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Traduire Harry Potter, parfois un calvaire.

/!\ Cet article est une traduction. L’original se trouve ICI, sur le blog de la traductrice officielle de Harry Potter en hébreu. Nous avons reçu l’autorisation de vous présenter cette traduction. /!\

Harry Potter et le gorille de 360kg

Question : Où dort un gorille de 360kg ?

Réponse : Là où il veut.

Je suggère ici que Warner Bros. est un gorille de 360kg qui empiète sur l’habitat de formes de vies jugées inférieures pour la simple raison qu’il en a la capacité.

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J’ai eu le grand plaisir de traduire la série Harry Potter en hébreu, une opportunité qui a changé ma vie et ma carrière, m’apportant de nombreuses joies et privilèges, mais qui impliqua également, en de multiples occasions, d’être forcé à ravaler ma fierté de manière plutôt douloureuse. Je sais que c’est également le cas de nombreux traducteurs de la saga à travers le monde. Lorsqu’une vingtaine d’entre nous se rassembla à Paris pour une réunion fermée, un thème récurrent fut celui des insultes et de la colère dirigés à l’encontre de la machine potterienne et des souffrances infligées par celle-ci lorsque le mur d’agents et d’avocats entourant J.K. Rowling et la Warner entreprit par tous les moyens de démettre les traducteurs de leurs droits intellectuels et moraux. Les méthodes employées pouvaient être apparentées à de l’intimidation, du chantage, parfois utilisé de manière humiliante.

Il n’y eu aucun débat, aucune discussion au sujet des zones grises du droit international en matière de copyright ou du statut des traducteurs : il n’y eu qu’un diktat, obligeant les traducteurs d’Harry Potter à renoncer à tous leur droits s’ils ne voulaient pas être écartés. Ceux qui refusèrent, comme la traductrice catalane Laura Escorihuela, furent évincés sans cérémonie.

Bien que n’étant pas employée par Warner Bros et aucunement liée par contrat à la société, leur pouvoir était si grand qu’ils pouvaient me menacer par procuration. Pour ce que j’en ai compris, Warner Bros. poussa Christopher Little Agency (NDT : ancien agent de Rowling) à faire pression sur les maisons d’éditions internationales, afin qu’elles même poussent leurs traducteurs à abandonner leurs droits sur la traduction de manière rétroactive. Les éditeurs eux-même furent menacés de ne pas pouvoir acheter les droits de publication et de traduction sur le tomes encore à venir.

Voilà comment ça s’est passé pour moi : je fus invitée à discuter avec l’éditeur israélien, après avoir déjà traduit les trois premiers livres. Il me rencontra dans un café et me demanda de signer une note que je n’étais pas autorisée à lire, faire lire, ou garder en copie. Il fut exigé que je signe sur le champs; si je m’y refusais, le travail de traduction des futurs tome d’Harry Potter serait confié à un autre. Pour ce que j’en ai compris, la note était une promesse à Warner Bros. garantissant que je n’apposerais pas de marque déposée sur les termes que j’avais inventés pour la traduction. Soit je signais, soit j’étais coupées d’Harry Potter à jamais.

J’ai signé.

Il devint évident par la suite qu’aux yeux de la Warner, cette note équivalait à un abandon de tout droit intellectuel que j’aurais pu imaginer réclamer. Lorsque les films Harry Potter furent diffusés en Israël, ma traduction servit de base pour le sous-titrage et le doublage, sans qu’on me demande la permission ou celle de l’éditeur israélien. Je ne reçu aucune compensation, ni merci, ni même une mention au générique. En réalité, le traducteur responsable du sous-titrage des films s’est plaint d’une obligation imposée par son contrat avec la Warner : utiliser ma traduction.

Je fus approchée, indépendamment, par le directeur du doublage hébreu qui me demanda d’être consultante pour le script de doublage, une aide pour laquelle je serais rémunérée par l’entreprise locale. Après avoir exécuté la tâche et fournis le travail, mais avant d’être payée, il fut exigé, de manière totalement imprévue, que je signe un contrat avec Warner Bros. abandonnant tout droit que je pourrais vouloir réclamer sur cette [nouvelle] traduction.

