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L’échec thématique du film Les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindelwald

Cet article ne reflète pas l’opinion de l’ensemble de la rédaction

Je soulignais récemment à quel point Harry Potter & l’enfant maudit pouvait être considéré comme une réussite d’un point de vue thématique et symbolique ; si la pièce s’avère être une mauvaise suite, elle reste cohérente en terme de thématique, et les entorses au canon sont faites au profit de son message, qui s’inscrit dans la continuité de celui des sept tomes originaux.

Ma réflexion ne s’est cependant pas arrêtée là ; elle s’est portée sur une autre extension récente du Monde Magique : la saga Les Animaux fantastiques et, plus particulièrement, Les Crimes de Grindelwald, un opus en totale rupture avec les précédents volets.

Une suite qui n’en est pas une

Face aux nombreuses critiques auxquelles le film a dû faire face, un refrain est revenu régulièrement “c’est un film de transition”. En réalité, quand on y regarde de plus près, c’est un film d’introduction ; il ne fait pas la transition avec grand chose. En effet, quand on se penche sur les arcs individuels du premier film, on se rend rapidement compte que le deuxième film les « écrase » pour reprendre à zéro.

A la fin du premier filmAu début du deuxième film
Jacob semble oublier le monde magiqueJacob n’a rien oublié
La relation Newt-Tina se réchauffeNewt et Tina sont de retour à la case départ
Tina est d’ailleurs moins froide avec tout le mondeTina est un iceberg
Queenie montre qu’elle n’est pas juste émotive, elle a aussi une tête dont elle se sertQueenie agit purement sur base de ses sentiments, de manière irrationnelle
Credence découvre la trahison de Graves/GrindelwaldCredence a toute confiance en Grindelwald
Credence semble mourirCredence est en vie
Grindelwald est arrêté et mis en prisonGrindelwald est libre
Newt a enfin fini d’écrire son livreLe livre de Newt est passé sous silence
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Oui, il y a (parfois) une évolution logique d’un état à l’autre, mais l’ellipse monstrueuse du début de film nous empêche de la ressentir. Et, quand bien même, le premier film est virtuellement inutile : c’est une introduction de l’introduction, dont l’action n’est que vaguement en rapport avec le schmilblick. Avec trois phrases de contexte en plus, on pourrait commencer la saga par le deuxième film sans soucis. D’ailleurs, ce n’est pas anodin, les deux films commencent de manière identique – Grindelwald, encerclé par des aurors, qui leur en met plein la vue et s’échappe !

Si le but était de nous raconter cette histoire, il fallait commencer directement à Paris, au diable les événements de New-York ! Suis-je en train de dire que j’aurais souhaité ne pas voir le premier film ? Non, bien au contraire ; c’était un bon film, qui promettait une histoire potentiellement intéressante (Différente de la saga Harry Potter, mais respectant son univers et sa morale)… le problème vient bien du deuxième film, qui se contente d’appuyer sur « reset » pour tout réintroduire.

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Car, lorsqu’on dresse le bilan de ce nouvel opus, on n’a pas vraiment avancé non plus. Qu’ont changé les événements de Paris ? Queenie a rejoint Grindelwald, de même que Credence, qui pense être quelqu’un qu’il ne peut pas être après avoir cru qu’il était quelqu’un qu’il n’est pas, et on nous a présenté une flopée de nouveaux personnages que nous pourrons apprendre à connaître… plus tard !

Oui, c’est une saga en 5 films… Justement ! On en est donc à quasiment la moitié et on a seulement vu l’introduction, parce qu’il a fallu s’y prendre à deux fois ! On pensait que nous aurions droit à 5 films parce que l’histoire nécessitait cinq films pour être racontée mais, en fait, comme pour Le Hobbit, ces épisodes ne sont nécessaires que pour se perdre en sous-intrigues inutiles et artificielles (et nous soutirer plus de sous au passage) ! Et ce n’est pas fini, puisque le troisième film introduira encore de nouveaux personnages, tels que Eulalie Hicks ou la “tante” de Credence, qui a sa charge dans le bateau lors du naufrage.

Une remise à zéro thématique

Vous vous demandez sans doute ce que tout ceci a à voir avec le titre de l’article ? Eh bien c’est simple : si Les Crimes de Grindelwald échoue à être la suite de Les Animaux fantastiques, il ne parvient pas non plus à s’intégrer dans la continuité de la saga Harry Potter thématiquement parlant.

