Que fait la Dame à la licorne chez Gryffondor ?
Avez-vous déjà fait attention à la décoration de la salle commune de la maison Gryffondor dans les films Harry Potter ? Non ? La Gazette a analysé pour vous la tenture qui habille ses murs, la fameuse Dame à la licorne.
Un chef d’œuvre de l’époque médiévale
Avant d’atterrir dans la salle commune de Gryffondor, la Dame à la licorne est avant tout un chez d’oeuvre du Moyen-Âge. L’oeuvre est constituée de 6 tapisseries, qui traitent du même thème, c’est pourquoi on peut parler de tenture. [[Si cela vous intéresse, le musée de Cluny, à Paris, lui réserve une exposition permanente où l’on peut découvrir l’oeuvre en détails grâce à un logiciel de réalité augmentée. ]]
Au-delà de sa beauté et de sa symbolique, cette tenture est aussi, d’après les spécialistes, d’une qualité remarquable. Les broderies, les détails, les couleurs sont la démonstration d’un travail méticuleux et rigoureux.
Après de longues années de recherches, les spécialistes parviennent à identifier la symbolique des différentes tapisseries. Elles seraient en fait une allégorie des cinq sens de l’être humain. En effet, les six tapisseries montrent tour à tour une femme jouant d’un petit orgue, ce qui symboliserait l’ouïe ; donnant à manger à un oiseau, ce qui qualifierait le goût ; se fabriquant aussi une couronne de fleurs, ce qui évoque l’odorat ; tenant la corne de la licorne, qui symbolise le toucher ; et se contemplant dans un miroir, une manière de symboliser la vue.
Mais la tenture contient une sixième tapisserie …dont l’interprétation pose encore problème aujourd’hui. Cette tapisserie comporte une inscription : « À mon seul désir ». On y voit la dame refuser des bijoux dans un coffre tendu par sa servante. La fameuse licorne est présente sur cette tapisserie, ainsi qu’un lion.
Pour les chercheurs qui se sont intéressés à ce sixième panneau, cet élément serait l’allégorie d’un sens qui n’aurait rien de physique, comparé aux 5 autres.
Pourquoi une telle tapisserie chez les Gryffondors ?
Ce n’est en effet pas un hasard que ce soit justement ce sixième panneau, mystérieux, qui a été choisi par les décorateurs des films Harry Potter pour habiller les murs de la salle commune de Gryffondor.
Au Moyen-Âge, on croyait dur comme fer au sixième sens. On ne parlait pas de magie comme dans Harry Potter, mais cela aurait pu y ressembler.
En effet, la dame sur la tapisserie semble refuser les biens matériels, ses bijoux. Elle décide de se montrer telle qu’elle est, sans superficialité. Une manière de se dévoiler au monde, mais aussi, à elle-même. Elle accède ainsi à son for intérieur, à ce qu’elle est réellement, sans filtre.
À l’époque, se montrer ainsi relevait de la vraie vertu. Retirer ses bijoux est symbolique. Mais au-delà de cette parure esthétique que l’on retire, c’est le poids du regard des autres que l’on retire, le poids des codes sociaux dont on s’affranchit aussi. On est au yeux des autres ce que l’on est vraiment, sans se cacher, sans faire semblant. On accepte de s’écouter et quelque part donc d’être guidé par son sixième sens. Une forme d’intuition inexplicable qui nécessite d’être à l’écoute de soi, de ses émotions. Le sixième sens est celui guidé par notre être véritable ;il fait aussi appel à notre coeur.
Cette tapisserie pourrait illustrer de manière allégorique les valeurs véhiculées par la maison Gryffondor qui sont courage, loyauté, force et savoir, mais aussi confiance en soi et en ce que dicte le cœur.
De plus, la tapisserie met en scène une licorne et un lion. Le lion est, évidemment, le symbole de la maison Gryffondor : il incarne à la fois la force et la puissance. La licorne est quant à elle un animal mythologique hautement symbolique et qui joue un rôle important dans la saga, puisque son sang permet à Voldemort de recouvrer ses forces. Elle est considérée comme sacrée.