Ne me sentant pas de signer ce contrat en l’état, j’y ajoutai une phrase de ma main : “à l’exception des droits qui me sont dû en tant que traducteur des livres de la saga Harry Potter”. Quelques jours plus tard, le studio de doublage me contacta pour me faire savoir que le juriste de la Warner avait demandé à ce que “toute mention ajoutée” soit retirée du contrat. En attendant que ce soit fait, et que je signe le contrat en la forme, Warner suspendait tout payement au studio israélien.

En d’autres termes, si je ne m’exécutait pas, je ne serais pas payée pour mon travail, mais aucun des autres israéliens ayant œuvré au doublage du film ne le serait ! Pas même les jeunes acteurs. Et ce serait ENTIÈREMENT MA FAUTE.

J’ai signé.

J’ai signé une troisième renonciation, sous une pression similaire, après avoir traduit et fournit la version en hébreu des Contes de Beedle le Barde. À nouveau, je fus non-seulement menacée de ne pas être payée personnellement, mais aussi du fait que l’édition hébreu devrait repartir de zéro, être retraduite, et que les fans sauraient que le délais de publication était ENTIÈREMENT DE MA FAUTE.

Après avoir travaillé sur le doublage hébreu, j’ai eu la témérité de demander, à titre gracieux, un ticket pour voir le premier Harry Potter au cinéma. La réponse officielle fut que je pouvais payer de ma poche, avec l’argent gagné par mon travail.

Alors qu’un lot apparemment constitué de tout journaliste d’Israël ayant un vague intérêt dans le cinéma fut invité à une gigantesque projection de presse, j’étais ostensiblement persona non grata. Mon téléphone ne cessa de sonner ; au bout du fil, les journalistes désirant une interview, pour demander mon avis sur le film furent tous surpris d’apprendre que je ne l’avais pas vu. Ce manège se reproduisit à chaque sortie d’un nouvel Harry Potter au cinéma.

J’ai écrit un article à ce sujet pour mon blog, une fois. L’histoire fut relayée par un journal ou deux. Le distributeur israélien répondit à l’un des deux que je n’avais pas été créditée pour les sous-titres parce que je n’avais jamais formulé de telle demande ; une affirmation pas plus pertinente que vraie.

Les traducteurs ne furent pas les seuls créatifs dont les droits furent piétinés par le gorille Harry Potter. Le graphiste israélien qui créa la police d’écriture Harry Potter avec l’alphabet hébreu, afin de maintenir l’emblématique éclair de la couverture américaine, eu la surprise de découvrir sa création utilisée pour une campagne de pub de soda.

L’intégralité de l’histoire m’est inconnue, mais il semblerait que Warner Bros. s’est approprié les droits sur cette police et l’a vendue à des publicitaires, de la même manière qu’ils se sont appropriés les traductions. Et on ne parle même pas du boxon au sujet des droits sur les ebooks et les traductions sur le site de Pottermore. À nouveau, les détails me sont inconnus, en dehors du fait que la situation est extrêmement pénible pour les éditeurs impliqués. Le comportement observé dans tous les cas est celui d’un gorille de 360kg qui se sert, tout simplement, comme il veut.

Les droits des traducteurs sont compliqués et varient légèrement d’un pays à l’autre. Je ne suis pas en position d’affirmer que ce qu’à fait Warner Bros. à un moment ou l’autre est strictement illégal (NDT : nous non plus). Ce qui est clair, c’est que, légal ou pas, ces actes étaient [et sont toujours] crapuleux. Crapuleux envers les créatifs, bien intentionnés, travailleurs, qui firent leur travail et ne demandèrent jamais une plus grosse part du gâteau que celle qui leur aurait été attribuée avec la traduction de n’importe quel autre livre.

