent à leurs enfants : en lisant la série des Harry Potter, ils peuvent se rassurer en se disant que, de toute façon, il y a chez l’enfant une capacité à » rebondir » et même à s’aider des obstacles qu’il rencontre pour en devenir plus fort. Par ailleurs on ne peut pas donner foi complètement à la thèse de Zola : la liberté de choisir est essentielle.
Chino : On revient un peu sur les femmes: Harry ne semble faire confiance qu’aux adultes hommes (Sirius, Lupin, Dumbledore). Il semble plus distant des femmes comme Minerva Mc Gonagall qui lui propose beaucoup son aide et sa confiance, comment peut-on expliquer cela ?
Isabelle Smadja : il ya eu pas mal de critiques où on a reproché à Rowling sa misogynie : elle n’aurait mis en scène que des filles stupides qui gloussent… Je ne suis pas d’accord : je pense que Rowling est parti du réel : les femmes ont moins de postes importants, moins de prestige que les hommes et, puis, sa manière d’essayer de contrer ou de contrebalancer cette prédominance des hommes, c’est de donner peu à peu plus de poids et plus d’importance au femmes. Ensuite, autant Harry a eu l’occasion de critiquer l’image du père (James Potter est vu dans une situation qui n’est pas ne son honneur), autant l’image de la mère reste très pure.
Samael : Comment interpréteriez vous la place de Luna Lovegood dans le monde de Harry Potter ? Est-elle la pour donner à Hermione un opposé féminin comme Drago est l’opposé masculin de Harry ?
Isabelle Smadja : Ce qu’il fallait surtout, me semble-t-il, c’est que peu à peu les femmes prennent de l’importance dans le roman, que Hermione surmonte les obstacles, Ginny sa timidité… Luna n’est pas aussi antipathique que Drago. Luna, c’est l’introduction de la marginalité, de l’anti-conformisme, voire même d’une forme douce de folie luna comme lunatique et il me semble qu’il était très important dans un univers quand même assez aseptisé, sans punk, si vous voulez, sans contestation hippie ou marginale, de donner la parole à Luna et de lui donner une place centrale. Il n’y a pas beaucoup de handicapés chez Rowling, en dehors bien sûr de ceux qui ne sortent pas de Sainte Mangouste.
Pruneau : Lorsqu’on demande aux gens dans quelle maison ils pensent que le Choixpeau magique les enverrait, plus de % répondent Serdaigle ; qu’en pensez-vous ?
Isabelle Smadja : Je ne sais pas … cela prouverait qu’ils ont assez réfléchi, et que la perspective de combats, d’une vie trop aventureuse et mouvementée les rebutent quand même. Pourtant on a aparfois l’impression que Gryffondor a regroupé aussi des individus pour leur intelligence. Sur le fond, il est un peu dommage que les maisons soient si imperméables et qu’on ne puisse pas passer d’une maison à l’autre. Mais la cohérence de l’ouvrage aurait sans doute été plus difficile à construire
Rara : Comment cernez-vous le professeur Rogue ? Comment analysez-vous cette ambiguité que dégage le personnage ? Et selon vous de quel coté est il vraiment ?
Isabelle Smadja : Je crois que Rowling est parvenue à une apothéose avec Rogue : c’est vraiment le personnage qu’on ne peut pas cerner et sur lequel se concentrent les questions. Tout le talent de Rowling se dévoile dans son aptitude à nous contraindre à nous poser des questions. Peut-être est-ce là qu’il faut chercher sa véritable originalité : dans le dynamisme qu’elle a su insuffler chez ses lecteurs. De quel côté est-il ? je ne sais pas… J’ai l’impression qu’il y a chez lui de l’amour pour Narcissa et que cela peut avoir un rôle. Répondre à cette question, ce serait aussi en savoir plus sur la fin : a-t-il tué Dumbledore à sa demande, ou Dumbledore le suppliait-il au contraire de ne pas le tuer?
Lea : On dit souvent que depuis Harry Potter l’édition jeunesse n’est plus la même. Qu’en pensez vous ?