Au Moyen-Âge, époque où la tapisserie est créée, la licorne est un symbole fort, très utilisé dans l’iconographie. L’idée qu’elle est éternelle et invincible est déjà présente dans les légendes de cette période. Pour certain, ce « cheval céleste » est associé au lion. Il serait le « cœur du ciel ». Or, à l’époque, le cœur est le symbole de l’amour et du courage, « avoir du cœur » veut aussi dire « être courageux ». Ce qui importe beaucoup dans la maison Gryffondor. Nombreuses sont les fois où Harry sera félicité pour son courage, tout comme Ron et Hermione.
Mais la tapisserie va encore plus loin… Le coeur est aussi comme une porte d’entrée vers le spirituel. Ecouter son coeur, c’est aussi s’élever.
Certains chercheurs prétendent que l’inscription « mon seul désir » fait directement référence à une volonté d’accéder à un niveau de conscience supérieur, ce qui importait beaucoup à l’époque de la Dame à la Licorne. Cette dernière datant du tout début du XVIe siècle, on peut imaginer le mode de pensée de cette population, où vont naître les premières notions d’humanisme, où l’homme compte plus que le reste, et on tente aussi de se détacher de la religion pour remettre l’humain au centre. On se fie à ce que l’on ressent et pas à ce que l’on nous dit, à ce que la religion nous dit également.
Une dame à la licorne n’est pas sans rappeler un des héros de la saga …
La dame à la licorne dégage une symbolique dans laquelle s’inscrit particulièrement le personnage de Harry. L’épisode du miroir de Risèd en est un bon exemple. Alors que le jeune garçon fait face au miroir et qu’il y voit pour la première fois ses parents en train de lui sourire, Dumbledore apparaît. Il lui présente alors l’objet : « Il ne nous montre rien d’autre que le désir le plus profond, le plus cher, que nous ayons au fond de notre cœur ». Dans cette scène, Harry ne peut mentir. Le miroir lui montre ce qu’il a vraiment envie de voir. C’est d’ailleurs pour cela que la pierre philosophale va lui apparaître. Ses intentions sont sincères, elle ne sont pas flouées par tel ou tel intérêt malveillant. L’image que lui renvoie le miroir est un cri du cœur.
Cette scène est suspendue dans le temps, et touchante par la pureté qu’elle dégage.
La vision de ses parents dans le miroir est une mise à nu pour Harry. Cet amour perdu est et restera son talon d’Achille, même si le jeune homme se nourrit de cela pour affronter toutes ses difficultés. En voyant ses parents, il dépasse leur mort physique pour le faire revivre par l’amour qu’il leur porte. En cela, Harry est extrêmement spirituel dans cette scène. Il est pourtant en première année à Poudlard, mais il fait preuve d’une maturité extraordinaire. Cette vision qu’il a n’est pas à la portée de tous. La pureté de ses sentiments et le fait qu’il laisse ses émotions s’exprimer lui permet de profiter des bienfaits de ce miroir magique.
Quand la dame à la licorne refuse son bijou et se met à nu, tel qu’elle est, elle est comme Harry, dans cette petite salle, quand lui apparaît l’image d’une famille perdue à tout jamais alors qu’il ne s’y attend pas. Ces deux personnages s’élèvent et parviennent à surpasser les désirs bégnins (comme Ron qui se voit champion de Quiddich lorsqu’il regarde le miroir). Ils ne sont pas superficiels, ils sont vrais, surtout envers eux-mêmes, comme dit dans la devise de la maison Gryffondor, dont la salle commune est à juste titre décorée par cette incroyable tapisserie.
Si l’étude des motifs médiévaux dans Harry Potter vous intéresse, vous pouvez écouter notre épisode de ASPIC sur le sujet !