Lorsque j’ai traduit L’île de Nim et Nanny McPhee, j’ai reçu un ticket gratuit pour voir les films, bien que ma traduction N’AIT PAS servi de base pour les doublages et sous-titrages. Mon ami(e) qui a traduit les livres Hunger Games a été créditée dans le générique du film, en Israël, bien que sa traduction n’ait pas servi au film. D’autres traducteurs en Israël ont été payés pour l’usage de leur traduction dans les sous-titres de films. Mais pas si le film est un Harry Potter. Non, non, non. Si jamais vous voulez quoi que ce soit de la franchise Harry Potter, il faut affronter le gorille de 360kg.

Quoi qu’il en soit, les versements supplémentaires qui auraient pu, ou non, m’être dus, n’auraient pas été immenses. Ils auraient probablement été inférieurs au salaire des juristes chargés par la Warner de s’assurer qu’aucun traducteur dans le monde n’ose même rêver demander quoi que ce soit à la firme.

J’ai probablement entretenu l’idée un moment de porter l’affaire devant un tribunal mais, en toute honnêteté, qui suis-je pour affronter ce géant ? Ca n’en vaut pas le prix. Je ne peux nier l’amertume, mais j’ai ravalé ma fierté et j’ai continué à faire ce que je sais faire de mieux : traduire et publier d’excellents livres pour jeunes lecteurs.

Sauf que Warner Bros. n’en a pas fini. Le gorille piétine toujours.

La semaine dernière (NDT : ce message fut publié au printemps dernier), j’ai reçu un e-mail de l’éditeur israélien, me transmettant un message de la Warner Bros. Entertainement pour l’Europe. Dans le cadre du Studio Tour London, Warner Bros. souhaiterait diffuser une vidéo montrant des “fans loyaux” du monde entier. Ils écrivaient à l’éditeur afin d’obtenir la permission d’utiliser une image dans laquelle figure des livres Harry Potter en hébreu.

Il semblerait que montrer la couverture du livre requière une autorisation. Ce qui n’en requière aucune, apparemment, c’est de montrer le mobilier humain qui étaie ces livres : nommément, votre serviteur. L’éditeur israélien m’a demandé si cela me dérangeait qu’une photo de moi soit utilisée pour le Studio Tour.

Étant donné la manière dont j’ai été traitée par la Warner pour le crime d’avoir traduit les livres, il est évident que ça me dérange énormément. J’ai répondu qu’ils pouvaient gentiment se mettre à la recherche d’une autre image, avec une autre personne brandissant une édition internationale.

C’était sans compter sur le fait qu’un gorille de 360kg n’a que faire des moucherons qui s’oppose à ce genre de chose. J’ai reçu un message de Warner Bros. M’INFORMANT, “par simple courtoisie”, que ma photo serait utilisée, que cela me plaise ou non.

Eh bien, courtoisement vôtre, Warner Bros. Vous n’êtes rien de plus que de nuisibles et douteux tyrans ; vous devriez avoir honte. À J.K. Rowling, si vous veniez à lire ces lignes : je me demande si vous réalisez quel degré de peine et d’humiliation bouillonne dans le cœur de nombreuses personnes incroyablement créatives dont les traductions ont permis à des milliers d’enfants à travers le monde de lire vos livres.

Après une décennie de travail parallèle, un petit mot de remerciement aurait été le bienvenu ; mais nous nous contenterions de voir venir la fin des atteintes continuelles à notre dignité.

Merci encore à Gili Bar Hillel d’avoir autorisé cette traduction. Nous rappelons que l’article original se trouve sur son blog, ICI

P.S. :
Ajoutons qu'il s'agit ici d'un cas où la traduction avait été exécutée avant la sortie des films. Les traducteurs de pays ayant commencé le travail après l'implication de la Warner ont reçu des consignes précises à l'avance, tel le maintient de certains noms en langue originale. Ne parlons même pas des pays dans lesquels de multiples traducteurs travaillent sur un même tome, où le travail de traduction a du être repris à zéro, etc... Vous avez aimé cet article ? Vous pouvez dorénavant soutenir financièrement la Gazette et ses projets sur Tipeee !
Mots-clésTraductions
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