Sans même parler des entorses au canon, le film remet en questions des leçons fondamentales du Monde Magique. “Ce qui compte, ce n’est pas la naissance, mais ce que l’on devient !”, explique Dumbledore à Fudge, un thème que même Harry Potter et l’enfant maudit est parvenu à respecter mais dont Les Crimes de Grindelwald veut nous éloigner. De même, l’importance des choix est fortement minimisée par le “retconning” intempestif du dernier film.

Ainsi, de nombreux élément de l’univers magique qui paraissaient être la conséquence de choix et d’actions s’avèrent être dictés par une puissante force magique externe :

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Par Albus119
  •  Alors que la saga Harry Potter et les livres de la bibliothèque de Poudlard laissaient penser que le lien unissant Dumbledore et Fumseck était unique, lié à une amitié profondeLes Crimes de Grindelwald nous apprend qu’une sorte de prophétie lie la famille Dumbledore au phénix.
  • Le pacte de sang remet en question l’intégralité de la relation entre Dumbledore et Grindelwald. En effet, le chapitre King’s Cross dans Les Reliques de la Mort, lors duquel Dumbledore se livre en toute sincérité à Harry, nous apprend ceci : “On disait qu’il me craignait, mais moins sans doute que je le craignais moi-même […] C’était la vérité que je craignais. J’ignore, vois-tu, lequel d’entre nous, dans ce dernier, cet horrible combat, avait véritablement jeté le maléfice qui a tué ma sœur. Tu peux me traiter de lâche et tu aurais raison. Harry, je craignais plus que tout tout d’apprendre que c’était moi qui avait été la cause de sa mort, non seulement par mon arrogance et ma stupidité, mais parce que j’aurais porté le coup qui avait mis fin à sa vie” Alors que Dumbledore n’affrontait pas Grindelwald par choix, et inversement, ils sont maintenant protégés l’un de l’autre par un pacte de sang ! Bah oui, pourquoi se pencher sur les sentiments et motivations profondes d’un personnage quand on peut justifier leur inaction par un artifice magique ? Un film a besoin d’action, pas de psychologie !
    J’entends déjà venir le “mais il va s’en débarrasser et après se seront effectivement ses sentiments qui le retiendront” ; auquel cas, ce serait un nouvel élément inutile et artificiel qui serait “effacé” par la suite.
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  • Au cœur de l’intrigue de cette saga figure littéralement la quête d’identité de Credence : est-il né Lestrange ? Dumbledore ? Black ? Dans Harry Potter, de nombreux fans s’imaginaient que Harry devrait affronter Voldemort, l’héritier de Serpentard, parce qu’il était lui-même l’héritier de Gryffondor… mais non, la famille n’avait pas de rôle à jouer en terme de destinée ; surtout, la famille de sang avait bien moins d’importance que la famille de cœur.
    Même si la situation peut encore venir à évoluer, Les Crimes de Grindelwald insiste bien plus lourdement sur les liens du sang, pas seulement via le pacte entre Dumbledore et Grindelwald, mais aussi en nous présentant de nombreux personnages liés par la fraternité (Newt-Theseus ; Tina-Queenie ; Leta-Yusuf).
  • Le retour des prophéties en masse ne transmet pas non plus de message particulièrement en ligne avec la saga. Non seulement c’est un trope usé et inutile, mais en plus, elles se multiplient.
    On savait depuis le premier épisode que Grindelwald était devin ; le voilà qui prédit la Seconde Guerre mondiale, à laquelle on sait que le monde ne pourra pas échapper (Sauf si Rowling décide de se lancer dans le révisionnisme). Il y a la légende quasi prophétique qui lie la famille Dumbledore au phénix, abordée plus haut…
    À cela s’ajoutent Les prédictions de Tycho Dodonus, qui semblent être de notoriété publique, au point qu’aucun protagoniste n’ignore leur existence ou leur nature. Surtout, l’une d’elle dicte ou informe le comportement et les actes de plusieurs personnage, là où seuls les méchants (Voldemort, Delphi) se laissaient guider par ce type de prédiction jusqu’à présent.
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  • On découvre un personnage qui est condamné à devenir un serpent à cause d’une malédiction qui est même désignée sous le terme de Blood Curse en VO. Comme si le sang, l’héritage, les lignées, n’avaient pas encore suffisamment d’importance.
  • Il est sous-entendu que Dumbledore cesse d’enseigner la Défense contre les forces du mal parce que cela lui est “magiquement (?)” interdit par le Département de la justice magique, pas par choix.

L’intrigue est donc guidée par l’identité des personnages, leur famille, les liens du sang – une force supérieure qu’elle soit magique ou génétique – plus que par leur volonté, leurs faiblesses, leur psychologie… leurs choix. Et ceci a, en plus, un impact sur les motivations ou l’aura des personnages dans les sept tomes d’Harry Potter.

