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Dossier chasse aux sorcières: tour d’horizon de son actualité

« Nous sommes en 2013 et ils brûlent les sorcières ». Voici comment le quotidien australien The Global Mail titrait son article sur la chasse aux sorcières en Papouasie Nouvelle Guinée. Ce constat peut sembler aberrant, mais il se vérifie pourtant dans de nombreuses régions du globe.
Nous entrons en 2015, et en 2014 plus d’un millier d’individus ont été tués, des milliers d’autres blessés, châtiés, exclus, au nom de la peur de la magie.


Ces dernières semaines, l’actualité moldue a été tristement marquée par la résurgence de pratiques que nous croyions enfouies dans les âges les plus obscurs de l’histoire de l’humanité :

 Le 19 octobre 2014 à Abobo, en côte d’Ivoire, la police a arrêté à temps une femme qui s’apprêtait à tuer sa filleule, enfant de 5 ans, pour le même motif de sorcellerie.

 Dans la semaine qui précédait, dans la province de Shinyanga, en Tanzanie, ce sont en tout 9 moldus qui ont trouvé la mort aux mains de leurs congénères.

 Début novembre 2014 au Paraguay, Adolfina Ocampos, femme de 45 ans accusée de sorcellerie, a été brûlée vive et transpercée de flèches. Un tel événement n’était pas survenu au dans cette région du monde au cours des quarante dernières années.

 Mi-novembre au Vanuatu, en Océanie, à la suite d’un conseil villageois, deux hommes ont été pendus, suspectés d’être sorciers.

 Le 11 décembre dernier en Arabie Saoudite, deux personnes ont été décapitées, dont l’une pour prétendue sorcellerie.

 2015 commence sur les mêmes bases: en Papouasie, quatre femmes et leurs treize enfants et petits enfants sont actuellement menacés de meurtre pour motif de sorcellerie, tandis qu’un nouveau cas d’enlèvement d’enfant albinos est à déplorer en Tanzanie. Et il ne s’agit que des cas que relaie la presse internationale.

Ces phénomènes sont loin d’être isolés ou extraordinaires. Pourquoi la chasse aux sorcières persiste-t-elle de nos jours, dans quelle proportion, et quelles en sont les victimes? Faisons un tour d’horizon des régions et pays où les agressions contre les sorcier(e)s présumé(e)s sont fréquents, constituent une pratique sociale normale, et sont parfois même banalisés par la loi. L’Afrique subsaharienne, la Papouasie Nouvelle Guinée, l’Inde, le Népal et l’Arabie Saoudite sont les principaux concernés.

En Océanie.

Pour les populations de la Papouasie-Nouvelle Guinée (une vaste île d’Océanie, au Nord-Est de l’Australie), la magie est une évidence : ils l’invoquent par exemple pour se guérir des maladies. Ils la préfèrent souvent à la médecine et à la science, et c’est également le cas dans leur rapport à la mort.

Comme l’indique le Global Mail, journal australien, la question qui suit immédiatement la perte d’un proche n’est pas tant « Pourquoi ? Comment ? » que « Qui ? » Comme si chaque événement de la vie résultait d’un rapport de force entre bénédictions et malédictions, sorts et contre-sorts, et qu’il devait toujours y avoir un responsable humain.

L’Acte sur la Sorcellerie de 1976 tient compte de ces croyances populaires, et prévoit une peine pouvant aller jusqu’à deux ans de prison à l’encontre de ceux qui pratiquent la magie noire. Bien souvent cependant la justice échappe à l’appareil étatique et est rendue par le peuple lui-même, dans un déchaînement de violence. Plusieurs centaines de personnes en font les frais chaque année, molestées ou exécutées.

En Afrique subsaharienne

La région du monde où les violences contre les sorcières et sorciers présumés sont les plus fréquentes est l’Afrique Subsaharienne. De nombreux pays sont concernés, répartis autour de deux principaux foyers : le Nord du Golfe de Guinée, à l’Ouest de l’Afrique (Gambie, Ghana, Sierra Leone), et une région des Grands Lacs étendue, qui irait à l’Ouest jusqu’au Cameroun et au Sud jusqu’aux confins septentrionaux de l’Afrique du Sud (Afrique du Sud, Cameroun, République démocratique du Congo, Kenya, Tanzanie, Zambie.)