Isabelle Smadja : En 2005, l’édition jeunesse représente 1/5 ème du marché alors que cette proportion était beaucoup plus faible avant le succès des HP. Peu à peu, la presse et les éditeurs ont intégré une section jeunesse et, inévitablement, cela modifie la donne. Je pense, pour les éditeurs, à des éditeurs aussi sérieux que Pol, qui a créé Petit Pol ou à Actes Sud qui a créé actes sud junior, à Plon qui a aussi créé une section jeunesse, et, pour les journaux à Lire qui crée Lire Junior. En plus, le regard des adultes sur la littérature de jeunesse s’est modifié, si bien que des auteurs qui écrivaient pour des adultes se sont intéressés aussi à la littérature de jeunesse, alors que peut-être, sans le succès des Harry Potter, ils ne l’auraient pas fait. Inévitablement quelque chose a ou va changer à partir du moment où le nombre des lecteurs, des écrivains et des éditeurs susceptibles de s’intéresser à ce secteur s’est à ce point accru.
Brunod : L’état d’esprit de Harry à la fin de chaque tome se dégrade par rapport aux précédents tomes, il est de plus en plus triste et ressent un ‘vide’ de plus en plus important. Pensez-vous que cela symbolise la sortie de Harry du monde de l’enfance et pensez-vous que la fin de la saga va continuer dans ce sens ?
Isabelle Smadja : En un sens il est déjà sorti de l’enfance : on aurait pu penser qu’à la fin il perde ses pouvoirs magiques, ce serait cela la sortie de l’enfance : se rendre compte des ses limites et accepter le monde tel qu’il est au lieu d’en créer en imagination un meilleur. Au départ elle a donné des signes qu’on était dans un conte de fées avec un début très ressemblant à celui de cendrillon et puis à un moment donné elle a dit que la vie n’était pas un conte de fées. Reste toujours la possibilité de se dire que ce n’est qu’une fiction, tant pour le lecteur que pour Rowling qui va peut-être essayer d’inventer une fin qui ne soit ni la vie ni la mort
Netben : Que pensez-vous du phénomène exeptionnel qu’est l’attente de la sortie du septième tome de la saga Harry Potter ?
Isabelle Smadja : Le succès a fait boule de neige. En plus la possibilité offerte par l’internet de communiquer aussi rapidement les nouvelles et les infos est inédite. Bref le succès n’est pas seulement celui d’un livre mais il s’explique aussi par l’émergence de l’internet
Cox : Harry va-t-il être obligé de se sacrifier ? Pour vaincre Voldemeort, pour d’une part éviter d’utiliser des moyens criminels meutre… et d’autre part, coller au mythe chrétien de l’Elu qui sauve le monde ? Ou a-t-il une autre solution ?
Isabelle Smadja : Je ne sais pas. Je pense qu’elle va essayer de créer la surprise mais d’un autre côté il semble qu’il n’y ait pas beaucoup de choix.
Lna : Va-t-il mourir à votre avis ?
Isabelle Smadja : Peut-être quelque chose qui ne soit ni la vie ni la mort, mais quoi ? Il me semble que la réponse est moins dans le livre qui contienst des pistes contraires que dans la psychologie de l’auteur. Certains disent que oui pour éviter autant que possible que trop de monde lui construise son avenir et que le roman échappe en partie à son auteur. La mort de Harry réglerait ce problème : ce qui appartient à Rowling c’est Harry jusqu’à sa mort alors que sien tout pourrait se diluer à l’avenir. D’un autre côté, en prendra-t-elle la responsabilité ? Ce n’est pas complètement anodin pour peu que certains aient développé une véritable identification au héros
Pruneau : Il se fait tard, et nous ne voudrions pas vous retenir toute la nuit. Il reste encore assez de questions pour durer une semaine, je m’excuse donc auprès de toutes les personnes présentes qui n’ont pas pu poser la leur. Au nom de tous ceux qui sont venus, et de ceux, certainement encore plus nombreux, qui liront le compte-rendu de cette, je vous remercie du fond du coeur. Cette soirée a été très intéressante et enrichissante, et j’attends avec impatience le recueil que vous avez mentionné en début de soirée. Merci à tous ceux qui sont venus, merci à Chooser, Cox, Lna, Chino, Sirius_Black, Vinz, Skara, Syde et D-Diggle pour l’organisation, merci aux autres sites qui ont relayé l’information comme poudlard.org et UHP. Et surtout, merci à vous, Mme Smadja. Bonne nuit à tous !
Isabelle Smadja : Merci à vous et bonsoir à tous ! Je suis contente si cela a plu : j’ai fait de mon mieux ce n’est pas toujours évident.