Un cliffhanger sans fondements

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La révélation finale du film n’a laissé personne indifférent, au point que certains se sont empressés de la dénoncer comme une incohérence, tandis que d’autres l’ont comparée à n’importe quel cliffhanger. Si la rédaction de la Gazette réserve son jugement quant à la cohérence ou non de ce coup de théâtre, sa nature ne fait cependant pas de doute : ce n’est pasdu Rowling tout craché”.

Si ce “twist” a suscité tant de réactions, c’est parce qu’il sort littéralement de nulle part, contrairement aux révélations finales habituelles de J.K. Rowling. Dans Harry Potter, Rowling nous prenait au dépourvu avec d’énormes surprises, qui laissaient le fandom en émoi pendant des semaines, voire des mois : Tom Jedusor est Voldemort ! Sirius est mort et il y a une prophétie au sujet de Harry et Voldemort ! Voldemort survit grâce aux Horcruxes et Dumbledore est mort, tué par Rogue ! Harry est un Horcruxe !

Cependant, une fois le choc passé, les nombreuses relectures nous permettaient de découvrir le faisceau d’indices menant à la révélation. Elle apportait un éclairage neuf sur les différents éléments et ressemblait plus à une réponse qu’à une question ; une réponse inattendue, au minimum un nouvel indice, mais une réponse malgré tout.

Au contraire, la révélation de Crimes of Grindelwald est un énorme point d’interrogation. Le format des films ne permet pas de semer des indices de manière aussi discrète et régulière que dans les livres ; conséquence, ce cliffhanger paraît parachuté. Au mieux, on peut constater que le phénix est bien présent sous la forme de moineau tout au long du film aux côtés de Credence, mais il ne s’agit pas d’un indice puisqu’il n’est pas identifiable comme tel et qu’on ne sait jamais comment il l’acquière.

De cet état interrogatif découle de la frustration, car le fandom ne peut même pas se tourner vers son mécanisme d’attente privilégié : théoriser. Les indices sont trop peu nombreux pour ça ; la moindre théorie repose sur des hypothèses et interprétations pratiquement infondées ; et le peu d’attention accordé au canon dans le film rend les théories compliquées.

Pour la seule information « date de naissance de Credence », trois versions « officielles » existent ! Le changement d’apparence de Grindelwald est justifié par du polynectar par certains, par un métamorphose avancée par d’autres ! Et puis, JK Rowling “fait ce qu’elle veut”, alors à quoi bon chercher à réfléchir ?

La seule position incontestable semble être le wait and see prôné par de nombreux fans, souvent avec espoir de voir une réponse satisfaisante apporté à ce mystère … mais qu’elle est triste ! Elle est à l’image de ce que semble devenir le fandom : un oisillon qui attend la becquée de maman Rowling, incapable de se nourrir seul comme il le faisait à l’époque. Un phénix après sa combustion, quelle ironie.

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Une nouvelle fois, le film rompt avec la “tradition” de l’univers Harry Potter, qui voulait que la révélation finale ne repose pas uniquement sur le choc, mais aussi sur la satisfaction de voir une énigme se résoudre de façon potentiellement surprenante et inattendue. Il n’encourage pas le travail de détective, ne récompense pas ceux qui ont capté l’importance de chaque détail ; Rowling, qui invitait ses lecteurs à activement interagir avec son univers, leur signale aujourd’hui qu’il est temps de s’assoir patiemment, et d’attendre dans le brouillard qu’elle vienne nous chercher.

Conclusion

Non seulement les entorses au canon du Monde magique font du film Les Crimes de Grindelwald une préquelle problématique de la saga Harry Potter, mais son désintérêt pour le premier volet de la saga Les Animaux fantastiques en fait une mauvaise suite. [[Faut-il rappeler que J.K. Rowling a, par exemple, affirmé que Newt ne pouvait pas récupérer ses créatures d’un simple Accio niffleur… avant de lui faire lancer un Accio niffleur parfaitement efficace dans le deuxième film ?]] Pis encore, il met cette nouvelle saga sur la piste d’une dissonance thématique avec le reste du Monde Magique.

C’est loin d’être le seul problème du film, qui n’a pas besoin d’être comparé aux autres histoires de l’univers qu’il est censé compléter pour dévoiler de nombreuses failles, mais c’est un échec de plus pour un volet, qui peine à trouver sa place dans un écosystème narratif plus large.

Cet épisode, en totale rupture avec l’ensemble de la “littérature” préexistante, ne peut bénéficier de l’excuse d’être “un chapitre sur cinq”, dès lors qu’il décide de faire bande à part.

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Pantalaemon

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