Les populations qui habitent ces régions du monde sont très variées, et ont chacune leur propre histoire, leur propres croyances. Décrire avec précision l’état de leurs superstitions serait long à écrire et surtout à lire, et il serait difficile de ne pas tomber dans les préjugés ou les inexactitudes. Tenons-nous en donc à l’essentiel : pour la plupart des populations africaines, la magie existe. Elle existe selon le même équilibre qu’en Papouasie : la lutte d’instances maléfiques et bénéfiques, sensées incarner ou contrarier le destin.

Deux personnages traditionnels présents dans les sociétés africaines et qui incarnent cette idée de la magie sont le griot et le marabout. Les griots racontent le passé, y perçoivent les signes du présent et de l’avenir : ils tiennent trace des bénédictions, des malédictions, et cherchent le sens caché derrière les actes du quotidien ; les marabouts pour leur part écartent les mauvais esprits et protègent les villages qui les hébergent ainsi que les individus qui les paient. Tant et si bien que prospère en Afrique subsaharienne une véritable économie de la magie : potions et artefacts pour éloigner les esprits ou prévenir de l’impuissance se vendent en masse, de même que les exorcismes pratiqués par les « médecins de la sorcellerie. »

Mais bien souvent la magie se montre inefficace à contrer ou prévenir le mal (qu’il s’agisse de la mort d’un proche, de la maladie…), et les hommes se font justice eux-même, contre des victimes toutes désignées : ceux d’entre eux qui inspirent la peur, ceux qui ne sont pas « normaux. » Souvent déjà marginalisés par la société, les enfants albinos à la peau blanche, les jumeaux, les individus séropositifs, aux yeux rouges, ou à défaut toute personne ayant un comportement considéré comme suspect, sont la cible de groupe de chasseurs de sorciers.

Ce qu’il advient des malheureux capturés diffère selon les états : certains laissent le peuple se faire justice, certains reconnaissent et encadrent la sorcellerie qu’ils considèrent comme un crime passable de peines de prisons et amendes, d’autres, comme ce serait le cas en Gambie, emprisonnent les présumés sorciers dans des centres spéciaux, où les « médecins de la sorcellerie » leur font supporter toutes sortes de tortures pour tirer le mal hors de leur corps.

Il est difficile de donner une évaluation chiffrée précise, mais quelques données établies par des organismes tels que l’Unicef ou Amnesty International permettent de se rendre compte de l’ampleur du phénomène : 432 enfants présumés sorciers sont laissés pour compte et vivent dans la rue au Nord de l’Angola ; plus d’un millier de victimes auraient été emprisonnées et torturées en Gambie. Et de nombreuses nouvelles nous parviennent a compte-gouttes, faisant état de la torture de telle sorcière ou de l’exécution de telle autre.

Au Moyen-Orient

En Arabie Saoudite, la loi reconnait la sorcellerie comme un crime, et bien qu’elle ne s’attarde pas à donner de définition précise de ce type de criminalité, elle lui associe des sanctions pouvant aller jusqu’à la peine de mort. De nombreux individus y sont condamnés chaque année, sur la base de suspicions très variées (atteintes au Coran, tentatives par la magie de séparer un couple marié, divination ou encore la récurrente malédiction de l’impuissance).

Des structures de dénonciation, tels que Hai’a, le Comité pour l’Encouragement à la Vertu et la Réprobation du Vice, ainsi que des bureaux de « chasseurs de sorciers », livrent les suspects aux autorités en échange de récompenses. En 2009, 118 personnes ont été soupçonnées dans la province de La Mecque ; en 2011, 586 cas ont fait l’objet d’enquêtes. 74% des suspects sont des femmes.

En Asie

Au Népal, la chasse aux sorcières n’a en définitive que peu à voir avec les superstitions moldues et la conviction de l’existence de la magie. Il s’agit plutôt d’un des symptômes du mal plus profond de la société népalaise. La société y est de type patriarcal. C’est-à-dire que les hommes y dominent, et que les femmes n’y trouvent leur place que dans les tâches domestiques.

Les accusations de sorcelleries sont un prétexte qu’utilisent les hommes pour terrifier les femmes et les tenir en respect. Et ce système est cautionné jusqu’aux plus hautes sphères de la société : on refuse par exemple aux rares avocates femmes l’accès aux formations médico-légales qui leur permettraient de faire établir par la justice que la “sorcière“ n’en était pas une, que ses assassins ne disposaient donc d’aucun motif légitime et sont des criminels. En l’état actuel des choses, les femmes népalaises ne disposent donc d’aucun moyen de se protéger contre ses violences collectives.

Les régions du Nord de l’Inde, frontalières avec le Népal, connaissent le même genre de ségrégations : le droit des femmes n’y est aucunement reconnu, et si l’une d’entre elle se risque à refuser les avances d’un homme ou un mariage forcé, il est très probable que le prétexte de la sorcellerie soit invoqué pour justifier qu’elle subisse le courroux de ceux qu’elle aura offensés. Le Herald Sun estimait en 2010 à 200 le nombre de femmes qui sont ainsi tuées chaque année dans cette région du monde.

En Europe

Plus près de chez nous, en Roumanie, de telles croyances en la magie existent également au sein de la communauté non magique. Cependant elles sont encadrées de façon plus rigoureuse, et les problèmes de la magie – qu’il s’agisse d’un défaut ou d’un excès d’efficacité dans l’exécution- sont traités avec lucidité par l’appareil judiciaire, qui n’hésite pas à poursuivre les profiteurs et charlatans, et à les rappeler à la loi.

Bilan

Si on fait quelques calculs, avec le peu de données dont nous disposons, le nombre total de meurtres associés à la sorcellerie –qu’ils soient perpétués par conviction religieuse, en lien avec une superstition authentique ou qu’ils de la sorcellerie comme d’un prétexte- s’élève à plus d’un millier de victimes chaque année, auxquels doivent s’ajouter plusieurs autres milliers de victimes de violences qui ne leur ont pas été fatales. Et sur ces milliers de victimes, pas une ne disposait de réels pouvoirs magiques – rien de tel n’a en tout cas pas été établi. Pas une n’était en mesure de se défendre contre l’agression qu’elle a subi.

La Chasse aux Sorciers – mais surtout aux sorcières et aux enfants présumés sorciers- est toujours d’actualité. Protégés par le Code International du Secret magique depuis 1692, nous –sorciers de France et d’Angleterre, entre autres- ne retenons de la Chasse aux Sorcières que l’image que nous en donne l’Histoire. Et cette image se résume souvent à quelques exemples hauts en couleur comme l’aventure de Gwendoline la Fantasque, pour laquelle le bûcher représentait un agréable divertissement et non une menace.

On retient beaucoup moins le nom des sorciers qui ont eu le malheur d’être capturé sans leur baguette, et qui ne pouvaient donc pas se défendre contre la réaction violente que peut susciter chez les moldus la peur de la magie. Sir Nicholas de Mimsy-Porpington en fit les frais en 1492: sorcier de peu de talent, il séduisait les dames de la cour avec des tours qu’elles avaient tout lieu de juger « extraordinaire ». Un peu à la façon de la jeune fille moldue que Fred et George abordent au début des Reliques de la Mort. A ceci près que Nicholas, contrairement aux jumeaux, commit une erreur qui le fit repérer par les moldus, qui s’emparèrent de sa baguette avant qu’il ne puisse se défendre, et le condamnèrent à mort.

En somme, on conserverait presque de ces âges obscurs de l’histoire d’Europe un souvenir sympathique. Ne nous laissons pas leurrer par ces images fausses. La Chasse aux Sorcier(e)s représente aujourd’hui encore un danger pour les sorciers comme pour les moldus. Les ministres de la Magie des pays soumis au Code International du Secret Magique doivent se retrouver au cours de la semaine prochaine au cours d’une deuxième réunion pour discuter des mesures qui pourraient être prises en faveur de la protection des moldus contre eux-mêmes. Rappelons que la première réunion, qui devait avoir lieu le 22 décembre, n’avait pas pu se dérouler dans des conditions correctes, la présence de sorciers encagoulés et dangereux devant le ministère en menaçant la bonne tenue.

Quelques articles pour aller plus loin

 Article du Global mail (en anglais) sur la chasse aux sorcières en Papouasie.

 Article du Telegraph (en anglais) à propos des enlèvements massifs en Gambie en 2009.

 Un dossier très complet de l’Unicef dresse un état des lieux sur les accusations de sorcellerie dirigées contre des enfants en Afrique.

 Un communiqué de presse de Human Right Watch (en anglais) condamnant la propension de l’état saoudien à inculper pour « sorcellerie » et à distribuer la peine de mort sans réel prétexte.

 Au sujet de la situation roumaine, un article du Monde en date du 6 janvier 2012.

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